Manticore. Au seuil de la seconde décennie du IIIe millénaire, plusieurs nations démocratiques, sous l'impulsion du Royaume de Teyla et de la République Faravienne, organisent en son temps la plus grande conférence intercontinentale depuis des années. Elle aboutit, en avril 2012, à la signature de la Charte de l'Organisation des Nations Démocratiques. Divisée en deux traités : le Traité de Manticore, qui créé le Conseil Général ou encore le Sécrétariat-Général de l'Organisation, et le Traité de Bandarhan, qui fonde le Conseil Militaire organisant la fonction défensive de l'OND. La Charte a depuis été renforcée de trois autres traités et conventions : le Traité de Bandarhan sur le renseignement d'août 2015, le Traité de Norja ou "critères de Norja" d'avril 2016 redéfinissant les critères d'adhésion, et la moins connue Convention d'Akrak de juillet 2014 fondant l'agence spatiale onédienne. Aujourd'hui renforcée par un total de 8 pays dont plusieurs des 10 plus grandes économies du monde, l'OND a rapidement organisée une restructuration profonde des relations internationales mondiales, sortant le monde de son bipolarisme ONC-Liberalintern et faisant un temps - avant le redressement de l'Alguarena, l'émergence de Velsna ravivant l'ONC et l'impérialisme Kah-tanais redonnant une raison, et une direction, à un ONC en létargie suite à l'effondrement Pharois - craindre l'arrivée d'un unilatéralisme aujourd'hui lointain.
La fondation de l'OND visait entre autre comme ambition la promotion de la démocratie et des droits humains mais aussi la stabilité à l'internationale et la tentation de pouvoir entraîner dans son sillage une refonte de l'ordre - il serait faux de parler de système - vers un ordre légal et non uniquement régit par le rapport de pouvoir.
Il n'a guère fallut attendre longtemps avant que l'organisation ne rentre réellement sur la scène internationale. Dès août 2012, la situation pour l'OND se dégrade et provoque le "tournant eurysien" qui a très longtemps dirigé l'Organisation. Le 8 août 2012, deux citoyens teylais sont assassinés par la Loduarie Communiste sur l'ancienne frontière entre les deux pays, entraînant une soudaine hausse des tensions, militarisation de la frontière et entrée de l'OND sur la scène internationale. En janvier 2013, l'OND est marquée par deux évènements « traumatisants » au Paltoterra et en Eurysie qui marqueront définitivement, davantage que le réveil provoqué du 8 août 2012. Successivement, la guerre en Communaterra qui commet alors un quasi-génocide sur sa population avec intervention kah-tanaise d'une part, et intervention de la Loduarie Communiste au Kolcovo avec survol de pays voisins et menaces à peine voilée traumatisent les pouvoirs publics. Cette succession de crises stratégique, pour la première fois de l'histoire de l'organisation encore jeune, témoigne de sa fragilité sur son propre sol à la fois en Eurysie et au Paltoterra. La situation atteint son paroxysme en juillet 2013 avec le vote, le 31 juillet, de la Résolution n°78 demandant le retrait des forces loduariennes de Zladingrad au Kolcovo et de la cessation des hostilités contre la Translavye afin d'éviter une guerre régionale dans une situation qui se déstabilise. La phase "calme" de l'OND n'aura durée qu'un an. Elle aura été courte, trop courte pour l'Organisation forcée à se façonner par les menaces effectives qui pèsent sur elle et sur la menace ressentie qu'elle provoque, en particulier du côté de la Loduarie Communiste.
