16/11/2017
08:42:45
Index du forum Continents Nazum Ramchourie

Activités étrangères en Ramchourie - Page 4

Voir fiche pays Voir sur la carte
0
Un Mandat Ascendant, Bienveillant et Universel...



Il est communément d'usage d'affirmer par proverbe que si les bonnes nouvelles tardent se perdent sur le chemin, les mauvaises ont quand à ailes des ailes qui leur permettent de se répandre ci et là dans la contrée avant même que n'apparaisse leurs opposées aux antipodes, mais quand est-il de celles que l'on ne saurait catégoriser ? En tout état de cause, cela dépend des situations, de l'ordre des nouvelles et surtout car c'est là le point le plus important ainsi que déterminant, la détermination de ses auteurs à voir le tout répandu aux quatre vents afin que tout être existant puisse en avoir connaissance. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le Céleste Empire des Ushongs entendait en ce jour que la volonté de la Cité Interdite et de son imposante administration bureaucratique devienne connue de tous car elle concernait par le fait le plus grand nombre, pas uniquement au sein des frontières impériales actuelles mais même au delà, visant sans le nommer l'ensemble des morceaux de verre du vitrail impérial brisé en mille morceaux à travers le continent, cherchant à apporter une solution alchimique permettant de recoller lesdits morceaux. C'était là la volonté la plus chère du Trône et de bien d'autres, mettre fin au cycle du chaos et de la destruction, achever l'ère de la désunion et restaurer ce qui fut jadis comme cela a toujours finit par l'être à chaque fois que l'histoire s'est répété au gré des siècles. Prospérité, décadence, crise, destruction, anarchie, silence, calme, vent nouveau, guerres, ralliement, résurgence, réunification, répétition.

C'était dans l'ordre des choses, c'était l'ordre des choses, millénaire, intemporel, il en était ainsi et ne pouvait en être autrement, la finalité était déjà acté à ceci près que l'on ne connaissait jamais le nom du vecteur de résurgence que sur les soubresauts de l'entreprise, ce n'était pas uniquement affaire de volonté ni de puissance après tout. L'entreprise de réunifier un empire et un peuple millénaire était après tout quelque chose qui dépassait le simple désir d'un ou plusieurs mortels, c'était une série de quêtes épiques s'inscrivant dans l'équivalent des légendes d'antan afin de créer un nouveau mythe, sublimant les sens et mettant à l'épreuve toutes les qualités et compétences humaines pouvant exister afin de combler un vide béant, une fracture à la taille inégalée au demeurant invisible qui empoisonnait l'existence du monde phénoménal au plus grand désarroi du monde fantasmagorique qui voyait l'auguste ciel pleurer des océans de larmes face à la terre et aux hommes meurtries par leurs propres égos et aspirations. Et ce quand bien même le temps était quelque chose de finalement très théorique dans ce cycle, après tout au regard des immortels une décennie ou même un siècle n'était qu'un instant passager dans une existence par essence éternelle, un souvenir parmi d'autres qui se verrait bien assez vite sublimé par le retour de l'astre solaire et son aube tant attendue, qu'importe si ce dernier ne se pressait point et mettait cinq décennies de plus à amorcer son retour.

Le genre humain pouvait prendre son temps, les cieux étaient patients, ils avaient tout le leur. Peut-être était-ce d'ailleurs l'essence même du Mandat conféré aux hommes, la tempérance du Divin et sa miséricorde qui même durant les affres des crises et des heures sombres ne s'évaporaient jamais totalement, une graine de bienveillance permettant à l'espoir de germer à nouveau persistant envers et contre tout. Les Dieux sont justes et bon après tout et laissent à leur héro le soin de guider les siens et d'assurer la pérennité de son existence car c'est là l'essence même de son devoir ainsi que la source de la légitimité faisant socle de son pouvoir. Le Fils du Ciel reçoit les bénédictions des vents et des tempêtes afin d'abreuver la terre et les peuples de la vie, il commande aux nuages et aux rivières afin de faire abonder les récoltes, mettre à bas les incendies, permettre aux individus de traverser les landes jusqu'aux confins du monde. Il ordonne aux esprits de bénir les êtres vivants afin de les purger des maux qui les accablent, tout comme il banni les démons qui cherchent à jouer des tours ou se repaître de l'infortune de chacun car nul parasite ne saurait fouler le monde phénoménal sous un mandat fort et ascendant. Il préserve la terre et tout ce qui habite, respire et vie en son sein, garde ceux se mettant sous sa protection de la malfaisance et l'ignominie d'un monde que certains peu scrupuleux cherchent à rendre laid et odieux.

Le Mandat n'est pas quelque chose d'unique à un seul sens, c'est un tout, une philosophie. Plus encore, c'est un idéal, ce vers quoi la gouvernance doit tendre car l'interprétation de son état est très simple, lorsque les bienfaits abondent et que les rires supplantent les larmes, le Mandat est alors sans nul doutes ascendant, il a accomplit son dû, ce pourquoi même il a été conféré. C'est alors une ère de bienveillance et de bienfaits qui règne sur la terre à l'ombre des cieux qui sourient en conséquence. A l'inverse, lorsque ce sont les larmes qui supplantent les rires, que la terre elle même se soulève et que les rivières sortent de leurs gonds jusqu'à ce que les cieux pleurent des larmes de sang, là où pestilence et famines prennent place et où les démons parcourent à découvert les mêmes arpents que les hommes en désarroi, alors le Mandat est descendant, réputé perdu pour son détenteur qui doit alors s'absoudre de ses péchés car il n'aura guère fait preuve de la vertu et de la dévotion inhérente à l'ascendance.

D'aucun dirait que ce sont là des superstitions, de simples légendes et contes d'enfants établit en des temps plus obscurs pour expliquer ce que l'on ne comprenait guère, mais est-ce vraiment le cas ? N'est-ce-pas plutôt là l'aigreur des gens de peu de vertu à l'esprit étriqué et la vision si ancrée dans la terre qu'il ne peuvent percevoir ce qui se trouve au delà de leur vision directe ? Nationalisme... Patriotisme... Idéologie... Indépendantisme... Ce sont là des concepts purement matériels portés par des hommes de peu de foi qui n'ont à coeur que leurs intérêts directs sous couvert d'une fausse vertu malvenue ne servant qu'à justifier leurs déviance et leur manque d'humanisme. Le Mandat dépasse ces simples idées mortelles, il les transcendent, les rends infiniment insignifiante face à la grandeur et l'idéal qu'il cherche à incarner. Et ce notamment car ledit Mandat, conféré par les cieux au représentant de ces derniers décidé par la grâce du Divin, de l'univers même, est le vecteur de ce qui doit être, le Ying et le Yang en parfait équilibre, le gardien du monde qui permet à l'humanité d'accomplir sa vocation avec la bénédiction des forces surnaturelles.

