Les Nouvelles Peprovites | 21/05/2013
Dans les ruines de sa capitale, le Prodnov fête la libération au prix fort
Alors qu'on ignore encore combien de victimes la prise de Staïglad aura faite, le gouvernement Malyshev et son état-major souhaitent visiblement tourner la page sans tarder. Le défilé militaire annoncé aura bien lieu ce mardi sur le boulevard Monojorok... l'une des seules avenues de Staïglad montrable à la télévision.
Pris rapidement, la rue a pour elle d’avoir été globalement épargnée par le pilonnage des derniers jours avant la chute de Staïglad. Euphémisme. Elle est l’une des dernière encore présentable sur une chaîne de télévision dont les images doivent être diffusées à l’international pour médiatiser la victoire du Prodnov social. Les chars ont donc paradés dans une rue immaculée – circulez communauté internationale, il n’y a rien à voir à Staïglad. Cette manœuvre médiatique en révélera finalement plus par ce qu’elle tais que par ce qu’elle dit : le gouvernement Malyshev souhaite tourner la page de Staïglad. La capitale (ex-capitale peut-on supposer) du Prodnov ne redeviendra pas habitable avant longtemps, contrairement aux promesses faites à ses exilés de retrouver bientôt leurs foyers. Un travail de déminage doit être engagé dans les quartiers transformés en citadelles et presque les deux tiers de l’agglomération ont été réduits en gravats, pilonnés par les chasseurs-bombardiers de l’armée rouge.
Le Prodnov social a gagné, oui, mais il espère manifestement nous faire oublier le prix de sa victoire. Si le régime a annoncé un grand appel d’offres aux reporters et cinéastes du pays pour documenter le siège et « les crimes de l’ONC », la communication du gouvernement semble depuis quelques jours beaucoup plus intéressée par le futur projet de constitution et les grands travaux d’aménagement du Prodnov réunifié que par le sort de Staïglad et de ses habitants. Pas un mot non plus sur les victimes « ceux qui voulaient être sauvés l’ont été, il n’y avait que des traîtres à Staïglad. Et maintenant les traîtres sont morts » dira Lavr Krayevsky, ministre des armées et Maréchal du Prodnov. Le message est clair, l’angle de lecture de l’événement aussi. Ce qui a été détruit l’a été par la faute de l’ONC, ceux qui sont morts sont soit des victimes de sa barbarie, soit des ennemis du peuple. Si un tel message est susceptible d’être accepté par une partie de la population, avide de paix et de tourner la page, qu’en est-il des centaines de milliers de réfugiés de Staïglad désormais sans foyers et parfois sans familles ? Sont-ils également des traîtres ? ou des proches de traîtres ? L’inquiétude est palpable dans les camps, encore fermés à cette heure, mais qu’Alexei Malyshev a promis de rouvrir dans les prochaines semaines. Si beaucoup de réfugiés expriment leur soulagement d’enfin pouvoir quitter la zone des conflits d’autres craignent pour l’avenir, autant la répression politique du régime que l’ostracisation du reste des Prodnoviens.
Outre Staïglad, l’autre absent de la photographie finale est sans doute l’armée révolutionnaire des Stations libres, les forces communistes pharoises que le gouvernement Malyshev et l’état-major du Prodnov ont tenté de mettre sous le tapis depuis la reprise des combats. L’ARSL a pourtant été un élément déterminant dans les premiers jours d’affrontements entre l’ONC et le Prodnov social, apportant à l’armée rouge vieillissante les éléments de logistique et la puissance de feu suffisante pour couper les lignes de ravitaillement ennemies et empêcher l’arrivée de nouvelles forces militaires en renfort depuis l’arrière-pays. Nulle trace des communistes Pharois cependant, la victoire devait être nationale, l’état-major du Prodnov, tout le GMDO, les principaux ministres du gouvernement sans oublier Alexei Malyshev lui-même, qui a tenu à serrer la main en personne aux officiers et aux soldats défilant, nommé Maréchal du Prodnov par le GMDO à titre honorifique, une cérémonie prodnovienne, sans Pharois à l’horizon.
Leur sort reste inconnu à ce stade. Ces moins guerriers de la révolution auront su ne pas tirer la couverture à eux, ils ne semblent pas spécialement chercher la gloire. Pourtant, leur éventuel départ du Prodnov serait incontestablement un bouleversement dans l’équilibre des rapports de forces régionaux. Jusqu’ici, la tradition militariste et l’influence de l’armée rouge sur les affaires politiques avait été contrainte par la présence de la flotte noire et des forces de l’ARSL. Celles-ci sur le départ, le gouvernement civil se retrouve avec pour seul interlocuteur le GMDO qui pourrait être tenté de prendre davantage de place dans la vie politique du pays. Pour l’heure, Alexei Malyshev savoure sa victoire après quatre ans de guerre et dix de guerre civile, mais si les défis qui attendent le Prodnov dans les prochains mois seront d’une autre nature que son invasion par des forces étrangères, ils n’en seront pour autant peut-être pas moins périlleux.