La tête de pont
(RP important !!!)
La récolte à la coquille sur les plages d’Umbra est une ancienne activité, très ancienne. Autrefois, les familles de pêcheurs y envoyaient les enfants et les vieillards s’acquitter de ce travail pendant qu’eux, retournaient en mer. Aujourd’hui, il n’y a guère plus que les touristes et quelques locaux qui s’adonnent encore à ce labeur. La petite Iulia, du haut de ses 13 ans, aller s’y promener parfois tout l’après-midi avant de revenir dans la soirée les bras chargés de coques. Les plages d’Umbra étaient riches, elles l’avaient toujours été. Et elles sont moins touristiques que celles de la plaine de Velsna. Cet endroit n’est pas encore devenu un attrape touriste quelconque.
Iulia creusait dans le sable lorsqu’elle en voyait une dépasser légèrement. Mince, encore un vide. Dommage, c’était une bernacle. Peut-être ce pousse pied a encore un locataire ? Toujours pas. La récolte est pauvre aujourd’hui. Qui plus est, le temps de l’autonome est mauvais, le vent souffle, il faudra bientôt rentrer. Ce matin, le soleil peine à se lever et la mer enfle. Le brouillard s’est installé, et lorsque Iulia essaie d’apercevoir un horizon à l’océan, il n’y a au-dessus de lui qu’une mer de lait épais.
Mais chose curieuse qui retient Iulia, les nuages sont bien bas aujourd’hui, et ils ont une forme étrange. Dans la brume, il y a des semblants de formes, sans doute des navires de pêche à l’horizon. Mais ceux-ci ont des silhouettes plus grandes et plus larges qu’à l’accoutumé. Et elles grossissent à vue d’œil. Puis ses appels de phare puissants qui percent la brume à intervalle régulier, beaucoup de lumière, comme si le soleil était à plusieurs endroits en même temps. Iulia s’éloigne au pas de course du rivage. Elle trébuche en arrière : elle a marché sur une coque. Des monstres sortent de la brume : de grands chalands font irruption du brouillard et viennent s’écraser contre la berge. Leurs portes s’abattent sur le sable et leur gueule laisse se déverser des centaines de personnes sur la plage. Iulia les observe, comme une vague que l’on peut arrêter. Il n’y a qu’elle pour les accueillir. Certains d’entre eux se mettent à genoux et embrassent le sable, d’autres en prennent pour le mettre dans des bocaux, comme pour garder un souvenir.
Ils l’ignorent comme si elle n’existait pas. Ils se dirigent vers le même point qu’elle : la cité d’Umbra, à quelques kilomètres de là.
Dans la cité, les sénateurs et les magistrats se disputèrent toute la nuit dans la plus grande tradition politique que le pays connaisse : la polémique. Umbra a donné des troupes au triumvir Vittorio Vinola. Aussi, lorsque la flotte de Matteo DiGrassi se présente devant les cales sèches et les chantiers navals d’Umbra, on tergiverse. Ce dernier a les moyens de raser la ville, mais des sénateurs vinolistes n’ont cesse de rappeler leur fidélité et le fait qu’il ne faut pas laisser passer des individus qui peut-être, finiront par se battre contre les citoyens d’Umbra ayant rejoint l’armée vinoliste. Le dilemme prit à la gorge les magistrats…jusqu’à ce qu’une réponse vienne éclipser toutes leurs questions : un message venu des Monts Zagros. Une demande, un ordre de la part de Vittorio Vinola lui-même : « laissez-les passer. ». Il y eu bien entendu un moment d’étonnement, voire de stupéfaction, mais cela changeait tout. La polémique fut dès lors devenue inutile et les vinolistes acceptèrent finalement ce retournement soudain dont ils n’étaient eux même pas au courant.