La réaction des administrations onédiennes, principalement portée par l'administration tanskienne - avant le rattrapage teylo-sylvois qui amènera à un profond changement d'orientation politique - imprime d'abord un axe qui se veut modérer. L'intervention en Translavie, au mois d'août 2013, n'aboutit pas à la guerre contre la Loduarie pourtant crainte mais à la fondation de deux pays distincts dont la République Translavique sur laquelle nous reviendront. Les menaces du Communaterra contre Sylva n'aboutissent pas non plus à une opération sur place. Enfin la mort de 3 pilotes teylais tués par un croiseur loduarien en décembre 2013 n'entraîne pas non plus de guerre contre la Loduarie mais un accrochage donc chaque camp se sortira vainqueur. A la marge, il est aujourd'hui reconnu que les progressistes et fédéralistes tanskiens ont permis de limiter les risques de guerre, en partie soutenu par un royaume teylais encore peu confiant en ses forces militaires face à la Loduarie Communiste. La situation renforce sensiblement l'unité de l'Organisation qui trouve un ennemi commun malgré les distances géographiques importantes entre les Etats. Malgré elle, la Loduarie lui donne une raison de vivre suffisante, un véritable moteur qui pouvait sembler manquant jusqu'à lors. Dans cette époque, les études se multiplient sur toutes les dimensions, pour compter les actes soviétiques, pour tenter de percer la personnalité de Lorenzo, le dictateur Loduarien, ou des penseurs translaves et communaterriens, pour comprendre la « psychologie » de ces systèmes politiques.
A partir d'août 2013, l'Organisation estime qu'elle est « entrée à rebours » et par la force sur la scène internationale. Des phénomènes considérés comme d'un « autre âge », du siècle précédent. Le rapport de force prime et la volonté d'agir par la raison, l'escalade ou la désescalade mesurée et progressive échouent. Les retours successifs en Loduarie, en Kolcovo, en Translavie puis au Valkoinenland sont marqués par des relations tendues avec certaines grandes puissances notamment le Pharois. Les tentatives de normalisations avec le Grand-Kah échouent dans cette même période. La guerre civile velsnienne, qui laisse entrevoir le géant économique qui naît marque aussi une impossibilité à façonner une issue positive au conflit et un quasi-blocage face aux interventions extérieures aux portes de Teyla et de Tanska. A l'inverse, la construction étatique en Translavie porte ses fruits dès 2014, la RT dépassant rapidement son équivalant communiste. Le même procédé de démocratisation trouve lui aussi un écho, d'abord temporaire à Kønstantinopolis, puis permanent deux ans plus tard avec la République de Nordlig-Kors.
A travers ces retours se donne à voir une structuration de cette première moitié de décennie en deux principales périodes. Avant et après 2013, puis jusqu'en 2016. Elle permet aussi de repérer des « moments » autour d'événement saillants : Juillet-2012 et le Code Humanitaire tanskien, qui laisse envisager les futures interventions humanitaires de l'Organisation ; les chocs de Janvier-2013 et ses conséquences ; La guerre de Translavie de l'été 2013 ; l'effondrement Pharois en 2014, etc.
La première séquence qui structure la décennie précédent janvier 2013 est de courte durée. Elle ne s'étire que sur trois années entre 2010 et 2012 et a pour épicentre les lieux habituels de pouvoir eurysiens : Loduarie, Pharois. Les pays de l'OND promeuvent alors une politique qui se veut la plus constructive possible et notamment favorable à la démocratisation des mœurs aussi bien en interne qu'à l'international. Elle se termine tout au long de l'année 2013 par le traumatisme initial et l'entrée en action avec les premières interventions. C'est aussi pour l'OND personnalisé par la première Secrétaire Générale, Madeleine Skolgund, qui démissionnera à la suite de l'affaire du croiseur loduarien mais qui entraîna dans son sillage le « wagon onédien ». Cette première séquence voit aussi néanmoins apparaître très rapidement un tournant encore discret qui amènera à une inflexion progressive des choix stratégiques : la critique virulente naissante de l'organisation dans toutes ses actions. Elle laisse également entrevoir la constitution d'axes presque en partie dédié à la lutte contre l'OND, l'ONC n'étant plus alors qu'un acteur protégeant son simple commerce.
