15/08/2016
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Activités étrangères dans l'Empire Listonien - Page 27

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Alors que le jour n’est pas encore levé sur Listonia et que la vie s’active à peine, les premiers travailleurs des administrations publiques commencent à arriver sur leurs lieux de travail. Devant la mairie de Listonia, deux balayeurs municipaux sont affairés à nettoyer les plus importantes places de la capitale et aperçoivent soudainement un petit colis sous un banc vermoulu. Un peu simplet, Tiago le plus jeune des deux balayeurs ramasse naïvement le paquet en carton sur lequel est inscrit “the little one is nervous”, il enlève alors la ficelle qui l’entoure et découvre alors un peu de lavande séché, un petit papier indique : Lavandula angustifolia ; Effet : Calme le système nerveux, réduit l’anxiété et favorise le sommeil ; Utilisation : Huile essentielle, infusion ou sachets pour oreiller.

Au même moment, derrière le ministère des affaires étrangères, Vaniria, employée de ménage aux habits fatigués et usés s’apprête à entrer sur son lieu de travail par la petite entrée dérobée dans une ruelle délabrée située à l’arrière de l’imposant bâtiment public. Elle trouve un petit paquet en carton noué par une petite cordelette sur lequel est inscrit “for the other excited one”, sans y prêter attention elle ouvre le paquet d'où se dégage une agréable odeur de fleur séchée. A l’intérieur elle y trouve des fleurs de camomille, un petit papier sur lequel est écrit : Matricaria chamomilla ; Effet : Apaise les tensions, diminue le stress et aide à mieux dormir ; Utilisation : Infusion ou huile essentielle.

Toujours à la même heure mais à l’autre bout de la capitale, devant l'imposante résidente du général Cortez, qu’il utilise très peu, Anton, soldat listonien rattaché à la protection de la luxueuse demeure de Cortez, effectue sa ronde habituelle. Intrigué par un petit carton sur lequel est écrit “It looks like a little dog behind a fence”, il décide immédiatement de l’ouvrir de peur qu’une bombe ne soit cachée à l’intérieur et n'abîme la résidence. Réaction bien peu intelligente pour un soldat au demeurant. A l’intérieur il fut soulagé de découvrir seulement quelques fleurs de Valériane, il essaye ensuite de déchiffrer un petit carton sur lequel on peut lire : Valeriana officinalis ; Effet : Réduit l’agitation, l’insomnie et les spasmes nerveux ; Utilisation : Tisane, teinture ou gélule.

Du côté de l’Amirauté listonienne, Mirtha, agente d’accueil s’apprête à prendre son service dans l’immense hall d’un bâtiment fréquenté par presque personne. Alors qu’elle monte les interminables marches menant au hall, elle trébuche sur un paquet en carton. Alors qu’elle manque de tomber, elle ouvre le paquet dont le contenu se répand alors sur les marches de l’Amirauté. De la mélisse sors du paquet, sur lequel est écrit “make good use of it, use it wisely” ainsi qu’un écriteau : Melissa officinalis ; Effet : Soulage le stress, l’anxiété et les troubles digestifs liés au nerf ; Utilisation : Infusion ou huile essentielle.
tanska42

Forte inquiétude des syndicats de pêcheurs tanskiens en Manche Blanche après la mort de pêcheurs burojois à proximité d'une colonie Listonienne

Il y avait peu de navires de pêche au départ du grand nord ce matin en rade d'Halvø quelques jours après la mort de 9 Burjois, tués dans l'explosion d'une mine navale listonienne a proximité de leur navire de pêche. Selon les représentants des syndicats tanskiens, un tel événement interroge sur la sécurité du trafic maritime à proximité de la colonie listoienne de Rosborg-Skaudme, dans le nord de la Manche Blanche. Zone hautement fréquentée par la pêche tanskienne, les syndicats redoutent qu'une action similaire puisse leur arriver et ont interrogés le ministère de la Pêche et de la Mer sur la question.

