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Sources primaires et littérature classique velsnienne - Page 4

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La fin du servage pour dettes (1524)
Texte de Fabio Marinelli


En 1524, une vingtaine d'années après la fin de la guerre servile qui avait vu le soulèvement général des serfs endettés, et tout danger de sédition désormais écarté de la part de cette immense classe sociale, les patriciens velsniens commencèrent à faire peser leur puissance sur le peuple qui ne tarda pas à se révolter à nouveau. Les dettes furent la première cause de querelles entre l'aristocratie foncière et cette population, qui par endroit, comptait pour 60 à 70% des habitants de certaines cités. Dans un Etat agricole et peu étendu comme l'était Velsna à cette période, les guerres continuelles qu'il fallait soutenir contre les voisins étaient particulièrement désastreuses pour les petits cultivateurs . En peu de temps, bon nombre d'entre eux devinrent débiteurs des riches qui prêtaient à des taux usuraires. Le système ancien était sans pitié pour le débiteur: s'il n'arrivait pas à payer ses dettes, après avoir épuisé toutes les autres garanties, il se voyait forcé d'engager sa propre personne en tant que serf pour dettes. Le créancier avait alors tous les droits sur sa personne, excepté sa vente en esclavage, qui était strictement interdit par les lois fortunéennes. Ses enfants partageaient son sort, et ses dettes étaients transmissibles. En 1524, il se produisit sur la place San Stefano de Velsna un événement qui déchaîna la colère et la rancoeur populaires contre les créanciers. Le texte suivant, comme beaucoup d'autres de cette période, demeure incomplet.

(...) Mais tandis que la guerre contre les zélanndien était une nouvelle fois imminente imminente, la cité, livrée à ses propres discordes, brûlait d'une haine intérieure entre patriciens et populace, causée principalement par les serfs pour dettes. Les pauvres s'indignaient à la pensée que, pendant qu'ils combattaient à l'extérieur pour la liberté et la maîtrise de l'univers par les velsniens, ils étaient emprisonnés, opprimés dans leurs propres foyers par leurs concitoyens, et que la liberté des classes censitaires les plus basses était mieux assurée en temps de guerre qu'en temps de paix, au milieu des ennemis qu'au milieu des citoyens. Ce sentiment de colère, qui se développait de lui-même, fut porté à son comble par le malheur insigne d'un seul individu. Un vieillard, portant les marques de tous ses malheurs, s'élança sur le forum. Ses vêtements étaient couverts de crasse, plus affreux encore était l'aspect de son corps, dégradé par la pâleur et la maigreur. En outre sa barbe et ses cheveux longs donnaient à son visage un air farouche. On le reconnaissait pourtant, malgré une telle disgrâce. On disait qu'il avait été un grand laticlave lors de la révolte de MacAndrew, et tout en le plaignant, on vantait dans la foule ses autres brillants états de service. Quant à lui, il montrait les cicatrices qu'il avait reçues en pleine poitrine, témoins des combats livrés avec honneur en maints endroits. Il avait ainsi la mauvaise trace des arquebuses partout sur le corps.

La foule lui demanda d'où venait son aspect misérable, tandis qu'elle s'était massée autour de lui presque à la manière d'une assemblée publique. Il répondit que, pendant qu'il combattait dans la révolte des achosiens, à cause des pillages, non seulement il n'avait pas eu de récoltes, mais en outre sa ferme avait été incendiée, tous ses biens détruits, ses troupeaux volés, un impôt de guerre exigé à un moment bien mal choisi pour lui. Aussi avait-il contracté des dettes. Celles-ci, grossies des intérêts, l'avaient obligé à se dépouiller du champ que lui avaient légué son père et son grand-père, puis de ses autres biens. Ensuite, comme une maladie contagieuse, elles avaient gagné son corps, son créancier l'avait emmené non en servage, mais au cachot et à la chambre de torture. Et là-dessus de montrer son dos rendu affreux par les traces toutes fraîches des coups de fouet. A cette vue, à ces paroles, un cri immense s'élève. L'agitation ne se limite plus au forum mais gagne tous les coins de la ville entière. Les serfs pour dettes, avec ou sans leurs chaînes, se précipitent de partout dans la rue, implorant la protection de San Stefano, sur le parvis de la basilique. Cette affaire eut provoquée grand émoi, qui fut aggrandie encore par les mécontentements de plus en plus nombreux dont le servage pour dettes était responsable.

