-... Et je laisse maintenant la parole à madame Sandra Larivière sur son article au sujet du rapport que les communateranos entretiennent avec les animaux.
-Merci. Pour expliciter la chose, il faut d'abord introduire ledit rapport aux animaux. En Communaterra, les animaux sont considérés comme strictement égaux aux être humains et bénéficient de fait des mêmes droits. La simple distinction entre animaux et être-humains serait considéré comme du spécisme, une hiérarchisation entre les espèces, au même titre que le racisme. C'est dans ce sens que la consommation de viande y est prohibée à l'instar du cannibalisme, considérant cela comme une nuisance à l'intégrité des individus que sont les animaux. Les choses sont tant poussées à l'extrême que l'on en vient à parler de zoophagie.
-Mais qu'en est il des animaux carnivores ? Doit on obliger les scolopendres à ne plus manger les cafards ?
-J'y viens. Les mouvements végan du genre, tel qu'il en existe dans une moindre mesure en Sylva aussi, considèrent qu'il est immoral de consommer de la viande quand on peut s'en passer. Votre remarque sur les scolopendres est d'ailleurs très intéressante, puisqu'elles aussi peuvent s'en passer. Se sont des prédatrices voraces mais pas essentiellement carnivores, elles pourraient se nourrir essentiellement de sucre, huile et fruit. Et c'est là qu'on arrive à un point très intéressant : s'il n'y a pas de hiérarchisation entre espèces et que toutes doivent bénéficier des mêmes droits, doit-on appliquer ces réglementations à toutes les espèces ?
Après tout, un chat qui tue pour manger, le fait pour répondre à un ordre naturel des choses, de façon complètement impérative puisqu'il n'a aucune alternative à la viande dans son milieu. Mais si un chat tue, disons, un oiseau pour le jeu et ne le mange pas... est ce un meurtre ? Doit on condamner ce chat ? Refuser la hiérarchisation des espèces passent aussi par une application des mêmes règles. Un chat tuant gratuitement doit alors être considéré comme un meurtrier, et le considérer comme irresponsable de ses actes est un acte paternaliste et réducteur selon la pensée antispéciste.
-Les animaux... heu... le terme est-il seulement correcte ?
-Animal restera toujours un terme correct d'un point de vue scientifique, les Hommes en étant.
-Bien, donc, tous les animaux devraient être pliés aux mêmes règles ?
-Hé bien ce serait nécessaire à la cohérence de l'antispécisme, et amène à une autre question : tous les animaux d'un pays en sont-ils des citoyens ? Sont-ils supposés connaître et respecter la loi ? Si un scolopendre se glisse dans mon lit et me mord, est-il en tort ? Puis-je le poursuivre pour intrusion dans mon domicile et agression physique ?
D'ailleurs, un animal vivant en Communaterra... peut-il en refuser la citoyenneté, et donc les lois ? Si oui, il ne faudrait pas appliquer de différence avec un humain sous peine de faire le jeu du spécisme. Dans ce cas, qu'est ce qui empêche un humain de faire de même et refuser de se plier à l'interdiction de consommer de la viande ? Si lui sera chassé du pays, les animaux n'acceptant pas la citoyenneté et les lois de Communaterra devront subir le même sort... Doit on s'attendre à un flux de scolopendre et chats réfugiés de Communaterra, coupable de spécisme et zoophagie ou meurtre ?
-Mais les animaux... heu... autres que les humains, sont ils forcément citoyens de Communaterra ? Ne peut-il pas y avoir comme une "entente", une cohabitation où s'entremêlent les nations de Communaterra à celles des autres animaux ?
-Ce serait tout aussi ridicule et empreint d'une multitude de limites et d'incohérences. Cela reviendrait donc bien à entretenir une hiérarchie, une différenciation, et ce parce qu'il ne peut être fait autrement. Si le racisme est intolérable, c'est bien parce que rien ne le justifie : nous sommes une même espèce, nous cohabitons, nous comprenons, bref, rien ne nous empêche de vivre ensemble. Mais les animaux, et bien dans le sens des animaux autres que les humains, il y a bien une distinction qu'il ne sert de nier. Là où le véganisme peut se défendre à l'échelle individuelle, l'antispécisme ne peut pas à cause de sa multitude d'incohérences.