Le gouvernement de Jaka Lakkas a rapidement répondu aux inquiétudes. Lors de la conférence de presse hebdomadaire, Anneli Huttunen, Porte-parole du Gouvernement, a indiqué qu'il n'y avait aucune raison de croire que le gouvernement listonien ait pu s'adonner à une pratique aussi inhumaine et barbare que celle de relâcher volontairement des mines navales dans des zones de trafics maritimes, surtout dans une région aussi dense en activité maritime. Elle a rajouté qu'il n'y avait pas non plus d'élément laissant à penser que la Listonie s'en prenait volontairement au trafic maritime et qu'il s'agissait sans doute la d'un triste et malheureux accident sur lequel toute la lumière sera faite entre Burujoa et Listonie avec la coopération des justices des deux Etats. Elle a enfin invité la pêche tanskienne à ne pas se soucier de cet événement malheureux.
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Nous sommes restés plusieurs jours à dormir dans une chambre d'auberge perdue dans la ville, sans la quitter de la journée. Un contact à l'Université de la ville avait appelé Gary pour lui conseiller d'éviter toute sortie. Le temps n'était pas à la guerre, mais il n'était plus au calme. Asbjør, qui vivait chez une petite amie de fortune dans les hauteur de la ville, nous télégraphait quand il pouvait pour donner ou prendre des nouvelles. Une radio locale n'annonçait rien de bien menaçant. Il y a quelques jours, plusieurs marins Burujois étaient morts. Tués par lâcheté par l'Empire Listonien.

Nous sommes ressortis la semaine d'après. Macao était étrangement calme. En passant de l'université, nous pouvions encore observer de rares traces de nos signatures placardées quelques mois plus tôt. Quelques magasins avaient leurs rideaux fermés, les rues bougeaient à peine, peu de sons étrangers étaient audibles, plusieurs consulats étrangers avaient demandés le départ de leurs ressortissants. Après l'Université, nous sommes passés devant une école. Dans la cour e récréation, les élèves se racontaient quelques inquiétudes, des mensonges fait pour frimer, et des peurs toutes adultes qu'un enfant ne devrait pas connaitre. Pour autant, la vie continuait comme avant. Les domestiques des quartiers populaires où nous vivions, les employés des parents qui jouaient dans la cour de l'école, ceux qui ne venaient par ici que pour gagner de quoi mangeaient ne recevaient pas de consignes de sécurité, n'avaient pas de sentinelle pour garder leur maison, se déplaçaient à pieds et, en cas de grave crise ou de guerre touchant Macao, seraient les premières victimes de l'Empire ou d'une autre force.

Nous n'avions que peu de contact réguliers avec la Maison. Chacun était libre de vaquer à ses occupations. Six d'entre nous logions dans cette auberge, perdue dans une impasse. A tour de rôle, tous les jours, nous alternions une forme de garde à l'entrée de cette impasse, toutes les 4 heure, de jour comme de nuit, sous le soleil écrasant de ces latitudes, sous les pluies constantes qui noient nos corps sous des trombes d'eaux et d'ennui. C'était la zone que nous connaissions le mieux dans la ville. L'impasse, elle n'avait pas formellement de nom. Dans le chaos urbaniste de Macao, aucun des bâtiments de l'impasse n'existait formellement, alors cette rue n'avait pas de nom. Elle était là, mais elle n'était pas. En plus de moi et de Gary qui logions dans cette chambre pas chère permettant de se laisser aller plus librement à l'alcool de riz, trois de compères logeaient à différents endroits de l'impasse. Deux Afaréens sans pays habitaient à l'entrée de l'impasse, la première bâtisse à gauche. Ils se fondaient parfaitement dans la population de la métropole et parlaient au moins une de ses langues. Tous deux Afaréens bien que d'origine différentes, ils n'en parlaient jamais. Ils travaillaient dans une boutique de location de radio et de téléphone usagé ou à usage unique, essentiellement de fabrication nazuméenne ou afaréenne. Située en face de chez eux et ouverte la nuit, elle permettait de faire la garde de nuit. il nous arrivait de prendre un portable en cachette pour passer toute sorte d'appel ou envoyer des messages. Difficilement traçables, à usage unique, on les activait à des points aléatoires de la ville, dans des bars, des salons, des magasins, simplement dans la rue, dans un appartement au 37e étage d'une quelconque tour. Le cordon ombilical avec la maison tournait à la contrefaçon wanmirienne usée par un afaréen dans un taudis listonien du bout du monde et avait au bout du fil un officier tout tanskien en "vacance" en Aleucie, ou en déplacement quelque part en Eurysie. La mondialisation n'avait jamais été aussi accomplie.