Cette première séquence trouve aussi sa fin dans un événement structurant pour la suite de la chronologie et qui résulte d'une redéfinition de la politique étrangère du Grand Kah dont la formulation explicite par l'intervention au Communnaterra et, sans l'avouer, au Gondo, témoigne déjà du virage entrepris. Ce raidissement par un interventionnisme marqué du Grand-Kah, combiné avec l'effondrement Pharois - déstabilisant pour deux ans le Liberalintern et faisant craindre un effacement -, la perte des régimes communistes Kolcoviens et Translaves, le caractère « fratricide » de l'invasion du Communaterra, trouve ainsi ses premières manifestations stratégiques. Alors encore éloigné dans les faits, le spectre d'un nouvel affrontement global entre une Loduarie potentiellement assisté du Grand Kah et l'OND ne disparaît ainsi plus de l'horizon stratégique. D'autant que Velsna, après la moindre tempête de sa guerre civile, sort de la politique de « profil bas » mené par l'ancien pouvoir et se montre plus entreprenante sur la scène internationale - et très largement incomprise par plusieurs pays de l'OND dont Tanska. Déjà, Tanska et Teyla s'inquiétaient des ambitions velsniennes - sentiment aujourd'hui disparu -, notamment en Manche Blanche où l'hypothèse d'une intervention dans la guerre civile fut un très long débat qui ne mena finalement à rien. Le Grand Kah constate lui qu'il a en réalité profité des engagements onédiens en Eurysie septentrionale et orientale pour accroître son influence dans sa partie centrale. Il renoue avec la croissance et les grands projets d'expansion. De son côté, l'Alguarena poursuit une politique fortement mercantile tournée vers l'exportation d'armement qui nourrit son économie et la maintient très largement première du monde, sans pour autant alimenter un agenda politique ambitieux. Il est le grand absent de cette politique de la première moitié de la décennie. En 2015 puis 2016, le PNB de Velsna dépasse ceux de Tanska, Sylva, du Jashuria puis de Teyla, et elle devient donc la troisième puissance économique mondiale.
Cette séquence s'articule aussi étroitement par la perspective possible de guerres entre grandes puissances. Les interventions onédiennes au Valkoinenland et plusieurs pratiques de pressions (notamment au large de la mer Blême, semblent montrer que le modèle de l'OND est en crise (peine à convaincre), aiguisant tant les appétits que les craintes. « Stoper l'OND » ou encore « ONDdégage » font leurs apparitions. Cette phase, marquée par la rivalité inégale Loduarie-OND, trouvera son remède à nouveau dans la faible volonté de guerre de Tanska malgré certains « néocons » au sein de l'OND. Le Grand-Kah et le Liberalintern ne sont pas encore la question qu'ils sont en 2018. Carnavale n'existe pas vraiment. Touteefois, ce risque de guerre majeure génère une profonde inquiétude quant à la manière de répondre à la situation chaotique qui en résulte, mais aussi renforce l'idée d'une entrée à rebours de l'OND dans l'histoire. Le « bouleversement légal » n'aura pas lieu. Beaucoup trop d'Etats influents se confortant voir alimentant le chaos général. Loin d'entraîner une vague stabilisatrice, la perception de l'OND comme une menace pour les autres, et pour l'OND la perception d'un monde en majorité hostile à sa simple existence pourrait alors faire le lit d'une guerre eurysienne sinon mondiale qui trouve beaucoup de soubresauts et d'évitements parfois de justesse, surtout en 2014 et 2015.
2014, après l'année mouvementée de 2013, marque le tournant progressif, confirmé en 2015, du renforcement d'un courant interventionniste de l'OND sur la politique modérée tanskienne. Economiquement, Teyla et Sylva surclassent largement Tanska, les capacités militaires suivent également et effaceront progressivement Tanska de sa position de première armée de l'OND. Teyla insuffle un nouveau courant marqué par une très large ouverture, c'est la doctrine de l'« enlargement ». Elle devient une puissance diplomatique de premier ordre, l'appareil teylais fait du royaume un « orchestrateur de réseaux » dont la finalité est de susciter, maintenir et renforcer les connexions à travers le monde. Karty, Lermandie, Hostaline, Westalia, Wanmiri et même Velsna sont autant d'exemples de rapprochement. Pour Sylva, c'est aussi les rapprochements avec Drovolski par exemple. Loin de promouvoir un presque entre-soit et une diplomatie discrète, la méthode est celle de la promotion et de l'organisation d'alliances à travers le monde. Le projet consiste également à s'appuyer sur les institutions existantes en particulier en Aleucie autour de la Westalia et de la Lermandie. Teyla et Sylva cultivent une certaine culture du « soft power » qui trouve brièvement un fort écho mondial. Un rapprochement organisationnel avec l'ONC et avec le Liberalintern sont également envisagé, sans succès. Mais c'est une lente parenthèse car la crainte de l'OND monte fortement dans des voix parallèles. Perçu comme le sommet de l'OND, qui se sent alors première organisation du monde à l'aube de 2016, elle ne va devenir qu'une parenthèse entre la première séquence, marquée par le choc initial, et la troisième, marquée par la guerre.
