Jour 61
23h21
Cher objet de mes transports,
Cette nuit j’ai rêvé de toi, et sais que j’aurais dû écrire ce qui s’est passé bien plus tôt.
Je me souviens que tu m’attendais, le visage impassible, en haut des escaliers extérieurs d’un palais que je n’ai pas connu, mais qui me rappela en tout point et l’architecture arabe, et les métros moscovites. La roche dehors était beige, voire rouge, tandis que l’intérieur était blanc et possédait contre ses murs des représentations sculptées d’instants historiques et de personnages illustres dans l’or. Un homme, étranger à tout souvenir mais dont les traits et la barbe me rappelaient Lénine t’indiqua de me faire visiter, alors tu le fis. Nous apprîmes ainsi à nous parler, beaucoup, puis à nous tenir la main, fort. Je te revois heureuse. Je te revois aussi m’aimer. À la manière des adolescents du Comte de Montecristo, nous nous aimions après peu, mais ne vivions plus que pour cela. Alors, nous prîmes le parti de fuguer ensemble. La grande arche définissant les limites du domaine passée, les cris des chiens se firent entendre, puis les hommes à leur tour aboyèrent, si bien que l’on ne distinguait plus les uns des autres. Je me souviens courir en ressentant le contact puissant de ta main dans la mienne, puis l’abandon de ton corps qui plonge dans le sable, une tache rouge et grandissante se répandant sur toute ta poitrine. Alors, je me suis réveillé en sursaut. C’était extraordinairement et triste à la fois. J’étais euphorique de t’avoir vue, parlée, touchée, mais triste que là aussi tu m’aies abandonné.
Contrairement aux autres fois où lorsque je rêve je le fais plusieurs fois d’affilé dans la même nuit, ici je ne connus que ce désolant bonheur.
J’aimerais qu’un jour je puisse de nouveau te parler de mes rêves de vive-voix.
Ton Piotr.