En dehors de quelques sessions obligatoires, nous passions peu de temps tous ensemble. A vrai dire, je ne voyais rarement Eyðbjartur plus que deux fois par mois. Lui jouait son rôle de chef à cœur. Loin de nos petites vies calmes de mercenaires endormis, il s'était pris d'une passion nouvelle pour la philsophie et la langue et s'était inscrit à l'Université. Il ne l'avouait pas, mais il maintenait comme ça une bonne connaissance de l'activisme local, fusse-il indépendantiste ou animé d'un intérêt tout étranger, Burujois ou Fujiwais par exemple. Il empruntait constamment des livres à la bibliothèques et commençait à fréquenter quelques cercles intellectuels estudiantins de Macao. En d'autres termes, la fine fleur de la révolte d'un jour ou d'une révolution de toujours. J'aimais discuter avec lui de cela. Il savourais chaque livre, prolongeais leur histoire auprès de moi. J'ai pris l'habitude de lui rendre visite tous les mois pour cela. Il abolissait les limites de l'impasse que je m'étais arbitrairement fixé. Seul membre de notre groupe pleinement formé à la fine maitrise du piratage, je me refusait à trop me montrait. Mais lui me permettait de respirer à nouveau, parlant pendant des heures allongé sur un sofa de fortune dans ma chambre d'auberge empesté par l'humidité permanente de l'immeuble. En dépit de nos âges avancés, ces moments avaient une certaine ambiance infantile. On se servait un tabac de bonne qualité dans une pipe, nous ouvrions une bouteille bien conservée d'un rhum obtenu au marché noir et nous discutions pendant des heures. Au-delà des livres, Eyðbjartur m'en apprenait aussi beaucoup sur les mouvements. Le Parti Communiste local, évidemment illégal, dont le cœur au fer rouge battait au milieu de l'Université. On y pleurait depuis peu la mort d'un dirigeant eurysien qu'ici personne n'avait jamais connu. Une autre marque de la mondialisation. Un groupe d'idéalistes pacifistes, infusant non sans mal l'idée de la paix et de la non-violence dans l'esprit de jeunes hommes et femmes. Celui-ci disparaissait au premier pied posé dans un quartier malfamé, à l'officier listonien raciste qui ne contrôlait que certaines personnes, au premier rappel physique ou moral de la domination coloniale qui ici pèse sur des millions d'âmes. Enfin, il parlait des groupes d'indépendantistes ou du moins de séparatistes. Nous ne savions pas encore lequel il nous fallait approcher et aider. La Maison n'arrivait pas à prendre de décision. Ou plutôt elle ne voulait pas. Les récents événements laissaient trop d'incertitudes bien que cela n'évacuait pas la grandissante lassitude. En dépit des mois et du contrôle de moins en moins ferme sur notre groupe, tout le monde était la à chaque rendez-vous nécessaire. Les treize hommes que nous étions, sain et sauf, dans des situations diverses et variées. Du mercenariat initial je ne sais plus ce qu'il en reste. Pour Gary, et il avait sans doute raison, nous étions devenu une cellule endormie qui vivait au jour le jour dans cette colonie listonienne dont l'horloge allait bientôt sonner minuit.
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Nous avons pris la route très tôt avec Ferdinand et Dayto. Notre camionnette roulait plus vite que prévue, nous n'avions emporté presque rien avec nous. On faisait une drôle d'équipe tous les trois. Ferdinand, notre chauffeur, était un listonien natif d'une autre colonie listonienne. Il était arrivé ici dans le cadre d'un petit boulot, débarqué d'un chalutier de pêche, un des rares qui passaient encore dans le port à cette époque. Il s'était assis quelques instants sur un banc, pensant rester quelques heures, il y avait passé vingt ans. Une quasi-vie entière passée à faire des emplois journaliers, à vivre entre les hôtels, les auberges et les mariages voués à l'échec qu'il vivait toujours avec autant de plaisir. Maria fut sans doute sa préférée. Une serveuse dans un bar perdu du centre-ville rencontré au détour d'une bagarre qu'il venait de gagner au prix d'une molaire. Il l'avait rencontré là, affalé sur un tabouret, la bouche encore en sang, une bière à la main. Il l'avait épousé quelques semaines plus tard, dans une église délabrée de la banlieue de Manille. Ils avaient vécu trois années ensemble. Une histoire d'amour et d'eau fraiche, bien qu'il tournait plus souvent à la bière. Et un matin elle était partie. Où ? Il ne l'a jamais su, il n'en est jamais vraiment remis de son visage d'ange que la saleté de cette ville n'avait su affecter, ni de son caractère que des hommes oubliés par la justice ou l'éducation paternelle finissait de corriger à coup de verres ou de genoux bien placés. Ferdinand n'avait jamais renoué avec le bonheur depuis ce jour là. Il s'était lié avec Dieu et l'alcool. L'un remplaçant l'autre de temp à autre. Mais il conduisait bien.