En parallèle de cette diplomatie d'ouverture, l'OND suit un programme d'expansion et de modernisation de ses forces armées conséquents. Les forces armées onédiennes se font la démonstration de leurs capacités et surclassent progressivement plusieurs acteurs historiques. Le ressentiment croit. La peur n'avait elle jamais disparue. La Loduarie a longtemps obnubilé l'Organisation jusqu'à son effondrement partiel en 2016. L'affaire du sous-marin - selon la rumeur coulé par Caratrad - témoigne des risques pouvant être pris mais aussi de la domination onédienne. Le Grand Kah est restée une question sans réponse et même sans articulation réelle. Rival, adversaire, potentiel allié, la situation oscille comme un pendule. L'oscillation velsnienne - principalement nourrie par Tanska et Caratrad - finit progressivement par s'estomper. Les critiques pleuvent mais ne trouvent pas réellement leur élément de centralisation. Elles sont déstructurées. Pire, elles ne sont pas réellement prises en compte, balayées d'un revers de la main par une forme d'hubris qui gagne la plupart des gouvernements onédiens de Tanska à Faravan.
La dénonciation morale des « bad guys » par l'OND est aussi au cœur de l'activisme international de l'OND. Les critiques vont bon train, notamment en Eurysie centrale et orientale ainsi qu'en Aleucie. La question de la peine de mort est exploitée au Valkoinenland (avec réussite) mais est ignorée dans l'Empire du Nord. Et sans le voir, les initiatives onédiennes se heurtent à de nombreux obstacles. Certes, les processus de démocratisation trouvent des réussites en Translavie puis en Nordlig-Kors - les critiques impérialistes sont ignorées. Tanska parvient en trois missives à faire cesser l'esclavage en Novyavik. Teyla entraîne des réformes constitutionnelles progressistes en Karty et s'engage elle-même sur un certain nombre de changements internes. A l'inverse, l'Empire du Nord est critiqué pour sa gestion de ses anciennes colonies en Afarée. Teyla fait face à des difficultés dans son modèle social et peine à convaincre plusieurs pays - la non-adhésion de Gallouèse restera longtemps un échec de la vision idéaliste onédienne -, Tanska est visée pour son « impérialisme », Caratrad est visée par des critiques sur son économie stagnante, Faravan est régulièrement ignorée des initiatives afaréennes.
Parallèlement à ces événements structurants et à ces deux périodes, la décennie est travaillée par deux mouvements de fond qui vont exploser au grand jour au tournant de l'année 2017. Le premier tient à l'expansion et à une forme de « radicalisation » - le terme serait à retravailler - du monde communiste. Elle s'exprime dans les interventions et actions à l'étranger du Grand-Kah qui renforce par exemple son influence en Mahrénie et en Kaulthie, mettant en place une grande emprise en Eurysie centrale. Elle se trouve aussi dans cette vague rouge qui essaime la décennie. Il s'agit d'une part de révoltes et révolutions. Qu'elles soient non-violentes, marquée par des interventions extérieurs (Kolcovo), échouent comme le soulèvement des grévistes velsniens qui fit longtemps craindre en Teyla une « Velsna rouge », ou surprenantes de vitesse (Altrecht). Il y a de plus l'émergence d'importantes puissances socialistes, communistes ou communalistes. L'Estalie est en quelques années devenues l'une des principales économies et armée d'Eurysie et tente, maladroitement et principalement par la force sans bénéficier du soft-power et de l'image du Grand-Kah, d'exporter son modèle. Sans véritable succès. Les pays communistes du Nazum (bien que tardivement dans notre chronologie) s'unissent et forment la Confédération Socialiste du Nazum qui inquiète toute la région et les nations turciques. Elle devient la première puissance économique mondiale et l'une des premières démographie mais souffre encore d'une diplomatie très maladroite, d'une force armée balbutiante, d'une technologie dépassée, et d'une forme d'incohérence et d'inconsistence dans sa politique avec plusieurs crises limitant l'emprise du pouvoir.