-Mais l'antispécisme ne concerne t'il pas avant tout le cas de l'exploitation des animaux, que ce soit pour la viande, lait, oeufs ou force de travail ?
-Les incohérences persisteraient. Les fourmis élèvent des pucerons pour exploiter le suc qu'ils sécrètent, il y a même des cas de fourmis esclavagistes, d'autres de fourmis exploitant des vers à soie. Les animaux aussi exploitent les animaux, et ne reconnaitre aucune hiérarchisation revient à reconnaître comme immoraux et intolérables ces agissements.
-Pour en revenir au véganisme, les humains ne sont-ils pas eux aussi omnivores, n'avons nous pas besoin de viandes ?
-Vous abordez un point de tension" dit Sandra en levant les bras avec véhémence "car il y a bien des écrits scientifiques selon lesquels l'Homme pourrait non seulement se passer d'aliments d'origine animale, mais en plus se porterait mieux sans. Au-delà du crédit que l'on peut accorder à ces études, manquant sévèrement de revues par les pairs et dont les auteurs eux même font preuve de beaucoup de retenue, on retient surtout que cela nécessite un régime très stricte pour compenser notamment certaines vitamines.
Là encore, il faudrait faire les animaux suivre un régime alimentaire très stricte si on suit les principes de l'antispécisme. Pourquoi ne pouvons-nous pas d'un côté tolérer qu'un être humain ne puisse manger de la viande sous prétexte qu'il puisse s'en passer, mais devrions de l'autre l'accepter quand c'est un animal qui le fait s'il nous est égal ?
J'insiste, mais on ne peut pas d'un côté revendiquer que l'espèce d'un animal ne justifie pas de le traiter d'une certaine façon, et de l'autre tolérer qu'un fourmilier s'autorise à manger des fourmis sont prétexte que ce sont son dîner. C'est une incohérence fondamentale du spécisme qui le fait par essence irrecevable, contrairement au végétarisme, et véganisme qui peut se défendre au moins dans une certaine mesure. Autrement ce serait faire une distinction, que l'antispécisme reproche justement.
-Merci Madame Sandra pour votre intervention. Agriculture maintenant, on relève une production record de canne à sucre mais avec un faible taux de...
Le Chloé BS1, imposant avion dédié aux frappes stratégiques à longue distance, est un engin capable de voler à mach 2 jusqu'à 20 km d'altitude tout en emportant une importante charge utile. Il correspond donc naturellement aux besoins de l'expérimentation, permettant le lancement d'une fusée test directement depuis la stratosphère.
L'engin lancé est un petit satellite éphémère d'observation, prévu pour retomber dans l'atmosphère dans les semaines suivant sa mise en orbite. Il emporte avant tout une multitude d'instruments relatifs à l'expérience, avec des capteurs et dispositifs de diagnostic pour évaluer son intégrité et le bon déroulement de la mission, qui s'est apparemment très bien passée à en croire les résultats transmis. Il était intégré dans une version modifiée de missile de croisière sol-air avec deux étages supplémentaires. Le classique statoréacteur original du missile, efficace à de telles altitudes, a notamment été remplacé par un moteur fusée à hydrogène liquide efficient dans ces conditions, tandis que les étages supplémentaires servent à fournir la vitesse requise pour se mettre en orbite.
L'expérimentation s'est déroulée comme suit :
-Le 14/03/2012 à 19h27, le Chloé BS1 a décollé. Il a alors rapidement pris la direction de l'est vers l'océan, gagnant en altitude et vitesse.
-20h12, le BS1 atteint les 7 km d'altitude et adopte un plan plus horizontal pour progressivement prendre en vitesse en faisant tourner à plein régime.
-20h49, il atteint Mach 2 à 12 kilomètre d'altitude et déploie sa charge utile.
-Les deux premiers étages s'allument consécutivement, pendant respectivement 62 et 67 secondes pour permettre à la fusée d'adopter une trajectoire suborbitale, c'est à dire atteignant l'espace mais à une vitesse insuffisante pour rester en orbite.
-Une fois dans l'espace, à 112 km d'altitude, le dernier étage s'allume pendant 58 secondes, permettant de circulariser l'orbite et définitivement déployer le satellite, qui procédera alors à diverses observations durant les semaines qui suivent.
-Il est prévu dans approximativement deux semaines que l'objet retombe dans l'atmosphère et s'y désintègre.