Dayto était lui un immigré Fujiwais. Il parlait peu de son passé, il parlait peu tout court. Il ne s'asseyait jamais devant si nous n'étions que trois dans la voiture, jamais derrière si nous étions plus. Il choisissait toujours la meilleure place pour être le plus loin du centre de la discussion. Il écoutait. Je n'ai jamais su grand chose sur sa vie. On en devinait des bouts si et là. Dayto n'a toujours été qu'une grande fresque. Une mission archéologique à ciel ouvert où l'on découvre des éléments de temps à d'autres sous toutes leurs formes. Une cicatrice sur le bras racontait une histoire, une dent en argent récitait un comte, le regard souvent vide à la nuit tombé quelques nuits agitées qu'il ne savait toujours pas calmer. Et puis moi, le Tanskien de service. L'Aleucien d'une mère Afaréenne et d'un père tout Halvien en mission au bout du monde. On faisait un drôle d'équipée, tous les trois. C'est ce que j'ai pensé quand nous avons croisé un barrage militaire à la sortie de la ville. Ils étaient nouveaux, installés la depuis quelques temps seulement. Un incident de pêche à quelques centaines de miles d'ici disaient on, je n'en savais rien. Ferdinand, dans son portugais parfait teinté du fort accent d'ici s'expliquait, et on nous laissait passer. Que racontait-il ? Qu'on partait en expédition, à l'aube, à l'autre bout de la colonie, chercher des soutiens pour une révolte armée qui pourrait être financée et armée depuis les territoires Zélandiens voisin et qu'un curieux navire tanskien dans la région pouvait possiblement aider à fournir quelques matériels ? Bien que vraie, cette histoire aurait sans doute semblée trop loufoque à ces deux jeunes hommes sortis de la puberté, attrapés un matin de la majorité et enrôlés pour une année. On avait l'air louche, c'est sûr.

Au volant, Ferdinand mâchouillait un éternel cure-dent. Une manie importée des docks comme d'autres us et coutumes d'ailleurs. Les gars ringards du quartier s'y étaient mis. Ils voulaient paraître viriles, ou pires, Eurysiens. Ici, l'Eurysie comme l'Empire est partout. Elle est à la radio, elle est à la télé. Elle est sur les publicités et dans les journaux. L'Empire par-ci, la Métropole par là. Les richesses de Listonia en première page, une émission sur Faro le soir sur la chaine nationale, un reportage sur Almada dans le journal. Pour autant, tout cela n'existe pas. Personne d'ici n'a mis les pieds là-bas, ou presque. Mais pourtant, les jeunes jouent à en imiter quelques passions d'actualités sans trop de conviction.

A l'arrière, Dayto était mal assis, il s'en plaignait depuis le départ, ses seules paroles. Il avait la place du milieu et ne pouvait pas installer ses jambes correctement. Il était de travers, l'épaule gauche contre un jerrican et le bras droit accouder sur un grand sac contenant tout le nécessaire à notre petit voyage. J'avais la seule fenêtre qui fonctionnait du véhicule. Celle de Ferdinand était bloquée ouverte, pratique pour les barrages militaires, moins pour les pluies infinies de ce territoire que l'humidité rongeait chaque jour plus encore que l'alcool, la misère et l'ennui. A l'arrière, Dayto n'en avait pas. Fort heureusement, personne ne fumait. Pour s'occuper, lorsque la radio ne fonctionnait pas, c'est-à-dire régulièrement, que Dayto ne parlait pas, c'est à dire souvent, et que Ferdinand chantonnait une chanson de son enfance, c'est-à-dire tout le temps, j'ailais assister aux courses de gouttes d'eau le long de la vitre. Un moyen de me renvoyer à la Järvi de mon enfance. Aux routes d'été vers l'autoroute des vacances; et lors de quelques vacances chanceuses, à la vue des hublots de l'avion survolant l'océan avant d'arriver à Ny-Norja pour retrouver la famille de Maman. Manille n'avait pas ce charme. Elle n'avait aucun charme, mais elle avait malgré tout quelque chose d'indescriptible, perdu la entre l'attrait de l'aventure et le la quiétude du bout du monde.