Cette vague rouge demeure fragile. Déjà, elle ne semble avoir aucune cohérence géographique ou effet domino réel et serait avant tout alimenté d'éléments ponctuels et nationaux. Si il est aujourd'hui avéré que la révolution en Altrecht a reçu des soutiens extérieurs permettant son déclenchement, c'est un cas isolé. Ensuite, elle n'a pas réellement de véritable colonne idéologique, tout comme le camp libéral n'en a pas. Le terme vague rouge est une expression conservatrice construire par plusieurs mouvements d'oppositions. Les frictions entre Grand-Kah et Loduarie en leurs temps, les interventions communistes et communalistes en Translavie et Communaterra rendent caduques l'idée d'un monde rouge uni. Surtout, les pays socialistes sont traversés par plusieurs pôles concurrents ou pouvant amener à le devenir notamment en cas de prétentions multiples à en être le phare. Pour plusieurs nations, cette tendance de fond inquiète largement et suscite plusieurs critiques. Mais celle envers les actions du Grand-Kah, qui reconnait de plus en plus son impérialisme trouvent leur réponse dans la critique de l'OND. Plus efficace, plus ciblée, elle est aussi mieux inscrite dans la durée et bénéficie d'un public plus large. L'Estalie, qui perçoit dans les interventions onédiennes une forme d'ingérence et d'influence parfois dans son étranger proche (Translavie) devient rapidement une des nations leader de la critique de l'OND dans ce milieu de la décennie.
L'ampleur du second mouvement sur l'ordre international est lui fondamental pour le restant de la décennie : dévoilé par le phénomène d'émergence des capacités destructrices, portée par le génocide carnavalais d'Estham et de Qabalie qu'il réveille au grand jour, il s'agit de l'inaction internationale. L'émergence des armes de destructions massive court depuis le début de la décennie mais a été ignoré. Elle est entré par la grande porte du massacre de deux millions de civils à Estham en Aleucie, et de centaines de milliers de Qabaliens en Afarée. C'est un traumatisme réel pour l'Empire du Nord et pour l'OND. Un Etat longtemps ignoré, dans une situation économique afable, retardée sur la plupart des points des droits humains et des libertés, qui trouve dans le transhumanisme et la transformation des corps un techno-solutionnisme inexistant l'amenant à se penser enfant de dieu, tue, du jour au lendemain lors de la veillée de Noël, plus de deux millions de personnes.
La réaction au génocide d'Estham est éparse, peu unanime, et cible parfois autant l'OND, jugée responsable, que Carnavale. Le premier tir balistique de Carnavale à l'encontre de l'Empire du Nord est ignoré. Le génocide carnavalais de la Qabalie provoque une large indifférence, y compris en Afarée et dans les pays socialistes. La tentative par l'Empire du Nord et Sylva de stopper ce génocide ce solde par un combat aérien près de Carnavale. Aucun civil Carnavalais ni aucune institution carnavalaise ne sont touché. En réalité, aucune bombe n'a touché Carnavale. Pour autant, aux yeux de nombreux pays, cette bataille aérienne provoquant des pertes équivalentes (de l'ordre de la dizaine de pilote de part et d'autres), justifie le massacre de deux millions de civils. Il dévoile l'inaction complète de la société internationale - en réalité inexistante. Vient ici le second traumatisme pour l'OND. A l'exception d'une poignée de pays, il n'y a aucune unité de vue entre les différents protagonistes internationaux et moins encore de soutien à résoudre la question carnavalaise. La ligne de faille entre intérêts nationaux et droits humains trouve ici sa réponse, elle choque l'OND. L'intervention onédienne, décidée logiquement dans la foulée, provoque une réaction similaire et accroit les critiques à l'encontre de l'OND. Les Onédiens tendent à se regrouper autour d'Estham afin de défendre ce qu'ils considèrent comme leurs valeurs centrales susceptibles de vaciller face aux périls incarnés par Carnavale et qui vient de tuer deux millions de civils. A leurs yeux, rien ne saurait être plus juste.
