25/02/2015
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La Guerre des Triumvirs (2 mai 2013-9 février 2014) - Page 4

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La bataille d'Hippo Reggia
Le kilomètre des margoulins


Cela fait des siècles que les sénateurs de Velsna s’entourent de gardes étrangers venant des quatre coins du monde. A tel point que dans une vie de mercenaire, il était courant de passer au moins une fois à Velsna une fois dans sa vie. Mais parmi tous ces groupes de mercenariat qui se sont succédé au fil du temps, des contingents d’une nation particulière ont toujours été recherchés. Il ne s’est pas passé une année à Velsna depuis le début de l’ère moderne sans que le Sénat ne se pare de ce qu’ils nomment « Garde raskenoise ». Marque de luxe, de prestige et de dignité pour tout sénateur voulant exprimer sa richesse, les raskenois furent leurs protecteurs aux côtés des traditionnels licteurs de la Garde depuis le XVIIIème siècle. Une fois la guerre éclatée, licteurs se reversèrent majoritairement pour Scaela, tandis que les raskenois aillèrent s’aligner sur les intérêts de Matteo DiGrassi. Les gardes raskenois ont largement eu le temps de devenir des images gravées dans la culture populaire, dans les arts et les lettres. Et des surnoms revient régulièrement dans les bouches des habitants lorsqu’ils entendent parler d’eux : roublards, malins, marouflards… Mais de tous ces sobriquets, les raskenois, depuis leur retour à Umbra, en entendirent un davantage que tous les autres. A l’occasion des combats sur l’Arna et autour d’Hippo Reggia, les raskenois le découvrirent par eux même sur le terrain.

Nous sommes au deuxième jour des affrontements entre les armées digrassiennes et scaeliennes, et le centre-ville d’Hippo Reggia est déjà le théâtre des combats les plus féroces entre licteurs de la garde et chasseurs de Strombola. Dans le même temps, les auxiliaires nomades ont réussi à percer avec succès à l’ouest de l’Arna et à s’enfoncer dans le dispositif scaelien de plusieurs kilomètres. Dans leur sillage, les raskenois, moins mobiles, ont la charge de couvrir l’avancée et d’éviter la rupture de contact entre les nomades et le reste de l’armée. Il s’agit ainsi d’éviter ce que les velsniens appellent en langage militaire « un coup de faux », et qui est l’exacte manœuvre que DiGrassi est en train d’accomplir sur l’Arna. Les bérets rouges de Rasken prennent successivement plusieurs localités mineures : Herna, Bari-Cerna, et pour finir, dans la matinée du 4 décembre, Lilybée. Au passage, l’accueil des habitants est ambivalent. Les raskenois sont tour à tour reçus avec méfiance, hostilité ou amabilité, mais aucun franc-tireur ne s’est manifesté, ce que redoutent les belligérants de chaque camp dans cette guerre où les civils prennent leur part. A Lilybée, on les reçoit, dans cette petite ville ouvrière, avec des cadeaux de la part des magistrats de la vile. Certains curieux sortent dans la rue pour voir à quoi ressemblent les arrivants. Les raskenois peuvent entendre une petite fille les reconnaître et crier à sa mère : « Regarde maman ! Des margoulins ! ». Les berets rouges ont mis du temps à s’habituer à ces surnoms, finissant pour certains par comprendre que cela n’était pas tant péjoratif que cela. On voit les raskenois comme rusés, adaptables, certes fourbes et escrocs, mais pas dans une vulgaire caricature négative, c’était au contraire mélioratif pour les velsniens. La troupe s’installa au centre du village pour les quelques heures à venir, le temps de recenser et rassembler les hommes avant de se remettre en route dans le sillage des auxiliaires nomades.

Les débuts de l’opération sont des plus calmes, et le régiment des berets rouges n’a pris part à aucun combat. Pour cause, le début des affrontements sonne chez les scaeliens comme une reculade constante hormis pour la partie du front où se dresse la ville d’Hippo Reggia. Lorsque les raskenois pénètrent dans un village, les nomades sont d’ores et déjà passés avant eux, et même ces derniers qui sont le fer de lance de l’offensive à l’ouest ne font pas face à une résistance très organisée. Cependant, ce 4 décembre restera sans doute dans la mémoire des « margoulins ». L’armée scaelienne, au bout d’une journée d’opération, commence à réagir aux manœuvres agressives de DiGrassi. Andrea Tomassino le sait, et connait assez bien son adversaire pour comprendre qu’une fois à l’initiative, il ne la lâchera plus. Le vieux général a bien appris de son homologue durant les troubles achosiens, qui durant plusieurs semaines d’affilée a poussé les troupes de l’AIAN dans ses retranchements sans jamais relâcher la moindre pression, quitte à solliciter ses soldats bien davantage qu’aucun autre général velsnien ne se le permettrait. Tomassino enclenche donc, avec le concours du régiment des volontaires landrins, à peine revenus d’une longue marche forcée depuis le champ de bataille du Néorion, une contre-attaque contre les positions des bérets rouges. Tomassino a conscience de la faiblesse des effectifs et de la fatigue des volontaires landrins, mais son peu de réserves ne lui laisse peu d’autres choix que de mobiliser ces hommes. L’assaut sur Lilybée, qui commence peu avant midi, prend place sur cette partie du front que Tomassino a identifié comme étant un point faible permettant de couper l’armée digrassienne en deux. Mais le général a semble-t-il sous-estimé les berets rouges. Ces derniers sont en réalité mis au fait de cette attaque plusieurs heures avant son commencement par le biais d’informations colportées par des civils d’Hippo Reggia.
A cette occasion, les raskenois vont montrer à la face du monde l’étendue de leur ingéniosité. Sur toute la grande rue de la petite ville, les bérets rouges vont déployer une grande concentration de mines et de pièges de tout type. On rapporte parfois même des berets rouges faire du porte à porte pour demander aux habitants si ces derniers possèdent des pièges de chasse en tout genre.

L’attaque commence à l’heure prévue, et les landrins sont prit de cours par le dispositif défensif établi par les raskenois. Les mines causent de lourdes pertes, et très rapidement, les scaeliens comprennent qu’il leur faudra passer par des axes routiers secondaires d’ils veulent atteindre le centre du village. Il semblerait également que les landrins aient sous-estimé gravement la motorisation et l’équipement lourd dont sont dotés les raskenois. Plus mobiles, plus rapides, les scaeliens sont incapables de progresser quelque soit l’itinéraire prit. Les pertes sont bien trop importantes pour envisager de percer le front à Lilybée, et finalement, à peine deux heures après le commencement de l’offensive, ces derniers se retirent au prix de lourdes pertes. La contre-attaque a échoué, et les bérets rouges ont permis aux auxiliaires nomades de l’avant-garde de poursuivre leur attaque sans perdre leur ligne de ravitaillement. Cependant, tout n’est pas rose pour le régiment, et les pertes des raskenois ont été jugées assez importantes pour justifier un retrait temporaire du front et un relais prit par les mercenaires aleuciens de Miridian. La venue des raskenois à Lilybée a néanmoins été immédiatement immortalisée par les locaux, qui ont baptisé la grand rue piégée par ces dernier de « Kilomètre des margoulins », et dont les chevaliers landrins n’ont pas parcouru plus de deux cents mètres.
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La bataille d'Hippo Reggia
Remords


Les combats avancent sur l’Arna. Les nouvelles y remontent au compte-goutte. Par ci par là on demande davantage de soutien, on demande du réapprovisionnement ou des renforts. On se plaint parfois du manque de communication. Mais on avance, encore et encore, on ne se s’arrête pas, on ne dort pas et on ne lâche pas les données de terrain des yeux. Le quartier général de Matteo DiGrassi est une petite usine en soi, où tous les rouages connaissent leur rôle. Depuis le départ de Cerveteri, ces hommes et ces femmes savent ce qu’ils doivent faire et comment. Ils sont tous partis du même désert : presque un an de préparation et de privation. Aujourd’hui, ces officiers entendent arracher la victoire avec les dents. Le chemin à parcourir qui les a menés ici a été long et tortueux, et on peut aisément considérer que leur survie jusqu’à ce point relève du miracle…ou d’une intelligence tactique et stratégique. Il y a eu des erreurs dans les camps d’en face que DiGrassi n’a pas fait, il y a eu des pièges dans lesquels il n’est pas tombé et pour finir, des sacrifices que seul lui a consenti de faire. Des sacrifices… quel mot peut-il mieux désigner cette guerre. Pour affronter Scaela, DiGrassi a payé un lourd tribut, qu’il a consenti de faire, ou du moins qu’il a dû accepter. Est-ce qu’il dort bien la nuit au fond de son lit de fortune lorsqu’il pense à son frère qu’il n’a pas réussi à préserver d’un destin funeste ? Ne fait-il pas les cent pas lorsqu’il pense à Vittorio Vinola ?

La nuit est fraiche dans la plaine de Velsna, et ce moment de calme que connait le triumvir, resté seul à cette heure dans la tente de commandement improvisée pourrait être l’un des derniers, peut-être le dernier. Il a fait quérir Gina, qu’il n’a pas vu depuis le débarquement. La jeune femme entre sans rien dire. Il y a de l’affection entre le père et la fille, mais la pudeur étouffe les sentiments, comme souvent.
- Père, vous m’avez fait venir ? Que se passe-t-il ?

Le visage de Matteo changea légèrement à la vue de sa fille. Était-il soulagé ? Ou n’était-ce là que de la politesse de circonstance. On ne percevait jamais grand-chose du Triumvir, et même pour ses proches, il n’était pas aisé de deviner ses sentiments, que la dureté de la vie politique velsnienne avait apprit à faire taire. Être honnête au Sénat, c’est être en danger, et le silence et la stoïcité étaient les instruments qui avaient assuré la survie politique de DiGrassi pendant toutes ces années. Il était là, assis sur une chaise de fortune, en train de feuilleter un rapport qu’on lui avait envoyé depuis la partie du front tenue par la Garde Raskenoise. Il ne mit pas pour autant sa lecture de côté lorsqu’il vit sa fille :
- Gina. Je voulais te parler. Les nouvelles d’Umbra sont bonnes ?
- Aucune attaque père. Tout est calme sur cette partie du front, on pourrait presque bronzer sur la plage en attendant que la guerre se termine
-plaisanta-t-elle, avant de reprendre – Mais je suppose que ce n’est pour Umbra que vous m’avez fait venir, non ?

DiGrassi consentit enfin à lâcher son dossier. Il se leva et servit deux verres qu’il remplit avec une carafe d’eau. Il tendit le verre à sa fille, non sans un des très rares sourires qu’il lui adressait :
- En effet. Je savais bien qu’Umbra ne serait pas un théâtre d’opération particulièrement passionnant. J’espère que tu ne m’en veux pas de t’y avoir affecté. Les combats vont se jouer à l’ouest, à n’en pas douter. Mais il ne faut pas sous-estimer cette position. Viens voir.

Le Triumvir la dirigea vers une grande table sur laquelle étaient empilées des cartes. Il en déroula une et la mit à plat au sol, une carte de Velsna quelque peu usée et criblée de feutre. Il s’empara d’une petite canne et désigna un tracé bleu coupant le territoire velsnien en deux :
- Je suppose que tu reconnais l’Arna ? Est-ce que tu veux que je te fasse un dérouler des prochains jours qi tout se passe pour le mieux ?

La question était rhétorique, DiGrassi n’attendait pas de réponse et sa fille ne le savait que trop bien : dans ce genre de situation, impossible d’arrêter le Triumvir dans ses explications :
- J’ai disposé notre armée le long de l’Arna. Premier jour fructueux : je provoque l’affrontement en faisant avancer nos chasseurs de Strombola sur Hippo Reggia. Ils doivent y fixer leurs unités les plus dangereuses : les mercenaires fortunéens. Durant ce temps, les nomades traversent le fleuve à l’ouest et se ruent sur les licteurs et les landrins, et sont couverts par la Garde Raskenoise, dont le relais est pris à partir d’aujourd’hui par les aleuciens. Roulement de troupe, là où Tomassino en est incapable, un rouleau compresseur que l’on n’arrête pas. Jamais il ne faut s’arrêter, c’est d’une importance capitale pour la suite du plan, sinon Tomassino va se réorganiser et contre attaquer, et pourquoi pas briser notre coup de faux.

DiGrassi multiplie les pointages sur la carte avec sa canne, Gina a quelque peu du mal à suivre. Le Triumvir déblatère sans s’arrêter en dessinant un arc de cercle avec son bâton :
- Les nomades, le coup de faux. Si les auxiliaires réussissent à atteindre le nord d’Hippo Reggia, les scaeliens n’auront plus leur ravitaillement et ce ne sera qu’une question de temps avant la reddition ou la retraite. Et c’est là qu’Umbra entre en jeu. Lorsque le coup de faux aura lieu, les scaeliens seront encerclés de trois côtés, et ils n’auront pas d’autre choix que de se replier à l’est, que nous avons épargné volontairement pour l’instant. Ils ont laissé quelques troupes au nord d’Umbra pour garder ce côté du fleuve. Ce sont des unités sans grande valeur stratégique : des gardes civiques, et qui plus est en faiblesse numérique. Toi, tu seras avec la Garde Civique d’Umbra pour leur faire comprendre qu’ils doivent eux aussi se replier. Il faut les harceler et faire oublier la présence des nomades au nord . Avance, et avance encore qu’importe les pertes, ne relâche pas la pression. Les nomades seront, j’espère, assez rapides pour refermer la faux et mettre un terme à cette bataille. Si l’armée scaelienne s’effondre, leurs auxiliaires n’auront d’autre choix que de rentrer chez eux, et la guerre sera terminée. Donc, en conclusion, ta présence à Umbra n’est pas inutile, ma fille, loin de là. Chacun a son rôle dans cette armée, comme les acteurs d’une pièce de théâtre en ont un.

Le père et la fille se tiennent contre la table et admire l’œuvre. C’est comme une toile ou une sculpture : il y a du travail, il y a de la beauté et de la signification. Gina regarde le petit point rouge qu’elle est sur la carte, un minuscule détail d’une bien grande vision, si insignifiant :
- Dites, père. Vous avez des regrets parfois ? On n’a pas parlé de Vinola tout dans ça.
- Vinola a remplit son rôle, il l’a fait pour le bien de la cité. Son sacrifice nous permet d’affronter une armée désorganisée et chaotique, diminuée en nombre et fatiguée…
- Je ne parle pas de ça, père. Nous aurions pu aider Vinola et vous le savez. Et nous n’avons rien fait.


DiGrassi fit une pause dans son raisonnement, Gina l’avait désarçonné et bousculé. Ce fut la première et unique fois qu’il aborda le sujet avec elle :
- Vittorio était un ami. Nous avons un prix à payer pour tout, Gina. Ne crois-tu pas que la mort de ton oncle aussi ne m’a rien fait ? J’ai été peiné, et j’ai caché tout cela parce que nous ne faisons pas tout cela que pour nous. La perte et le sacrifice, tout cela n’a aucun sens si nous ne pensons pas au plus grand des buts – il pointe Velsna sur la carte avec sa canne – Le plus grand de ces buts, c’est la cité. J’ai dû choisir entre Vittorio et la cité, et je referais ce choix mille fois malgré la peine que cela me procure. Alors non, je n’ai pas de regrets, Gina, mais j’ai des remord. C’est douloureux, mais nous nous devons de supporter et d’encaisser. Toujours.
- Et si vous deviez choisir entre votre fille et votre cité ?
– lui demanda Gina, curieuse –
- Tu connais déjà ma réponse, ma fille. Je ne te reconnais pas le moindre privilège parmi tous ces petits points rouges. Je t’aime, Gina, mais tu n’es pas différente de tous ces points. Est-ce que cette réponse te convient ?
- Disons que c’est une réponse prévisible, donc je suppose que cela me va. C’est comme si j’aurai une meilleure considération.
- Tout se mérite, Gina.



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Svegliati, stanno arrivando !

La silhouette qui se dessinait devant Luc Boisdinde était brumeuse, se confondant dans un panorama éthéré. Ce n'étaient pas des formes mais des taches de couleur, et cet amas chromatique qui scandait devant lui était incompréhensible. Il leva à hauteur de ses épaules ses mains par réflexe et, dans un effort, répondit par réflexe :

Ma... mamia.

Sa vue reprenait en netteté et il discerna la consternation dans le visage qui l'observait, apparemment outré par ce que Luc venait de dire. On le traine pour autant hors du véhicule à moitié calciné alors que des brumes de souvenirs s'éclaircissent dans son esprit : le manque d'éclaireurs qui n'avait pas permis d'estimer les forces en présente, la résistance bien supérieure à ce qu'espéré à Néorion, l'échec de la bataille et la fuite sur les routes de Zagros avant les détonations et les ténèbres. Le paltoterran se souvenait qu'il discutait avec Vinola, planifiant la suite des évènements avant ce brutal changement de leurs plans, mais il ne le voyait pas, impossible de retrouver le Triumvir. Étaient par contre bien visibles à l'horizon la masse de forces scaelienne amalgamant landrins, troupes régulières et citoyens déchainés. Les survivants vinolistes trainaient Luc au début, puis commencèrent à l'abandonner à mesure que l'ennemi devenait trop proche et menaçant. C'était chacun pour sa peau. C'est en reprenant progressivement ses sens qu'il accéléra le pas et rattrapa ses compagnons d'infortune, talonnés par les alliés de Fortuna.