(à finir, cette semaine je croise les doigts)
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Dans l'Ombre du Devoir

07 Avril 2016

lol




Le soleil se levait sur les côtes de Tartuga comme il l’avait toujours fait, indifférent aux drames qui se jouaient dans ses eaux. La légitimité des colonies listoniennes au Nazum n’était qu’une fiction administrative, un mensonge que l’histoire avait déjà contesté mais que la force maintenait en place. Les peuples nazumi le savaient. Tout le monde le savait. L’incident du bateau de pêche burujois n’était qu’un détail, un point minuscule dans le grand récit colonial, mais il avait suffi. Neuf hommes morts dans la froideur métallique d’une mine sous-marine. Neuf corps qui devenaient soudain utiles pour raviver ce qui n’avait jamais vraiment disparu… l’image du colon eurysien, cramponné à sa grandeur passée comme à une bouée de sauvetage.

Au Fujiwa, le régime shogunal observait. Il attendait ce moment depuis longtemps, serrant progressivement la vis d’un autoritarisme qu’on qualifiait pudiquement de modéré. Le Grand-Kah et la Listonie, désignés comme menaces officielles, n’étaient que des silhouettes commodes dans cette mise en scène politique. La mort des pêcheurs était un casus belli parfait, presque trop évident. La rhétorique des mots cédait maintenant la place à celle du terrain.

Début avril. Le printemps s’installait avec une neutralité presque cruelle. La frontière fujiwano-listonienne était fermée depuis presque un mois maintenant, comme une plaie qu’on refuse de soigner. Les regards se tournaient vers Macao, cette autre colonie frontalière. Tartuga importait, bien sûr, mais Macao cristallisait les attentions et les convoitises. Le Conseil Shogunal avait coupé des liens déjà ténus, demandant des excuses que personne n’attendait vraiment. Placer des mines navales près des colonies était une absurdité logique dans une zone de trafic maritime. Mais la logique n’a jamais dicté les relations entre nations. La Marine fujiwane formait maintenant une zone d’exclusion autour de Macao. Une frontière sur l’eau, permettant aux navires de commerce de passer mais sous la surveillance constante des autorités. Un geste symbolique, peut-être, mais qui portait en lui la promesse d’une vérification future. Le doute planait sur la démilitarisation des eaux listoniennes.

On disait que le Velsna souhaitait négocier. Les mots circulaient, vides et distants, tandis que les conditions posées par le Fujiwa et d’autres nations nazumies restaient lettre morte. L’apaisement semblait aussi lointain que l’horizon maritime que les pêcheurs burujois ne reverraient jamais.

Sur la terre ferme, quelque chose se préparait également. À une trentaine de kilomètres de la frontière avec Macao, la plaine de Honkumo accueillait une logistique militaire impressionnante. Les mouvements donnaient des allures d’exercices routiniers, mais chacun savait qu’ils étaient autre chose. Pour la première fois depuis longtemps, le Fujiwa réveillait une part de lui-même. Celle d’une armée qui en faisait sa fierté il y a un siècle. Le nouveau régime reposait sur cette légitimité du pouvoir par la force. Rétablir l’ordre, la tradition et la grandeur. Pas des concepts, mais des actes.

Les plaines de Honkumo voyaient défiler un programme militaire de trois semaines. Une durée ni trop longue ni trop courte. Parfaitement intermédiaire. Le présage d’un plan plus vaste, peut-être. Des garnisons de jeunes recrues arrivaient chaque jour, leur jeunesse contrastant avec la vieillesse des ambitions qu’ils servaient. Les Forces Armées Fujiwanes présentes étaient l’armée de Terre et l’armée de l’Air. Deux corps qui n’en feraient qu’un sur ces plaines frontalières.

Le Général Sakazuki, chef d’état-major de l’Armée de terre, observait les opérations. Son immobilité semblait être une extension de sa personnalité. Sa Justice Minutieuse s’appliquait même aux simulations. Surtout aux simulations. La perfection était exigée dans chaque mouvement, chaque décision. Les exercices militaires étaient des répétitions d’actes potentiels, des possibilités jouées comme un théâtre dont personne ne connaissait encore le dénouement.

À quelques pas de lui, le Général d’aviation Kizaru, chef d’état-major de l’Air, observait le déploiement des avions de reconnaissance. Un homme paradoxal. Détendu jusqu’à paraître nonchalant, parlant avec une lenteur calculée, allongeant la fin de ses phrases comme pour les étirer dans le temps. Son comportement enfantin et son air peu malin n’étaient qu’une façade. Une façon de provoquer, de prendre de haut. Derrière cette apparence flottait un général consciencieux et implacable. Un homme qui accomplissait les ordres jusqu’au bout, sans pitié pour l’adversaire.

“Le premier escadron décollera dans quarante-cinq minutes,” annonça un jeune officier, la voix légèrement tremblante face à l’impassibilité de son supérieur.

