Aux premières lueurs de l'aube nous avons pris un sentier qui nous éloignais de notre brève base, en direction d'un village à plusieurs jours de marche. Cette fois-là nous étions plus nombreux, une demi-douzaine. je me retrouvai, plutôt inhabituellement, à l'arrière du convoi. Nous avions pour l'occasion loué deux véhicules, nous n'avions donc que quelques heures de routes. Le 4x4 était outrageusement conformable en comparaison de la tête de convoi. Nous disposions d'une climatisation, luxe suprême, et d'un lecteur CD pour passer quelque musique de rock caratradais, de l'indé kah-tanais et de la pop tanskienne. La longue procession commença à travers jungle. Par principe, nous avions pris avec nous quelques armes et à l'arrière de la tête de convoi, deux de nos hommes s'étaient tant bien que mal installé à l'arrière du pick-up. Gary, qui eut sans doute préféré quelques heures de sommeil, fut sommé sur mon ordre de prendre en note les conversations radios qui pouvaient passer sur son calepin. Nous n'étions jamais à l'abri d'une rare - pour ne pas dire inexistante - patrouille listonienne à plusieurs dizaines de kilomètres perdus dans cette jungle luxuriante. Mais là encore, la bureaucratie de l'ordonnateur avait ses défauts et ses qualités. Nous avions à tenir une main courante, à jour, à notre retour des communications radios.
Au bout d'une heure, peut être deux, je ne sais plus, nous n'avions plus grand chose à nous dire. L'inaction me pesant, j'ordonna une pause et nous marchâmes un peu à travers la jungle. On se dégourdit les jambes, Gary se fit attaquer par un serpent non-venimeux, il eu peur pour sa vie et moi pour ma solde, rien ne se passa, nous étions reparti plus vite que prévu. Le trajet sembla durer une éternité. Les CD n'apportaient plus l'animation de la découverte et ne ramenaient que l'ennui de la monotonie s'installant. La radio ne fonctionnait pas. La mission commençait à avoir ses longueurs. Plusieurs semaines que nous étions arrivés et je me dois bien de dire que nous entamions une routine hebdomadaire bien huilée aux rapports à rendre, aux visites à faire dans les villages, à l'apprentissages de la langue. Une fois par semaine l'un de nous s'autorisait désormais une brève visite à Macao, pour s'y dégourdir les jambes, prendre quelques informations, passer quelques appels, passer une nuit à l'hôtel, rarement seul, sans pour autant boire. Le plus important était de ne prendre de papiers que le nécessaire. Un faux passeport de touriste de passage pour quelques jours. N'importe qui pouvait s'en faire faire un, et les services de notre client en avaient visiblement les moyens. La copie était parfaite, je n'ai jamais eu de problème. Perdu dans mes pensées, et dans les souvenirs encore vague que je me figurait en dressant une acte mentale de Macao, je finis par oublié la route. En fin d'après-midi, le son du moteur, ou plutôt son arrêt, me sorti de mes pensées, nous étions arrivé au village.
La soirée tombait doucement et les villageois ne nous accueillaient pas comme à l'accoutumée. Un doute secret se glissa en moi et je sentis que l'on nous cachait quelque chose. Le chef du village était malade, certes, mais il ne s'était encore éteint dans sa chambre. A force de persévérance et d'une part de perspicacité, je finis par extraire d'un villageois - sans jamais le torturer ni menacer que j'allais le torturer - qu'une patrouille listonienne était passée plus tôt dans la semaine. Elle n'avait rien demandé d'anormal ni même jamais suggérée notre présence, mais cela témoignait bien de la crainte qui était leur. Visiblement, tout autant qu'avec nous, ils n'étaient guère habitué à avoir de la visite. Mais elle pouvait s'avérer utile. Ils en avaient pris peur, nous allions joué dessus. Rapidement je décidais d'allonger notre présence ici. Nous devions y passé la nuit, la moitié d'entre nous y passa la semaine. Et nous nous sommes attelés à ce que nous faisons de mieux, parler, expliquer, s'exprimer afin de progressivement modeler la discussion et l'esprit d'autrui vers notre but. Le listonien n'était pas qu'en patrouille, il venait s'assurer de leur silence, de leur calme. Il n'avait demandé ni taxe ni bien ? C'est parce qu'il occupait le sol et l'exploitait. A chaque question, parfois très bien pensée malgré eux, de la part de ces indigènes, nous apportions une réponse visant à faire du listonien un ennemi. Notre compréhension encore imparfaite de leur langue se comblait rapidement par l'usage d'un dictionnaire.