Cette année-là fut pour la populace velsnienne comme le début d'une ère nouvelle de liberté grâce à la disparition des serfs pour dettes. Le droit fut modifié à cause à la fois de la passion et de la cruauté extraordinaire d'un unique créancier. Un cas particulièrement poignant fut noté par le peuple, et il s'agissait là d'un certain Sylvio Pedretti, qui avait livré sa propre personne en gage en raison des dettes de son père. La jeunesse et la beauté du garçon, qui auraient pu susciter sa pitié, ne firent qu'enflammer en son coeur un désir honteux. Ayant pensé que le jeune homme, en pleine fleur de l'âge, constituait un bénéfice inattendu de sa créance, son débiteur chercha tout d'abord à le séduire par des propos indécents. Puis, comme l'adolescent repoussait cet outrage, il l'effraya par des menaces et, à diverses reprises, se mit à lui rappeler son sort. Enfin, voyant qu'il se rappelait davantage sa condition d'homme libre que sa situation présente, il le fit dépouiller de ses vêtements et ordonna d'apporter des verges.

Déchiré par ces verges, le jeune homme se précipita dehors, accusant à grands cris la passion et la cruauté de son créancier. Une foule de gens, qu'enflammaient non seulement la compassion pour son jeune âge et le traitement odieux et indigne dont il avait été l'objet, mais aussi la considération de leur propre condition et de celle de leurs enfants, accourent en masse vers la place San Stefano et de là, en rangs serrés, se dirigent vers le Palais des Patrices. Les sénateurs, forcés par cette agitation soudaine, convoquent ces excellences et, à l'entrée des sénateurs dans la chambre, on leur montre avec insistance, en se jetant aux pieds de chacun d'eux, le dos lacéré du jeune homme. On rompit ce jour-là, en raison de l'outrage immodéré d'un seul homme un lien puissant du crédit, et les sénateurs reçurent l'ordre de proposer au peuple que nul, mis à part les criminels pendant la durée de leur peine, ne pourrait être maintenu dans les fers ou en prison. Une dette ne serait cautionnée que par les biens du débiteur, non par sa personne. C'est ainsi que furent délivrés les esclaves pour dettes, et l'on veilla pour l'avenir à ce qu'il n'y en eût plus d'autres. (...)
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Philosophie
Période velsnienne classique

La cité velsnienne idéale: dialogue teylais
Giovanni Cesari (1312)



Un jour, un teylais est venu me voir. Il me dit faire un long chemin pour me voir, afin de me quérir de quelque problème et paradoxe de son monde. Pensant que je serais de bon conseil, mais sans doute bien davantage pour piéger l'homme libre que je suis, il me pose ainsi sa question:
«  Excellence Cesarini. Toi qui est sénateur de ta cité, toi qui connaît les affres de la politique, toi qui sait à quel point faire le bien est plus difficile qu'en énoncer son contenu. Dis moi donc quel serait le gouvernement idéal selon toi ! »

Alors je me penche vers lui, et je lui fis remarquer qu'il prenait pas cette question par le bon côté. Qu'avant même de lui dire ce qu'était le bon gouvernement, je devais lui dire ce qu'était un gouvernement, ou même ce qu'était la politique. Je pose alors ma main sur son épaule, et lève le doigt vers le ciel :

Je ne pense pas qu'il de bien et de mal, de bonne ou de mauvais situation dans la politique. Il y a ceux, qui préfèrent bâtir un système politique idéal et théorique, et ceux qui se fondent sur l’expérience, l'approche réaliste et descriptive. Il est beau d'imaginer le paradis, il est plus difficile de le mettre en branle lorsque l'on ignore les tenants et les aboutissants, en partant du néant et sans connaître les choses du monde qui pourraient nous y diriger.

Vois tu: toutes les associations sont formées dans le but de parvenir au bien sont de l'ordre de la politique. La question du gouvernement idéal a autant de sens qu'elle ne se présente dans la variété d ses situations. Les teylais ont les royaumes, les velsniens ont trouvé la cité, qui est l’association la plus commune de notre monde, contenant toutes les autres associations: c'est un rassemblement de familles, de cellules et d'associations. Encore une fois, les teylais ont encadré cela par l'hérédité, les velsniens par la cité. Dans les deux cas, la cité doit viser le plus grand bien du corps qui la compose. Ainsi, nous ne pouvons atteindre la vie bonne qu’en vivant dans une cité, à contrario des achosiens vivant seulement avec le cadre naturel, presque nus. Ainsi donc, avant même de définir le bon gouvernement, il faut en définir le cadre: celui des relations qui définissent la cité.