Kizaru ne répondit que par un infime hochement de tête. Les mots superflus ne faisaient pas partie de son monde. À quelques mètres, Sakazuki examinait une carte, son regard dur comme le roc. Ses doigts traçaient des lignes invisibles sur le papier, redessinant des frontières que personne ne voyait encore.

Les soldats vaquaient à leurs occupations préparatoires avec cet étrange automatisme qui caractérise les hommes conscients de n’être que des composants d’un mécanisme plus vaste. Ils nettoyaient leurs armes, vérifiaient leurs équipements, répétaient les procédures. Des gestes techniques, dépourvus de signification propre, mais qui ensemble formaient la possibilité d’une action concertée. Derrière chaque exercice se dissimulait la réalité qu’il simulait.

À l’est du campement, des cartographes déployaient leurs instruments. Ils étudieraient la frontière pendant ces trois semaines, mesureraient les distances, calculeraient les élévations. Un savoir précis, technique, apparemment inoffensif. La connaissance qui précède toujours l’action. Le soleil montait lentement dans le ciel, éclairant la plaine d’une lumière neutre qui ne jugeait pas les intentions des hommes. Un avion de reconnaissance décolla, brisant le silence relatif de la matinée. Son rugissement diminua progressivement jusqu’à n’être plus qu’un bourdonnement lointain, puis rien. Kizaru le suivit du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon, vers cette frontière qui était à la fois si proche et si abstraite.

Trois semaines. Un temps limité, un cadre défini. Et pourtant, dans ce cadre, quelque chose de plus vaste prenait forme. Non pas une invasion, certainement. Les mots officiels avaient leur importance. Mais une préparation, une possibilité, une démonstration. Le pouvoir se manifeste souvent dans ces espaces intermédiaires, dans ces moments où la menace reste implicite, où le geste suggère sans accomplir.

Un soldat passa, portant des boîtes de munitions. Son visage était inexpressif, concentré sur la tâche immédiate. Il ne pensait probablement pas aux implications plus larges de sa présence ici. Peut-être était-ce mieux ainsi. La perspective limitée comme refuge contre l’absurdité potentielle de l’ensemble.

Kizaru s’approcha de Sakazuki, sa démarche nonchalante contrastant avec la rigidité de son collègue. “Troiiis semaiii-nes passe-rooont viiii-te”, dit-il, étirant chaque syllabe comme un caramel.

Sakazuki le regarda sans répondre. Ils savaient tous deux que le temps était relatif. Que ces trois semaines pourraient s’étirer en mois, en années, ou se condenser en un instant décisif. Les exercices militaires avaient cette qualité particulière : ils existaient dans un présent continuel, une répétition sans fin de possibilités qui ne se réalisaient jamais complètement.

Au loin, la frontière avec Macao attendait, indifférente aux préparatifs qui se déroulaient à quelques kilomètres. Une ligne sur une carte, une convention humaine que la terre elle-même ignorait. Les cartes seraient redessinées, plus précises, plus détaillées. La connaissance s’accumulerait. Et dans cette accumulation silencieuse résidait tout le potentiel du pouvoir qui ne dit pas son nom...
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Østing Sol

Le Soleil de midi atteint son apogée. La brume a fini de se dissiper. Seule de la fumée obstrue encore la vue au de-là de quelques mètres, mais tout le monde l'aperçoit quand même. Peu à peu, les sons s'arrêtent les uns après les autres, le silence renaît à nouveau. Le crépitement de flammes persistantes, le roulis des véhicules sur le goudron déformé, le fracas irrégulier de quelques poutres qui finissent par céder ci et-là et le battement du drapeau au vent. Au sommet de l'église, seul bâtiment encore debout le drapeau du Royaume-Uni flotte à nouveau. Il est en partie déchiré et les salissures de son trajet rendent les couleurs ternes mais il flotte. Il est midi, et l'Union flotte à nouveau sous le Soleil de l'Est. Dans les décombres de Windport, plusieurs drapeaux blancs ont émergés peu à peu, des hommes sortent les mains en l'air, tenus en joue par des soldats aux accents bien eurysiens, ici sur cette île perdue du Nazum. Les corps sont légions. Un véhicule arrive en trombe, deux hommes descendent et chargent dans l'urgence un blessé mal installé qui gémit de temps à autre. Il tiens une jambe droite qui n'existe plus. Quelques moutons distinctifs de l'île s'aventurent dans les rues, nouveau terrain de jeu. Au loin, le son reconnaissable des pales d'un hélicoptère qui décolle, emportant avec lui quelques autres blessés. Du haut de l'église, à travers une fenêtre d'obus, un soldat fatigué distingue dans la baie un navire qui rentre, éventré en son centre, il tangue un peu sur bâbord mais flotte toujours, lui. Après plusieurs longues semaines Windport, ou ce qu'il en reste, est libérée.