Tandis que je passais mes journées et soirées à débattre avec les hommes du village, je vis que certains de mes collègues passaient manifestement les meilleurs moments de leurs vie. Sous l'emprise de femme parfois, de quelques champignons bien plus régulièrement. Étonnamment, même ici, au bout du monde, l'opium de Maoti avait fait son entrée. Aucun d'entre eux n'en fuma mais je pu m'apercevoir que les villageois se laissait happer par moment. L'un deux, surtout, avec une tenue étonnamment occidentale et qui parlait un portugais convenable, ce qui était rare par ici, m'expliqua que cette drogue soulageait une partie des villageois mais qu'ils avaient combattu l'addiction. Fort heureusement, autrement la population se serait rendue inutile pour les quelques desseins que nous lui avions réservé.
Au début d'un après-midi, comme je me rendais une fois de plus vers le centre du village, un camarade vint me dire qu'il avait convaincu un indigène du malheur provoqué par les listoniens. J'avais une peur superstitieuse qu'il lui avait expliqué n'importe quoi, et peut être un peu trop. Ces villageois ne devaient pas savoir que nous les amenions petit à petit vers un avenir sombre, pour un moment, avant la liberté. Telle est la vie des hommes. Quelques joies que certains connaitraient, très vite effacés par les inoubliables chagrins qu'ils auraient provoqués pour y arriver. Il n'est pas nécessaire de leur dire pour l'instant, pas avant que la machine ne se soit lancée, pas avant que l'infernal engrenage n'ait débuté. Eux ne savent pas encore ce que nous leur voulons au delà du drap de velours que nous déposons pour cacher sous de la beauté et de la tendresse un discours bien huilé. Si ils savaient, si ils savaient vers quelle route nous les menions....Mais ils ne peuvent pas savoir, eux-mêmes ne savent pas vraiment ce qu'ils veulent, car l'on ne vit qu'une fois, et l'on ne peut pas comparer cela avec les vies passées et celles à venir. Si les morts pouvaient parler, ils leurs diraient de ne pas nous suivre. Chaque matin passé à discuter avec eux les rapprochaient un peu plus d'un esprit de vengeance envers un colon qu'ils ne voyaient jamais. Chaque matin les rapprochaient, sans doute, du moins le client l'espérait, de l'ouverture des vannes incontrôlées de la violence et de la guerre. Nous ne devions commencer que par quelques villages avant de tenter d'embraser la jungle pour ensuite s'inviter à Macao. Funeste jeu auquel, une fois l'étincelle partie, nous nous échapperons sans dire un mot.
Je suis entré, par un hasard forcé, dans une vie que je connaissais pas, et depuis ce jour j'essaye de la changer. Je ne sais pas si j'aime ce travail, mais il est particulièrement rémunérateur. Quoiqu'admirateur de la liberté, je n'ai pas un enthousiasme sans limites et sans raisons. Il est trop tôt, ou tard, pour que dans ma vie je me prosterne devant le combat de la liberté qui, trop souvent, substitue la vengeance et la guerre à la liberté et l'idéal. Mais cela, les indigènes ne pouvaient pas encore le savoir.
Au bout d'une heure, peut être deux, je ne sais plus, nous n'avions plus grand chose à nous dire. L'inaction me pesant, j'ordonna une pause et nous marchâmes un peu à travers la jungle. On se dégourdit les jambes, Gary se fit attaquer par un serpent non-venimeux, il eu peur pour sa vie et moi pour ma solde, rien ne se passa, nous étions reparti plus vite que prévu. Le trajet sembla durer une éternité. Les CD n'apportaient plus l'animation de la découverte et ne ramenaient que l'ennui de la monotonie s'installant. La radio ne fonctionnait pas. La mission commençait à avoir ses longueurs. Plusieurs semaines que nous étions arrivés et je me dois bien de dire que nous entamions une routine hebdomadaire bien huilée aux rapports à rendre, aux visites à faire dans les villages, à l'apprentissages de la langue. Une fois par semaine l'un de nous s'autorisait désormais une brève visite à Macao, pour s'y dégourdir les jambes, prendre quelques informations, passer quelques appels, passer une nuit à l'hôtel, rarement seul, sans pour autant boire. Le plus important était de ne prendre de papiers que le nécessaire. Un faux passeport de touriste de passage pour quelques jours. N'importe qui pouvait s'en faire faire un, et les services de notre client en avaient visiblement les moyens. La copie était parfaite, je n'ai jamais eu de problème. Perdu dans mes pensées, et dans les souvenirs encore vague que je me figurait en dressant une acte mentale de Macao, je finis par oublié la route. En fin d'après-midi, le son du moteur, ou plutôt son arrêt, me sorti de mes pensées, nous étions arrivé au village.