Le Mandat est l'humain, le mandat est l'humanité, le mandat est universel. En cela il ne connaît guère de frontières et se doit d'accorder ses bienfaits à tous et toutes. Mais que faire face à ceux qui refusent catégoriquement de par leurs regards viciés et esprits corrompus par des idées suggérés ainsi que soufflés par les démons du vice et du malheur qui cherchent à se repaître des souffrances du genre humain ? Il n'y a guère de réponses uniques tout comme chacune ne peut se targuer d'être parfaite. Chaque Fils ou plus rarement Fille du Ciel ont trouvé les leurs d'eux même la plupart du temps, grâce à des conseils parfois habiles mais plus souvent malavisés d'autres fois. C'est ainsi. Parfois il faut emprunter la voie des ombres pour émerger à nouveau dans la lumière, tandis que de temps à autres la plume suffit, cela dépend de l'obstination et du degré de perdition des uns et des autres... Le genre humain peut se montrer extrêmement têtu après tout. Toujours est-il que au delà des solutions à apporter à des problèmes éminemment où les ambitions et les aspirations se confrontent, il demeure du devoir du tenant du Mandat de préparer l'après.

Car il ne suffit pas d'intégrer sous l'égide des Cieux et de son Mandat les individus, il faut conquérir les coeurs et les rallier aux bienfaits, c'est à ce prix seul que l'ascendance se poursuit, lorsque l'esprit finalement émerge de la caverne et contemple bien au delà de ce qui se trouve sous ses yeux mortels et à court terme. Lorsqu'il contemple le monde phénoménal et au delà de ses frontières mortelles, la réalité de l'univers et du monde fantasmagorique. Lorsqu'il réalise qu'il a besoin des bienfaits du Mandat, car ce dernier est seul absolue garantie de prospérité et de la poursuite d'un idéal. C'est d'autant plus vrai lorsque les populations perdues, les fils et filles, frères et soeurs du genre humain, Ushongs par l'essence et l'âme plutôt que les gênes, ont été pervertis, empoisonnés dans leurs psychés même par les démons insidieux tapis dans les abysses et ayant profité d'un Mandant descendant pour commettre mille et uns méfaits. La reconquête des âmes et des coeurs est ainsi une priorité afin que le cycle soit accomplie et que le Céleste Empire ne soit à nouveau plus qu'un tout unique et présupposé éternelle jusqu'à la prochaine séquence de répétition qui adviendra inévitablement un jour.

Le Grand Secrétariat, sous les Ordres du Trône du Dragon, a à cette fin entrepris une vaste entreprise visant à proclamer les intentions bienveillantes du Fils du ciel, et à rappeler l'objet du Mandat Céleste et ses aspirations à ceux qui ont été inondé par les mensonges et l'infamie depuis des décennies jusqu'à voir en leurs frères et soeurs, des ennemis à abattre plutôt que des homologues voué à profiter des bienfaits du monde comme cela devrait être. L'action manifeste temporelle n'est qu'une partie de ce qu'il convient de faire afin de rectifier les choses, l'établissement d'un décret intemporel visant à clarifier les incertitudes et à rassurer les âmes en peine est un accompagnement absolument nécessaire, une condition sine qua non afin de permettre le retour des brebis égarés dans le troupeau avant d'aller paître vers des espaces toujours verdoyants.

Ainsi s'accompagne la Volonté du Trône du Dragon.






Décret Impérial du Cinquième Cycle Lunaire de l'An 4617 du Dragon


Relatif quand à l'équité des sujets de l'Empire devant le Droit Impérial qu'importe leurs ethnies ou croyances et au caractère transcendant la simple culture du Peuple Ushong



Préambule

Le Décret si présent a été édicté en conformité avec le légalisme et les formes d'usages relatifs aux convenances attendu de tout documents officiels rédigés sur Ordre du Trône du Dragon par le diligent Grand Secrétariat, sa rédaction a été de facto supervisée directement par le Chambellan Impérial Yao Liang et ses aides les plus compétentes, a été apposé à la suite d'une cérémonie officielle de mise en application au sein de la Cité Interdite, le Sceau Impérial, actant de fait la légitimité et la prise d'effet dudit Décret.

Article Premier,

Le Céleste Empire des Ushongs, par le Mandat Céleste octroyé des cieux eux mêmes au Fils du Ciel, leur représentant sur la terre des mortels, réaffirme dans un premier lieu le Yantésinisme comme sa Philosophie spirituelle d'état attitrée. En vertu des notions de syncrétisme inhérente à ladite Philosophie établit la possibilité claire et évidente de coexistence avec les cultes divers et variés existant en ce bas monde.

Ces derniers sont réputés comme émanant des cieux et s'apparentant aux Immortels régissant l'univers par delà le voile du monde phénoménal.

Le cas échéant, est reconnu à chaque loyal sujet de l'Empire officiellement le droit inaliénable de choisir ses croyances spirituelles et de pratiquer le culte de ces derniers librement tant que les pratiques susmentionnées ne contreviennent pas à l'ordre public ou à la législation en vigueur visant à préserver l'ordre et l'harmonie au sein de l'Empire. Le processus s'inscrit dans la poursuite des traditions syncrétiques et des Us et Coutumes, gravant définitivement dans le marbre au regard du droit ce qui était déjà acté par le fait.

Article Second,

Le Céleste Empire des Ushongs, par le Mandat Céleste octroyé des cieux eux mêmes au Fils du Ciel, leur représentant sur la terre des mortels, acte la mise sur un pied d'égalité au regard du Droit Impérial, l'ensemble des sujets impériaux et ce qu'importe désormais leurs ethnies, qu'ils soient Beï, Leï, Nin, Ramchoures, Lan Xin, Chandekolzans, ou tout autre tant que ses individus s'apparentant à ces groupes se déclarent comme sujets de l'Empereur.

Est réputé sujet de l'Empereur quiconque est inscrit dans les registres officiels d'administration de recensements de l'Empire, vit au sein du territoire Impérial, paye ou entends une fois reconnu comme sujet de l'Empereur payer des impôts à l'Empire via les magistratures ou tout autres officiels représentant le Trône à l'échelle locale et reconnaît le Fils du Ciel comme son Souverain Temporel.


Addendum 1,

La condition de paiement d'impôts relative au statut de sujet de l'Empereur peut être transposée par une "volonté" future, avec une prise d'effet effective différée au regard des situations d'intégration et de réintégration de l'Empire afin de ne point peser financièrement sur des foyers dans le besoin inaptes à s'acquitter d'obligations financières en l'état. De ce fait, des exemptions d'impôts peuvent être décidés temporairement selon des durées à déterminer administrativement à des échelles locales, afin d'accommoder l'intégration des individus désirant devenir ou redevenir sujets de l'Empire.


Est accordé à tout sujet de l'Empereur, la jouissance des droits comme indiqués dans la Législation en vigueur, la protection de l'Empire qui est réputé comme inhérente et acquise à tout loyal sujet, et la tenue des devoirs du Mandat quand au peuple à savoir le partage des bienfaits et la poursuite de la prospérité partagée avec chaque sujet du Trône.