Le Noel-2016 est un choc impossible à décrire. Non seulement l'Empire est touché sur son propre sol, mais c'est sa capitale que Carnavale tente alors de rayer de l'histoire. Les images de corps, presque intacts, jonchant le sol font le tour du monde et tournent en boucle sur la télévision impériale pendant des semaines. Elles contrastent avec celles de la libération de Kønstantinopolis ou d'Anapole quelques années plus tôt qui apparaissait comme une victoire de l'OND. Le sentiment est ici celui du « viol » d'un pays, et de la castration, ce qui conduit à une volonté de masculinisation par la guerre et une volonté de projection par l'Empire. Pour les autres Etats membres, le soutien est immédiat, total, justifié. Ils payeront les dettes impériales et la reconstruction. Le vocabulaire qui revient est celui d'une cavalerie venue sauver deux facettes du monde. La victime, par l'aide apportée à Estham (renvoyant aux précédentes actions humanitaires), et la future victime, en préservant le monde de la menace Carnavalaise. Il faut faire la chasse à l'inhumain. Il faut punir mais aussi prévenir pour que cela ne survienne plus jamais. Les gouvernements onédiens sont hantés par leur incapacité à avoir su protéger leurs citoyens d'un Noel-2016. Caratrad construit des bunkers pour toute sa population, Tanska évacue des millions d'enfants, Teyla se prépare au cataclysme. L'OND renforce son exceptionnalisme par une guerre jugée juste parmi les justes et elle se présente en victime qui doit obtenir un soutien mondial face à une menace existentielle. Elle n'obtiendra pas ce soutien, ce qui amènera à un second traumatisme, plus marquant dans son action que Noel-2016.
La décision pour l'OND d'agir en commun et de procéder à une campagne aérienne jamais vu auparavant, suivi par une invasion terrestre d'une ampleur très limitée, participe de ce mouvement qui se traduit par une volonté, initialement discutée notamment sur l'invasion, de protéger la communauté des Etats démocratiques blessée en son cœur et qui observe avec effroi son isolement. Le troisième problème débute ici. L'idée de créer une communauté des démocraties remonte à la raison d'être de l'OND. Elle avait été inscrite dans le mandat de Skolgund et cette dernière s'était efforcé de la créer. Mais elle a été incapable de produire des politiques efficaces. L'appel à cet communauté plus large, porté par un Empire du Nord qui cherche autant à se relever qu'à se venger, témoigne alors de la fragilité du mouvement.
La victoire principale attendue, non pas la défaite militaire de Carnavale, mais la réponse unanime de soutien à sa nécessité, ne vient pas. Les démocraties ne répondent pas. L'incapacité à produire cette unité entre les différentes démocraties se couple à la (re)montée en puissance du Liberalintern. Il y a un passage de relais. Si, à l'entrée de la décennie, des mouvements eurysiens isolés se sont accaparés la critique de l'onédisation du monde dans son versent idéologique et en partie social, Carnavale et une partie du Liberalintern, avec des soutiens annexe de moindre importance, tendent à monopoliser cette dénonciation à partir de 2017. Mais il faut ici noter une différence centrale. La seconde critique, portée par le Libéralintern, porte sur une action dont l'OND sait la fragilité - et dans laquelle elle n'est pas impliquée en tant qu'organisation mais affiliée par une simplification intellectuelle de premier plan -, l'action teylaise en Hostaline. Le « consensus du Liberalintern » est alors une alternative au « consensus onédien ».