Quelque part à Norja, des dizaines d'hommes et de femmes aux mines marqués par la fatigue s'imaginent ces images, se les racontent. Et pourtant, rien de tout cela n'est jamais arrivé. Une bonne distance sous le sol de la capitale, Østing Sol vient de s'achever. Pendant deux semaines, tournant en trois-huit, dormant parfois à même le sol quand le sommeil pouvait être trouvé, des dizaines d'officiers et de soldats accompagnés de quelques Caratradais ont réalisé un exercice jamais vu à une telle ampleur. Une simulation géante, uniquement par ordinateur. La présentation d'un désastre. Ynys Awel, territoire du bout du monde de Caratrad vient d'être libéré d'une invasion soigneusement opérée qui a couté des centaines de vies sinon plus, plusieurs navires et appareils, des dizaines de véhicules, des manifestations éclatant dans les capitales respectives et une diplomatie en mauvais état. Mais tout ceci n'a jamais existé, pire, rien ne sortira de cette salle. Officiellement, Østing Sol n'est pas. C'est un autre exercice qui a eu lieu, bien moins gênant, et qui sera présenté au public. Østing Sol est toute autre. Il fera l'objet d'un rapport soigneusement conservé dans les plus hautes instances des Etats-Majors, du Service Permanent d'Intelligence Extérieure et de la Chancellerie du Gouvernement.

L'idée avait émergé dans l'esprit d'un jeune officier lusophone en lien avec quelques "touristes" au Nazum. La lecture de la presse régionale et les analyses avaient fournies le scénario, Ynys Awel le lieu, l'époque avait tout justifié. En une poignée d'heures et moyennant des discussions savamment menées, l'officier avait convaincu de l'intérêt de se pencher sur un cas d'étude hypothétique. La Listonie venait de perdre ses colonies au Nazum sans une effusion de sang. La réussite pour une dictature locale était là, mais elle n'était pas complète. Il manquait un élément pour le pouvoir, un élément nécessaire à l'affirmation de sa légitimité : la victoire militaire. Alors les regards s'étaient portés vers Windport et ses 6 000 habitants. Îlot perdu d'Eurysie dans une mer du Nazum. Tout était parfait, et jamais la vieille puissance n'oserait protester pour si peu. L'Empire avait alors trouvé un justificatif similaire. Des pêcheurs avaient disparus non loin des côtes, on accusait Bryngaerdinas Pil d'en être à l'origine. Dans la semaine, une armada pointait le bout de sa coque devant l'île et sous 48 heures la garnison se rendait. Tel était le scénario, simple, efficace. Il avait vite convaincu, alors on s'était lancé dans une simulation des plus sérieuses. Chaque navire, chaque blindé, chaque avion avait été simulé, tout par ordinateur, sur un logiciel maison ressemblant à un gigantesque jeu vidéo. Un jeu vidéo dans lequel chaque blindé existait bel et bien dans une base tanskienne. Un jeu dans lequel on jouait à la guerre à grande échelle, pour ne pas avoir à la mener.

Seule Tanska s'était portée volontaire pour aider cet îlot aux cotés de son plus vieil allié. Et très vite, la réalité avait frappé : les discussions au Grand Kah sur la protection de Heon-Kuang avaient finalement un sens, une justification. Ynys Awel n'était pas vraiment défendu en amont. Loin des presque dix millions d'âmes de la mégapole, les quelques milliers d'habitants et leur demi-million de moutons ne pesaient pas dans les débats et les intérêts nationaux. Pourtant, au Nazum, les puissances revenchardes des anciens colons ne manquait pas. Si la Listonie venait de tomber, qu'est ce qui empêcherait une petite île de ne pas suivre, et puis après tout, qui viendrait la défendre ? Et si l'on ne défendait pas ça, qu'en était-il du reste, des autres petites îles ou péninsules. Très vite, la réflexion atteignit d'autres lieux, cette fois-ci plus importants : Osthaven et son million d'habitant puis Ny-Norj, l'ancien joyaux de l'Empire Tanskien aujourd'hui Parlement. L'Etat-Major prenait conscience que le Soleil à l'Est pourrait bientôt ne plus se lever.