"Les astériens ! Il faut aller chez les astériens !"

Les velsniens regardèrent d'un air hagard Luc alors qu'ils couraient dans les collines escarpées. Il hurla de plus belle tout en pointant au nord.

"Asteriens ! Asterieeeens !"

Là, ses camarades semblèrent comprendre ce qu'il foulait dire et ils changèrent leur cap. C'était la frontière la plus proche et la plus sûre. Le français était parlé chez eux, peut-être pourra-t-il au moins espérer temporiser.

Le Boisdinde était frigorifié. Le Zagros était froid, mais surtout, il avait perdu du sang et s'était pissé dessus. L'urine l'avait presque réchauffé au début, mais les vents montagneux avaient fait de ses vêtements mouillés un piège glacé qui lui consumait son énergie. Condition mortelle doublée de son manque de sang qu'il compensait autant qu'il pouvait en vidant sa gourde d'eau. "J'aurais du récupérer ma pisse dans ma gourde" pensait Luc, qui se retrouvait à galoper dans les pentes rocailleuses des montagnes. On pouvait mourir de soif partout, même dans les montagnes enneigées. Cela devenait insoutenable pour lui, il avait la nausée, froid, était épuisé.

"Attendez !"

Personne ne le fit, personne n'avait de raison de le faire. Sa survie était peu probable, pourquoi diminuer ses chances pour si peu. Il se fit distancer par les fuyards vinoliste et s'effondra. Dans la neige, dans les cailloux, il tomba. La sensation de froid devenait un peu moins mordante et une forme de douceur commençait à l'envahir. Sur le dos, il contemplait les nuages et, dans un amas informe de gouttelettes d'eau en suspension, il la vit.

Sylva.

C'était une simple forme aléatoire, mais c'est sans hésitation qu'il l'associa à sa terre natale. Il n'avait plus rien à perdre, tout à donner. Si c'étaient ses derniers instants, autant les passer à essayer de les prolonger. Dans un sursaut de conscience il se retourna et, profitant de la pente, mis son corps plus bas que ses jambes. Le manque de sang fut compensé au moins un moment par l'afflux dans sa tête et il reprit toute sa tête.

Se battre pour survivre était maintenant son seul objectif. Il tâta ses blessures au torse : larges mais peu profondes. Il avait perdu du sang mais n'en perdrait pas davantage, pas sans se prendre d'autres shrapnels ou balles.

Se battre.

Il se releva. Un vertige nauséeux remonta dans sa tête tandis que sa vue se brouilla, comme s'il s'était mis sur pied trop vite après son réveil. Il ne succomba pas pour autant au malaise et reprit sa marche.

Se battre pour survivre.

Il ne courrait plus, il n'en avait plus la force. Mais d'un pas déterminé, il marchait à bon rythme dans le morne du Zagros. Qui le suivait ? Les véhicules ne pouvaient pas passer dans ces escarpements et les velsniens n'avaient pas de lamas, mules, yacks ou cabris adaptés à ces environnements. Non, ceux qui le suivront l'auront suivi à pied depuis une bonne distance et ne pourront en soi pas tenir un rythme supérieur au sien, pas avec du matériel en tout cas.

Survivre pour rentrer.

Cette escapade dans laquelle il voyait déjà la gloire s'achèvera comme une histoire à raconter à un apéro. À peine pouvait-il espérer en tirer une réputation pour se lancer en politique. Mais il survivra au moins. Il traversera ses montagnes et rejoindra les astériens, auprès de qui il trouvera son salut.
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La bataille d'Hippo Reggia
Et ensuite ?


Les treillis défilaient au travers de la tente de commandement. Elle était austère, dépouillée, bardée d’informatique et de cartes. Les discussions sont vives : on se déchire et se départage sur la priorité du moindre ravitaillement de chaque régiment, de chaque compagnie. On avance des pions, on tente de décortiquer le moindre rapport. Il y a là des hommes et des femmes qui osent le tout pour le tour dans une atmosphère oppressante où la vitesse de l’information change des sourires en grimaces, et change la joie en colère. La bataille d’Hippo Reggia fait rage depuis des jours, et pour l’instant, il n’est pour seule instruction que d’avancer encore et encore. Une offensive à outrance où l’adversaire doit être étouffé sans jamais pouvoir consolider la moindre ligne. Pour l’instant, cela paraît produire des effets, même si rien n’est encore joué. Cependant, au fil des jours, une question de plus en plus pressante commence à émerger tant parmi l’état-major du Triumvir DiGrassi que chez les responsables politiques et sénateurs fidèles qui l’ont suivi dans le sillage de sa campagne : et après, que fait-on ? Lorsque Velsna sera de nouveau en paix, que se passera-t-il ?

Autour de la table de commandement, les treillis partagent la table avec des sénateurs, qui ont répartis entre eux durant près d’un an les souffrances de l’exil. Certains d’entre eux étaient des figures de proue du Sénat, des « meubles » comme on dirait. Mais aux conservateurs modérés suivant DiGrassi depuis le début se sont joints des parlementaires, dont le cœur avait penché dans un premier temps pour le regretté Vittorio Vinola. A cela s’ajoutait la jeune progéniture de DiGrassi, Gina, qui elle aussi, avait sacrifié bien des choses pour en arriver là aujourd’hui. Tous avaient leur vision et leurs rêves de Velsna. Qu’en serait-il de la Grande République dans un avenir proche ? Le premier sujet et le plus évident, était celui de Dino Scaela. On laissa s’exprimer le premier son excellence Gabriele Zonta , l’un des plus anciens sénateurs en terme de mandats effectués. L’Homme, du haut de ses 87 ans avait passé ces 45 dernières années sur les bancs de l’assemblée sacrée. Il avait été nommé ordonnateur du Sénat quatre législatures de suite et était considéré sage et avisé sur des critères velsniens. Aussi, Matteo DiGrassi, qui lui, n’avait que douze années de mandat à son actif, lui posa le premier cette question : « Que dois-je faire de Dino Scaela, excellence ? ». DiGrassi le vouvoyait, Zonta, lui, l’ordonnateur qui plus qu’aucun autre parmi cette assemblée connaissait de mémoire le plus grand nombre de Sénatus-Consulte, le tutoyait en vertu de son âge qui faisait primer cette règle :
- C’est une question difficile, Matteo. Mais c’est pour cela que nous avons des lois qui sont gravées dans le marbre depuis des siècles. Et si elles restées en l’état tout ce temps, c’est qu’elles sont nécessairement bonnes. Dino Scaela, et tous les sénateurs l’ayant suivi ont commis plusieurs actes sacrilèges. Ils ont tué sans aucune forme de procès des membres de notre assemblée, et qui plus est, ont versé du sang sur ses marches. Le Sénatus-Consulte du 10 mai 1272 est clair sur cette question : celui qui assassine son frère de Sénat sans aucun motif soutenu par la loi et la justice de notre République est condamnable à la peine de mort si approuvée par une majorité des sénateurs. Il sera mis dans un sac, auquel on rajoutera dix rats et un chat. Il sera battu par cinq licteurs de vingt coups de faisceau avant d’être jeté dans le canal Saint Mattia.
- L’intégralité du procédé est-il obligatoire ? – demanda DiGrassi - Je ne pense pas que la population soit encore très friande de ce genre de spectacle en 2013, excellence. Nous n’avons pas envie de créer un martyr.
- C’est une très bonne loi je trouve. – intervint Gina en arrière-plan -
- Tu m’as demandé mon avis, Matteo, je te donne la loi. Et la loi est mon avis. Mais je pense que tu as le choix de t’appuyer sur beaucoup d’entre elles : Dino Scaela est condamnable à la peine capitale par au moins douze sénatus consulte différents, de ceux à ma connaissance tout du moins. Selon le sénatus-consulte du 7 décembre 1301, Scaela est coupable de tyrannie, et le texte laisse choisir le législateur entre la mort et l’exil. En revanche, toute sa « race », sa famille, sera elle aussi condamnée à l’exil et son nom sera maudit. Plus aucun velsnien n’aura le droit de le prononcer sous peine d’amende, toutes les dédicaces des Scaela seront effacées des monuments, ses statues seront renversées et les monnaies à son effigie seront rappelées de la circulation et fondues. Peut-être cela sied mieux à la situation et nous aurons le choix de décider de l’avenir du tyran à tête reposée suivant notre contexte.
- C’est mieux que le canal, c’est sûr.
– dit le triumvir, s’enfonçant dans sa chaise –

L’évocation du sort de Scaela souleva en revanche le cœur de Gina, qui se sentit obligée d’intervenir :
- Très franchement : est-ce qu’on est vraiment en train de tergiverser pour l’exiler ? Après ce qu’il a fait ? Peine de mort pour Scaela, rien d’autre. Pourquoi on hésite ?
- Ma fille, tu dois comprendre qu’il y a un contexte politique dans lequel nous évoluons. Nous ferons exécuter Scaela si la situation y est favorable, sans aucune forme d’hésitation. Mais nous le ferons dans le respect de la loi et cela ne constitue pas un dommage à notre République sur le plan international. Nous ne sommes pas seuls au monde, à mon grand désamour. Fin du sujet.


La jeune femme fit une grimace de désapprobation avant de se reposer dans sa chaise. Les poings sont serrés, et il s’en fallu de peu pour que la dispute éclate. Mais la présence des sénateurs l’obligeait. Si besoin, le vieil ordonnateur aurait très bien pu brandir la menace de deux sénatus consulte pour outrage à la dignité d’un sénateur.
- Et à votre avis, excellence, que faisons nous de tous ses soutiens ? Le tiers de la classe politique et du Sénat l’a soutenu. J’ose espérer qu’il y a des portes de sortie à proposer pour ceux, tout du moins, qui ont les mains les moins souillées. – demanda le Triumvir -
- Là encore Matteo, tu devras faire tes propres choix. Les sénatus consulte à ma connaissance ont encore une fois deux réponses différentes à te donner : la mort ou l’exil.

DiGrassi réfléchit, mais un autre sénateur, plus jeune, ne lui laisse pas le temps de sortir de sa torpeur pensive :
- Je puis me permettre, Triumvir, voulez-vous faire votre entrée à Velsna en conquérant ou en pacificateur ? Ces individus ont choisi le mauvais parti, certains sont des criminels. Mais il est impensable de croire que vous pourrez gouverner quoi que ce soit si la moitié de notre élite politique et économique perd sa tête. Faites donc un exemple des plus virulents et criminels, et accordez le pardon aux autres. Ce que l’on veut, c’est que notre cité reparte de l’avant, et nous ne pouvons pas nous permettre de reconstruire sur des cadavres. Nous devons avant tout réconcilier le corps civique avec lui-même. Donnez donc la stabilité à votre faction, donnez des gages aux vinolistes, punissez les grands scaeliens et donnez le pardon aux autres. Je pense que vous pouvez faire tout cela à la fois.

Le triumvir se tourna vers le jeune sénateur, intrigué par sa proposition :
- Quel est ton nom ? Je n’ai pas souvenir de ton visage au Sénat.
- Leonardo Marinelli, excellence. J’ai suivi…le Triumvir Vinola jusqu’à ce que...
- Ces anciennes fidélités m’importent peu. Tu es bien avisé, sénateur. La cité aura certainement besoin de toi à l’avenir. Messieurs, je tiens à vous remercier de tous ces conseils. J’en ferai bon usage. Disposons à présent.


Tous partirent de table et se dispersèrent aux quatre vents de leurs occupations respectives. Il n’y avait plus que le père et sa fille, face à face de chaque bout de la table. Elle avait ce regard noir qui ne laissait rien présager de bon de sa pensée…
- Ces salauds ont tué l'oncle Frederico. Un des leurs pour l'un des nôtres, c'est la règle.

Le Triumvir adressa un bref regard à sa fille. Il ne tentait en rien de la dissuader de ces pensées, pensant à un bref coup de sang. Il se montra néanmoins compréhensif:
- Oui. La vendetta, c'est ce que nous ferions si nous n'avions que la vengeance à quoi penser, Gina. Or, ce n'est pas le cas. Dino Scaela n'est pas la fin, c'est la cité qui l'est. Il a tué Frederico, et il sera punit quoi qu'il en soit pour cela. De plus, son sort n'est pas encore décidé. Chaque en son temps donc.


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La journée des barricades, jour 1
Le PEV entre dans la danse


Il n’aura fallu que quelques heures. Dans cette Grande République en train de crouler sous le mécontentement généralisé et la guerre, quelque chose est en train de se passer. Il est 6h du matin aux chantiers navals de l’Arsenal de Velsna, dans le cœur battant de Velsna que constitue les chaînes de production des navires de la Marineria. Ici, on cherche encore à se remettre du fait que celle-ci ait été intégralement saisie dans une manœuvre audacieuse par le Triumvir DiGrassi au début de la guerre. C’est dans ces cales sèches que l’on fabrique ce qui a fait la réputation de la cité ces mille dernières années. Ce qui allait devenir quelques heures plus tard l’un des évènements démarre le long de cette chaîne de montage de la prochaine frégate de la Marineria. Ce matin-là, les chefs d’équipe font comme à leur habitude un appel des noms des membres de leur quart. A leur surprise, ils se retrouvent face à des chaises vides : 11 des 12 équipes du jour manquent totalement à l’appel. Ce qu’il s’est passé ce matin ? L’expression d’un mécontentement de plus en plus prononcé, les effets économiques d’une guerre civile qui commencent à frapper les velsniens des classes censitaires les plus basses, dont le salaire stagne lui également depuis des années. Mais ce n’est pas là quelque chose de nouveau, non ? Pas tout à fait, mais un détail peut faire la différence. Les colères velsniennes ont toujours trouver lettre morte jusqu’à aujourd’hui, pour la simple raison qu’une révolte débute bien souvent lorsque les classes censitaires inférieures s’allient avec ce que l’on considérerait à l’étranger comme les classes moyennes. C’est dans ces moments que ce que l’on appelle un sujet révolutionnaire peut naître, le mécontentement accumulé d’un nombre de personnes beaucoup trop important pour être contenu par les autorités en place, un point de rupture. Car les ouvriers arsenalauti de Velsna ne se sont pas contentés de ne pas se présenter au travail. Malgré l’état de loi d’exception qui règne dans les rues de Velsna depuis le début de la guerre, les forces de l’ordre, dont les militaires sont partis en grande partie pour le front, ont rapidement dépassés par une foule de manifestants partis des faubourgs de la terre ferme de Velsna, et se dirigeant en plusieurs points vers le centre-ville dans un grand désordre. On pouvait admirer les premiers éléments de notre sujet révolutionnaire, les basses classes censitaires. C’était là un travail de fond qui avait cours depuis des mois et des mois, un travail au corps des velsniens laborieux par la formation politique du PEV, le parti eurycommuniste velsnien. Mois après mois, le PEV, pourtant formation clandestine sans représentation parlementaire, avait capitalisé sur l’attrition que la guerre provoquait sur le moral des populations, en particulier celles des masses laborieuses, déjà en point de rupture avant la guerre.

Déjà mécontentes et déçues de l’opposition parlementaire officielle représentée autrefois par feu Vittorio Vinola, ces masses, pour beaucoup sans formation politique claire, se sont massivement reportées sur une solution plus radicale. Les ingérences étrangères n’avaient fait qu’amplifier la dynamique du mouvement. Toutefois, il serait faux de dire que cette contestation qui se levait dans la capitale était le fruit unique du PEV, loin de là. Aux rues qui emplissaient progressivement tout au long de la journée, on croisait des sympathisants du PEV, mais également d’anciens partisans de Vinola dont la seule ambition était désormais de débarrasser la République du règne personnel de Dino Scaela. Ce qui était fort ironique sachant l’attrait que portaient les libéraux velsniens pour l’OND. Enfin, il y avait là les partisans de DiGrassi restés en ville parmi le peuple, souvent des petits commerçants des classes moyennes en quête de reconnaissance politique., et cherchant à accélérer par tous les moyens le processus de victoire du général. On pourrait se demander en voyant toutes ces nuances politiques ce qui pouvait bien les unir, mais la réponse était simple : Dino Scaela.

Toutefois, il ne fallait pas croire que le triumvir avait aucun soutien. Dans toutes les strates de la société, Scaela et ses alliés avaient multiplier les soutiens par des donations d’argent, une adhésion véritable, la perspective d’ascension sociale ou encore ej jouant sur les peurs du désordre. Aussi, la matinée avait été le lieu d’affrontements entre des bandes armées de Scaela avec les protestataires dans les quartiers populaires de l’Arsenal et de Santa Emilia, où ces derniers avaient tenté d’étouffer la manifestation dans l’œuf, manifestation qui s’était transformée au fil des heures en une véritable insurrection. Impossible d’avoir un compte précis du nombre de manifestants mais le nombre de 100 000 n’est pas un pallier exclure. Face à la faiblesse de la garnison, les protestataires effectuent facilement la traversée sur pont du 12 octobre qui relie la l’agglomération de la terre ferme d’avec la vieille ville et ses canaux. La foule est désordonnée, sans véritable chef de file canalisant les colères et les revendications. Les slogans fusent, multiples et parfois contradictoires dans cette masse immense qui enfle dans les ruelles de la vieille ville, au bord des canaux, sur les ponts enjambant les étendues d’eau de Velsna. La foule atteint presque la place San Stefano, à nquelque centaines de mètres du Sénat avant d’être bloquée par une troupe de licteurs qui les repousse, mais se trouve incapable de pourchasser et disperser la foule. Les premiers coups de feu sont tirés, et trois jeunes gens s’effondrent dans la foule. Les manifestants les plus farouches répondent par des jets de pavés tout en se repliant.