La soirée tombait doucement et les villageois ne nous accueillaient pas comme à l'accoutumée. Un doute secret se glissa en moi et je sentis que l'on nous cachait quelque chose. Le chef du village était malade, certes, mais il ne s'était encore éteint dans sa chambre. A force de persévérance et d'une part de perspicacité, je finis par extraire d'un villageois - sans jamais le torturer ni menacer que j'allais le torturer - qu'une patrouille listonienne était passée plus tôt dans la semaine. Elle n'avait rien demandé d'anormal ni même jamais suggérée notre présence, mais cela témoignait bien de la crainte qui était leur. Visiblement, tout autant qu'avec nous, ils n'étaient guère habitué à avoir de la visite. Mais elle pouvait s'avérer utile. Ils en avaient pris peur, nous allions joué dessus. Rapidement je décidais d'allonger notre présence ici. Nous devions y passé la nuit, la moitié d'entre nous y passa la semaine. Et nous nous sommes attelés à ce que nous faisons de mieux, parler, expliquer, s'exprimer afin de progressivement modeler la discussion et l'esprit d'autrui vers notre but. Le listonien n'était pas qu'en patrouille, il venait s'assurer de leur silence, de leur calme. Il n'avait demandé ni taxe ni bien ? C'est parce qu'il occupait le sol et l'exploitait. A chaque question, parfois très bien pensée malgré eux, de la part de ces indigènes, nous apportions une réponse visant à faire du listonien un ennemi. Notre compréhension encore imparfaite de leur langue se comblait rapidement par l'usage d'un dictionnaire.
Tandis que je passais mes journées et soirées à débattre avec les hommes du village, je vis que certains de mes collègues passaient manifestement les meilleurs moments de leurs vie. Sous l'emprise de femme parfois, de quelques champignons bien plus régulièrement. Étonnamment, même ici, au bout du monde, l'opium de Maoti avait fait son entrée. Aucun d'entre eux n'en fuma mais je pu m'apercevoir que les villageois se laissait happer par moment. L'un deux, surtout, avec une tenue étonnamment occidentale et qui parlait un portugais convenable, ce qui était rare par ici, m'expliqua que cette drogue soulageait une partie des villageois mais qu'ils avaient combattu l'addiction. Fort heureusement, autrement la population se serait rendue inutile pour les quelques desseins que nous lui avions réservé.
Au début d'un après-midi, comme je me rendais une fois de plus vers le centre du village, un camarade vint me dire qu'il avait convaincu un indigène du malheur provoqué par les listoniens. J'avais une peur superstitieuse qu'il lui avait expliqué n'importe quoi, et peut être un peu trop. Ces villageois ne devaient pas savoir que nous les amenions petit à petit vers un avenir sombre, pour un moment, avant la liberté. Telle est la vie des hommes. Quelques joies que certains connaitraient, très vite effacés par les inoubliables chagrins qu'ils auraient provoqués pour y arriver. Il n'est pas nécessaire de leur dire pour l'instant, pas avant que la machine ne se soit lancée, pas avant que l'infernal engrenage n'ait débuté. Eux ne savent pas encore ce que nous leur voulons au delà du drap de velours que nous déposons pour cacher sous de la beauté et de la tendresse un discours bien huilé. Si ils savaient, si ils savaient vers quelle route nous les menions....Mais ils ne peuvent pas savoir, eux-mêmes ne savent pas vraiment ce qu'ils veulent, car l'on ne vit qu'une fois, et l'on ne peut pas comparer cela avec les vies passées et celles à venir. Si les morts pouvaient parler, ils leurs diraient de ne pas nous suivre. Chaque matin passé à discuter avec eux les rapprochaient un peu plus d'un esprit de vengeance envers un colon qu'ils ne voyaient jamais. Chaque matin les rapprochaient, sans doute, du moins le client l'espérait, de l'ouverture des vannes incontrôlées de la violence et de la guerre. Nous ne devions commencer que par quelques villages avant de tenter d'embraser la jungle pour ensuite s'inviter à Macao. Funeste jeu auquel, une fois l'étincelle partie, nous nous échapperons sans dire un mot.
Je suis entré, par un hasard forcé, dans une vie que je connaissais pas, et depuis ce jour j'essaye de la changer. Je ne sais pas si j'aime ce travail, mais il est particulièrement rémunérateur. Quoiqu'admirateur de la liberté, je n'ai pas un enthousiasme sans limites et sans raisons. Il est trop tôt, ou tard, pour que dans ma vie je me prosterne devant le combat de la liberté qui, trop souvent, substitue la vengeance et la guerre à la liberté et l'idéal. Mais cela, les indigènes ne pouvaient pas encore le savoir.