Sont soumis en échange à un devoir de respect de la législation impériale en vigueur, d'obéissance ainsi que de loyauté au Fils du Ciel tout comme à l'Empire, et du respect de l'Harmonie entre la Terre et les Cieux.

Article Troisième,

Au regard du Droit Impérial et dans une optique d'égalisation des droits et des devoirs de chaque groupe ethnique divers auxquelles appartiennent les sujets de l'Empereur, ces derniers sont réputés comme faisant partie du Peuple Ushong dont le concept est le cas échéant élevé de façon transcendantale afin de désigner les Sujets de l'Empereur dans leur ensemble, dépassant la simple conception relative à l'aire Culturelle Cathayenne afin de s'inscrire dans un principe d'universalisme répondant mieux aux besoins administratifs et humains de justesse du Céleste Empire.

Le Peuple Ushong est de fait réputé comme la désignation des Sujets de l'Empereur, disposant de la jouissance des droits et devant s'acquitter des devoirs tels que décrété par la législation Impérial en vigueur.

Article Quatrième,

Toute forme de discrimination ou d'inégalités sur des fondements ethniques ou de croyances sont de facto officiellement prohibés et feront l'objet de sanctions adéquates dont la teneur sera déterminé par la gravité de l'offense réalisée, du préjudice subit par tout sujet de l'Empereur en étant victime mais aussi de la stature de l'individu se rendant coupables d'actes ou de paroles discriminatoires.

Seront plus sévèrement châtiés tout fonctionnaire, représentant de la fonction public ou Exécutant des forces de Sécurité Civiles Impériales, prit à s'exercer à ces processus ce en vertu d'un devoir inhérent d'exemplarité quand à l'application du présent Décret incarnant la Volonté du Trône Impérial.

Les Magistrats et autres organes recevant les doléances et plaintes afin de rendre justice sont tenus d'enquêter et d'adresser le cas échéant si confirmation il y de la perpétration de faits discriminatoires, les affaires qui sont portés à leur connaissances. Toute inaction ou passivité pourra entraîner des sanctions, voir des révocations sur ordre du Trône Impérial.

Si les hérauts impériaux annoncèrent la mise en application du nouveau décret en grande pompes dans le coeur de l'Empire, en place publiques comme au sein des organes de presse naissant en pleine ascension, ce dernier vit plusieurs de ses exemplaires s'exporter par delà les frontières, accompagnant notamment les livraisons de denrées vivrières dans certaines localités pauvres et reculés de Ramchourie comme du Chandekolza dans un premier temps. Ce avant d'apparaître petit à petit dans les organes de presse locaux, poussés par des individus ayant intérêt à ce que la nouvelle se répande, notamment au sein de ceux qui étaient considérés de façon inhérente comme des sujets historiques de l'Empire, perdus et mis à mal par des décennies d'incompétences et de corruption, attendant en priant la grâce des cieux que l'on vienne les sortir du marasme et du malheur dans lequel ces régions vulnérables étaaient empêtrés.

Ces appels, cette volonté, qui concordait avec celle du Mandat même, n'étaient ainsi pas restés sans réponse, l'évolution de législation Impériale n'était que la suite logique des conséquences de l'ascendance retrouvée du Mandat. Un accompagnement nécessaire, qui était le prélude à d'autres changements bien plus grands visant à répandre les bienfaits et réunifier les milles et un morceaux d'un Empire brisé vulnérable face à la pestilence étrangère qui se pressait toujours plus aux portes afin de faire chanceler les fondements même de l'Harmonie.

L'union faisait la force, et puis face à la corruption et l'incompétence notoire de dirigeants ayant depuis longtemps cessé de convaincre quiconque par des promesses creuses et des mensonges éhontés, n'était-il peut être pas temps d'essayer quelque chose d'autres ? Pourquoi ne pas retenter l'aventure Impériale ? Après tout valait-il mieux mourir de faim dans l'indifférence générale ? Valait-il mieux attendre se faire occire pour les ambitions de seigneurs de guerres querelleurs ne cherchant que leur propre fortune ? En quoi la Dynastie Xin et l'Empire qui connaissait un sursaut de prospérité jamais vu depuis plus d'un siècle dans la région où son règne s'étendait autrefois était-elle une infamie sans nom ? Cette "liberté" factice et mensongère, qui n'était finalement que la liberté de mourir dans d'atroces souffrances, valait-elle mieux qu'une allégeance qui serait certainement récompensée et permettrait non plus de survivre, mais de vivre tout simplement ?

La question reposait dans les mains des individus. Le Doute était semée. Le choix allait s'imposer.

3525
Les oreilles dressées: le Zijian se montre enfin




a
Ils sont venus...et sont repartis...


Les individus vont et viennent. La Ramchourie se remplit d'armes, de soldats, au même rythme que le nombre de morts s'accumule. Et il y a les étrangers, de plus en plus nombreux autour de la carcasse du pays au soleil bleu. Dans ce contexte, au sein de la cellule locale de la Segreda velsnienne, désormais basée dans la capitale ushong, chaque bruit est important, chaque remontée d'information du terrain est à trier, classifier et à prendre en compte. Le bruit enfle, on l'entend fort fort fort...mais il est parfois difficile d'y distinguer des mots ou même des phrases cohérentes. Nul doute que plusieurs pays eurysiens sont déjà présents, et qu'ils observent la situation avec la même acuité que les velsniens...mais pour l'instant, tout le monde cache son jeu. Du moins, tous les malins cachent leur jeu, et malheureusement, certains se font parfois prendre bien malgré eux, ou même sur une erreur. Personne n'ignore les prétentions des ushong à reprendre le contrôle de ce qu'ils nomment ouvertement une province impériale, mais ils ne sont pas les seuls à assumer d'avoir des pions dans la partie. Plus discrets jusqu'à présent, peut-être même plus investis, les gens de l'ancienne province impériale du Zijian ont laissé poindre le bout de leur nez...du moins, il y a des corrélations à faire, des parallèles et des pattern qui mis bout à bout, deviennent très intéressants.

Les rumeurs enflent, elles passent de village en village et le bouche à oreilles est un outil puissant: des gens du commun se sont soudain mis à dire, sans qu'un quelconque évènement n'en ait été en corrélation, que par une quelconque magie, tous les gens du pays de Zinjan étaient des frères des ramchoures qui avaient raison avant tout le monde... alors qu'au même moment, des navires de cette nation sécessionniste mouillaient à un jet de pierre des côtes du pays. Il n'en fallait pas plus que ces deux évènements pour éveiller les soupçons de la Segreda, qui adoptait désormais une attitude vigilante à l'égard de ce nouvel acteur.