A ce « qu'est une cité », je té répondrais, moi, Giovanni Cesari, qu'il s'agit d'un cadre qui s'impose à nous de la plus naturelle des façons, si tant est qu'une société civilisée en perçoit le bon usage. Comme Velsna l'a été un temps, une cité est constituée de plusieurs villages vivant en autonomie et en indépendance, qui permet aux gens de mener une vie jugée heureuse par ceux qui en sont à leur tête. Donc toute cité est une construction naturelle puisqu’elle procède de villages qui le sont aussi. C'est là simplement un niveau supérieur de construction politique que la simple communauté, qui nous éloigne de la sauvagerie. Sur ce point là, Teyla et Velsna sont toutes deux des cités, car toutes deux ont été constituées par des individus vivant auparavant dans des entités plus modestes, et de leur propre chef. Enfin, pour toi qui accorde tant d'importance à te distinguer du reste de l'univers et te dire teylais, sache que je ne considère pas que la cité est liée à un lieu ou à un point donné. Il ne s'agit pas d'un ancrage territorial, mais si je vais t'expliquer plus tard que l'indépendance et l'autarcie qui caractérise toute cité libre se doit d'en posséder un. Car oui, la bonne cité est la communauté de la vie heureuse, dont la fin est une vie parfaite et autarcique, libérée de la contrainte extérieure. A ce titre, tu comprendras toute l'importance que mes compatriotes accordent à l'exercice de leur propre voix.

Enfin, à ce qu'est une bonne cité en son sein, je pense qu'il est toujours bon d'établir une distinction entre les individus qui la compose, car il ne peut y avoir d'égalité lorsque chacun y a une tâche différente. Il existe en effet une distinction entre les gens de la cité. Dans la bonne cité, il y a les gens très aisés, les gens très modestes et en troisième lieu les gens intermédiaires.Je ne connais point de cités qui ne compte rien que l'une ou deux de ces catégories, du moins parmi celles qui sont sorties de la sauvagerie. La meilleure communauté politique qui existe est celle constituée par des individus de ces trois conditions, car plus ils permettent d’empêcher les excès. Si la part des modestes est prépondérante alors on tombe dans la tyrannie des plus nombreux. A l'inverse, si il n'y a que des hommes et des femmes nobles, qui fera donc les labeurs qui nécessitent davantage la force des bras que celle de l'esprit. La bonne cité est celle de la propriété privée, qui est assez tempérée pour ne pas paradoxalement étouffer la propriété privée.

A cette configuration idéale, je dis qu'une cité est nécessairement celle qui est formée d’un nombre de gens qui ont le nombre minimum pour atteindre l’autarcie en vue de la vie heureuse qui convient à la communauté politique. Dès lors, il est évident que la meilleure limite pour une cité, c’est le nombre maximum de citoyens propre à assurer une vie autarcique et qu’on peut saisir d’un seul coup d’œil. L'indépendance s’acquiert avant tout par le nombre, il va sans dire. Dans la même optique, la cité parfaite se doit d’avoir un terrain difficile à envahir par les ennemis mais facile à évacuer par ses habitants. Ce même territoire doit être le plus autarcique possible mais permettre une vie de loisirs, et se satisfaire d'assez de commerce pour compenser ses quelques lacunes. Aussi, je ne peux concevoir de cité idéale et véritablement libre sans tous ces critères.

A cela j'ajoute que l'unité fondamentale de la cité est le citoyen. Un citoyen est celui qui habite la cité. Mais je te mets en garde sur cette définition, qui ne peut pas être aussi simple car l'étranger y habite aussi sans être citoyen. Ainsi le citoyen est défini par la possibilité de la fonction judiciaire et la magistrature. Le citoyen est un fils de citoyen, ou il lui a été octroyé la citoyenneté sur la base du mérite extraordinaire. On peut être citoyen de façon juste ou injuste. Cependant il ne faut pas remettre en cause la qualité du citoyen admis de façon non juste. Ainsi, sur cette base, je dirai que le pouvoir politique, c’est de gouverner des gens du même genre que soi, c'est-à-dire des hommes libres. Ainsi il existe la vertu de commandement et la vertu d’obéissance chez les hommes libres.

A cela, je pense que le citoyen doit être encadré par des textes et des lois qui va dépendre du type de citoyen qu’il y a dans la cité. Il n’existe pas pour moi, de constitution idéale, teylais, car comme je l'ai dit, toutes les situations ont des solutions différentes. Je te prends l'exemple de ma cité, Velsna, qui n'a pas toujours eu la forme qu'on lui connaît. Avant la République, il y eut des patrices qui se comportaient en monarques. Non pas que la monarchie en soi est une chose fort mauvaise, car aucun régime n'est naturellement porté vers le mal, mais la royauté en revanche, est caractéristique de sociétés où il est rare de trouver des hommes supérieurs en vertu, assez supérieurs et libres pour remettre en cause un droit primitif à l'hérédité. En ce sens, la royauté teylaise n'est pas tant moins bonne que la République de nos sénateurs, mais il convient mieux à des sujets qu'à des hommes libres. Velsna a changé sa manière de gouverner par le développement de la vertu civique d'un plus grand nombre d'individus.