Le wargame se lança par l'envoi d'un groupe aéronaval conjoint. Une armada de guerre rarement vu. Deux porte-avions, une vingtaine de navires, une centaine d'appareils et une réalisation immédiate : la distance, l'immensité des mers et l'obstacle qui se plaçait entre la flotte et la ville à libérer. Longtemps impensée, longtemps oubliée, le cas listonien donnait aux puissances nazuméennes une entrée fracassante dans la pensée tanskienne et la réalisation de la fragilité de certaines position. Un élément supplémentaire frappait : le wargame était simple d'apparence. Un seul état intervenant, aucun autre ne s'opposant à une intervention eurysienne de cette taille. L'improbabilité se joignait à l'ironie de la situation que permettait la simulation.

Alors, quand vint la réalisation des capacités navales de l'adversaire, le jeu prit une toute autre tournure. Il va sans dire que pour nombre d'officiers, le choc était réel, celui de l'impression d'un colosse aux pieds d'argile. Avant même d'approcher l'île à porté d'avion, plusieurs centaines d'hommes et de femmes devaient périr dans la perte de deux navires dès les premiers engagements. Il s'en fallut de peu pour que le porte-avions ne fut pas atteint. La logistique fut mise à très rude épreuve, pour ne pas dire au bord de la rupture. Le moral aussi. Quand vint l'heure de la Libération, la question du coût se posa, et dans la salle, personne ne voulu répondre, trop fatigué par les deux semaines qui venaient de s'écouler. Deux semaines d'une simulation trop proche de la réalité pour ne pas effrayer.

Quelques instants après la fin, un jeune officier brillant de la marine vint voir le Maj. Gen. Kristian Melgaard, commandant de l'exercice, demandant ce que signifiait tout cet exercice si quelque chose devait arriver au Nazum. "Actuellement ? Rien. Mais si ça arrive, prie, il ne restera que ça pour nombre d'entre nous."
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Logo de voice of Nazum

Lors de rassemblements pacifiques devant l'université de Macao, des étudiants ont été aperçus avec un drapeau flottant en l'honneur de la liberté.


L'image est diffusée par Radio Voice of Nazum, un étudiant encore non identifié a été apperçu hier midi arborant un drapeau mentionnant "liberdade = referendo", liberté = référendum lors d'une manifestation de courte durée organisée devant l'ambassade de la ville. La journaliste et activiste de Radio Voice of Nazum Lídia Braga rapporte l'information.

Depuis l'irruption de la crise entre l'Empire Burujoa et l'Empire Listonien sur le sort des colonies listoniennes, les populations civiles des dites colonies ont été les grandes absentes des revendications et des discussions tenues de part et d'autres du monde. Oubliées, non considérées, simples objets de politiques qui les dépassent, les populations de Macao ou encore de Manilla semblent ne pas exister aux yeux de certains. Ce sentent-elles listoniennes, burujoises, wanmiriennes ou tout simplement autres ? Telle est la question que personne ne semble vouloir poser aussi bien à Listonia qu'à Karaimu.

C'est précisément ce qui a amené cette étudiant a branchir pour la première fois un mot encore jamais vu dans les quelques mouvements publics pouvant exister dans les colonies listoniennes du Nazum : celui de référendum. Proche de cercles dit communistes mais non eurycommuniste, celui-ci a indiqué à Lídia Braga qu'il faisait cela en "pleine conscience des risques encourus par son action". Plusieurs autres étudiants ainsi que des hommes visiblement non étudiants se sont joint à celui qui étudie l'histoire du Nazum pendant quelques minutes avant de se disperser d'eux même dans la foule à l'annonce de l'arrivée des policiers.

Une jeune étudiante brandissait elle un autre panneau disant "Macao = Tartugà/Hachūrui/Kanawa", rappelant à la fois la variété des cultures de la pressqu'île au coeur des enjeux avec le Burujoa, et le sentiment commun partagé entre ces territoires d'empire éparpillés au Nazum. Tartuga, Hachūrui ou Kanawa est en quelque sorte le centre du monde décolonial et en illustre toute son hypocrisie. Alors qu'elle est convoitisée par ses voisins prônant sa décolonisation, elle n'a elle même pas voie au chapitre. Il est vrai, après tout, que son million et demi d'habitants n'ont pas voie au chapitre. Eux qui n'ont encore jamais pu écrire leur propre histoire sont désormais menacés à nouveau de ne pas pouvoir écrire la leur.


Article issu d'une émission radio du 2 juin 2016 diffusée sur Radio Voice of Nazum.
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