Mais il n'était plus le temps de scruter, d'évaluer, mais d'agir. L'horloge tournait rapidement, très rapidement, et il n'y avait désormais plus de temps à dépenser en menues observations lointaines. Quelque chose se préparait, quelque chose de gros, et les frumentarii de la Grande Tribune velsnienne au Nazum commençaient à s'agiter dans les campagnes ramchoures que jusque là, ils s'amusaient à terroriser sous des faux drapeaux. L'heure n'était plus à l'agitation. Ils n'étaient pas plus d'une poignée sur tout le territoire, mais ils dormaient peu, et marchaient beaucoup. Ils rôdaient de plus en plus près des installations militaires, des garnisons...leurs rapports étaient de plus en plus réguliers, de plus en plus précis quant aux forces de chacune des factions. Le tout était consciencieusement rapporté à l'empereur, au fils du ciel, à celui qui de là haut, observait son jeu s’étoffer au rythme des jours, face à un adversaire de moins en moins flou, dont le comportement prévisible.

Les frumentarii n'avaient pourtant pas encore remplit la tâche la plus importante de leur mission, la clé de voûte de la réussite ou de l’échec de la future opération. Les forces coalisées et le Royaume constitutionnel étaient en position de force, alors il suffirait de renverser la vapeur. Cette coalition était puissante, mais elle était lourde et lente, trop hétéroclite, trop éclatée, constituée de factions nombreuses aux idées bien trop polarisées pour tenir sur le long terme. Cet ensemble a été estimé "fort et faible" à la fois. Il ne reposait pas tant sur des convictions que sur un besoin d'alliance circonstancielle. Il suffirait donc d'identifier le socle de cette coalition, et de le renverser pour que la structure soit profondément fragilisée. Indéniablement, la figure de Mei-Lin s'était imposée dans l'esprit des frumentarii comme la cible à abattre. L'action a été décidée depuis déjà près d'une année, mais jusqu'alors le temps et les moyens avaient manqué à la réalisation du projet. C'était désormais en haut de la liste que l'opération intitulée sobrement "La corde et le puits" s’inscrivait.


9723
Esquisse d'une toile



Hmmmmm... Non. Plus à droite... Quoique... Non, non et non. Un peu plus à gauche finalement. Ici ? Là ? Peut être là bas ?

...

AH ! Et pourquoi pas... Non. Cela n'irait pas.

...

Ou bien... Oui. Oui ! Les reliefs, la perspective, les points fugaces ! Tout était bien mieux vu de cet angle.

L'artiste acquiesça d'un hochement de tête, ayant finalement acté sa décision, ce alors que ses assistants et la pléthore de serviteurs à sa suite dont certains s'étaient jeté au sol en implorant les cieux que leur sire ne se perde point des heures durant à de nouvelles élucubrations commencèrent alors à laisser échapper des soupirs de soulagement. Les cieux étaient cléments et avaient donné à l'intéressé l'inspiration qu'il recherchait à ce moment ci, au bas mot une heure après avoir commencé à s'interroger et planifier la pose de son chevalet, ce dont il s'affaira désormais à faire sur cette colline surplombant les faubourgs de Madong en contrebas tandis que au loin s'étendait le reste de cette "Cité-Forteresse". D'aucun aurait pu se questionner sur le choix porté quand à l'objet de la peinture à venir, qui était des plus atypiques alors que la Ramchourie était en proie à la guerre civile et voyait ses campagnes et ses cités se gorger toujours de sang à mesure que les ambitions des seigneurs de guerres rivaux se mêlaient à une folie hors norme qui engloutissait tous et toutes sur son passage tel une marée dévorante ne rechignant guère à absorber en son sein quoique ce soit jusqu'à former un amalgame d'ignominie sans noms.

Autant dire que les préoccupations régionales n'étaient nullement portés sur l'art alors que les forgerons aiguisaient les sabres, que les paysans levaient les palissades et que les coureurs des steppes portaient de villages en villages les nouvelles de tel affrontement ou tel massacre. Et pourtant...

Et pourtant. C'était peut être dans ces situations où l'équilibre entre Clair Obscur, entre noir et blanc, était rompu avec fracas, tendant en l'état vers les tréfonds de l'obscurité, qu'il était assurément le plus intéressant de portrayer les faits même si ceux ci seraient assurément magnifiés, altérés, et d'une certaine manière tordues par le pinceau comme l'esprit de l'artiste voir même plus certainement par les instructions à demi mots divulguées par le commanditaire, le généreux mécène derrière cette entreprise. Car oui, bien évidemment qu'il y avait un Mécène, un richissime individu dépensant sans compter afin d'offrir libre cour au génie d'un individu talentueux de s'exprimer afin de satisfaire une commande sous réserve de se plier à quelques menus exigences qui en somme n'étaient rien de plus qu'un dû pour un donné. Un échange équitable, équivalent pourrait-on dire, qui en soit profitait en apparence bien plus au peintre même qu'au "Padrone" comme l'on disait dans le monde fortunéen, mais était-ce réellement le cas ?

La question n'avait cessé de trotter dans l'esprit du peintre lorsqu'il s'était mis avec toute sa harde sur les routes bétonnés nouvellement crée au cours de l'année dernière, les Nouvelles Voies Impériales comme on les nommait officiellement dans la presse d'état ou à travers les proclamations des hérauts au sein des campagnes. D'agréables voies empruntables qui avaient été conçu et pensé afin d'agréer aux reliefs et terrains changeant, notamment lorsque l'on passait de la Vallée de la Yongzu avec ses plaines, cours d'eaux et terrains relativement plats au Duché de Leï Shang qui se décomposait en une multitudes de collines, vallons boisés et autres hauteurs inégales qui faisaient elles même pâles figure au regard des hautes montagnes minières qui faisaient la richesse de la région. Les Ingénieurs et architectes du réseau tentaculaire d'infrastructures impériales avaient habilement planifiés leur coup tant et si bien qu'il était bien plus aisé de se rendre de Beiyfon à Leïyuan de nos jours que deux décennies auparavant, les chevaux tendant à s'étaler le long des routes pavés mal entretenues après avoir fait un faux pas dans un nid de poule artificiel causé par des pavages disparus, probablement dérobés par quelques paysans pour s'en servir de cale quelque part dans les champs. Désormais, il suffisait d'arpenter les longues voies aussi noirs que la nuit, au demeurant encore peu épargnées par la circulation, à bord des derniers véhicules à la mode, voitures individuelles, vans de tournée ou même des camions, autant de possibilité rendues possible par un développement fulgurant de l'industrie automobile qui avait trouvé bien assez vite ses champions nationaux naissants et qui fut un succès immédiat dans un contexte de miracle économique où la population et même l'ensemble de la société s'enrichissaient globalement.