On accueillit donc le triumvir DiGrassi avec les grands égards de son rang, et les magistrats lui offrirent symboliquement une ovation au Sénat d’Umbra. La ville qui vivait depuis plusieurs mois dans la peur d’une attaque de Scaela, voire de puissances étrangères se retrouvait submergée de troupes venue des quatre coins du monde. Les strombolains de DiGrassi étaient des soldats rudes et rustres pour les gens de la métropole, les enfants avaient peur d’eux, et les habitants avaient tendance à rentrer chez eux lorsqu’ils les voyaient arriver dans un coin de rue. On se méfiait de cet amiral dont on connaissait le nom de réputation pour ses faits d’armes d’Achosie du nord, pour le meilleur et pour le pire. Les habitants d’Umbra étaient exubérants et excessifs, lui était froid et composé. Le courant ne passait entre les soldats et les habitants que par la gravité des circonstances. Il y avait dans les rues d’Umbra des étrangers venant d’autres cités velsniennes dont l’accent était trop différent pour être qualifiés par ces derniers de compatriotes. La jeune Iulia était de ces umbriens trouvant les strombolains aussi étranges que terrifiants. Ils parlaient avec cet accent qui sonnait comme s’ils avaient de la paille dans le nez. Mais qu’importe, Umbra était prise sans combat et sans la moindre perte militaire et civile, en grande partie le fruit de tractations secrètes entre DiGrassi et Vinola. Umbra était un trou béant dans la défense scaelienne, et DiGrassi venait de s’y engouffrer. Le loup était désormais dans la bergerie.
A Velsna, la stupeur, elle, laissa place à la panique, la colère, puis la détermination. Andrea Tomassino, chef des armées scaeliennes en avait conscience : Umbra était tombée et Saliera allait probablement suivre. La prise de Saliera, paraissait en effet inévitable au moment où DiGrassi était sur le point de couper le pays en deux, et le symbolisme était puissant. Umbra était la deuxième plus grande cité de la République et certainement l’une des plus riches, tandis que Saliera était le plus grand centre industriel du pays. Si pour l’instant il n’y avait que 2 000 envahisseurs, Tomassino ne doutait pas que leur nombre allait grossir de plus en plus et qu’il n’avait pas la capacité de les arrêter en mer. Il fallait donc se précipiter sur une nouvelle ligne de défense, une ligne infranchissable. Pourquoi pas l’Arna ? Le fleuve barre le pays d’est en ouest, et son débit est bien trop important pour permettre un passage sûr en
dehors des ponts routiers et ferroviaires qui le traversent. Ses troupes allaient avoir le temps de se préparer, d’encaisser le choc, puis de contre-attaquer. Il ne fallait pas non plus ignorer Vinola a l’affut de la moindre faiblesse. Fixer DiGrassi sur l’Arna, l’épuiser avant de l’abattre, il n’y avait guère d’autre solution. 7 000 des 9 000 hommes de l’armée de Scaela descendaient donc en toute hâte vers le sud tandis que les chevaliers landrins gardaient leurs arrières. Arriver à Hippo Reggia en premier, tenir cette ville stratégique, tel est l’objectif le plus important du moment. Les jours qui allaient suivre verraient probablement l’inévitable contact entre les deux armées se produire.
Qu’en était-il de Vinola au même moment ? Cette troisième roue du carrosse avait probablement la clé de la reddition pacifique d’Umbra ? A quoi jouait-il donc ? Et que préparait-il dans ses montagnes ? Vinola était devenu le poil à gratter de Scaela, l’empêcheur de tourner en rond, le joker du paquet de cartes. Les rapports faisaient état de mouvements de troupes peu clairs et incertains. Vinola continue de temporiser comme il le fait depuis plusieurs mois dans sa forteresse de glace, toujours aidé d’un mystérieux conseiller militaire sylvois.
Effets :
- DiGrassi vient d'établir sa tête de pont à Umbra sans la moindre perte (absence de plan de la part des scaeliens) et son avant-garde commence à progresser vers Saliera et l'Arna.
- DiGrassi et Vinola semblent avoir eu des contacts récemment.
- Scaela établit sa future ligne de défense le long de l'Arna
- La reddition prochaine de Saliera et la sécurisation de la frontière teylaise est très probable