Cette salve achève de transformer cette manifestation en révolte. Si les manifestants finissent par se retirer, ceux-ci font demi-tour vers l’agglomération de la terre ferme sans être arrêtés. Incapables de les en empêcher, les licteurs voient impuissants les insurgés ériger des barricades dans les rues étroites du quartier de l’Arsenal, constituées de tout ce qui peut être détacher : meubles, pavés, lampadaires arrachés, le tout parfois surmontés de drapeaux rouges à l’effigie du PEC. Au total, ce sont pas moins de 54 barricades qui sont montées en l’espace de quelques heures. Comme la majorité des civils velsniens, les insurgés sont bien armés, parfois avec les armes de leur service militaires qu’ils ont conservé. Ces derniers sont même rejoints par des soldats scaeliens en permission, dont le moral s’est effondré au fil de la campagne contre Vinola et DiGrassi. Des vétérans mécontents de la bataille du Néorion se sont improvisés une véritable petite forteresse de bois, de meubles et de sacs de sable dans le quartier San Christiano tandis que les membres du PEV se sont appropriés le quartier de l’Arsenal, là d’où les ouvriers arsenalauti étaient partis dans la matinée. Les anciens vinolistes et les digrassiens, contre toute attente, fraternisaient sur les barricades. C’est une véritable vie nocturne, transformée en fête ponctuée d’escarmouches contre les licteurs qui se déroulait tout du long de la soirée. Une cocotte-minute a explosé ce soir là à Velsna, et elle couvait depuis si longtemps. La fin de la guerre semble proche…


causes de l'évènement: la ligne de front s'est suffisamment rapprochée de Velsna pour réveiller les opposants de Scaela dans l'agglomération velsnienne
Le PEV a mobilisé ses militants et s'est appuyé sur un important soutien accumulé au fil de la guerre


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La journée des barricades, jour 2
Les rêveurs de la rue Idilmo



Depuis tout ce temps, Velsna était assoupie, endormie par l'or de Scaela. On avait presque finit par oublier toutes les revendications et les manifestations qui avaient marqué l'ancien gouvernement du Patrice Dandolo, lequel avait dans son Conseil Communal les deux hommes que l'ont présente aujourd'hui au peuple comme étant des ennemis mortels. Oubliés, les grands rassemblements en faveur de l'hôpital public et une école gratuite, oubliée la grande manifestation qui avait perturbé la visite de la reine de Teyla il y a bientôt deux années. C'était comme si les belligérants avaient mis sous le tapis tous ces mécontentements en s'accaparant le monopole de la violence, sans jamais les régler pour autant. Et nous voilà donc en cette froide nuit sur la barricade de la rue Idilmo, dans le quartier de l'Arsenal, le plus populaire de la ville. Velsna est une agglomération au plan ancien, qui n'a jamais fait l’objet de grands travaux urbains comme la plupart des centres de pouvoir en Eurysie à partir du XIXème siècle. La, plupart des rues sont étroites, s'encombrent facilement, d'autres sont en temps normal de véritables coupes gorges aux allures d'impasses médiévales. On se perd bien souvent dans ce quartier de l'Arsenal si l'on en est pas natif, un labyrinthe indescriptible où s'entasse la plupart des industries de la ville. La plupart des immeubles, construits entre le XIXème et le début du XXème siècle, ne font pas plus de quelques étages, mais ils sont si denses que bien malin serait la force de police capable d'y retrouver qui que ce soit, même avec un hélicoptère orné de projecteurs. Il y a en tout près de trois cents personnes qui tiennent cette barricade de la rue Idilmo. La plupart sont des résidents du quartier, les mêmes que ceux qui travaillent aux très proches arsenaux de Velsna, le plus grand employeur de l'agglomération. Si les ouvriers, pour beaucoup, occupent les chantiers empêchant leur redémarrage, le reste de leurs familles s’attellent à faire vivre la barricade. La barricade, elle est un être vivant qui gonfle encore et encore au fur et à mesure des meubles et des pavés que l'on vient y entasser. Ce n'est pas un vulgaire tas de chaises : il y a de la beauté, un sens de l'organisation dont les classes censitaires supérieures n'auraient pas soupçonné un instant que ces gens aient pu posséder cela en eux. C'était un mur solide de tout ce que Velsna avait de mieux à offrir, constitué des parties de son corps civique qui s'estimaient oubliées par des décennies de négligence. On décorait cette muraille vivante de slogans, on la bardait de poèmes, de beauté et d'amour: « La Triumvirat des cadavres », « ONDehors », « Longue vie au camarade Lorenzo !» que l'on pouvait lire partout et sur n'importe quel support.

La barricade était devenue un fait social en l'espace d'une journée, un lieu d'échange : échange d'idées, tric improvisé d'une partie de la population qui a crée ses propres institutions sous les yeux de ceux qui n'ont pas daigné leur déléguer le pouvoir. Si toutes les couleurs politiques avaient leurs barricades où leurs militants se présentaient en plus grand nombre qu'ailleurs, celle de la rue Idilmo, à l'image de toutes celles du quartier de l'Arsenal, s'étaient improvisées en vecteurs d'idées du Parti Eurycommuniste velsnien, lesquels envoyaient sur le terrain leurs membres les plus formés. La fameuse avant-garde dont les théoriciens du PEV rebattaient les oreilles de tous se formait là, dans cette rue. Le PEV avait fait don au peuple de l'Arsenal du célèbre journaliste Guiseppe Lauda, qui avait rejoint leurs rangs à l'occasion du congrès de formation de la grande Internationale de l'UICS. Il était intenable et bouillant, il avait attendu ce moment toute sa vie, ou presque. Il haranguait la foule, appelant des inconnus « Mon camarade ». Lui qui avait parcouru tous les pays du monde socialiste, il avait vu la réalité dont ses rêves avait accouché, le meilleur et le pire. Mais le pire de ces songes n'égalait guère la cruauté et l'injustice de la plus grande pauvreté des velsniens des plus basses classes. Mais Velsna avait fait don, elle, du plus grand cadeau que l'on puisse faire aux eurycommunistes. L'injustice du système velsnien ne se mesurait pas comme celle que l'on trouvait à Teyla, à Tanska ou en Alguarena. Elle avait quelque chose de brutalement honnête, de concret. Cette inégalité était actée par la loi : le droit au vote inégal, la justice à double vitesse... Tout cela, les gens de peu le comprenaient bien, et jusqu'il y a peu, ils acceptaient cet état de fait pour la simple raison que l'on faisait miroitier l'illusion qu'un classe VI puisse devenir un Classe V. Pour tous ces gens, la méritocratie velsnienne avait fait son temps, du moins dans sa forme actuelle, et Dino Scaela en était l'expression la plus extrême. Il était le dernier réflexe de défense du système qui préfigurait son agonie. Les autres nations cachaient leur misère derrière une égalité théorique, Velsna assumait pleinement ces malheurs et ces horreurs que la vie réservait aux gens de peu.

Mais sans doute les insurgés sous estimaient fâcheusement Scaela, au point qu'ils avaient été repoussés ici même, dans le quartier de l'Arsenal. L'assaut de la vieille ville de Velsna avait échoué, ils avaient touché du doigt les façades du Sénat où le gros Triumvir avait fait observer son crime par tous. Un petit effort et un peu de chance, et Velsna sera devenue cette République socialiste dont ces jeunes gens rêvaient. Mais Scaela n'était pas seulement riche d'argent, mais prospère de fidèles, de clients et de soldats. Et ces derniers avaient acculé les protestataires de toute sorte sur la terre ferme, de là où ils venaient. Ils avaient désormais la balle dans leur camp, étaient armées et avaient passé l'effet de la surprise qui aurait pu faire triompher la cause de tous les mécontents de cette République. Les troupes de Matteo DiGrassi, qui se battaient dans le sud du pays contre celles du tyran, ne seraient sans doute pas assez rapides pour porter secours à ces rêveurs. Mais ils n'allaient pas se rendre pour autant, certainement pas. Ils connaissaient tous la rigueur de la loi velsnienne qui était sur le point de s'abattre sur eux. Loin d'être dissuasive, celle-ci les motivaient à se battre jusqu'à une mort certaine pour éviter son supplice. Mais tout cela importait peu : pour la première fois, tous ces gens étaient devenus les acteurs principaux de leur propre pièce, et ils auraient le beau rôle.

Les troupes de licteurs s’avanceraient certainement sous peu dans ces quartiers pour y tenter d'en reprendre le contrôle. Si certaines conditions de cet affrontement poseront question, des points seront quant à eux on ne peut plus clair: les morts seront nombreux, et il faudra se battra maison après maison. La journée des barricades sera longue...


Causes de l'évènement: la puissance politique accumulée par le PEV au fur et à mesure du conflit ne lui permet pas de renverser Dino Scaela

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La journée des barricades, jour 3
Les passions violentes


Les humeurs, au fil de la nuit, on tourné au noir sur la barricade de la rue Idilmo. Le rêve aura duré un peu plus d'une dizaine d'heures. L'aperçu du paradis, une fenêtre de temps bien trop courte pour admirer les perspectives politiques que chaque barricade s'était inventé. Les vinolistes de la barricade de l'avenue San Antonio s’étaient pris à rêver de cet horizon qu'ils n'atteindraient jamais : la liberté à tout pris et sans entrave. Les digrassiens avaient espéré la venue de leur sauveur venu du sud , un peu vainement car tous savaient pertinemment que ses troupes étaient bien trop loin. Les barricades ont été prises les unes après les autres au fil de l'ascension de la lune dans le ciel nocturne, une lune pleine et rouge. Au début de la nuit, elles étaient plusieurs dizaines. A la veille du jour, elles ne sont plus qu'une poignée, et la rue Idilmo est toujours tenue par les eurycommunistes du PEV, sous la houlette de ce héros romantique dont ils se sont appropriés les paroles et la harangue.

Cette masse collée à la barricade est passée par tous les sentiments, toutes les émotions en quelques heures. L'euphorie de la prise de possession de quelque chose qui était censée leur revenir de droit dans un premier temps. Car, prendre la rue n'était pas un acte anodin, c'était la première fois que ces gens s'appropriaient un espace public, qu'ils le marquait de leur empreinte. Ils étaient fiers de la barricade, c'était là l'expression de leur volonté collective, leur chef d’œuvre de l’espérance et des jours meilleurs, leur protection à l'endroit des faquins qui occupaient le Palais des Patrices. En second lieu, il y eu la colère et l'angoisse , la prise de conscience que ce qu'ils faisaient était d'une gravité absolument terrifiante, que les répercussions allaient d’abattre sur eux tous. Les moins courageux et les apolitiques n'ont pas réussi à surpasser la peur de la réalité et ce furent les premiers à abandonner la barricade, bien malgré leurs compagnons et presque sans aucun combat, ceux qui pensaient que cette journée était davantage une grande fête qu'un moment de bascule, ceux pour qui l'enjeu ne valait pas une vie. Les assauts commencèrent contre le quartier de l'Arsenal et rapidement, le contact fut perdu avec les barricades vinolistes et digrassiennes. Ce n'était plus là une question de courage, mais de perspective politique. Les Digrassiens se dispersèrent en comprenant que DiGrassi lui-même serait plus à même d'en finir avec Scaela qu'eux même. Ils attendraient la prochaine bataille où ils auraient une chance de l'emporter. Leurs barricades s'effondrèrent au même ryhtme que leurs insurgés tentèrent de rentrer chez eux au nez et à la barbe des autorités. Quant aux vinolistes, des fraternités libérales comme Les enfants de la liberté, ils résistèrent un peu plus longtemps, car ils ne pouvaient plus compter que sur eux même et que cette heure serait probablement leur dernière. Mais leurs barricades étaient aussi mal structurées que leur pensée, pleine de trous et de vides. Si bien que certains d'entre eux ont fini par faillir. La liberté, oui, mais à quel prix ? Au prix d'une vie ? Les libéraux, finalement, n'avaient-ils pas une partie de ce qu'ils désiraient déjà avoir avec Scaela ? Si la liberté politique n'était pas envisageable, ne pouvions nous pas nous contenter de la suppression des gardes fous qui séparaient les vinolistes de la liberté de l'investissement et de l'argent. Ainsi, le courage de ces derniers fut grand, mais ils finirent par se rendre ou fuir lorsque les camions anti-émeutes eurent forcer les barricades. Une par une, elle tombèrent, si bien qu'il ne resta bientôt plus que celles érigées dans les quartiers où les militants du PEV étaient les plus nombreux.

Quelles étaient belles leurs barricades, que ne fut pas une catastrophe de les voir s’effondrer. Tout était si organisé, de façon que l'on pourrait trompeusement penser de spontanée, avec des assises de pavés presque rectilignes, le tout bien ordonné. Tout ce qu'il manquait pour faire un véritable mur de la barricade de la rue Idilmo était le mortier. Et derrière la muraille de pavés et de bois, il y avait la muraille humaine. Pourrions nous dire que ces hommes et ces femmes étaient ce fameux mortier. Le PEV était une formation dite d'avant garde, composée de « militants professionnels » qui, s'ils avaient également des armes, étaient dotées d'une richesse plus grande : la cohérence et la discipline militante. Ainsi, ce furent certainement leurs ouvrages qui se sont ancrés dans la durée, au point poiur quelques uns de pouvoir assister au soleil du petit matin. La nuit avait été longue de batailles de rues comme rarement on pouvait avoir vu. Les habitants du quartier de l'Arsenal, massivement, se portaient à l'assistance des insurgés. On y jetait tout ce qui n'était pas fixé à un mur sur les licteurs qui progressaient péniblement dans le quartier, on hurlait et criait à la rage, des détonations qui se joignaient au bruit de la colère dans le fond sonore de cette bien triste et glorieuse nuit. C'était la passion velsnienne, celle de l'absence de la culture du compromis politique, du consensus. Le vainqueur prenait tout et ne donnait rien, si ce n'est le ressentiment. Des dizaines, voire des centaines de corps jonchaient les rues. Les licteurs se rapprochaient de la barricade de la rue Idilmo et des chantiers navals de l'Arsenal, le cœur eurycommuniste de la cité sur l'eau. Les scaeliens faisaient feu sur les hommes et les femmes qui donnaient à la République sa puissance sur les flots, la garantie de son indépendance et de sa protection. Cette nuit, ces dockers défendirent Velsna sous une autre forme, ils ne voulaient que s'approprier Velsna comme Scaela s'en était emparé. Ils suivaient la brutalité de l'exemple de l'Homme qu'ils haïssaient.

Il fallu toute la nuit pour les mater, et ils étaient toujours debout au petit matin: les eurycocos, les rouges, les lorenziens, comme on les surnommait. Ils étaient tout autant miséreux qu'ils paraissaient magnifiques dans leur infortune et leur malheur. Les vêtements déchirés, la boue et le sang étalés sur les visages. Des fusils de pauvre facture dans les mains, le minimum que l'on pourrait donner à un garde civique de la plus basse des classes censitaires. Les mains qui serraient les armes contre leurs poitrines étaient tremblantes et froides. Les insurgés du « camarade Guiseppe Lauda » étaient seuls, désormais.

Le soleil se lève, on e perçoit les rayons au travers de la fumée et des feux qui s'étaient déclarés ci et là. Les licteurs se présentèrent enfin devant la barricade de la rue Idilmo à l'aurore. Il étaient beaux et casqués, le métal de ceux ci était froid et brillant, et en face d'eux, il n'y avait que ces regards hagards et épuisés. Lauda monta au sommet de la barricade dans un silence de mort, une tranquillité qu'insurgés et forces de l'ordre n'avaient pas perçu depuis la veille. Quelle beauté que Velsna, quelle passion... Cette passion, Guiseppe Lauda la fuit brûler de plus belle lorsqu'il monta au sommet de la barricade. Son pistolet était à son poing gauche, et son drapeau à sa main droite. Il était face aux casques de fer et d'argent, et leurs belles crinières. Il fit entonner sa voix depuis sa muraille dans toutes les rues adjacentes. La passion velsnienne était brûlante et laconique, comme le furent ses paroles :
- Faites feu, camarades, et visez bien ! Je ne suis qu'un homme.

Qu'elle était belle cette phrase. Si il y avait eu davantage de mots, sa puissance n'aurait été qu'écornée. Il était le directeur de l'Unità, l'un des premiers de cordée de cette organisation révolutionnaire qu'il avait contribué à construire. Il était la passion.


Effets :
Le personnage de Guiseppe Lauda est mort.
Le PEV n'a pas réussi à renverser le régime de Dino Scaela, mais il a acquit une aura certaine auprès des velsniens.
L'insurrection a été écrasée dans la capitale, mais les grèves sauvages et les autres actions de nuisance à l'encontre du gouvernement de Scaela continuent.




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La bataille d'Hippo Reggia (3-8 décembre 2013)
Victoire décisive des Digrassiens

...