Désormais, et c'était là sans compter la circulation sur ces voies qui si elle demeurait assez fluide dans l'ensemble, aller de la Capitale au siège du domaine des Zhuan était une affaire d'heures uniquement, une aubaine pour tous et toutes d'autant que un certains nombres de nobles de provinces avaient trouvé dans l'acquisition de parts et d'actions dans des sociétés de transport en communs une nouvelle manne de revenue juteuse face au déclin et à la disparition inéluctable de tout simili de servage. L'inter-connexion des cités, villages et autres localités autrefois séparés et lointaines les unes des autres par manque de jonctions routières ou de moyens de locomotions répandus permettant d'étendre les horizons et les possibilités de tous et toutes, et participant au dynamisme retrouvée d'un Empire en pleine résurgence dont le Mandat se voulait ascendant. A bien des égards, ceux là même qui se souvenaient encore des affres et de l'incertitude d'il y a deux décennies n'en revenaient toujours pas, et voyaient dans les résultats flagrants des réformes et investissements judicieux du trône, la faveur du divin. L'on avait réellement l'impression de vivre un rêve éveillé, d'exister dans une époque que les philosophes et historiens n'hésitaient plus à décrire comme bénie, quand bien même il y avait encore de la route et énormément de choses à accomplir, les années sombres étaient globalement et en bien des domaines derrière les Ushongs qui pouvaient profiter des fruits d'un dur labeur et d'années d'efforts, d'un authentique miracle que personne n'aurait pu espérer voir advenir, mais qui s'était révélé contre toute attente une réalité.

Même ici, dans la dénommée Clique de Xun en Ramchourie, là où les vents de la guerre étaient encore loin mais voyait tout de même poindre à l'horizon les ombres sinistres de sombres nuages, l'on pouvait tout de même observer les conséquences et l'influence de l'insolente prospérité impériale. Les Voies après tout se poursuivait jusqu'ici, jusqu'à Madong, l'on bétonnait encore progressivement ces dernières afin d'acter les liaisons, de proclamer ces rapports et ces échanges qui ne cessaient de se développer. Après tout, la Vallée de la Yongzu déversait là aussi ses bienfaits aux soutiens des loyaux vassaux de l'Empereur par delà la frontière, et il convenait de pouvoir les acheminer sans accroc. Il fut dès lors tout naturel que les stratèges de Beiyfon en concordance avec leurs partisans Ramchoures assistent ces derniers de manière plus explicite et active qu'auparavant, dans tous les cas et de leur point de vue d'ensemble, la chose serait bénéfique à biens des égards dans d'autres domaines et ce surtout dans le futur. Les échanges profitaient toujours à tous et toutes, et une voirie que l'on pouvait arpenter avec aisance en était le socle commun, cela même qui permettait sa poursuite sans accroc.

En tout état de cause, au delà des simples mouvements de flux de denrées, des flux humains avec les individus allant et venant, il y avait aussi toute une envergure stratégique bien évidemment. Vue de la haut, de sa colline surélevée, même un humble peintre pouvait apercevoir la logique subtile terrée sous ces "avantages dédiées à la société civile". Le Martial était l'alter égo dudit civil après tout et l'inverse était tout aussi vrai. Ce qui pouvait le jour être employé afin de soulager la société de ses maux pouvait la nuit être réutilisé afin de voler au secours d'une clique si le danger venait à se présenter à ses portes. Quelques heures pour parcourir à pleine vitesse ces routes de Leïyuan jusqu'à Madong sans accroc pouvait se multiplier certes en impliquant convois militaires et autres colonnes de matériel et d'hommes mais même en prenant en compte ces considérations, cela demeurerait tout de même éminemment plus rapide, et organisé que de demeurer aux vieilles voies mal entretenues ou de passer à travers champs. C'était là le génie de la logistique, la polyvalence et l'adaptabilité. Les doubles sens d'utilisations... Les stratèges avaient savamment planifiés leur oeuvre, tissant un réseau intriqué aux objectifs et opportunités multiples en dissimulant de moitié leurs ambitions et intentions comme le dictait les versets anciens de l'Art de la Guerre. Habile...

D'ailleurs à mieux y repenser, entrevoir les pensées des planificateurs et décideurs de la Cité interdite soulevait aussi la question quand à savoir si cette commande, cette oeuvre devant représenter le Siège du pouvoir de la Clique de Xun de manière "romancée" et magnifiée, n'était-ce pas là un énième stratagème que la Cour était en train d'élaborer pour de nouveaux plans et autres intentions... Sans doutes, les on-dit disaient que les imprimeurs et la presse d'état en plein essor avaient vu des représentants et autres pontes être convoqués derrière les murs du Palais Impérial afin d'assister paraissait-il à d'obscures réunions dont l'objet était hautement nébuleux... Peut être entendaient-ils user de la peinture comme d'un modèle à reproduire et à répandre pour quelques proclamations et autres volontés de transmettre une vision particulières...

Hmmmm... Cela semblait plausible. Pour autant. La chose était-elle importante ? Le Peintre n'était guère un politicien, il n'était pas un général, encore moins un magnat. C'était un artiste, un artiste ayant reçu la chance de surcroit de se faire payer rubis sur l'ongle pour exercer son talent avec des restrictions en somme minimales, qui y avait-il de mal à cela ? Une oeuvre, même détournée et orientée, qui servirait de fondement à exprimer une dizaine d'autres, son art dans toute sa splendeur et cette fois sans restriction ? Quelque part c'était là un maigre sacrifice, une concession pour dix autres bienfaits. L'échange était acceptable, un négoce équivalent, quoique même peut être avantageux pour lui... Peut-être était-ce là encore une décision calculée des décideurs de Beiyfon afin de créer une offre si tentante qu'il n'aurait pu refuser. Vieux renards qu'ils étaient...

Le Peintre haussa les épaules, laissant naître sur son visage un sourire en coin. Toutes ces considérations importaient peu finalement. L'instant présent était là, il pouvait faire ce qu'il aimait, exercer sa passion, et même si sa toile était une commande cette fois ci, il avait encore assez de latitude pour l'élever pour que cela ne pèse pas sur son âme. L'échange était définitivement équitable. Soit. Un petit sacrifice pour quelque chose de plus grand dans le futur.

Le chevalet et la toile vierge en place, il contempla Madong en contrebas et les Voies Impériales en pleine rénovation, se saisissant de son pinceau et d'une couleur ocre sur sa palette, il entama son oeuvre par les traits naissants d'un soleil rayonnant de mille feu...
17574
La Bête chute :

Ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du mal. Amen.