Ainsi donc, il existe autant de gouvernements idéaux que de situations, des gouvernements qui peuvent être toutefois pervertis dans tous les cas. Et je me fais l'honneur de t'en définir la liste. Laisse moi enquêter sur les lois qui définissent tous les régimes, qu'ils soient réels ou bien théoriques. En tout point il faut préférer la souveraineté de la loi à celle d'un des citoyens, car de là naît le droit. Savoir si une bonne cité est unie est une bonne question, car instinctivement, n'importe qui dirait que c'est là une bonne chose. Toutefois, il est manifeste que si elle avance trop sur la voie de l’unité, une cité n’en sera plus une, car la cité a dans la nature d’être une certaine sorte de multiplicité, et d'exprimer les opinions de ses citoyens. A mon opinion, il doit exister un lien entre la liberté, la propriété et l’intérêt du bien commun, qui se doit d'être représenté par les assemblées représentatives des corps civiques, tel un Sénat composé des meilleurs et des plus vertueux de nos citoyens.

A ceux qui me diraient que la richesse et les déséquilibres que la prospérité de certains implique, je penserai que ce sont les désirs davantage que la fortune qu’il convient de juguler, et cela passera par la loi, supérieure à tous les hommes. Cette recherche de la vertu citoyenne doit se faire par celle du régime qui sera le plus approprié pour ta cité, teylais. La liberté ne s'obtient pas dans l'idéalisme au sens philosophique du terme, mais par l'observation empirique de la situation dans laquelle tu te trouves. Il existe plusieurs formes de nations: celles qui visent l’avantage commun, les constitutions que je considère vertueuses selon ta situation, et celles au contraire qui ne visent que l’intérêt d'un groupe précis, qui sont des constitutions déviantes qui mèneront ton pays à la ruine.
Ainsi, à ta question de la recherche du meilleur des gouvernements, je te réponds que chacun d'entre eux a un mieux, vers lequel il faut tendre, et un pire, qu'il convient d'éviter, et que chaque régime idéal porte en lui des mécanismes qui peuvent le faire sombrer. Il existe une tension constante entre le pouvoir désintéressé, et le pouvoir égoïste.

En premier lieu, il y a le pouvoir d'un seul, tel que tu le connais en ta patrie, le pouvoir de la royauté et de l'hérédité, et dont le pendant égoïste est la tyrannie. Je puis te confier mon admiration, teylais, de la façon dont vous autres avez à vous reposer sur un individu que vous nommez « roi ». Dans l'absolu, le pouvoir d'un seul est la forme la plus pure et la plus parfaite des gouvernements...mais sa gouvernance exige de telles qualités que même Dame Fortune ne peut les concevoir. Un telle personne, sur laquelle repose autant de choses, celle-là nécessité d'être dotée d'une telle vertu, tant et si bien qu'elle doive se rapproche plus d'un dieu que de l'Homme pour être bonne. Aussi, conviens-en que confier le pouvoir à un un roi n'est aucunement une bonne chose, sauf si celui-ci sait tendre l'oreille en direction d'hommes vertueux. Il faut donner le pouvoir en fonction des compétences et non pas en fonction de la naissance, et je vois en cette solution des conseillers vertueux la seule viabilité du royaume dans lequel tu vis. Car oui, la royauté exige plus que tout autre ce rôle de législateur, car naître roi ne fait pas de soi un homme de loi. Le législateur est le maillon le plus fort de la cité, et il est comme un artisan. Comme eux, il crée, utilise et réforme quand c'est nécessaire le système légal. Mais ses opérations sont plus difficiles à réaliser par des hommes de bien lorsque le seul homme au pouvoir est lui-même imparfait.