Contingents mobilisés :

Effectifs Digrassiens (sous le commandent du Stratège Matteo DiGrassi)

Effectifs digrassiens:
3000 Armes légères d'infanterie Niveau 10 (- 151 )
350 Mitrailleuse lourde Niveau 1 (- 18 )
350 Mitrailleuse lourde Niveau 6 (- 18 )
350 Mortier léger Niveau 1 (- 18 )
350 Mortier léger Niveau 6 (- 18 )
200 Lance-roquettes Niveau 7 (- 10 )
130 Lance-roquettes Niveau 3 (- 7 )
35 Lance-missiles antichar Niveau 9 (- 2 )
50 Lance-missiles antichar Niveau 7 (- 3 )
250 Lance-missiles antichar Niveau 5 (- 13 )
35 Lance-missiles antichar Niveau 1 (- 2 )
40 Canon tracté Niveau 1 (- 2 )
40 Canon tracté Niveau 6 (- 2 )
15 Canon automoteur Niveau 7 (- 1 )
7 Canon automoteur Niveau 1
20 Véhicule blindé léger Niveau 5 (- 1 )
15 Véhicule blindé léger Niveau 1 (- 1 )
20 Transport de troupes blindé Niveau 9 (- 1 )
10 Transport de troupes blindé Niveau 5 (- 1 )
15 Transport de troupes blindé Niveau 1
7 Véhicule de combat d'infanterie Niveau 9
16 Véhicule de combat d'infanterie Niveau 4 (- 1 )
17 Char léger Niveau 4 (- 1 )
9 Char d'assaut Niveau 3
90 Camion de transport Niveau 2 (- 5 )
20 Camion citerne Niveau 2 (- 1 )
2 Bulldozer Niveau 1
1 Pont mobile Niveau 1
2 Véhicule de déminage Niveau 1
3 Véhicule de transmission radio Niveau 6
1 Véhicule radar Niveau 6
2 Véhicule radar Niveau 10
50 Mine antipersonnel Niveau 10 (- 50 )
350 Mine antichar Niveau 6 (- 350 )

4000 gardes civiques d’Umbra (Ali 7) (- 201 )

595 morts et blessé

Effectifs des mercenaires « aleuciens » (Miridian) :
1000 Armes légères d'infanterie Niveau 8 (- 50 )
300 Mitrailleuse lourde Niveau 6 (- 15 )
200 Mortier léger Niveau 6 (- 10 )
200 Lance-roquettes Niveau 7 (- 10 )
300 Lance-missiles antichar Niveau 7 (- 15 )
10 Canon tracté Niveau 2 (- 1 )
10 Canon automoteur Niveau 2 (- 1 )
20 Véhicule de combat d'infanterie Niveau 5 (- 1 )
20 Char léger Niveau 1 (- 1 )
10 Char d'assaut Niveau 3 (- 1 )
50 Camion de transport Niveau 2
10 Camion citerne Niveau ?
5 Véhicule de transmission radio Niveau 7
1 Véhicule radar Niveau 7
50 Mine antipersonnel Niveau 10 (- 50 )
350 Mine antichar Niveau 6 (- 350 )

159 morts et blessé

Mercenaires « eurysiens » (loduariens officieusement)
1000 Armes légères d'infanterie Niveau 10 (- 8 )

8 morts et blessé

Guerriers bédouins auxiliaires (Grand Kah) :
2840 Armes légères d'infanterie Niveau 11 (- 23 )
500 Mitrailleuse lourde Niveau 10 (- 4 )
200 Lance-missiles antichar Niveau 5 (- 2 )
200 Lance-roquettes Niveau 5 (- 2 )
200 Lance-missiles antichar Niveau 9 (- 2 )
300 Véhicule blindé léger Niveau 5 (- 2 )
88 Transport de troupes blindé Niveau 2 (-1 )
100 Véhicule de combat d'infanterie Niveau 10 (- 1 )
80 Véhicule utilitaire Niveau 8 (- 1 )
3 Hélicoptère léger polyvalent Niveau 1
4 Hélicoptère d'attaque Niveau 2

55 morts et blessés

Mercenaires raskenois :
1000 Armes légères d'infanterie Niveau 11 (- 16 )
50 Mitrailleuse lourde Niveau 8
50 Mortier léger Niveau 2
50 Lance-roquettes Niveau 7
20 Char d'assaut Niveau 2 (-4)
10 Véhicule de combat d'infanterie Niveau 5
10 Transport de troupes blindé Niveau 5
10 Transport de troupes blindé Niveau 1 (-2)
20 Mortier tracté Niveau 2
10 Lance-missile antiaérien mobile Niveau 2
40 Camion de transport Niveau 2
10 Camion citerne Niveau 3
6 Véhicule radar Niveau 5
2 Char de dépannage Niveau 1
15 Véhicule de transmission radio Niveau 6

39 morts et blessés

Effectifs scaeliens (sous le commandement du Stratège Andrea Tomassino):

Mercenaires de Manche Silice (Chevaliers de Léandre) :
810 Armes légères d'infanterie Niveau 8 (-122)
155 Mitrailleuse lourde Niveau 5 (-23)
18 Niveau Véhicule de combat d'infanterie 4 (-2)

147 morts et blessés

Armée scaelienne :
2472 Armes légères d'infanterie Niveau 10 (-372 )
278 Mitrailleuse lourde Niveau 1 (-41 )
278 Mitrailleuse lourde Niveau 6 (-41 )
278 Mortier léger Niveau 1 (-41 )
278 Mortier léger Niveau 6 (-41 )
178 Lance-roquettes Niveau 5 (-26 )
89 Lance-roquettes Niveau 7 (-13 )
143 Lance-missiles antichar Niveau 5 (-21 )
33 Canon tracté Niveau 1 (-4 )
33 Canon tracté Niveau 6 (-4 )
6 Canon automoteur Niveau 1
6 Canon automoteur Niveau 7
9 Véhicule blindé léger Niveau 1 (-1 )
13 Véhicule blindé léger Niveau 5 (-1 )
18 Transport de troupes blindé Niveau 1 (-2 )
9 Transport de troupes blindé Niveau 5 (-1 )
9 Transport de troupes blindé Niveau 9 (-1 )
9 Véhicule de combat d'infanterie Niveau 4 (-1 )
14 Char léger Niveau 4 (-2 )
6 Char d'assaut Niveau 3
60 Camion de transport Niveau 2 (-9 )
23 Camion citerne Niveau 2 (-3 )
2 Véhicule de transmission radio Niveau 6
4 Véhicule radar Niveau 10

847 morts et blessés

Mercenaires fortunéeens
1000 Armes légères d'infanterie Niveau 11 (-150 )
200 Mitrailleuse lourde Niveau 10 (-30 )
100 Mortier léger Niveau 8 (-15 )
100 Lance-roquettes Niveau 9 (-15 )
100 Lance-missiles antichar Niveau 9 (-15 )
40 Transport de troupes blindé Niveau 8 (-6 )
10 Char léger Niveau 6 (-1 )
4 Char d'assaut Niveau 5
100 Camion de transport Niveau 8 (-15 )
20 Canon tracté Niveau 7 (-3 )
4 Camion citerne Niveau 1

331 Morts et blessés

Gardes civiques 😬
15000 Gardes civiques d'Hippo Reggia (Ali Niveau 7) (-2262)

2 262 morts et blessés




* Ces pertes correspondent à une estimation des morts, disparus et déserteurs.
10902
La bataille d'Hippo Reggia
Dignité


La dignité. Quel mot magnifique, un mot sacré dans la culture des grands de Velsna. Qu’importe celui qui a la fortune et qui ne la possède pas, qu’importe celui qui a la bravoure sans avoir sa splendeur, qu’importe celui qui perd jusqu’à ses vêtements et qui conserve la pudeur de ce mot. L’aristocratie patricienne velsnienne a toujours ces reflexes quasi claniques de reconnaissance mutuelle. Un beau palais c’est bien, un compte en banque plein c’est très bien, la célébrité qui l’accompagne c’est presque parfait. Mais celui qui possède la dignité, c’est la perfection du sommet d’une hiérarchie sociale huilée depuis des siècles. Alors, qu’est-ce que la dignité ? Le respect de l’autre ? Le comportement urbain vis-à-vis de ses concitoyens ? Nous n’en sommes pas loin, mais la dignité est un terme qui regroupe une signification plus large. La dignité, telle que les ancêtres landrins l’ont appris aux velsniens, est avant tout la somme de tous les biens accumulés, de toutes les charges gagnées aux élections, de tous les monuments financés par l’évergétisme…La dignité est la somme de tout ce que l’on a été et de tout ce que l’on a fait dans notre vie de sénateur de la Grande République de Velsna, dans notre vie de patricien, qui est bien plus rude que l’on ne le pense. Et cette dignité ne se limite pas à la façon dont l’on vous perçoit, elle se lie intrinsèquement à la façon dont on regarde la totalité des membres de votre famille et de vos clients. La dignité est une distinction collective, car le patricien est également responsable de la somme des actions de tous ses ancêtres connus. Qu’est-ce que la dignité…voyons donc un exemple.

Vous apercevez cet homme, dans cette tente de fortune qui lui sert d’abri ? Dans ce QG de la misère et du désespoir ? A feuilleter frénétiquement des cartes couvertes de boue ? Regardez le plus attentivement. Ces mains qui ne sont pas caleuses, presque aussi lisses que celles d’un enfant. Cette chevalière qui signifie son rang dans la hiérarchie sénatoriale. Cet uniforme de la Garde civique de la cité de Velsna, usé et pour partie déchiré, mais qu’il arbore fièrement. Regardez donc sa détresse, et imaginez-vous, lecteurs. Imaginez être à sa place. Vous êtes le descendant d’une lignée de sénateurs qui remonte à la fondation de la cité. Votre nom est inscrit sur des statues et des dédicaces de monuments, il est cité dans l’album sénatorial depuis plusieurs siècles. Cet album sénatorial, c’est ce graal où tous veulent laisser leur trace écrite. Servilement, les censeurs du Sénat recensent chacune de vos actions. L’album sénatorial, la somme de tous les noms de sénateurs, de toutes les législatures depuis plus de 1 000 ans, au fond c’est la seule chose qui importe.

Regardez-le, cet homme. Son nom est Aureliano DiCanossa. DiCanossa…un DiCanossa s’est battu contre les achosiens, lors des fameuses guerres celtiques au XIIIème siècle. Un DiCanossa a été témoin du passage des montagnes du Zagros par le chef celte Erwys. Un DiCanossa a périt contre lui sur les champs de bataille de Velcal. Des DiCanossa se sont battus sur le pont de navires durant des siècles face aux zélandiens. Des DiCanossa ont exploré des continents mystérieux et exotiques… Et nous arrivons au bout de la ligne du temps, avec ce sénateur à la mine rabougrie. Il a 40 ans, mais il en paraît 60. Toute la journée, on lui apporte des nouvelles alarmantes, de toutes les directions et de l’intégralité de la partie du front qu’il commandait. Que s’est-il bien passé pour en arriver là ? Où est donc passé la chance que Dame Fortune accorde aux futurs vainqueurs ? Où est passé la compassion du dieu de Catholagne ? La cause était pourtant juste, alors pourquoi même le ciel a boudé Aureliano DiCanossa ?

Tout commença l’an dernier. Les DiCanossa sont de noble lignée. Aureliano est un sénateur respecté et écouté. Ses clients sont nombreux et il a a gagné son siège de parlementaire avec une aisance déconcertante. On fait confiance à sa famille pour régler toute sorte de problèmes, on a recours à ses services financiers pour solutionner les dettes des pauvres gens, qui deviennent des électeurs fidèles. Auréliano est un bon maître : il s’occupe de ses obligés, leur distribue de l’argent à ne plus savoir qu’en faire, finance leurs mariages et les abreuve de bonnes manières. Il est le pater familias, le père de substitution de tous ces gens. Ils sont son microcosme, sa fierté de tous les jours dans ce système paternaliste qui se substitue au système d’aides publiques que connaissent tous les autres pays. Mais Aureliano est davantage qu’un mécène, il est animé d’idées politiques qui le confortent dans sa vision de son petit monde rangé et ordonné autour de sa personne. La République, il l’imagine comme est sa propre suite. Il faut un chef fort qui fasse avancer un ensemble hétérogène de citoyens de toutes les conditions. Un corps civique, animé par le respect des traditions de Léandre. Aureliano a trouvé son Homme : il s’appelle Dino Scaela. Homme prodigue et riche, de lignée tout aussi noble que la sienne, descendant de Léandre la rasée. Dino Scaela est le père que cette cité doit avoir, le phare, le repousseur des étrangers qui virevoltent autour de la cité comme des corbeaux. Auréliano est persuadé que Matteo DiGrassi, malgré sa bonne volonté, sera incapable d’empêcher les idées de l’extérieur d’empoisonner Velsna la belle. Vinola est un danger, et il faut s’en protéger avec une poigne forte qui ramènerai le souvenir des temps anciens. Aureliano intègre la faction de Dino Scaela. Auréliano est un fidèle parmi les fidèles, même lorsqu’on lui ordonne, ce jour fatidique du 2 mai, de se porter à l’attaque de ses frères de Sénat qui ont eu le malheur de ne pas appartenir à sa faction. Frederico DiGrassi était un bon maître de l’Arsenal, mais la raison d’état a primé sur tout le reste ce jour, et jamais Auréliano DiCanosa ne s’en est voulu de cela. Ce n’était là qu’une légitime restauration des podestats de Léandre qu’il voyait en Scaela.

Mais, un soutien politique ne suffit pas afin de se parer de la plus belles des dignités. La dignité exige le prestige de la guerre et de la victoire, et les vinolistes et les digrassiens sont toujours en vie. Alors comme énormément de sénateurs, Auréliano obtient un commandement, celui du 4ème régiment des gardes civiques de Velsna. Une troupe modeste, à l’équipement modeste, qui de prime abord est un commandement secondaire qui ne connaîtra probablement pas le feu. Qu’importe, c’est un commandement, et cela est tout ce qui compte. L’attente fut longue, et on croyait bien que cela ne viendrait jamais. Quelques vinolistes repoussés dans les montagnes, un combat auquel le 4ème de Velsna n’a pas participé. C’était là une guerre morose et ennuyeuse ? Jusqu’à ce que… DiGrassi ne revienne. Les choses se sont emballées très rapidement et tous les sénateurs à la tête de troupes ont voulu faire montre de leur dignité. Auréliano avait paré son régiment des symboles de sa propre famille, les avait équipés avec son argent des plus beaux atours guerriers. Un costume de cérémonie était prévu pour ceux qui verraient le triomphe de la victoire à Velsna. Ils porteraient tous ce magnifique panache blanc accroché à leurs chapeaux et feraient face aux Sénat pour saluer le corps civique de leur succès. Mais encore une fois, la gloire fut retardée. Le stratège Tomassino n’avait pas daigné passer l’Arna pour affronter les envahisseurs avant un très long moment, et le 4ème de Velsna ne fut pas sollicité pour intercepter le traître Vinola au Néorion. Cette gloire ne lui appartiendrait pas, et bientôt, il commença à penser qu’elle ne viendrait jamais. Auréliano trépigne et s’impatiente, il fait pression de tous ses moyens auprès de l’entourage du stratège Tomassino, le 4ème de Velsna doit se battre. Tomassino consent à un entretien avec lui pour évaluer de son régiment. Il inspecte, et dit au colonel-Sénateur : « Excellence. Votre demande est bien brave. Et lorsque je vois votre régiment, cela rend cette requête d’autant plus admirable. ». Auréliano obtient son commandement, et sa lignée lui sourit enfin, la certitude est là. Quelqu’un, quelque part, lui sourit. En vérité, la victoire du Néorion était pyrique pour le vieux stratège, et le 4ème de Velsna avait pour fonction de faire barrage à l’offensive digrassienne au sud, jusqu’à le redéploiement des hommes de l’élite qui avaient été envoyés à la rencontre de Vinola. Cela, DiCanossa était peut-être trop aveuglé par la perspective de voir figurer son nom sur des statues pour s’en rendre compte.

Horrifiant, affreux, inouï…il y a peu de mots pour décrire l’intensité des combats. Le 4ème de Velsna est sans cesse poussé vers le nord par ses homologues d’Umbra, lesquels ont choisi une allégeance différente. Pourtant, les hommes et les femmes du 4ème se battent pour le moindre mètre de terre, au centimètre près. Auréliano reçoit des ordres de repli : les fortunéens viennent de se replier d’Hippo Réggia, les landrins ont échoué à briser l’encerclement d’une troupe de nomades…tant de confusion. Mais lui, Auréliano, tient bon, et sa dignité n’en sera que plus grandie. Alors il se bat encore. Nous sommes le 8 décembre. Il fait froid ce jour-là. Les gardes civiques d’Umbra sont au sud, les nomades du désert sont au nord, les chasseurs de Strombola sont à l’ouest… L’aide de camp vient dire au sénateur que 800 hommes et femmes sous ses ordres sont morts, blessés ou disparus, pour les 1000 du régiment. Le jeune homme est en panique, il le supplie de partir aussi loin que possible. Auréliano refuse. Il lui retire ses épaulettes et lui intime juste de rentrer chez lui, et les gardes civiques qu’il reste. Car quelle serait l’héritage de la dignité de DiCanossa si l’album sénatorial mentionnait sa fuite ou sa reddition. Il demande à tous de partir avant l’arrivée des digressiens.