S'il y avait bien quelque chose de peu commun à Tang'an, surtout depuis le début de la guerre civile, c'était bien les véhicules. La plupart de ceux qui avaient les moyens de se déplacer autrement qu'avec leurs deux pieds se déplaçaient généralement à cheval ou en chariot pour les plus fortunés, ceux épargnés par Dai Po. Simple oubli ou corruption du pouvoir ? Ces questions n'avaient que peu d'importance pour la population locale, tant qu'ils pouvaient continuer à manger à leur faim et éviter si possible les violences de rue banalisées par les hommes de Dai Po, alors la population ramchoure, dont les basses exigences choqueraient probablement les opinions publiques de la plupart des pays eurysiens, continuait à aller et venir à sa vie quotidienne sans se plaindre. Les Ramchoures avaient appris à vivre avec des poids énormes sur le dos, imposés par leurs supérieurs et ce, sous toutes ses formes : les petits et grands seigneurs nobles, les commerçants peu scrupuleux, les agents étrangers à la solde d'Etats impérialistes, les idéologues fanatisés par des idées venues d'autres continents ou de simples tyrans qui, sous couvert d'une bonne cause, agissaient en seigneurs de guerre et en despotes sur leur petit lopin de terre. Une vie de souffrances, clairsemé par les petits moments de bonheur communautaire qui faisaient tenir la plupart des gens, voilà la triste réalité du peuple ramchoure. Cependant, ils n'étaient pas les seuls exemples de peine dans ce pays. Une minorité de ce peuple débrouillard, enhardi par les discours idéologues de certains appâtés par les promesses de gloire et de gains par d'autres, ont pris les armes pour combattre leurs semblables dans une affreuse et douloureuse guerre fratricide. Ce groupe d'individus ne subissait pas seulement les caprices des dirigeants, ils étaient vidés de leur substannce humaine pour être transformés en machines à tuer, en chair à canon, en boucliers humains. La dévotion envers une cause de leurs troupes était bien utile aux dirigeants pour se protéger des conséquences de leurs conneries. Plusieurs camps se déchiraient la Ramchourie et parfois, ces mêmes camps se déchiraient en leur sein. C'était le cas de la République Populaire de Ramchourie. Dai Po était certain que la dispersion de l'ALST avait suffi à éradiquer l'opposition ; il s'était manifestement trompé, surtout lorsqu'on lui avait appris la mort de plusieurs dignitaires et gradés du régime dans les zones rurales, des raids sur des résidences secondaires, des assassinats nocturnes dans les rues, des embuscades sur les routes de campagne. Une terreur qui visait non pas les soldats mais bien les officiers. Cependant, personne n'avait su déterminer la source de ces attaques, bien qu'on supposait fortement que des forces spéciales d'un pays étranger étaient impliqués, peut-être à la solde d'une faction voisine comme le Royaume Constitutionnel. On supposa aussi des cas de fragging dans les rangs de la RPR, il n'était pas rare en Ramchourie que certains officiers impopulaires finissaient assassinés par leurs propres troupes. Mais aucune preuve ne permettait d'affiner cette hypothèse. Cette terreur, elle était infligée par un autre groupe d'individus ramchoures, encore plus minoritaire que le précédent : les désillusionnés. Après tout, la guerre attire les naïfs par les belles promesses puis rend les soldats apathiques. Oui, la vie militaire est basée sur un mensonge, celui de la grandeur, mais ceux qui peuvent se targuer de le dire sont souvent ceux qui en ont fait la macabre expérience. Combien de soldats sont morts en pensant défendre une cause juste alors qu'ils ne défendaient qu'une petite classe d'oligarques corrompus ? Combien de soldats sont tombés au combat en croyant défendre son pays face à l'envahisseur alors même que ceux en face étaient convaincus de la même chose qu'eux ? Tous ces gens n'ont pas eu le luxe de méditer sur la question. Ils sont morts. Et ceux qui reviennent...ne sont plus réellement partie intégrante du monde des vivants.

Or, ce soir, l'état-major allait découvrir la nature de ses assaillants, de la pire des manières. En effet, les assaillants eux-mêmes avaient mis le paquet dans leur plan et ils savaient que leur équipement ferait défaut à leur discrétion. Un camion. Non...deux camions, blindés jusqu'à la moelle, visiblement importés clandestinement par pièces détachées, assemblées puis blindés à la main. On voyait bien encore les soudures toutes fraîches sur le blindage, preuve d'un travail tout sauf industriel. Pourtant, ce n'était pas du travail d'amateur : trois plaques d'acier trempé espacées de 20mm, des vitres blindées et teintées et avec un bon moteur de 150 chevaux qui permettait au camion d'atteindre les 100 km/h sans trop se fouler. La RPR avait beau avoir des armes, elle ne prévoyait rien contre ce type d'intrusions.

"Trente secondes. Enfilez vos masques."
Ren enfila son masque en même temps que le reste de ses hommes. L'assaut était imminent. Elle regarda Ivan qui la fixait à travers son masque. C'était bizarre : d'habitude, les Estaliens restaient en retrait. Leur faible nombre expliquait ce genre d'approches. Il y avait des centaines d'opposants à Dai Po sur qui ils pouvaient compter mais eux, ils étaient une petite dizaine. Pourquoi s'exposer à autant de risques ? Ren préférait ne pas y penser. Elle chargea son fusil d'assaut, enclencha la chambre et sortit la sécurité dans une suite de gestes mécaniques, comme si elle avait appris ça toute sa vie durant.

Les Estaliens se doutent d'un truc, peut-être."- Mon capitaine, vous m'avez fait demander ?
- Oui, Ivan. J'ai pris la liberté de m'affranchir des directives du QG pour l'opération à venir. Je sais que ce n'est pas très sûr de le faire mais les circonstances du terrain exigent que nous nous salissons les mains.
- Que voulez-vous dire, capitaine ?
- Vous allez participer à la prochaine opération...et Vlad aussi.
- Je ne vais protester contre cette décision, capitaine, je savais pertinemment les risques en m'engageant dans cette mission et je suis prêt à accomplir mon devoir. Cependant, est-ce possible de connaître les raisons de votre décision ?
- Ren...
- Pardon ?
- C'est votre poulain, n'est-ce pas ?
- Je dirais pas ça...mais ça s'en rapproche. Je lui ai appris à guider des hommes, à manier des armes et à se battre.
- Et vous n'avez rien remarqué chez elle ?
- Eh bien, je crois que le dernier raid l'a peut-être un peu secouée.
- On m'a rapporté quelques...préoccupations à son sujet. Je ne sais pas à quoi elle pense mais si elle pète un câble pendant l'opération, ce n'est pas bon du tout. J'ai donc besoin d'un garde-fou. Je n'ai aucune confiance envers les Ramchoures, ce sont de bons combattants grâce à nous mais ils sont psychologiquement...différents. Je compte donc sur un de nos hommes pour s'assurer que cette opération soit menée à bien.
- Très bien, mon capitaine. Je garderais Ren à l'oeil et reprendrait la suite des opérations si elle s'avère défaillante au leadership.
- Merci Ivan, rompez."


Les cercueils blindés.

Ren savait ce qu'elle avait à faire, le plan était encore frais dans sa tête. La sensation des quelques secondes avant le début des combats était étrange. Elle se sentait...légère. Comme si tous ses remords, toutes ses souffrances, tous ses traumas et tous les cauchemars qu'elle avait pu faire depuis qu'elle avait perdu tous ses anciens camarades et son propre père à Pieng-Mon, tout ça avait disparu. Pourquoi toute cette peine avait subitement disparue, comme si elle n'avait existé ? Car l'esprit de Ren était ailleurs : elle avait perdu le recul et la lucidité empathique qui faisait d'elle un être humain sain d'esprit. Au lieu de ça, elle s'était auto-persuadée de ne penser qu'à la mission. La mission et seulement la mission. C'était son seul faisceau de lumière, son unique espoir. Une fois Dai Po tué, elle aura vengé tous ses camarades tombés au champ d'honneur et elle pourra enfin s'engager dans une quête salvatrice de bonheur, elle pourra laisser la guerre, la politique et toutes ces conneries derrière elle car plus personne n'aurait besoin d'une tueuse psychopathe comme elle (ou du moins, c'est l'image qu'elle renvoyait à la plupart de ses subordonnés), pas même les Estaliens. Elle se savait comme un outil mais ça lui convenait : le but atteint par ceux qui l'employaient comme un outil était le même que le sien, pourquoi se plaindre ? Alors comme un outil, elle restera infaillible. Et comme un outil, une fois son utilisation achevée, elle sera jetée quelque part et rouillera. Rouillée et oubliée, voilà ce qu'elle voulait : que le monde l'oublie, que la folie de ce pays l'oublie et arrête de l'harceler chaque jour avec ses guerres, ses morts et ses déchaînements de violence sans fin. Mais il fallait mener un dernier combat, le dernier combat salvateur qui mettra fin au cycle perpétuel de violence morbide dans laquelle elle s'était engagée par chagrin, par deuil mais surtout par haine.