A contrario, les gens de la patrie des apaméens, dont j'ignore si tu as étudié leurs coutumes, vivent dans un monde qui est totalement renversé par rapport au tien. Eux, vénèrent la solution du plus nombreux, et voient en celle-là la meilleure de toutes les constitutions. Là encore, il existe la bonne et la mauvaise démocratie, selon les peuples auprès de qui on l'applique. Il va de soi que pour les gens de la noble cité d'Apamée, cette solution s'impose, compte tenu de l'implication de ses gens, dont les vertus sont par endroits plus grandes que celles de ma propre patrie. Mais en revanche, je ne pense pas que des achosiens réglant chacun de leurs problèmes avec des massues ne soient de la trempe idéale pour en appliquer les principes, et par extension chez tous ceux qui aspirent à faire régner le régime du plus fort. Outre cela, la démocratie, elle aussi, peut dégénérer vers sa forme égoïste, et devenir un régime de la clientèle et de la médiocrité. L'égalité du droit, en effet, peut conduire à une valorisation de la médiocrité en tant que moyenne, et faire triompher l'envie et la jalousie au dépens du talent personnel et individuel. Si je dois reprendre l'exemple de la cité d'Apamée, il existe une mesure permettant de procéder à l’ostracisme de ses citoyens les plus à même de représenter une menace pour la cité. Cependant, cette loi vertueuse est devenue un outil de l’égoïsme, dans le sens où elle sert désormais de moyen facile à l'exil de citoyens sous couvert de l'envie, et n'est rien de plus désormais qu'une arme politique aux mains d'hommes peu vertueux. Si même des hommes de la cité si noble d'Apamée ne peuvent entretenir la vertu de la démocratie, je te pose la question, teylais, de savoir qui en ce monde est en mesure de le faire. Les démocraties changent principalement du fait de l’audace des démagogues, qui lorsqu'ils évoluent dans un cadre médiocre, peuvent fournir les plus grands tyrans. Il ne fait nul secret que la plupart d'entre eux sont sortis de ce moule par le passé, du moins en ma patrie.

A ces deux régimes, il nous reste celui de l'aristocratie, qui diffère en plusieurs points des gouvernements d'un seul, et de ceux de tous. Celui du grand nombre tempéré par la raison du petit nombre: une République dominée par l'aristocratie, sous le régime des meilleurs. Comme un régime où émergent des individus supérieurs, aptes à exercer le pouvoir, je soutiens que l'aristocratie est le gouvernement de tous les hommes de bien, lorsque ceux ci sont majoritaires, à défaut de quoi, et comme tous les régimes, l'aristocratie vertueuse peut devenir une oligarchie déviante, tout comme la démocratie peut devenir médiocrité et comme la monarchie peut devenir tyrannie. Cependant, je ne puis m'empêcher de penser que la déviance de l'aristocratie sera toujours moins dangereuse que celle de la monarchie ou de la démocratie, dans le sens où le pouvoir y est divisé, entre le grand et le petit nombre, et qu'il s'agit du régime que les démagogues ont le plus grand mal à renverser. Ils furent nombreux à Velsna, il n'y eu pas un pour réussir, car l'aristocratie est inébranlable lorsqu'elle s'appuie sur le tradition et l'ancienneté. Quant au peuple, ce n’est pas tant d’être écartés du pouvoir qui irrite la majorité des gens, au contraire, ils sont contents si on leur permet de s’occuper à loisir de leurs affaires personnelles, que de penser que les magistrats pillent le bien public. Bien entendu, l'aristocratie elle même reste corruptible: la corruption extrême est atteinte lorsque la classe dirigeante devient héréditaire, là, l’aristocratie se transforme en oligarchie, puis en monarchie. N’ayant plus besoin de l'approbation des gouvernés, la noblesse héréditaire ne gouverne plus en vue de l’intérêt commun, et les nobles ne peuvent plus guère avoir de modération, qui est la plus grande vertu du régime aristocratique. C'est en veillant à ce que l'aristocratie ne devienne pas héréditaire notre patrie a produit de très bonnes lois afin de maintenir la modération des ses gens, et j'estime qu'il s'agit là de la meilleure forme de gouvernement, car c'est celle qui s'éloigne le plus de l'arbitraire.
Naturellement, tous ces gouvernements ne peuvent pas se diriger vers la vertu sans l'éthique, avec qui la politique a en commun la recherche du bien.. Pour bâtir une cité solide sur ses fondations, il faut non seulement de la justice mais aussi quelque chose de plus, à savoir l'amitié. Celle-ci permet de dépasser la notion de juste milieu et renforce l'idée de justice. Cette justice, dans la reconnaissance des torts de chacun, dans son usage avec modération, se rapproche davantage de l'idéal de l'aristocratie que de tout autre chose. Comme toutes les vertus morales, la justice vise la mesure, le juste milieu. Mais, elle a aussi un autre sens et sert à qualifier nos rapports avec nos semblables et dans ce sens à un lien avec l'amitié. Elle est donc la vertu complète qui nous fait rechercher à la fois notre bien et celui d'autrui. En pratique, il est utile qu'elle soit soutenue par des lois qui diront le juste et l'injuste. La justice est d'abord une vertu éthique de sorte qu'elle sert de norme à la loi, plutôt que la loi elle même.