Prendre la propagande carnavalaise comme la principale critique de l'OND est une erreur de nombreuses chancellerie. A quelques rares cas près, la critique carnavalaise ne trouve en réalité pas preneur. Les Etats sont silencieux mais ne critiquent pas l'action onédienne à Carnavale que la plupart jugent légitime. Pour autant, l'OND va critiquer ce silence et atteindre ici un capital sympathie auprès de plusieurs pays. Le soutien Teylais à l'Hostaline (pourtant agresseuse), visée par une large coalition du Liberalintern en réponse (dont les objectifs militaires dépassent largement la frappe en Altecht et qui cherche en réalité le changement de régime pur et simple), est la réelle cause de cet effondrement du consensus onédien. Il repose non pas sur la non-ingérence, le Liberalintern ingérant largement dans les affaires intérieures de plusieurs pays, mais en la présentation d'un contre-modèle qui se présente comme plus vertueux que celui de l'« OND », prise en porte-à-faux en Hostaline. L'OND est entre guillemets parce qu'il faut à nouveau rappeler qu'elle n'intervient pas en Hostaline; L'activation de l'article 9 par ailleurs n'entraîne pas non plus d'action onédienne mais une possibilité pour les Etats membres d'agir de concert. La seule action onédienne commune, permise par l'article 5, se situe en Carnavale. L'incapacité des Etats membres à faire comprendre cette séparation illustre alors tout le problème majeur de la diplomatie publique onédienne.
Avec Carnavale, l'OND entre dans une phase qui expose au grand jour l'échec de sa capacité à convaincre par la diplomatie et elle se doit alors de passer par les armes. Il n'y a pour autant aucun essoufflement de sa puissance militaire en tant que telle. L'OND n'entre pas dans Carnavale-city parce qu'elle ne le souhaite pas. Elle ne rase pas son industrie uniquement pour éviter les pertes civiles mais dispose très largement de la possibilité de le faire. L'aviation carnavalaise a été balayée. Aucune autre ville n'a été rasé par Carnavale après la destruction de son appareil balistique. La Cramoisie, qui pourrait être aisément envahie permettant la libération de la Qabalie ne l'est pas suite à des demandes afaréennes et notamment Azuréennes. L'OND peut se permettre en parallèle d'autres actions, symbole de sa capacité militaire très étendue. Sur le plan terrestre, un nombre limitée de forces ont été mobilisées. Plusieurs porte-avions sont encore disponibles.
La Westalia rejoint l'organisation dans cette période. L'OND ayant été capable de justement condamner Stérus, Sylva et Teyla de s'en éloigner, et de soutenir la Lermandie dans cette affaire ce qui a aidé à attirer le soutien Westalien en vue d'une adhésion que l'implosion de l'architecture régionale aleucienne rendait plus évidente. Ce processus de régionalisation trouve de son côté deux réussites partielles et différentes. En Afarée, il se concentre sur la question de la Qabalie/Cramoisie, autour d'une diplomatie azuréenne particulièrement ambitieuse et qui mobilise avant tout des logiques continentales et décoloniales, avec succès. En Afarée, elle se met en place au travers des logiques de blocs centré autour de la Confédération Socialiste du Nazum, des nations Turciques, et du cercle d'influence de la Jashurie. Revenons à l'OND.
Sous l'effet de l'intervention en Carnavale, l'OND semble redécouvrir l'empire. Non pas pour elle-même - il n'y a pas de volonté de conquête de Carnavale -, mais aux yeux des autres. L'Hostaline va exaspérer ce sentiment notamment avec les ruptures de Teyla avec Karty et la Lermandie. pour les critique de gauche, Teyla - et donc l'OND par facilité intellectuelle et volonté d'affaiblir l'organisation -, ils incarnent la domination du monde qu'ils veulent exercer à travers le monde. Pour une partie des intellectuels de droite, ils incarnent surtout une tentative d'imposer des valeurs libérales, démocrates, décadentes. La surréaction perçue de l'administration teylaise réveille cette peur du modèle impérial. A l'inverse, ce même modèle pourtant vivace au Grand-Kah ne réveille de son côté personne, camouflé par un statut de protecteur que lui permet la défense initiale de l'Altrecht et la dénonciation de l'OND. Tout cela en accentue la portée dramatique. La puissance de l'OND apparait fragilisée sur les plans financiers (investissements dans les armes), opérationnel (mobilisation forte de moyens en Carnavale, mais faibles pertes) et politique (légitimation extensive du recours à la force suscitant de violentes critiques). Elle ne l'est en réalité que dans son image publique, permise par une diplomatie publique mal considérée et mal appliquée, un discours parfois différend entre les pays, et une mauvaise image construite par couche successive depuis 2012 qu'un génocide n'aura qu'à peine effleuré.