Le chauffeur accéléra, la résidence de Dai Po allait être attaquée de deux côtés, un premier camion devait enfoncer l'entrée tandis qu'un deuxième devait prendre à revers le dispositif de sécurité en fonçant dans l'arrière de la résidence, séparée du monde extérieur par une grande palissade en bois, un outil défensif correct pour la plupart des troupes ramchoures mais clairement pas assez pour un camion blindé. Le camion de Ren accéléra à toute allure, on entendait le bruit des ricochets des balles des gardes présidentiels, tirant en panique sur l'énorme tas de ferraille qui leur fonçait dessus à 100 km/h. Pas le temps de s'abriter, le chauffeur écrase sauvagement un des gardes qui est propulsé en l'air devant les yeux paniqués de ses camarades et qui s'éclate au sol dans une mare de sang. La scène est suffisamment choquante pour laisser le temps à l'équipe de Ren de sortir du camion en quelques secondes et ouvrir le feu sur les défenseurs. Surpris et sans couverture, les gardes présidentiels à l'entrée ne tiennent que quelques secondes avant d'être abattus avec une rapidité mécanique. Cependant, ce n'était que l'échauffement, le bâtiment était rempli de gardes et ils étaient bien plus nombreux que les assaillants. Oh mais vous aviez cru que les survivants de l'ALST, ceux qui ont survécus à l'enfer, à l'oppression et à la répression dans les égouts des villes et dans les collines des campagnes allaient fléchir devant la supériorité numérique de leurs adversaires. Une fois entrés dans le bâtiment, il ne fallut que quelques secondes pour que les premiers coups de feu soient tirés et que Ren donne l'ordre fatidique, celui que tous les combattants attendaient :

"Gaz, gaz, gaz !"
Soudain, l'équipe lâche dans les couloirs de la résidence présidentielle plusieurs grenades de Novitchok (A-234). Le gaz se répand à une vitesse alarmante et les gardes présidentiels, dépourvus d'équipements pour faire face aux menaces chimiques, tombent comme des mouches. Le Novitchok, vous savez, c'est un gaz particulièrement vicieux. Vous sentez l'acétylcholine entrer et s'accumuler dans vos synapses, vous sentez vos muscles, vos glandes et vos organes stimulés sans aucune raison, comme si votre corps se mettait dans un état de transe intérieur durant lequel vous perdiez complètement pied avec la réalité, vos sens sont foutus. Le système nerveux est frappé de convulsions et de confusion, les muscles sont paralysés, vos poumons refusent d'inspirer et d'expirer comme vous en aviez l'habitude depuis votre naissance. L'appareil respiratoire, en plus d'être paralysé, est sollicité et est victime d'hypersécrétion : en d'autres termes, vos pleurez toutes les larmes de votre corps (littéralement), toute la morve dans votre nez s'accumule et inonde vos narines et votre bouche produit une salive pâteuse qui vous empêche de respirer ou de prononcer des mots compréhensibles. Et le plus drôle (enfin, drôle...), c'est qu'une simple inhalation d'une petite dose suffit à être létal. Sauf que l'équipe de Ren balance plusieurs grenades à la fois dans les couloirs. Les chances de survie sont...inexistantes.

Les assaillants avancent sans aucune résistance. Ren marchait presque tranquillement dans les couloirs car toute résistance disparaissait au bout de quelques dizaines de secondes lorsque le gaz était déployé. Malgré la sueur dans son casque, elle pouvait voir à travers la souffrance dans les yeux des gardes qu'elle venait de gazer. Ses hommes ne prenaient même pas la peine de gaspiller leurs balles pour abréger leurs souffrances, ils étaient condamnés dans tous les cas. Est-ce comme ça que ses camarades ont vécus leurs derniers instants ? Agonisant au sol, plus maître de son corps, sécrétant tout ce que le corps humain pouvait sécréter, perdre ses cinq sens en quelques secondes ?

"Comment te sens-tu, une fois à la place du bourreau ?"
Ivan était resté derrière elle, l'observant alors qu'elle s'était arrêtée pour observer une pile de quatre cadavres inanimés de gardes tués par le gaz.

"Est-ce que c'est ce que tu voulais, Ren ? Tu te sens mieux ?
- Pas...pas vraiment.
- Ils ont fait la même chose à ton peuple. N'est-ce pas juste de leur infliger le même sort ?
- CE N'EST PA-
"

Elle se retourna, furieuse, vers Ivan mais son expression colérique tourna rapidement à la surprise en regardant Ivan dans les yeux. Même à travers le masque, elle pouvait sentir le cynisme de l'homme qui lui faisait face. Ivan n'était pas là pour la juger sur ses actes, il cherchait cyniquement à mettre la tête de Ren dans la merde qu'elle avait elle-même produite. Est-ce qu'elle était contente du résultat ? Est-ce que son père aurait voulu qu'elle le venge ainsi ? Est-ce qu'elle aimait ça ? Tuer des gens ? Est-ce qu'elle apprécie le moment ?!

"NON ! JE...je...j'ai fait quelque chose d'horrible. Mais je ne peux plus reculer maintenant, je dois assumer mes choix.
- Si l'Homme n'était pas une créature pleine de contradictions, alors nous ne serions plus humains après tout. Ton réflexe fut d'accepter la haine dans ton cœur, comme un réflexe de survie. Qui peut t'en vouloir pour ça ?
"

Ivan poursuivit son chemin dans le nuage de gaz toxique, laissant Ren seule, plantée là, entourée des cadavres mutilés par le gaz qu'elle avait elle-même lâchée. Elle devait continuer. Dai Po n'était pas encore mort ; elle pouvait bien être brisée à jamais, incapable de vivre une vie normale après les montagnes de cadavres qu'elle avait accumulée sous elle, si elle ne continuait pas, alors tout cela n'aurait servi à rien. Sa vie aurait un sens tant que Dai Po était encore dans les parages. Mais une fois mort...argh, avance, tais-toi ! Elle s'avança auprès de ses hommes. La résistance avait radicalement diminué au fil des minutes, le gaz avait clairsemé le rang des défenseurs désormais en infériorité numérique. Ils approchaient du but, les gardes s'étaient regroupés en un ultime bastion, un baroud d'honneur pour protéger leur despote et sa femme. Ils espéraient quoi ? Un miracle de la Providence ? Une arrivée soudaine du Dieu de la Guerre ? Une épopée rappelant leur sacrifice héroïque ? Rien de tout ça : les vainqueurs diabolisent les vaincus une fois les faits déroulés, ils blasphèment l'histoire des vaincus jusqu'à leurs convictions les plus profondes, pour le simple plaisir de se mettre en valeur, d'antagoniser à posteriori toute une génération de vainqueurs et de leur assurer leur supériorité morale, religieuse, politique ou militaire sur les peuples vaincus car les vaincus sont des vilains, des fous, des imposteurs, des démons. Ils ne sont pas humains. Ils avaient perdus, pourquoi aller plus loin ? Alors pourquoi ces gardes espéraient, malgré le destin funeste qui les attendaient, obtenir quelque chose en se battant jusqu'à la mort ? Peu importe.