Enfin, et pour toute chose, je finirai dans ma démonstration de la cité idéale que celle-ci repose sur cinq principes : en premier lieu, les hommes ont une fonction naturelle, une tâche spécifique qu'il s'agit d'accepter pour embrasser son rôle dans la cité. Deuxièmement, la cité doit aspirer au principe de perfection, car le bien ultime, le bonheur des êtres humains consiste dans la perfection, dans la pleine réalisation de notre fonction naturelle. Ensuite, la cité doit remplir le principe de communauté, dont la forme la plus parfaite est celle de la cité-état : entité ni trop grande, ni trop exiguë, et qui correspond à la nature de l'homme et permet d'atteindre la vie bonne. Va ensuite le principe de gouvernement sous la loi placée sous le règne de la raison. Et enfin, ce même principe de la règle de raison qui doit justifier chacune de nos actes. Nous sommes tous habités par l’irrationalité, mais la gouvernance terrestre nous oblige à nous conformer, non pas par la passion, mais par la raison, quitte à devoir refouler nos passions éphémères et l'idéal inatteignable.

Pour finir et dans mon opinion, la cité bonne et juste n'a ni vocation comme le croient les oligarques à maximiser leur richesse ni, comme le croient les pauvres qui plaident pour la démocratie, à promouvoir l'égalité. Son but n'est en rien la liberté non plus, mais est de rendre possible une vie bonne faite d'actions nobles et vertueuses. La moins mauvaise constitution, en ce sens est celle où le pouvoir est contrôlé par un groupe d'hommes éduqués, comme peut l'être l'aristocratie, car n'étant ni seuls au pouvoir, ni pauvres, sont plus naturellement modérés et enclins à suivre la raison que les autres. Par ailleurs, ils auront toujours moins tendance à rejoindre des factions violentes et irréductibles, et la cité sera d'autant plus en paix et stable, ce qui est l'une des conditions de l'accès au bonheur : le seul but véritable du bon gouvernement.
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Peuples et coutumes de l'île celtique

Emilio Alvario (1245)



Il a été donné à nombre de compatriotes de traverser la mer, et réparer les injustices causées par la nation des achosiens. Si nul ne peut désormais ignorer le triomphe et la grandeur de notre cause, qui a permis à nos pères, par deux fois de mettre au joug le pays d'Achos, il est injustice d'ignorer qie ces pays sont de trempe bien différente du nôtre, et j'eus été fort déçu que si peu de descriptions de ce pays merveilleur et sauvage, peuplé de bêtes féroces ou humaines, ne soit si peu narré. Les grandes batailles font parler en effet, mais il n'est guère fait de cas des terres qu'elles ont parcourues, par manque d'interêt ou d'ignorance volontaire. Pourtant, l'île cektoique est riche de plusieurs pleuplades qui vivent dans des réalités différentes, et dont les moeurs et les langues ont été séparées par le temps.

Je commencerai par dire, donc, qu'il n'y a pas de peuple celtique, et que si celui-ci a existé un jour, ce devait être dans des temps si anciens que notre cité n'existait pas, et que même Rhême ne régnait pas encore sur l'univers. Il est important de le savoir, qu'à partir des langues innombrables, et des tribus tout aussi nombreuses, que distinction peut être faite en plusieurs niveaux et endroits, et que j'ai le désir de vous décrire chacune, et de rapprocher les velsniens de ce qu'est cette patrie si étrange et éloignée de la nôtre par la civilisation.

Nous pouvons distinguer les "grands peuples", ceux qui ne partagent rien, que ce soit de leurs moeurs ou de leurs langues, et les "petits peuples", qui partagent des similitudes qui permettent d'imaginer une parenté lointaine. Ainsi, je commencerai par esquisser l'existence de deux "grandes nations" et leur ligne de démarcation. Il y a une île "celte" et une île "saxonne". Les saxons qui y habitent, vivent en des patries au nom évocateur: Landor ou Camford sont de ces cités. Leur langue est très proche de celle de gens de peuples germaniques, car ils en viennent et y sont liés. Ainsi, il m'a été dit que les gens du pays des margoulins peuvent parfois comprendre quelques mots de ceux du pays saxon. De très loin, ce sont ainsi les insulaires les plus civilisés, car ils ont apportés avec eux les coutumes du pays germaniquen, il y a dit-on plusieurs centaines d'années. Ils vivent en Royaumes et en principautés, et leur monde est organisé de la manière la plus verticale, qui est vue comme gracieuse et la meilleure conception de la puissance. Leur univers est une hiérarchie voulue par dieu, comme elle l'est dans le pays de Gallouèse et de Teyla: un paysan y sera toujours serf par le sang, et un chevalier y sera toujours noble par le sang. Les petits barons obéissent aux barons, qui eux même obéissent à un plus grand seigneur, qui lui-même obéit à un roi d'une patrie morcelée en comtés et duchés.