Nous en sommes là. Auréliano est seul au-dessus de ses cartes. Elles ne serviront plus à rien désormais. Il est l’heure de se faire beau et de sortir. Il enlève un peu de la crasse qui s’était accumulé sur toutes les parties de son corps, et il prend son couteau de combat sur la table des cartes. Le soleil l’éblouit au sortir de sa tente avant de s’évanouir. La poussière qui se lève en contrebas de sa position laisse deviner la venue d’une troupe. Pourvu que cela soit des velsniens et pas de vulgaires mercenaires de l’étranger. Il y en a tellement ces temps-ci, ils pullulent dans la campagne comme des sauterelles qui ravagent les champs… Finalement, il la voit enfin se présenter à lui, cette marche de soldats qui avancent en rangs jusqu’à son camp, vide. Ils ne sont pas aux aguets, loin, comme si la victoire était déjà acquise. Ils ne voient que lui, ce sénateur planté devant sa tente avec son couteau. Ils s’arrêtent à quelques dizaines de mètres de lui, qui s’avance en embrassant sa chevalière. Il retire son casque dans la marche, puis ses protections. Ne lui reste que ce treillis qui ne lui sied guère de l’avis de tous. Il s’arrête à quelques mètres d’eux. Il voit leur visage : ces hommes et ces femmes ont vécu l’enfer, ils ne pas si différents de ses propres soldats. Ils ont vu sa chevalière. Certains sont stupéfiés : ils n’avaient jamais vu de sénateur avant lui, lui qui est maintenant presque dans son seul appareil, ce modeste tissu que l’on appelle treillis. Dans un premier, ils n’osent pas le faire arrêter, dans cet habitus qui fait des sénateurs des individus que l’on n’oserait jamais toucher du commun du peuple. Mais Auréliano n’est pas venu pour se rendre, l’album sénatorial ne mentionnera jamais ceci à son compte et cela, il veut s’en assurer.

Il tente d’en frapper un à la poitrine, puis se rabat sur son mollet. Les soldats ont l’air de tout faire pour maîtriser l’homme sans le blesser…avant qu’un coup ne parte de la jeune femme qui s’est faite attaquée par le sénateur. Le coup a raisonné dans tous les environs, dans le silence de stupéfaction qui accompagnait la rencontre entre ces gardes civiques et le sénateur. Auréliano DiCanossa s’effondre tête dans la neige, un acte qui sera noté dans l’album sénatorial.

Le Sénat a perdu un autre de ses membres. La guerre n’a pas seulement déchiré le pays, elle a détruit son élite politique. En tout depuis mai 2012, 92 sénateurs et sénatrices sont morts ou disparus, presque un dixième de l’assemblée. 51 ont été massacrés le 2 mai, 31 ont périt en cherchant la même dignité qu’Auréliano, et 10 sont fugitifs dans des pays étrangers. Auréliano DiCanossa sera honoré de ceux qui l’accompagnent, et qui meurent dans l’avènement de cette nouvelle Velsna dont nous ne connaissons pas encore les contours précis.


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La bataille d'Hippo Reggia
La reddition de la villa Marcone




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Le stratège Andrea Tomassino


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Le Triumvir et stratège Matteo DiGrassi




« Dame Fortune est généreuse aujourd’hui, Triumvir DiGrassi. Le soleil est chaud pour une fois. ». C’était un jeune soldat revenant du front qui avait interpellé Matteo DiGrassi, qui faisait son inspection habituelle du retour des blessés de la ligne de contact. Il était dans une civière/ Ce n’était qu’un jeune homme, il ne devait pas être plus vieux que sa propre fille, et il arborait sur son veston le symbole de la cité d’Umbra. La garde civique située sur le flanc droit de la bataille avait précédé à la plus grande action offensive de l’affrontement. Ils étaient 4 000 au départ, un quart d’entre eux ont péri, ont été blessés ou se sont constitués prisonnier. Les combats furent parmi les plus horrifiants qu’il avait été donné de voir récemment, mais à la fin de la journée, la garde civique adverse de Velsna et de Vatluna n’existait plus. DiGrassi se penche au chevet du jeune homme. Il n’a rien à lui offrir. Peu causant à son habitude, il lui réserve toutefois quelques mots, une attention dont il n’a pas ait grâce à certains des sénateurs les plus riches de cette République.
- Dame fortune nous a été généreuse oui. Tu auras double ration de vin pour cette semaine. Est-ce qu’il y a autre chose que tu voudrais ?
- Peut-être bien oui. Je veux revoir ma mère.
- Est-elle malade ?
– lui demanda le triumvir –
- Non. Je viens juste d’inventer quelque chose pour pouvoir rentrer. – lui réponds-t-il en riant à moitié- Je veux juste rentrer chez moi, Triumvir.
- Es-tu déjà resté loin de chez toi aussi longtemps ?
- Jamais, Triumvir. Je suis en école d’ingénieurs à Umbra. J’espère juste pourvoir terminer mon année après tout ça.
- Tu la termineras. Je vais signer ta demande de démobilisation. N’oublie pas de faire ta requête à ton colonel de régiment, et il me la transmettra
.
Sa blessure était légère, c’était là un moment de faiblesse dans lequel DiGrassi avait été pris. Et si c’était Gina qui s’était retrouvée dans la civière ? Ce jeune homme a eu de la chance de le prendre dans un bon jour.

Une chose était sûre toutefois, et qui allait rassurer ce garçon : la guerre touchait à sa fin. L’armée de Tomassino est en lambeaux, coupée en trois endroits, en trois troupes de plus en plus désordonnées dont les communications coupées. Les mercenaires fortunéens, dans leur retraite ont provoqué l’effondrement du point central du front : Hippo Reggia est prise le 7 décembre, et plus tard dans la même journée, DiGrassi apprend la destruction de trois régiments des gardes civiques de Velsna. Ils ont été braves. Hippo Reggia était désormais une ville fantôme ravagée par les frappes d’artillerie qui ont tonné durant une semaine. Les chasseurs de Strombola, après avoir fait face aux fortunéens durant cinq jours cauchemardesques, occupent désormais le forum central de la cité. La pose du drapeau personnel du Triulvir DiGrassi sur le frontispice du Sénat local, qui accessoirement avait servi de pavillon sur un navire du Miridian, fut un moment chargé d’émotion. La bataille d’Hippo Reggia touchait à sa fin. Les fortunéens, les landrins et les restes de l’armée de Scaela qui avaient échappé à l’encerclement des auxiliaires nomades s’étaient repliés dans le désordre le plus complet vers Vatluna, la ville natale du Stratège Tomassino. Peut-être celui-ci espérait encore faire sa contre-attaque comme celle qu’il avait effectué contre Vinola au Néorion. Mais Tomassino avait à peine installer son quartier général dans une villa proche des faubourgs de la cité que les troupes qui l’avaient rejoint étaient déjà sous le coup d’un harcèlement des digrassiens. DiGrassi ne relâcha jamais la pression, même lorsque la logistique était en difficulté et n’arrivait qu’avec peine à suivre la rapidité de ses déplacements, alors même que ses pertes, sans égaler celles de Tomassino, étaient particulièrement sévères.

La bataille d’Hippo Reggia se conclut officiellement le 9 décembre, lorsque les mercenaires miridiens réduisirent à néant les dernières poches de résistance de licteurs de la garde sénatoriale scaelienne en amont du cours de l’Arna, non loin de la frontière occidentale et des monts du Zagros. Les licteurs n’avaient pas démérité, et les aleuciens allaient devoir attendre plusieurs jours que leurs compagnies furent de nouveau en état de combattre, mais ce sacrifice fut stratégiquement inutile, et amena à la reddition complète de l’un des meilleurs régiments scaeliens.
La nuit du 10 décembre, Tomassino était en proie à un dilemme qui lui fendait le cœur. Mais dans la situation actuelle, cela était peut-être la seule solution. Le tiers de l’armée était hors d’état de combattre, le ravitaillement ne parvenait déjà plus à Vatluna et le moral de l’armée s’était effondré au même rythme que ses effectifs. De sa carrière entière, il ne s’était jamais rendu en armes à un adversaire, cela allait être la première fois. Vatluna était un verrou sur le point d’être mis en état de siège, et c’était là la cité natale du stratège. Dino Scaela, en vertu de tous ses différents avec Andrea Tomassino, valait-il la peine que ce dernier sacrifie davantage d’hommes et de femmes de son pays ? Ce n’est qu’au petit matin, à 5h30 que Tomassino fut décidé à demander l’arrêt des combats par l’envoi d’un message au QG des digrassiens à Umbra. Ceux-ci s’arrêtèrent une heure plus tard, sauf en quelques endroits où l’autorité du vieux général ne s’appliquait plus, chez les soldats davantage fidèles à Scaela qu’à lui, et qui se repliaient vers Velsna. Les fortunéens et les landrins, Tomassino les salua les premiers en les prévenant de la dissolution imminente de ses troupes, les remerciant chaudement. Il leur fit cadeau à chacun des commandants d’une antique rapière velsnienne qu’il garda en sa collection pendant de nombreuses années, et leur indique quelques embarcadères plus au nord, où ils pourraient refluer en leurs pays respectifs. Tomassino n’avait pas prit compte du message de Velsna lui intimant de continuer le combat, ce fut ce jour la première fois qu’il ignora un ordre.

DiGrassi et Tomassino se connaissaient de longue date. Si une rancœur respective avait séparé les deux hommes durant les troubles achosiens, ils venaient du même monde, étaient habitués aux mêmes codes et au même langage. Le Triumvir avait la connaissance du poids de la défaite mais également de la noblesse d’âme du stratège. Aussi, ne voulant pas surcharger le vieil homme de ce fardeau, DiGrassi proposa à Tomassino de fixer le lieu précis de la reddition, et ce dernier se contenta d’indiquer en retour la villa patricienne rurale dans laquelle il avait installé son quartier général. Cette demeure ressemblait à la sienne, et son propriétaire était une vieille connaissance du stratège, un illustre citoyen de Vatluna qui lui avait fait la grâce de ce refuge. En été, les vergers d’oliviers qui bordent la maison principale donnent un sentiment de familiarité au général, mais aujourd’hui, il neige à gros flocons et les arbres sont nus, recouverts d’une pellicule blanche qui s’illumine au soleil. Ses hommes se sont installés dans leurs campements sur tous les pourtours de la propriété, et attendaient un signe de celui qu’ils considéraient comme le doyen d’une grande famille. Andrea avait toujours été proches d’eux, et loin des intrigues du Palais des Patrices. Il était peut-être temps de leur parler, pour la première fois depuis la déroute.

Tomassino alla voir certains d’entre eux. Ses premiers mots furent « Tout est de ma faute. J’ai demandé trop de vous. ». Ces jeunes gens ne se sentiraient pas ainsi responsables de cette défaite. Le vieux général lui dit ensuite qu’ils pourraient disposer dés l’aube suivante, et qu’ils étaient libérés de tout service. N’étant pas sûr du destin que DiGrassi leur accorderait, il n’hésita pas à les encourager au départ. Mais beaucoup d’entre eux refusèrent et restèrent à ses côtés, attendant avec lui l’heure de la reddition.

Tout était prêt pour cette rencontre, il ne manquait plus que de se faire beau pour la grande heure, comme s’il s’agissait d’une grande date. Les photos et les caméras ne retiendraient que cela. Andrea Tomassino enfila le dernier uniforme d’apparat qu’il lui restait, d’un blanc immaculé et que son aide de camp avait sauvé dans la débâcle. Il demanda à son illustre hôte de préparer la maisonnée à la venue de Matteo DiGrassi, qu’elle soit la plus étincelante possible. La rencontre se ferait dans le salon familial.

Le Triumvir vint avec une escorte modeste. A sa propre demande, il n’y eu aucune caméra. Tout au plus avait-il autorisé l’intervention d’un seul photographe, qui appartenait au service d’information de son armée. DiGrassi n’appréciait pas la presse, certes, mais tout était fait pour ne pas humilier un homme qu’il respecte. Les deux hommes se saluèrent sur le perron de la villa. Le moment paraissait irréel pour ceux qui avaient souffert de plus d’une année de guerre. Andrea Tomassino brillait de son blanc immaculé au soleil et son épée à la ceinture, Matteo DiGrassi, lui, était habillé négligemment d’une veste défraîchie de soldat de la veille, et ses bottes étaient pleines de boue. Il s’excusa aussitôt de son apparence en prétextant que le convoi transportant sa cantine de vêtements avait été bombardé par l’artillerie scaelienne. Tomassino ne répondit qu’avec un sourire gêné et lui fit signe en lui montrant le chemin du salon.

C’était là un bien étrange décor pour un reddition, et les deux hommes auraient pu se sentir presque chez eux. Il n’y avait qu’eux, le photographe, le greffier personnel de DiGrassi et les deux hôtes, le couple qui hébergeait leur rencontre. Submergé par l’émotion, le greffier est incapable de tenir son stylo et doit la passer au mari de la famille qui les accueillait, ajoutant au surréalisme du moment. Son épouse, dans le même moment, ne se fait pas prier pour leur servir le thé. Pendant plusieurs poignées de secondes, les deux hommes, assis l’un en face de l’autre dans leurs fauteuils ne dirent rien, se fixant du regard. Cela devait être un moment de gloire pour DiGrassi, mais il n’en ressentait aucune en face de cet homme digne. L’air était calme et triste. C’était la première fois depuis les troubles d’Achosie, vingt ans plus tôt, que les deux généraux étaient l’un en face de l’autre. Tomassino rompit finalement ce silence accablant :
- Vous avez une terrible mine. – lui dit-il – Je vous ai toujours dit de prendre soin de vous, Triumvir DiGrassi.
- Oui, je suis fatigué… – lui confessa-t-il sans rien ajouter de plus –
Matteo DiGrassi était passé par toutes les épreuves pour en arriver là, mais il n’en éprouvait pas le moindre sentiment de satisfaction ou de triomphe. Son frère était mort assassiné, celui qui était l’un de ses plus proches collaborateurs était mort au combat dans des circonstances qui le rendaient en partie responsable de son sort.
- Ai-je été un bon adversaire ? – lui demanda Andrea –
- Vous avez été brillant. Mais pas assez. Le génie ne suffit jamais lorsque la chance n’est pas de notre côté. De combien de soldats disposez-vous encore ? Avez-vous besoin de rations ou de médecins ?

Tomassino fut incapable de lui répondre tant ses effectifs avaient fondu, mais il lui concéda que ses troupes étaient affamées. Lui Triumvir lui consentit le donc de 7 000 rations. DiGrassi n’était pas venu dans cette villa avec la volonté d’humilier le vieux général, il fallait réunifier le pays et montrer l’exemple. Il proposa à son homologue des conditions de reddition plus qu’honorables. Les termes de l’acte de reddition sont consignés par le greffier de fortune que les deux hommes se sont trouvés. Tous les soldats sous les ordres de Tomassino auront le privilège de garder leurs drapeaux et leurs insignes, et pourront rentrer chez eux, dans leurs cités natales. Les officiers pourront garder leurs armes, de même que les hommes et femmes du rang qui auront prouvé que ces effets personnels leur appartiennent. Andrea Tomassino conservera toutes ses distinctions honorifiques, titres et propriétés, et pourra également rejoindre sa propriété, à Vatluna. En revanche, il n’aura plus le droit de servir sous son uniforme. Tous les velsniens sous ses ordres ayant servit dans l’armée scaelienne seront libres de toutes poursuites, hormis pour les sénateurs et pour les soldats s’étant rendus coupables d’exactions.

Après ces quelques minutes d’une intense et indescriptible tristesse, Tomassino fut autorisé à disposer après que les deux hommes se soient salués pour la dernière fois. DiGrassi observa depuis le perron son homologue s’éloigner vers le camp de ses soldats à bord de l’un de ses véhicules d’infanterie, le même qu’il avait acheté à Rasken près de deux ans plus tôt à l’issue d’un contrat fructueux. Tomassino, lui, observa la maison s’éloigner depuis l’un des hublots, et les rangs de soldats digrassiens qui formaient une haie le long du sentier menant à la route. Alors que ces derniers commençaient à célébrer victoire, le Triumvir ordonna qu’ils cessent immédiatement : « Les scaeliens sont de nouveau nos compatriotes, la guerre est finie, il n’est pas de raison de se complaire de leur défaite. » leur dit-il.

Lorsque Tomassino retourna à son camp et annonça leur reddition, il le fit sous des regards ambivalents, à la fois heureux de rentrer, et peinés que cela se fasse de cette façon. Il s’adressa une dernière fois à eux en ces termes : « J’ai fait du mieux que j’ai pu dans vos intérêts. Rentrez chez vous. Si vous êtes aussi bons citoyens que vous avez été soldats, vous vous en sortirez très bien et je serai toujours fier de vous. » .

La guerre approche de son terme, l’effondrement de l’armée de Tomassino ouvre la voie de Velsna à DiGrassi et ses troupes. Des combats épars se déroulent encore ici ou là le long de la route littorale menant à la capitale, mais cela n’est plus qu’une affaire de jours. Nomades et mercenaires loduariens se dirigent à grande vitesse à la suite des débris de la troupe des chevaliers de Léandre et des mercenaires fortunéens, lesquels se dirigent en direction de l’embarcadère de Velcal. DiGrassi, lui, lève immédiatement le camp de Vatluna pour se porter à la capitale en un seul point, où Scaela se terre toujours. Gina DiGrassi, avant d’établir un ordre de marche, le supplia pour se montrer à l’avant-garde, ce qu’il finit par accepter. La fin de la guerre se profile à grands pas, et il n’est plus beaucoup de citoyens pour se rappeler qu’il a été un temps où ce pays était en paix.