"Tenez, une grenade, pour changer !"
Ren lance une grenade à fragmentation dans la salle où se sont barricadés les gardes et leurs protégés. Aucune idée de combien de personnes cette grenade a atteint les entrailles avec ses bouts de métal mais une chose est sûre, il ne faut pas une seconde de plus pour les deux équipes d'assaillants d'attaquer des deux côtés, par la porte et par le mur via une charge de démolition, pour attaquer en tenailles et abattre tous les hommes armés présents. Les tirs de rafales sont nombreux, les assaillants n'ont aucune once de pitié, au point où la fumée de la poudre s'accumule dans la pièce. Quelques secondes passent, la fumée se dissipe petit à petit. Ren s'avance dans la fumée. Elle observe un homme à terre, visiblement blessé. Si seulement Dai Po n'avait pas exposé sa sale gueule dans tout le pays pour son culte de la personnalité, Ren aurait pu croire que c'était un simple vieillard pris au hasard dans la fusillade. Au-dessus de lui, Leng Po protégeait de son corps son mari alors au sol. Son dévouement, malgré la fumée de la poudre qui aveuglait de larmes ses yeux et le sang giclant d'une blessure à la jambe, visiblement une des balles perdues lors de la fusillade, se reconnaissait dans ses yeux. Ren resta immobile quelques secondes devant le couple, son esprit lui disait de mettre fin à cette folie. L'amour de Leng Po pour Dai Po crevait les yeux : comment un homme aussi horrible pouvait attirer de l'amour et de la loyauté auprès d'autrui ? C'était incompréhensible. Elle ne savait pas quoi faire. Puis elle se reprit, se rappelant que sa mission était de tuer Dai Po, son but final, enfin là :

"Tu es moins impressionnant que sur tes affiches de propagande, vieillard.
- Qui êtes-vous ?! Qu'est que vous nous voulez à la fin ?!
- Leng Po...éloigne-toi, elle va te tuer aussi...
- Pas question, Dai ! Je ne bougerais pas d'un centimèt-
"

Elle n'eut le temps de finir sa phrase qu'une balle traversa le crâne de Leng, elle tomba brusquement au sol, aussi lourd qu'un parpaing qu'on lâche du troisième étage. Dai ne se concentra pas sur Ren, le fusil pointé en sa direction, le canon encore fumant du coup qu'elle venait de tirer sur sa femme.

"LENG ! LENG ! NON, MON DIEU, NON ! LENG !"
Hâtive de mettre fin aux supplications du dictateur, Ren tira sur Dai mais une once d'hésitation lui fit rater son tir, la balle n'atteignit pas sa tête mais son cou. Dai arrêta de crier, se contentant de gesticuler au sol, luttant pour respirer, sa bouche inondée de sang coagulé. Alors que le vieillard agonisait dans d'atroces souffrances en face d'elle, elle resta immobile. On aurait pu penser qu'elle aurait gardé son air impassible devant cette scène. N'avait-elle pas torturé, massacré, brûlé et tué tout un tas de gens avec une si grande froideur auparavant ? La tueuse au service de l'Estalie, la chienne de garde de la Révolution, la psychopathe du SRR. Oui, c'est le rôle qu'elle jouait d'habitude mais face à son ennemi juré, du moins l'ennemi qu'elle s'était auto-désignée, une peur primitive l'avait envahie. Dans son masque, on pouvait entendre les sanglots de celle-ci. Des larmes de joie car elle avait enfin tué le meurtrier le plus macabre du Hen ? Un esprit simpliste répondrait certainement ça. Mais ces larmes, elles étaient contre elle-même, contre sa naïveté, contre l'instrumentalisation de sa propre haine qui s'est retournée contre elle. Elle s'était persuadée que l'ennemi en face d'elle était un monstre, insensible, macabre et diabolique. Elle s'attendait à de grandes répliques de méchants avant de le tuer, à un homme dénué de tout sentiment humain. Et son dernier mot...pourtant, ce fut le nom de son épouse. Elle regardait un vieillard se vider de son sang devant le corps inanimé de sa femme. Voilà ce qu'elle avait fait. La Révolution, la vengeance, l'ALST, la RPR l'Estalie, l'unification de la Ramchourie...TOUTES CES CONNERIES N'AVAIENT AUCUN SENS. Elle avait tué un être humain. Certes, un dictateur mais un être humain. Pourquoi flanche-t-elle devant lui ? Elle en a tué tellement d'autres avant lui. Peut-être car elle pensait encore à ce moment-là qu'elle avait une raison légitime et juste de tuer, que c'était pour le bien. Mais pour le bien de qui ? Des familles dont elle avait sûrement enlevé un père, un fils ou un frère ? Aux Ramchoures sous la RPR qui seront sous la bannière de quelqu'un d'autre pour mener une guerre qui provoquera encore plus de morts ?


Abandonnée, dissoute, passible face à l'inéluctabilité. En quoi est-ce différent de la Mort ?
Ophelia - John Everett Millais (1851-1852)

Qui suis-je ? Suis-je morte aussi ? C'est peut-être ce que j'ai ressenti à cet instant. Quand il mourut, je mourus aussi.


Alors que l'équipe repart dans les camions, se dépêchant de prendre leurs jambes à leur cou avant que les renforts arrivent, Ren monte à bord la dernière. En se retournant, elle regarde le bâtiment présidentiel incendié par ses troupes. La résidence brûla comme un bûcher sacrificiel. En échange de la mort d'innombrables personnes, de sa sante mentale et de souffrances insupportables, la mort de Dai Po devait apporter un nouveau départ pour la RPR, pour la Ramchourie toute entière. Du moins, c'est ce qu'elle pensait avant. Au milieu de l'incendie, elle pouvait encore voir distinctement la fumée du gaz se confondre avec le ciel jaune. Devant l'ironie de la scène, Ren sourit de cynisme.

"Au fond, rien n'a vraiment changé. Je serais à mon tour chassée."
Ainsi, le cycle se perpétuait, telle était la volonté des Hommes, toujours avides du sang d'autrui mais toujours avares du leur.
Haut de page