Leur Histoire est celle d'une grande migration, qui commença par des actes de piraterie contre la patrie universelle des rhémiens. Il étaient des navigateurs habiles, poussés du pays des margoulins par la faim et le froid. Il étaient fort bons pirates qui infestaient la Manche blanche. C'est pour se protéger de leurs méfaits, que les rhémiens ont dû mettre en place sur le littoral de la plaine de Velsna, un chef en état de régner, un Comte de la côté septentrionale, qui devait protéger ces rivages, de l'actuelle pays zélandiens à quart sud de l'île celtique. Ils se seraient installés pour quelques uns sur nos terres, avant que Velsna ne soit Velsna, mais ils ne durèrent guère, et ils furent repoussés, ce qui n'arriva pas au pays des celtes, qui refluèrent au nord, là où l'autorité des rhémiens ne les avait jamais effleuré.

On dit que ce sont les celtes les premiers qui auraient fait venir ces hommes, car ils formaient, après leurs talents de pirates, des guerriers excellents, qui réglaient les affaires des rois d'une telle manière qu'ils devinrent indispensables, d'abord pour les rhémiens, puis pour les celtes. On me dit ainsi que ce fut un chef nommé Voltongern qui les fit venir les premiers, mais que ces gens prirent son Royaume, qui en furent plusieurs, avant de devenir le pays de Caratrad, unifiée sous un Bretwalda, un roi des rois.

Au nord de la patrie caratradaise, des saxons prirent la possession du pays de Dumnor, où vivaient des tribus Srictiis, qui dit-on, étaient très proches de celles que nous trouvons au pays de Menkelt par leur sauvagerie. On dit ainsi qu'ils se recouvraient les cheveux de beurre et les laissait pousser comme des crinières de chevaux, pour paraître plus effrayants. Leur terre devint la patrie des Austirs, mais ils eurent là plus de mal et de peine à domestiquer les bêtes habitant alors sur ces contrées, car elles se cachaient dans des marais, et consommaient le produit de la terre sans même le cultiver. On dit que les austirs apportèrent grand bien à cette patrie, y intégrant le christ et la peur de dieu, mais que ce fut si long, que cete conquête se termina alors même que la patrie des velsniens fut déjà fondée. Ne sachant comment former des rangs, se battant comme des bêtes et d'homme à homme, les scritis furent mis sous le joug de leurs nouveaux bienfaiteurs, non pas sans résistance. Il en résulte que les austirs, n'ayant pas eu le même temps poiur concevoir leur puissance, ne peuvent aujourd'hui égaler celle du pays de Caratrad, lequel fut une fondation rapide. Caratrad est donc plus populeuse, plus riche et plus prospère, et leur langue y est moins barbare, car ils reprirent beaucoup des rhémiens de l'île celtique. La langue des austirs diffère donc quelque peu de celle du pays de Caratrad, mais ont dit toute fois qu'un caratradais et qu'un austir peuvent se comprendre, dans la langue et dans les coutumes.

Les caratradais et les austirs vivent dans ce que les rhémiens ont construit, et leurs peuples habitent des ruines dont ils se sont inspirés pour leurs propres édifices. C'est là ce à dont ressemblent la succession de places fortes et de forteresses qui parsèment leur territoire en grand nombre. Mais les austirs et les caratradais du commun vivent plutôt dans de petites communautés, dont les plus grandes ne dépassant pas quelques centaines d'habitants. Les habitats sont dispersés, et il n'y a ade grandes villes que celles que les rhémiens ont légué, et qui ont fort rétréci avec le temps qui passe. Leurs maisons sont des huttes fabriquées en bois avec un toit de chaume, d'une seule pièce où tout le monde se retrouve pour cuisiner, manger et dormir. Les maisons sont construites face au soleil pour avoir le plus de chaleur et de lumière possible, et il faut leur dire qu'elles sont fort bien isolées du froid et du chaud. Ils produisent un torchis de qualité qu'ils recouvrent d'enduits peints de toutes les couleurs. Ils ont un artisanat dde bronze, de fer et d'or fort beau, mais ils n'ont pas de ressources, et achètent ces métaux au lointain, qu'ils gardent pour eux, ou qu'ils volaient en piraterie, chose qu'ils pratiquent de moins en moins. Les caratradais subsistent dans la modestie lorsque les austirs subsistent dans la misère, par la faiblesse de leur commerce mais aussi par leurs récoltes, car leurs terres sont fort peu fertiles