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Un sang pour un sang
RP IMPORTANT



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« Maître Scaela, vous devriez vous réveiller. ». Depuis plusieurs jours, la vision est trouble, les formes et les contours des objets ne sont plus l’ordre de la certitude. Le destin réservé par Dame Fortune s’assombrit. Drapé dans plusieurs couches de draps à même le sol du Palais des Patrices, Dino Scaela n’a pas bu une goutte d’eau depuis des jours. Rien n’est plus assez fort au palet pour avoir ne serait-ce que l’once du goût de whiskey de Caratrad. Aucun alcool n’aura plus jamais de saveur, car tous les plaisirs et les délices ont déjà été consommés, ici sur le sol de ce Palais des Patrices qui a prit ces derniers mois les allures de la cour privée de Scaela. Les derniers jours de son règne sont devenus le théâtre d’un phénomène étrange. Sur place, ce n’était pas la défaite qui régnait, mais une atmosphère de beuverie permanente et excessive. Il fallait oublier toutes les déconvenues afin que la musique et l’alcool n’arrêtent jamais d’irriguer l’esprit endolori de Dino Scaela. Le Triumvir avait utilisé ses dernières ressources afin d’assouvir ses derniers désirs. Car il n’était nullement question de partir. « Ce palais m’appartient » se répétait-il en permanence. C’était lui, le descendant de Léandre la rasée, lui et personne d’autre. Velsna serait aussi glorieuse que la Léandre d’autrefois, tout aussi riche, tout aussi glorieuse, tout aussi belle que celle qui est en partie sa génitrice. Et si Scaela devait perdre, alors Velsna devrait brûler comme Léandre a brûlé, et il devait avoir la même fin que ses habitants. A quoi bon Velsna sans Scaela ? Qu’allait devenir ses collections de tableaux, de sculptures et de statues antiques ? Peut-être fallait-il faire preuve de prodigalité en ces derniers instants, car DiGrassi, lui, ne comprendrait jamais la beauté de l’art. Il ne comprendrait jamais la beauté de l’antique Léandre et des ancêtres qui l’ont défendu. DiGrassi était aussi froid que la pierre, et il avait un cœur de de fer d’homme sans parole et sans Histoire, sans la grande Histoire qui faisait de Velsna le centre de l’univers dont Scaela avait rêvé.

Mais ce rêve s’était évanoui, il avait été trahi par des Hommes qui ne croyaient pas en lui. Les velsniens n’étaient peut-être pas aussi rêveurs et ambitieux que Scaela l’était. Andrea Tomassino s’était rendu tel un lâche vieillard, on avait pourtant dit de lui qu’il n’appréciait pas DiGrassi, et c’était la raison de sa nomination. Pourtant, sa détestation pour ce dernier n’était peut-être finalement pas assez exacerbée pour lui donner le sens du sacrifice de sa vie, et la cause de Scaela n’était peut-être pas une raison de se battre et de faire mourir davantage d’hommes et de femmes de Velsna. Ainsi, nous en sommes là, dans ce palais qui se vide progressivement de la cour de Dino, où les sénateurs qui l’avaient rallié se font de plus en plus rare et se dispersent aux quatre vents avant de subir le courroux et l’infamie de la défaite. Les grains du sablier s’écoulaient plus rapidement que jamais, et le temps ne jouait plus à la faveur du prestigieux mécène. Le Triumvir et ses suivants passèrent des jours à se draper à la mode leucytalienne, ils imitèrent jusqu’au style vestimentaire des ancêtres landrins, donnaient des spectacles de harpe, d’aulos et d’instruments sortis des temps anciens. Il avait même permis à certains sénateurs de demander la venue de prostitué(e)s qui saccagèrent ensemble les salles de réunion du Conseil Communal et s’en servirent de chambre à coucher. Velsna était pour la dernière fois devenue le temple de la décadence et de l’excès, dans un fantasme orientalisant, on fit décorer les couloirs du Sénat de bustes en marbre de l’antique Rhême avant de les couvrir de guirlandes et de fleurs. Si un historien devait se souvenir plus tard de la fin de la guerre des triumvirs, il pourra dire qu’elle s’est achevée dans le verre de vin de Scaela sur les marches du Sénat.

Dino Scaela ouvre enfin les yeux, l’épaule bousculée par une servante. « Maître Scaela. Réveillez-vous, j’ai un message pour vous, de la part de votre épouse. ». Dino Scaela fixe le plafond de la Chambre du Conseil Communal. Il y a là un magnifique décor de nymphes drapées comme lui l’est, et une scène magnifique mettant en scène la chute de Léandre. Celui qui ne serait pas ému de cela ne serait pas velsnien, disait-il en l’observant de son œil humide. Il consentit enfin à tourner sa tête vers la jeune femme, son torticolis était bien là la seule chose que son corps anesthésié au vin pouvait sentir, outre cette gorge sèche, cette haleine de défaite et cet arrière-goût de lendemain de cuite. Il lui demanda, étonné qu’on le dérange : « Qu’y a-t-il, Anna ? Ne vois-tu pas que je suis un homme occupé ? ». Elle lui tendit une lettre déjà ouverte, frappée du sceau de sa famille. Du courrier ? A cet instant ? Cela ne pouvait être qu’une erreur. Le Triumvir ouvre la lettre s’y colle les yeux tant l’alcool avait brouillé sa vue. Il lu les deux premières lignes que son visage commença à se déformer, comme s’il n’était fait que d’argile que l’on pouvait remodeler à foison. Il hurla tant et si fort que l’on aurait pu l’entendre depuis les marches de l’aile sénatoriale. Ce n’était pas un cri, davantage un long râle mêlé à un éclat de sanglot. Tout témoin aurait pu penser à cet instant que Dino Scaela était l’homme le plus malheureux que ce monde n’ait jamais porté. Il sécha ses larmes avec le papier de la lettre, lui laissant une trace d’encre sur le bout du nez, puis il geignit encore et encore : « Ils m’ont abandonné eux aussi ! Eux aussi ils m’ont abandonné ! Aide moi Dame Fortune ! ». Il n’y avait point eu de poignard, mais cela lui fit tout aussi mal. Voilà comment un homme pouvait retourner, par la complainte à un état qui rappelait celui d’un enfant.


Son épouse et ses trois enfants avaient profité de la nuit et de la fête sans fin de Scaela pour se dérober à sa présence, avouant sans détour s’en aller se rendre à DiGrassi, espérant sans doute de la mansuétude de sa part et la sauvegarde de leur nom et de leurs biens, du moins pour partie. Quelle ne fut pas là une erreur dont Dino Scaela ignorait encore tout. Anna Scaela s’en alla vers la route de Velcal aux aurores avec ses deux fils et sa fille, là par où, l’on disait que l’armée digrassienne était en chemin pour Velsna. Avec justesse, leur véhicule de luxe raskenois, fort reconnaissable, fut arrêté sur les rives de la Léandra par une petite troupe. Lorsque le soldat inspectant les passagers se vit ouvrir la fenêtre arrière, il fut stupéfait de voir le visage de cette femme dont le Triuvmir Scaela avait frappé des monnaies à son effigie. Le troufion en sortit une de sa poche et lui demanda si c’était là bien elle. Elle se présenta en son nom et par ses liens : « Anna Scaela, épouse du Triumvir Dino Scaela. Fille de Sylvio Feiretti et de Julia Feiretti tous deux sénateurs en leur temps. Je demande l’asile au Triumvir Matteo DiGrassi, et la clémence. ». Le soldat s’en alla courir voir ses supérieurs, lesquels eux-mêmes firent venir la figure d’autorité la plus importante qu’il pouvait y avoir à leur portée la plus immédiate. Au bout de quelques minutes, c’est une jeune femme qui se présenta à eux, sortis de leur voiture. Anna Scaela reconnut le visage de Gina DiGrassi. Elles s’étaient déjà rencontrées, à cette fameuse soirée d’intronisation du Triumvirat, à l’époque où l’élite sénatoriale de ce pays ne s’était pas encore dévorée elle-même. Anna Scaela émit un soupir de soulagement, c’était là le 2ème régiment des chasseurs de Strombola auquel la jeune femme appartenait qui lui était tombé dessus. Hasard heureux du destin qui permettrait peut-être d’accélérer le voyage jusqu’à son paternel qui avait déjà pardonné tant de soldats faisant reddition dans cette guerre. Lorsqu’elle eu confirmation de leurs noms, Gina DiGrassi s’éclipsa à nouveau, s’entretenant rapidement avec quelques officiers, avant de revenir à eux avec des mots froids, mais qui indiquaient que la fin du périple était proche : « Nous allons t’escorter, Anna Scaela. ».

On fit passer la famille dans un véhicule de transport du régiment, qu’il partageait à l’arrière avec Gina et quelques autres soldats sans noms. Ils se détournèrent de la route du littoral et prirent un chemin par l’amont de la Léandre. Gina DiGrassi ne cessait de fixer Anna et sa fratrie des yeux. Elle clignait à peine, et ne pipa guère mot du trajet. Lorsque le véhicule changea brusquement de trajectoire et s’engagea sur un sentier en bord du fleuve, l’épouse du Triumvir vaincu demanda : « Est-ce bien la route du Triumvir votre père ? ». Gina ne répondit pas. La patricienne comprit, et la panique lui fit répéter la même phrase encore et encore jusqu’à ce que le véhicule s’arrête : « Où est-ce que vous nous emmenez ?! Où est-ce que vous nous emmenez !? ». Aucune réponse ne pu satisfaire cette détresse.

Le véhicule s’arrêta au bout d’un sentier, au bord du fleuve, protégé des regards indiscrets par la couverture des arbres. La porte arrière s’ouvre, la lumière du soleil aveugle les passagers. Le ton des soldats se fait plus insistant : « On descend. ». Les plaintes des prisonniers, elles, se font plus nombreuses. On les pousse dans le dos, on les bouscule jusqu’à atteindre la berge du fleuve en contrebas. Dos au fleuve, face à eux, Gina brise son silence, qui était bien plus terrifiant que tous les mots que l’on aurait pu imaginer. Elle articule ses mots machinalement, elle avait répété cette scène plusieurs fois dans ses pensées. Au détail près, à ceci près que Dino Scaela y était également. Qu’importe. Sa voix était douce, apaisée. Il n’y avait aucune colère qui ne pouvait s’en déceler. Son visage était lisse et beau, bien qu’ayant héritée du menton anguleux de son paternel. Mais ce regard…ce regard disait beaucoup de choses. Lui aussi, elle le tenait de son père. Ces yeux pouvaient facilement laisser transparaître une émotion, et le Triumvir DiGrassi était rarement aussi redouté que dans les moments où il devait d’en servir. Mais dans celui de Gina, il n’y avait plus rien. Elle les regardait comme si elle voyait au travers d’eux, comme si elle observait au loin le point précis dans son champ de vision qu’elle devait atteindre. Elle contemplait le cours d’eau…
- Un sang pour un sang… - dit la jeune femme –
- Pardon ? – lui demanda la matronne des Saela –
- Un sang pour un sang. – répéta-t-elle plus distinctement, avant de poursuivre – C’est la loi. Celle que j’ai apprise. Vous me devez un oncle, et votre mari n’est pas là… Lequel de vos trois enfants aimez-vous le plus, excellence Scaela ?
La patricienne était comme sonnée. Elle s’effondra les deux genoux à terre et laissa hurler la panique et la peur, qui bouillonnaient depuis le début de leur trajet. Elle éclata en sanglots.
- Excellence DiGrassi. Pitié ! Je me suis constituée prisonnière de votre père, vous pouvez pas faire ça !
- Vous n’aviez pas le droit de massacrer mon oncle non plus. Choisissez-en un.
– répéta-t-elle -
Les enfants, tenus fermement par les soldats commencent à être touchés par les pleurs de leur mère :
- Ils sont encore jeunes ! Emilia a 8 ans, ce n’est pas de leur faute ! Choisissez-moi mais laissez-les partir !
- Je crois que nous nous sommes mal compris, excellence Scaela. Je ne vous demande pas de choisir celui qui va mourir, mais celui qui va vivre. Choisissez-en un
. – insistait Gina –
Un filet de bave s’échappe de la bouche de la matronne en larmes, elle est incapable de piper mot de plus, comme tétanisée. Elle hurle plus fort comme pour communiquer sa détresse. Gina n’obtiendra jamais de réponse, aussi elle fit signe aux hommes d’épargner la petite fille et de la rembarquer dans le blindé avant que d’autres de leurs camarades d’occupent de la basse besogne. Gina s’éloigne avec eux de la berge au moment où les troufions s’affairent à précipiter cette patricienne et ces deux adolescents dans l’eau. On entend la lutte au loin pendant quelques secondes, puis plus rien. Les soldats remontent sur le sentier les bras et les jambes trempées. Au loin, avant de remonter, Gina regarde est certaine d’avoir aperçue un corps flotter en direction de l’embouchure de la rivière.

Au retour, elle fit part à son père de l’évènement. Ils étaient seuls, et il en était mieux ainsi pour ce qui allait se poursuivre. Il ne lui répondit pas d’emblée, et s’appuya dos vouté sur sa table des cartes. Son poing se serra. Gina rajouta :
- J’ai fait ce que j’avais à faire.
A peine eut-elle finie sa phrase que le Triumvir frappa du poing la table avec une telle force que l’écho s’en fit ressentir. Matteo DiGrassi ne perdait jamais ses moyens, sa fille fut la première à le faire sortir de ce genre de réserve depuis des années. Se retournant, il hurla à s’en faire crever les poumons :
- ELLE ETAIT EPOUSE ET FILLE DE SENATRICE !!!
Gina ne répondit pas, tout juste recula-t-elle d’un pas devant le spectacle d’un père qu’elle n’avait jamais vu ainsi. Aussitôt ses poumons vides, il les remplit à nouveau :
- Ces gens s’étaient constitués prisonniers, ils étaient sous ma protection et mon hospitalité. Tu m’as déshonoré, Gina.
- Ils étaient nos ennemis.
- Nous ne sommes pas là pour réparer ton égo ! Tu n’avais pas le droit de faire cela ! Veux-tu gouverner comme Scaela !? Veux tu rendre la justice comme lui ? Veux tu considérer nos paroles comme lui considère les siennes ?


Gina ne répondit pas, ou tout du moins pas par des mots. Elle retiré un par un tous les insignes de son treillis et les tendit au Triumvir, qui les accepta. Elle s’en retourna sans dire un mot. Que faire de cette situation ? Une tâche dans un climat d’amnistie générale que DiGrassi a voulu installer. Une tâche qu’il fallait devoir couvrir avec des on-dit et des mensonges. Peu de gens allaient regretter des individus portant ce nom de famille, mais c’était là une question d’honneur. L’entrée dans Velsna devait être un moment de triomphe et de communion, mais cela devrait se faire sans Gina. La jeune femme ne revint pas au camp et s’éclipsa dans la nuit.

Ce triomphe entaché, qu’en était-il donc des débris de cette troupe de mercenaires en maraude. Allait-elle survivre aux nomades envoyés à leurs trousses ? Peut-être la dernière action militaire d’une guerre qui n’avait que trop duré.




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Le récit d'un soldat


6 décembre

Le camp miridian était encore silencieux et l'aube d'un jour nouveau l'illuminait d'une couleur chaude. Fritz dormait paisiblement, du moins du mieux que l'on pouvait dans une tente militaire. Soudain un coup de sifflet retentit, le signal du réveil. Il se leva d'un bon, enfila en vitesse son treillis, saisi son fusil et se mit à courir vers le point de rassemblement. Le régiment se mit en rang selon l'ordre des bataillons. Fritz appartenait au premier bataillon d'infanterie, à sa droite se trouvait son ami Albert. Il venait tout deux du nord de Miridian, leurs pères étaient tout deux bûcherons et c'était ensemble qu'ils s'étaient engagés. Inséparables depuis le plus jeune âge et toujours souriant les deux compères n'en était pas moins de très bons combattants. Devant le régiment se tenait le commandant Conrad Richter, il attendit que tous soit là puis dit en hurlant : Soldats ! On part enfin pour le front, le combat le vrai. Les mercenaires raskenois nos camarades ont subis des pertes importantes et on va donc les remplacer. Notre objectif est de compléter l'action des bédouins en détruisant toutes les poches de résistance. Nous partons dès maintenant, vos capitaines de bataillons ont reçu toutes les instructions nécessaires. Messieurs que dieu soit avec nous. À disposition des bataillons ! Puis il s'éloigna d'un pas tranquille, le capitaine Fuchs prit alors la tête du 1er régiment d'infanterie et leur ordonna de se rendre dans les camions de transport. Fritz monta dans un des camions et s'installa le fusil sur l'épaule. Les camions se mirent en route, suivi par l'artillerie. Après 14 minutes de route, les camions s'arrêtèrent en face d'un petit village. Il fut ordonné que l'infanterie l'encercle afin d'empêcher toute fuite. Fritz se mit donc à courrir accompagné de sa section, 10 hommes menés par le Sergent chef Kull. Une fois arrivée il se coucha sur le sol et pointa son fusil vers le village. Après toute cette agitation un calme surnaturel régnait, mais Fritz savait qu'il n'allait pas durer. Selon le Sergent chef le village ne comptait aucun civil qu'une poignée de soldat de la garde civile. Au lieu de le prendre par la force au cout de nombreuses vies, l'état major avait décidé de simplement l'anéantir. La vingtaine de pièces d'artillerie était en place et chaque section dont celle de Fritz disposait de deux mortiers légers pointés vers la ville. Un fracas assourdissant retentit lorsque l'artillerie cracha sa première salve. Une poussière noire obstrua alors la vue du village. L'artillerie continua sa funeste œuvre pendant une dizaine de minutes. Quelque fois des soldats enemis tentaient de fuire le village, l'infanterie prenait alors la relève et les abbataient un par un. C'était là une tâche facile car les soldats ennemis étaient à découvert. Lorsqu'enfin le silence revint il ne restait plus grand chose du village. Afin de vérifier que tous soient bien mort la section de Fritz se rapprocha. En entrant dans le village, Fritz fut frappé par le calme qui y régnait. Les murs encore debout étaient noircis et troués par les éclas d'obus. Ils ne détectèrent aucun signe de vie, et retournèrent aux camions. Cette nuit là un camp de fortune fut monté, les soldats dormirent peut car une attaque pouvait arriver à tout moment.