Les retours sont toutefois mitigés et le SAS a dû faire un communiqué pour notamment modérer l'enthousiasme de certains points. Le premier est que le gain de charge utile a été somme toute assez maigre en comparaison d'une fusée classique. Si à ces ordres de grandeurs, toutes les économies sont bonnes à prendre, cette expérience de lanceur stratosphérique est pour autant loin de déclasser les fusées classiques. Il est de toute façon envisageable d'envoyer d'importantes charges utiles en orbite avec un tel dispositif.
Par contre le SAS s'est vanté sur un détail, à savoir la capacité du Duché à lancer des satellites sans une coûteuse plateforme de lancement, avec tout le dispositif classique de fusées. C'est une façon d'assurer la souveraineté dans le domaine avec la capacité d'envoyer en toute autonomie des charges utiles moindres. Toutefois ce réel intérêt est questionné dans le cadre où il était prévu d'étroitement coopérer avec Teyla et le Miridian. Quel est dès lors l'intérêt de revendiquer des intérêts souverainistes ? Lucette Dumorne a notamment condamné la volonté d'user de cette avancée pour déployer secrètement des satellites espions, seule raison pour laquelle des moyens auraient été investis dans ce dispositif. Ce fut un véritable sujet géopolitique et géostratégique dans la Haute-Assemblée, où la Duchesse Alexandra Boisderose s'est défendu des contestations, rétorquant notamment que ces avancées ne serviraient d'une part pas seulement au militaire, et que ledit sujet militaire et plus précisément le renseignement militaire que servirait ces satellites, n'a en soit rien de condamnable et s'intègre dans le légitime établissement d'un dispositif de surveillance veillant à la protection de Sylva, de ses habitants, et de ses intérêts.
Elle a également certifié que les engins militaires envoyés se limiteraient aux satellites espions avec des instruments de mesure, et en aucun cas à des armes à destination de l'orbite ou de la surface.
Les réactions des différents partis furent naturellement mitigées, avec en première ligne les mouvements collectivistes dans leur habituelle posture contestataire opposée à toutes formes de militarisation de l'espace même dans le cadre restreint du renseignement. Ils ont notamment dénoncé une rhétorique visant à minimiser l'ampleur et les conséquences de la chose, ainsi que les prétextes de légitimités. Ils ont notamment milité pour que l'envoie de satellites espions soient fermement réglementés et nécessitent au cas par cas l'approbation de la Haute-Assemblée.
Les partis libéraux ont quant à eux détourné le sujet vers la question économique, notamment sur l'impact industriel et les potentiels contrats et partenariats obtenables aussi bien en interne qu'à l'étranger. Ils ont notamment insisté sur la mise en place de dispositifs visant à contrecarrer le monopole de l'Etat dans le domaine, et par là ils entendaient surtout une législature adaptée à la libéralisation du marché orbital.
Enfin les partis monarchistes et notamment les branches nationalistes ont apporté leur complet soutien aux avancées et au discours vis-à-vis de la souveraineté, ou de la pertinence de prévoir les conflits de demain et la nécessité de s'armer. Nathalie Sablier a notamment fait appel au pragmatisme, rappelant que les sujets de mésententes ralentissant l'avancé des programmes peuvent être nombreux. Le Duché de Sylva ne peut se permettre de retarder son programme de renseignement à cause de questions sur le nom du lanceur ou les ergols à utiliser.
Elle a de plus ajouté que quelles que soient les méthodes pacifiques que puissent adopter Sylva, rien n'obligerait, par exemple la Listonie ou Communaterra, à faire de même et déployer des essaims de satellites espions. Il n'y aurait donc rien d'anormal à ce que Sylva se maintienne au niveau, non pas dans l'idée de se lancer dans une guerre, mais de dissuader les éventuels rivaux d'en initier.
De là est parti un débat sur un usage judicieux de la diplomatie plutôt que de l'intimidation, qui appelle à l'intimidation et à une course effrénée à l'armement.
Les avis de la population furent par contre recentré sur un autre point, bien que chacun avait une opinion généralement cohérente à son parti, à savoir la fierté et l'espoir d'une telle réussite technique. Loin des questions géopolitiques, des satellites lancés depuis des fusées étaient un sujet qui ne manqua pas de captiver les sylvois et marquer leur esprit.