Tel sont les peuples saxons de l'île des celtes, dont une ligne très claire s'est formée, et demeure depuis désormais des siècles, d'est en ouest sur un frontière se constituant d'Eringam. Cette limite part vers le sud avant de bifurquer pleine ouest et l'océan de l'Esperance. Au delà, en plein nord, se trouve la nation des menkeltiens. Là, on y parle des dialectes nombreux, aussi nombreux qu'il y a de familles, si bien que peu peuvent se comprendre entre eux.

Ceux qui sont de Menkelt s'organisent en tribus, parfois très petites et au territoire mal défini ce qui les pousse sans arrêt et sous le moindre pretexte au conflit. Les menkeltiens sont ainsi poussés par leurs propres règles à l'agression. Ils sont irascibles, prompts au combat, du reste simple et sans malice, car les gens de Menkelt ne dégagent pas l'intelligence suffisante pour agir ainsi. Les menkeltiens sont simples, et incontrôlables dés lors de la moindre colère. Ils sont nombreux à partir à la guerre avec la rage dans le cœur, et ils se rassemblent en foule pour courir aux combats, et cela avec éclat, sans aucune peur, de sorte qu'ils tombent facilement sous les coups de ceux qui veulent employer contre eux les stratégies les plus simples. En effet, celle ci barre systématiquement la route des insurgés, qui cherchent à quitter le territoire velsnien. Le problème étant d'une part qu'aucune flotte est à disposition des rebelles, et d'autre part que s'enfoncer en territoire colonisé avec une armée de 10 000 hommes n'est pas une solution viable du point de vue du ravitaillement de cette troupe.

Pour la fertilité de leur patrie, il n'est pas facile de l'exprimer. Sa terre est pauvre, mais on y recueille uni si grande abondance de grains, que nous avons vu du froment. Le métrète de vin s'y donne pour une égale mesure d'orge, mais je ne conseille point de consommer leur breuvage qui est infecte, et qui a été amené du continent à l'époque des rhémiens. Les forêts y sont denses, et les chênes répandus çà et là fournissent une si grande quantité de glands, que, pour l'élevage de porcs, tant pour la vie ordinaire que pour les provisions de guerre, la plus grande partie se tire de ces plaines. Enfin les besoins de la vie y sont à si bon marché, que les voyageurs, ne demandent pas ce que leur coûtera chaque chose en particulier, mais combien il en coûte par tête. Pourtant, ils faut faire attention, car le logis y est miteux, et il n'y a en leur pays aucune maison qui ne soit faite d'un matériau plus noble que le torchis. Ils ne prennent que rarement l'argent, car ils survivent par le troc, là où le gens du pays d'Achos pratiquent l'échange de la monnaie.

Je ne dis rien du nombre d'hommes dont ce pays est peuplé, ni de la grandeur et de la beauté de leur corps, ni de leur courage dans les actions de la guerre. De toute évidence, ils sont faits différemment des achosiens, car ils sont moins laids que ceux là, et ont moins de difformités. Tous le voisinage celte du pays des saxons est ainsi de la patrie de ces hommes, par les celtes menkeltiens. Au delà il faut encore parcourir une longue marche vers le nord pour entrer en la patrie des achosiens, plus civilisée que celle de Menkelt. Il y a dans ces deux pays de grandes et fortes colonnes qui parsèment le coeur de leurs terres, qui traverse leur frontière du sud au nord, telle une chaîne de petites hauteurs. Au reste, quand je dis que ces deux régions centrales sont habitées, je ne parle que des lieux bas et des douces collines, car pour les sommets de ces monts, personne, jusqu'à présent, n'y a fixé son habitation. La difficulté d'y monter, et les neiges dont ils sont toujours couverts les rendent inhabitables. Tout le pays, depuis le commencement de le la chaîne chez les gens de Menkelt, et sa jonction avec les saxons, tant du côté de la mer de l'océan Esperance jusqu'au nord de l'île celtique, tout ce pays, dis-je, est habité par les saxons caratradais, au-delà sont les austariens, et après eux les menkeltiens, qui occupent les deux versants de cette chaîne, après lesquels cette chaîne de montagnes, qui est éloignée de l'océan d'Eperance d'environ 500 stades, se courbant vers la gauche, quitte les plaines, et, traversant par le milieu tout le reste de l'île celtique, va gagner la mer du nord.

(en travaux)
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