7 décembre

La nuit avait été courte, l'appréhension et la tension des combats avait tenu les soldats éveillés. Aujourd'hui il allait falloir pénètrer dans la ville d'histoire Reggia afin de faire la jonction avec les troupes de DiGrassi. Il s'agissait là de combats de rues intense contre des unités entraînés. Afin de pouvoir entrer dans la ville, les hommes de la section de Fritz se placèrent derrière un char d'assaut tandis qu'il avançait. Munie de cette couverture, aucun tir ne pouvait les atteindre. Toutefois une fois arrivé à 10 mètres des premières habitations, un des soldats hurla : Roquette ! Tous se jetèrent à terre et le char explosa projettant autour de lui des débris. Aussitôt les hommes de la section se levèrent, Fritz suivi d'Albert se mis à courrir en direction d'une des maisons et y entra. Silencieux les deux entrèrent dans la première pièce et ils inspectèrent tout le rez-de-chaussée. Puis toujours sans bruits et le fusil dressé ils montèrent l'escalier. Une porte était juste devant eux, Fritz compta jusqu'à trois puis l'enfonça. Albert se précipita à l'intérieur et ouvrit le feu. Après quelques secondes sle calmes revint, deux soldats scaeliens étaient étendus à terre. Prenant alors leur position à la fenêtre, Fritz plaça une mitrailleuse sur le rebord et se mit à scruter les maisons aux alentours cherchant des enemis. Tout à coup il vit une nouvelle roquette partir d'une fenêtre en face de lui, mais cette fois le char visé résista. Aussitôt Fritz ouvrit le feu, il cribla la fenêtre d'où provenait de balles et entendit un cri. Pendant plusieurs minutes il conserva sa position en abattant systématiquement tout enemi se présentant à lui. Les autres sections progressaient dans les rues et les maisons mais au prix de lourdes pertes. Les combats durèrent toute la journée, Fritz et Albert manquèrent à plusieurs fois une blessure ou la mort. Dans chaque nouvelle maison la même horreur recommençait, inspection des lieux, repérage des enemis et nettoyage. Les combats étaient éprouvants et enfin vers 19h alors que la lumière du jour commençait à faiblir, le silence revint. En face de lui Fritz reconnu l'uniforme DiGrassien et poussa un cri de joie. La jonction était opérée, mais la bataille encore loin d'être finie. Au loin les soldats virent la drapeau DiGrassien être hissé sur une bâtisse à l'air importante (il s'agit du sénat). Et alors comprenant que le centre de la ville était conquise les miridians et les velsniens hurlèrent de joie. Pour cette nuit le repos eut lieu dans la partie de la ville conquise. Certains soldats avaient étés désignés pour tenir les positions acquises mais heureusement Fritz n'était pas de ceci et put se reposer.

8-9 décembre

Sans le savoir ce fût la derrière nuit avant la fin de la bataille où Fritz put réellement dormir. Au matin de ce troisième jour de combat, la fatigue commençait à se faire sentir. Les combats étaient loin d'être terminées et les miridians avaient reçu la lourde tâche de détruire la résistance des licteurs sénatoriaux. Cette unité d'élite de l'armée scaelienne refusait de se rendre et poursuivait farouchement le combat avec toute la détermination veslnienne. Les licteurs contrôlaient encore une partie du nord de la ville. À nouveau un combat urbain allait avoir lieu, le but était de pousser les lecteurs hors de la ville et de les acculer contre l'arnaque où ils seraient sans défense face à l'artillerie et la cavalerie blindée miridienne. Mais cela ne serait pas une tâche aisée. Les licteurs avaient installés des barricades et des fortifications de fortunes. Il s'agissait là d'une défense précaire mais tout de même solide. La méthode retenue fut concocté à la hâte, il fallait briser au plus vite toute résistance afin d'empêcher l'enemi de se reprendre. L'orde fut alors donner de faire charger les chars en ligne droite pour qu'ils détruisent les barricadent. Un vrombissement de moteur assourdissant emplit l'air tandis que 8 chars légers roulaient à pleine allure vers les barricades. Fritz ne put s'empêcher de plaindre les scaeliens, voir ces 8 engins foncer vers soit devait être terrifiant. Les barricadent furent vite enfoncés mais les soldat enemis se replièrent dans les maisons voisines, là où les chars ne pouvaient les atteindre. La contre attaque scaelienne se fit ressentir immédiatement, fort du couvert des maisons les scaeliens ouvrirent le feu sur les chars, et l'un d'entre eux touché s'arrêta incapable de fonctionner plus longtemps. Aussitôt l'infanterie et donc la section de Fritz durent intervenir. Ils grimpèrent dans des VCI qui se dirigèrent à pleine allure vers l'affrontement. Les soldats sortirent en courant du VCI et entrèrent dans les maisons. Ce fût à nouveau un long combat urbain qui s'engagea, il fallait conquérir maison par maison et ceux au prix de lourdes pertes. Les licteurs sénatoriaux se battaient comme des lions avec l'énergie du désespoir. Et pendant quelques temps devant leur détermination farouche, l'issue du combat fut incertain. Mais cela ne dura pas, épuisés par les combats et moins nombreux, quoique tout aussi bien équipés les licteurs durent concéder maison par maison aux mercenaires aleuciens. Les combats se poursuivirent pendant la nuit, poussant les soldats dans leurs derniers retranchements. Enfin vers 10h, le 9 décembre, il n'y eut plus de maison vers laquelle se replier pour les licteurs encore en vie. Les dernières maisons qu'ils tenaient étaient situés à côté du fleuve et devant son débit important, aucune fuite n'était possible. Il fut alors proposer aux licteurs de se rendre mais ces derniers pousser par leur honneur declinèrent. C'était là un sacrifice courageux quoique inutile, et pour cela ils gagnèrent le respect des miridians. Et ce à un si au point que certains soldats décidèrent de réfléchir à un nouveau chant sur la guerre à Velsna dans lequel le courage des licteurs serait mentionné. Devant le refus des licteurs, l'artillerie se positionna et rapidement il ne restait ni maisons ni licteurs. La bataille était terminée, elle avait décidé du cour de la guerre même si elle n'était pas encore totalement conclue. Les soldats du régiment executor étaient épuisés par tant de combats et avaient essuyés de lourdes pertes. Plus que les bédouins, les loduariens et les raskenois réunit. Fritz s'asseya sur une pierre non loin d'Albert et contempla les restes de la cité. Il ne restait plus grand chose et la bataille avait été un bain de sang. Et pourquoi tous ces morts, se demanda t-il. Pour savoir quel riche pourrait diriger un pays loin de chez lui.Mais il chassa rapidement ces doutes par un Vive Miridian ! Albert renchérit alors et Vive Digrassi !
2602
La bataille de la villa Lograno

27 janvier 2014




...


"Cet endroit est parfait pour bâtir notre cité.". C'est sans doute ce que ce sont dit les premiers colons venant d'Eurysie du sud, et débarquant sur les rivages tempérés de l'actuel territoire de Velsna. La cité idéale, les landrins en rêvent depuis longtemps, très longtemps. Scaela était parfait, il aurait pu mettre fin à l'injustice historique dont ces "chevaliers" pensaient qu'il fallait qu'elle soit réparée à n'importe quel prix. Scaela a utilisé tous les outils à sa disposition, s'est rapproché de tous les individus qu'il pouvait aborder. Parmi eux, et ironie du sort, il y avait ces mercenaires fortunéens. Les frères ennemis étaient donc destinés à se battre côte à côte contre l'avalanche du changement qui allait s'abattre sur cet ancien comptoir commercial devenu cité florissante qu'était Velsna. Tout aurait dû bien se dérouler, après tout, les velsniens ont tout des landrins, jusqu'à leur langue qui est encore intercompréhensible d'avec la leur.

Seulement. La guerre ne s'était pas déroulée comme prévu, et le rêve landrin était peut-être condamné à ne rester qu'un songe égaré dans l'esprit de quelques uns. Les fortunéens portent bien la fourberie dans leur cœur: ces derniers sont partis sans eux à bord des avions de transport tactique du commandement aérien velsnien, pourtant neutre dans le conflit. Ils ont vu les appareils filer au dessus de leur tête. L'armée de Scaela effondrée, il ne reste donc plus qu'eux, une poignée. Cruelle tragédie.

Ce qui semble bien être le dernier affrontement armé du conflit se déroule autour d'une poignée de villas à quelques kilomètres. Pris en chasse par des troupes dotée d'une mobilité bien plus grande, les landrins ont vite compris qu'ils ne rejoindraient pas Velsna. Tant qu'à faire, autant donner un bon spectacle aux diables du désert et à leurs amis "eurysiens". Un dernier spectacle digne de la Léandre d'autrefois. Les velsniens sont friands de belles histoires, celle-ci les ravira sans doute, et restera longtemps gravée dans la mémoire des locaux.

Et c'est parti...

Contingents mobilisés :

Effectifs Digrassiens (sous commandement des mercenaires loduariens et des auxiliaires nomades)




Mercenaires « eurysiens » (loduariens officieusement)
992 Armes légères d'infanterie Niveau 10

Guerriers bédouins auxiliaires (Grand Kah) :
2817 Armes légères d'infanterie Niveau 11
496 Mitrailleuse lourde Niveau 10
198 Lance-missiles antichar Niveau 5
198 Lance-roquettes Niveau 5
198 Lance-missiles antichar Niveau 9
298 Véhicule blindé léger Niveau 5
87 Transport de troupes blindé Niveau 2
99 Véhicule de combat d'infanterie Niveau 10
79 Véhicule utilitaire Niveau 8
3 Hélicoptère léger polyvalent Niveau 1
4 Hélicoptère d'attaque Niveau 2






Effectifs scaeliens (sous le commandement des chevaliers de Léandre):

Mercenaires de Manche Silice (Chevaliers de Léandre) :
688 Armes légères d'infanterie Niveau 8
132 Mitrailleuse lourde Niveau 5
16 Niveau Véhicule de combat d'infanterie 4





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Fin: Le restituteur






Sous un chêne aux majestueuses branches déployées, trois enfants jouent à déployer une cordelette autour de l’une d’entre elles. Ils ont baptisé ce jeu « La course aux triumvirs ». Les gamins s’attachent cette cordelette autour de leur taille et tirent de toute leur force, chacune dans une direction différente. Le premier qui fait tomber les deux autres est couronné roi par les deux autres. La guerre est rentrée dans les jeux les plus anodins, elle s’est infiltrée dans les différentes strates de la société velsnienne, autrefois si hiérarchisée et ordonnée. Elle a pénétré les cœurs et poussé les citoyens à considérer leurs voisins avec suspicion. Des cités qui étaient en paix entre elles depuis des décennies ont été permises de s’entretuer pour gagner menues récompenses en or et en propriétés cadastrales. Les trois enfants voient de la fumée s’élever au loin depuis le haut de leur chêne : une troupe, un long serpent sans fin qui défile en rang d’oignons. Le son des percussions raisonne au même tempo que la marche de la colonne. Elle passe devant eux, et ne s’arrête pas. Le serpent est sans fin. Un homme à leur tête passe, il se tient à l’arrière d’une jeep aux couleurs criardes. L’Homme, à la mine sévère, reconnaît les fausses chevalières sénatoriales que se sont fabriqués les garçons, avec des brindilles et du papier. Il esquisse un sourire et leur montre la chevalière qu’il a au majeur. C’est la même, mais plus brillante, plus garnie et plus dorée. L’un des gamins exulte : « C’est le Triumvir ! Il m’a fait coucou ! ». Un autre lui répond « Nan ! C’est à moi qu’il a dit bonjour ! ».

La colonne entre dans les faubourgs de l’agglomération de la terre ferme velsnienne sous les coups de 9h, et les mercenaires étrangers allaient découvrir que Velsna était une maîtresse bien plus facile à conquérir, qu’il ne serait facile de la quitter. Les sénateurs Digrassiens qui avaient repris le contrôle de la ville avant même l’arrivée de l’armée du Triumvir lui avait préparé le terrain. Un immense triomphe digne des temps anciens, dignes des victoires contre Achos et la Zélandia. DiGrassi n’éprouvait pourtant pas le moindre sentiment de triomphe, et n’accepta cet honneur que pour satisfaire ses partisans. Il aurait aimé une entrée plus discrète dans une atmosphère de pardon général qu’il voulait instaurer. Un triomphe, dans ce cadre, n’aurait servit qu’à flatter l’égo des vainqueurs et humilier les vaincus. Les sénateurs ont cependant insisté, et leur poids politique ne permettait pas un refus. C’était comme un rêve. Les rues étaient emplies comme l’on n’aurait pas pu soupçonner Velsna d’avoir une telle population. Toutes les troupes recevaient la même attention et les mêmes acclamations. On couvrait de richesses les gardes civiques, raskenois, les miridiens, les loduariens et les nomades qui avaient pu se joindre à la glorieuse colonne. Les yeux des raskenois s’ouvraient comme des veilleuses lorsqu’on mettait des colliers de perle et d’or autour du cou. Les hommes exhibaient des coffres remplis d’argent aux soldats, tandis que les femmes se défaisaient de leurs colliers brillants pour les lancer aux libérateurs. Les austères loduariens n’avaient sans doute jamais vu une telle débauche d’or et de joyaux de leur existence, des nomades s’arrêtaient sur leur trajet pour remplir leurs transports de richesses qui coulaient le long de la chaussée comme une rivière d’or. Ils ne savaient comment réagir, mais les gardes civiques velsniens, plus accoutumés à ces bains de foule leur rendaient la pareille en leur jetant des monnaies, résultat des butins de guerre collectés dans les cités qui avaient été fidèles à Scaela. Il y avait là une immense loterie de savoir ce qui tomberait de leurs sacs : des monnaies communes en laiton et en cuivre, ou bien de véritables pièces de collection commémoratives, et d’antiques statères argentés ayant traversé les siècles, au point qu’on ignore aujourd’hui l’identité des patriciens ayant prêté leur vis age pour en faire les profils de ces pièces.

Velsna était devenue pour ces étrangers le paradis perdu, la fontaine de jouvence des richesses, à en croire que quelqu’un dans la foule avait le don de changer le fer en argent. Les foules enthousiastes cachaient cependant péniblement les affres de l’émeute des barricades survenue quelques jours plus tôt, et ce n’était que le visage d’une Velsna heureuse qui paradait en rang le long des avenues. Les détracteurs politiques, les militants maltraités…eux attendaient en silence de voir quel sort cette République allait leur donner maintenant l’ordre rétabli et les tyrans de Léandre mis hors d’état de nuire. Le convoi passa dans tous les quartiers de la ville, des plus pauvres où DiGrassi fit verser des sources intarissables d’or sur les trottoirs, aux plus riches, où l’inverse se révélait aux soldats et où les colliers de fleurs leur tombaient sur la tête. Il pleuvait des pétales de roses dans les rues du Stradivaccio, l’antique quartier abritant une classe moyenne commerçante sensible aux discours républicains de DiGrassi. Dans le quartier du canal San Stephano, des riches promoteurs immobiliers avaient fait venir des animaux exotiques en cage pour faire montre de leur fortune et de leur soutien au nouveau gouvernement. Les enfants, parmi les plus pauvres, couraient le long de la chaussée pour arracher une part du butin. Des singes capucins s’échappèrent de leurs cages pour grimper le long des jambes des soldats miridiens, que certains gardèrent en souvenir. Velsna, l’espace d’un instant était devenue une nouvelle Rhême, bien malgré DiGrassi qui fut contraint de se plier à une tradition du triomphe qu’il ne désirait pas. Ce triomphe digne de l’antique Rhême, Scaela n’y assisterait pas. Avant même l’entrée de l’armée digrassienne dans la ville, on informa son état-major de la disparition du vaincu. Des rumeurs commençaient déjà courir : Scaela à bord d’un vulgaire navire de pêche, fuyant sa patrie qui le honnissait désormais.

On fit faire à DiGrassi le tour de tous les grands lieux de pouvoir une fois le pont du 12 octobre franchi et les soldats contraints par les canaux à se déplacer à pied. Ce fut, depuis la fondation de la cité le premier triomphe à se faire à pied, et non pas en navire. On fit le tour de l’école des arts nobles, puis de philosophie politique. On prit la tangente vers les lieux de résidence de chaque Maître de bureau par leur importance symbolique accordée par le Sénat. Le dernier passage, devant le Bureau de l’Arsenal fut empreint d’une vive émotion, lui qui fut occupé successivement par Matteo DiGrassi, puis son frère Frederico. Cette époque paraissait déjà loin, pourtant, cela remontait à il y a deux ans à peine. Mais les velsniens s’en étaient souvenus et avaient fleuri les jardins attenant à ce bâtiment mythique dans l’imaginaire conquérant de ces derniers. Finalement, il y le passage obligé devant la basilique San Stefano, le saint protecteur de la cité. On autorisa les officiers croyants, malgré les édits de séparation entre la République et la religion, de s’y arrêter et d’observer leurs rituels religieux. DiGrassi prit soin de marquer la différence d’avec Scaela. Malgré le froid, et bien que sa fonction de Triumvir le permît, il attendit que les sénateurs acceptent de lui ouvrir la marche pour entrer au Palais des Patrices. En se plaçant physiquement en subordonné des sénateurs, il faisait là l’illustration que l’exécutif, dans la République, rentrerait sous peu dans le rang, que le Triumvirat, une fois quelques décrets d’affaires courantes émis, n’aurait plus de raison d’être. En un geste symbolique. Matteo DiGrassi prépare les esprits à un retour à la normalité. Le palais des Patrices était devenu un dépotoir du vice et de la corruption, le tout ceinturé par un récit historique perverti par un Triumvir hanté par les fantômes de Léandre. Scaela avait fait installer en plein vestibule du Sénat une statue des derniers podestats de l’antique cité avant sa chute. Les sénateurs commencèrent alors à se moquer ouvertement devant DiGrassi de la sculpture, un acte de libération pour ceux qui durant des mois avaient été réduits à l’exil. DiGrassi les arrêta d’un signe de main, et fit couvrir la statue d’un drap en demandant à ce qu’on la déplace, malgré les suggestions l’incitant à la jeter dans le grand canal de Velsna.

Les sénateurs firent leur entrée dans le majestueux hémicycle du Sénat des Mille. Les fidèles de Scaela qui n’avaient pas été arrêtés depuis, avaient prit la fuite depuis longtemps. Le Triumvir vainqueur ordonna, avant que ses compères prennent leur place, que l’on fit faire une procession devant chacun des bustes en marbre qui étaient fichés dans des niches tout autour du grand hémicycle. Les bustes des sénateurs et hommes d’état qui avaient mérité d’y être. Le vieux Idilmo Matarella, qui avait sauvé la patrie de la menace des achosiens au XIIIème siècle. Lorenzo Squillacci, qui avait sacrifié son propre honneur en assassinant son propre frère qui avait avili la République après une guerre perdue contre la Zélandia, et puis il y avait, dernièrement, été rajouté le buste d’Erico Dandolo, le dernier Patrice de Velsna. Les sénateurs, regroupés autour du Triumvir, lui demandèrent lequel de ces grands hommes voulait-il le plus s’inspirer, et vers quoi la cité devait se diriger une fois que le Triumvir aurait rendu la République au Sénat. Sans dire mot, il se saisit du buste de Matarella, monta au perchoir et posa ce dernier sur le pupitre. L’amour de la stabilité, de la tradition républicaine, le respect suprême de la loi que les premiers velsniens ont fixé en des temps de fondation et la défense de la cité face aux ingérences étrangères. C’était là un signal fort : la République était plus solide que n’importe quel tyran qui osait la défier. Le temps des princes et de l’impunité était révolu. Il poussa le buste à une extrémité du pupitre, at attendit que le doyen du sénat, comme il est de coutume, lui donne la parole.

Au cours d’un discours éloquent, DiGrassi fit part des dernières actions du gouvernement du Triumvirat. Si elle voulait survivre dans une forme aussi fidèle que possible à ses origines, la République devait accepter plusieurs réformes. Dans un premier temps, la publication d’un sénatus-consulte modifiant l’équilibre des classes censitaires, permettant de faire entendre la volonté de ceux qui, à défaut d’être écoutés, seraient enclins à se tourner vers des idéologies mettant en danger la cité. Le nombre de classes censitaires serait réduit à cinq, et l’écart de la valeur de leurs voix respectives s’en retrouverait réduit. Suite à quoi, un deuxième sénatus-consulte suivrait, proclamant la légalisation des partis politiques en tant qu’acteurs du débat public, impensable à Velsna auparavant. Plusieurs sénateurs furent sceptiques, mais ils n’étaient pas dans la position de refuser. Plusieurs autres sénatus consulte furent mis à l’ordre du jour, en particulier ceux portant sur la saisie de toutes les possessions et biens détenus par des partisans de Dino Scaela en échange de leur amnistie, lesquels seraient reversés à un fonds d’investissement public, là encore, une première à Velsna. Pour finir, DiGrassi évoqué la parution prochaine d’un décret de condamnation de Dino Scaela à un exil perpétuel, et à la rature du nom de sa famille de l’album sénatorial, déshonneur suprême. Son nom devait ainsi disparaître de l’espace public que ce soit sur le fronton des maisons, sur les statues, dans les documents officiels de la République… Suite à quoi Matteo DiGrassi fixa la date de la fin de son Triumvirat, qui avait déjà largement dépassé sa durée originelle, et d’une élection sénatoriale anticipée afin de combler les pertes de cette assemblée meurtrie. Plusieurs sénateurs le conjurèrent de continuer à servir sa fonction jusqu’à la fin de l’année, ce à quoi il refusa en bloc, arguant qu’il n’était « pas venu ici pour gouverner par l’exception ».
Acclamé, le Sénat lui offrit sa confiance, et passa désormais au traditionnel compte-rendu du mandat de DiGrassi. Auréolé de sa victoire, le Triumvir reçu les titres honorifiques de « Celui qui protège sa patrie », « Restituteur du Sénat » et « Vainqueur des achosiens et des landrins », qu’il accepta. En revanche, il refusa catégoriquement celui de « Vainqueur des fortunéens ».

Matteo DiGrassi a gagné. Il a ramené l’ordre et la paix civile dans la République, en proie aux troubles depuis deux ans. Au prix d’un grand nombre de sacrifices et de pertes, il gagna son pari et s’engagea à réformer le régime dans une direction qui lui garantirait une perspective d’avenir uniquement. Velsna restait donc une oligarchie, mais dont la démocratie réussit à se glisser subrepticement par une lucarne. Le tour de force n’était cependant pas encore acté. Mais DiGrassi n’était pas Dandolo, si bien qu’il continua de porter un gilet pare-balle sous ses atours plusieurs semaines durant lors des séances du Sénat préparant les dernières réformes du Triumvirat.

Pour les mercenaires, c’était l’heure des adieux et de la dispersion. En application de sa parole vis-à-vis des fortunéens, les raskenois, qui s’étaient déjà retirés des combats avant le reste de l’armée, s’en allèrent les premiers les bras chargés de l’argent qui était là la raison de leur venue. Certains d’entre eux eurent des remords à quitter ce qui avait été durant plusieurs jours de festivités un moment de flottement, d’euphorie et de rêverie. On leur avait donné le logis dans les anciens palazzio des partisans de Scaela, honoré de toutes les attentions…comme disait le vieil adage : il était plus facile de conquérir cette cité que de la quitter. Les miridiens, confiants dans une future entente avec le nouveau gouvernement velsnien, s’en allèrent avec la certitude que l’amitié entre les deux nations survivrait pour longtemps, quantifiée par de nouveaux contrats militaires. Les loduariens, quant à eux, regagnèrent leur austère nation avec l’impression d’avoir vu un autre monde. En était-il un parmi eux qui voulut ne jamais rejoindre la patrie du socialisme ? Aucun d’entre eux ne pipa mot pour faire savoir ceci…et c’était peut-être mieux ainsi. Le secrétaire général et le Triumvir savaient que la géopolitique eurysienne nécessitait la présence de l’un comme de l’autre. Quant aux nomades…leur Histoire n’était pas terminée, et Velsna, ils ne la quitteraient que lorsqu’ils auraient reçu une ultime faveur de la part des nouveaux gouvernants de la cité.




HRP : Félicitations, vous êtes arrivé à la fin de l’arc du Triumvirat. Un grand merci aux joueurs ayant suivi cette histoire (et influer sur le cours de l’Histoire de cette petite République décidément bien turbulente, et devenue bien grande désormais). J’ai préparé cet arc dés mon arrivée le 16 décembre après avoir observé durant quelques jours les possibilités que donnaient Geokratos, et cela me fait bien plaisir d’avoir pu le terminer.

Effets :
- Matteo DiGrassi rend la République au Sénat des 1000 et est à l’initiative de réformes donnant à Velsna la forme d’une « démocratie dorée ». Le Triumvirat prendra fin prochainement.
- DiGrassi a essuyé beaucoup de pertes personnelles durant la guerre. Cela devrait affecter son comportement.
- Velsna s’engage, pour le moment, sur la voie de l’indépendance totale de tout bloc politique ou économique.
- Velsna devrait devenir davantage protectionniste.
- Miridian devient un partenaire incontournable de Velsna.
- Velsna et la Loduarie devraient signer leur premier accord diplomatique officiel sous peu, et procéder à l’entame de relations diplomatiques cordiales.
- Malgré l’échec de la journée des barricades, le PEV est devenu une force politique incontournable qui devrait avoir un rôle important la vie politique du pays ces prochaines années.
- La mort de Vinola a condamné les courants libéraux velsniens à une période de minoration dans la vie velsnienne ces prochaines années.
- La défaite de Scaela a mis un terme définitif aux rêves de l’antique Léandre. Velsna ne deviendra jamais l’épicentre d’un Empire landrin.
- Scaela est condamné à l’exil perpetuel.
- Gina DiGrassi s’exile volontairement de Velsna (respawn éventuel en Leucytalée, au Grand Kah, dans le désert afaréen ou en île celtique).
- Les velsniens sont toujours racistes des achosiens (mais aucune fin scénarisée ne permettait l’inverse de toute façon).



Un mercenaire raskenois faisant un dernier bout de chemin avec une bande de loduariens
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La villa Lograno - Dernière bataille de la guerre civile

...


Pour les nomades, la guerre civile avait pris la forme d’une improbable chevauchée à travers les champs et les routes Eurysiennes. Une chasse qui avait, en une poignée de batailles, brisé les reins de l’armée adverse et forcé celle-là à une longue et terrible retraite à travers le pays, lequel avait pu constater de ce spectacle ahurissant d’une armée autochtone, en fuite et déroute, poursuivit par la pleine vitesse de milliers d’afaréens en armes. Les dieux et les stratèges les avaient préservés de la guerre de position et, pour beaucoup, ce conflit avait pris la forme d’une véritable initiation. Était-ce là la guerre sainte pour laquelle ils se préparaient ? Les velsniens et leurs alliés étaient plus forts que les pillards du désert, mais ils finirent tout de même vaincu. Sainte ou pas, cette guerre fit la gloire des clans et des survivants. Les morts, eux, furent honorés pour leur sacrifice.

Pour autant, on ne s’en félicitait pas, et s’ils étaient des guerriers, les nomades n’en restaient pas moins kah-tanaise. La nécessité du sacrifice cohabitait avec la fierté du travail bien fait, mais aussi la détestation de la mort. Plus précisément, l’amour du but recherché par chaque combat transmutait l’acte de tuer qui, seul, ne représentait ni fierté ni plaisir. Tout juste une occasionnelle nécessité, dont on pleurait les causes.

Ce fut pourquoi la défaite de Scaella fut l’occasion d’une chose que d’aucuns auraient cru impossible : la chevauchée sauvage décéléra et, arrivant au bord du dernier point de repli de ses proies, entra en contact avec eux. C'était une demande de Jaazebeel. Okha et d'autres chefs avaient insisté pour dire que c'était inutile et rétrospectivement, elle devait leur donner raison. Ce fut Pastel, l'Inquisiteur de l’Égide, et le scribe Salazar qui lui donnèrent raison : il y avait des principes élémentaires à respecter. Le respect du guerrier ennemi, de la vie humaine, aussi. Alors Jaazebeel fit ce que de nombreux autres chefs de guerre kah-tanais firent avant elle, et ce que de nombreux autres firent plus tard : elle laissa à ses ennemis une chance de survivre.

Elle aurait aimé pouvoir les rencontrer en personne, mettre un visage sur l’adversaire. Comme si voir leur peau aurait donné plus de force à ses mots, permis à ces chevaliers de quitter leur mentalité d’assiégés. Ne voyaient-ils pas qu’il existait un temps long, dépassant la vie humaine ? Que la défaite de leurs ambitions ne voulait pas dire la mort de leur rêve ? N’avaient-ils pas des proches ? Des amis ? Une famille ?

Apparemment, ils n’avaient que le goût du sang et de l’Histoire. Le fascisme, estima-t-elle, est nécrophile. Il consistait à détruire – les autres, et soi-même. Ces gens souhaitaient mourir. En cela, au moins, ils ne seraient pas déçus.

Elle mit un terme à la communication radio sur une formule de politesse nomade.

« Que des ruisseaux d'eau pur trouvent votre chemin. » Le double sens leur échapperait bien-sûr, ce qui n’était pas bien grave : c’était aussi un signe de respect, d’un peuple guerrier à un autre. Ceux-là étaient peut-être les derniers des barbares d’Eurysie. Ils n’avaient pas pris le choix de la civilisation et le contexte matériel de leur existence ne justifiait pas leur survie. Il était enfin venu l’heure de l’extinction.



Le déchaînement de violence qui suivit fut hallucinant, et caractéristique d’un empressement que la guerre moderne, minutieuse et technologique, pensait sans doute avoir éliminée pour de bon. Des milliers d’hommes contre une centaine, retranchés dans une série de villas. Les véhicules blindés de l’adversaire roulaient sur réserve, ne pouvaient tenir plus d’une journée d’assaut, alors ils les avaient placés stratégiquement pour bloquer accès et des points sensibles de leur dernière redoute. Les nomades et leurs alliés loduariens, eux, n’avaient tout simplement pas d’artillerie et peu d’armes lourdes. Il fallait s’approcher, s’exposer aux tirs. Les hélicoptères commencèrent un ballet qui dura les seize heures de la bataille, survolant les villas pour abattre les hommes tentant de passer d’un bâtiment à l’autre et mitrailler les façades intérieures. Les façades extérieures furent quant à elles sujets à un barrage de missiles anti-char et de roquettes telle que l’Eurysie occidentale en avait rarement connu. Quand il devint évident qu’un certain nombre de tireurs embusqués s’étaient placés dans les vignes et jardins environnant, ceux-là furent débusqués à la grenade et à la baïonnette. Des blindés kah-tanais éventrèrent plusieurs bâtisses pour y déverser des charges de loduariens, réduisant la résistance ennemie à la crosse et à la baïonnette. En trois heures, les environs étaient sécurisés. Trois de plus, et les villas extérieures du complexe étaient prises, ou réduites à un ensemble fumant de pierres démolies et de corps enchevêtrés. Les dix heures qui suivirent furent le théâtre d’un siège brutal ou les landrins furent acculés hors des positions de tir par un mitraillage de chaque fenêtre, chaque porte. Ils se réfugièrent pour certains dans un cellier qu’une poignée de grenades vint vider, et pour d’autres dans l’intérieur de la maison de maître, qui fut sujette à un nettoyage, salle par salle, à la mitrailleuse et au missile.

Enfin, il ne resta qu'une petite dizaine de landrins encore en état de se battre, lesquels se retranchèrent dans un grand salon intérieur d'où les surveillait le buste de marbre d'un sénateur Scaellien. La porte derrière laquelle ils s'étaient réfugiés fut brisée à coup de crosse et de haches, leurs barricades dégagées avec minutie pour éviter d'éventuelles explosifs, puis les fantassins déboulèrent en masse sur ce qui devait être le lieu de l'ultime confrontation.

Les derniers mots de la guerre furent "LÉANDRE !" et les derniers tirs, des suicides.

Contingents mobilisés :

Effectifs Digrassiens (sous le commandent de l'amenokal Okha ag Bay)

Mercenaires « eurysiens » (loduariens officieusement)
992 Armes légères d'infanterie Niveau 10 (- 11)

3 morts et blessés

Guerriers bédouins auxiliaires (Grand Kah) :
2817 Armes légères d'infanterie Niveau 11 (- 3)
496 Mitrailleuse lourde Niveau 10 (- 2)
198 Lance-missiles antichar Niveau 5 (- 2)
198 Lance-roquettes Niveau 5 (- 1)
198 Lance-missiles antichar Niveau 9 (- 2)
298 Véhicule blindé léger Niveau 5 (- 3)
87 Transport de troupes blindé Niveau 2
99 Véhicule de combat d'infanterie Niveau 10
79 Véhicule utilitaire Niveau 8
5 Véhicule de transmission radio Niveau 7
5 Véhicule radar Niveau 7
3 Hélicoptère léger polyvalent Niveau 1
4 Hélicoptère d'attaque Niveau 2

21 morts et blessés

Effectifs scaeliens (sous le commandement du Stratège Andrea Tomassino):

Mercenaires de Manche Silice (Chevaliers de Léandre) :
668 Armes légères d'infanterie Niveau 8 (- 668)
132 Mitrailleuse lourde Niveau 5 (- 132)
16 Niveau Véhicule de combat d'infanterie 4 (- 16)

Aucun survivant.




* Ces pertes correspondent à une estimation des morts, disparus et déserteurs.
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