05/07/2013
11:13:42
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[Grand Kah - Aumérine] De la démocratie en Aleucie et Paltoterra

L'un des objectifs principaux du Grand Kah en invitant un membre du gouvernement d'Aumérine à Commune Ville-Libre, siège de ses institutions et ville la plus peuplée de son territoire, était de donner, en quelque sorte, des gages au monde libéral. C'était vrai, il existait une barrière idéologie profonde séparant l'Union, cet ensemble anarchisant de territoires librement alliés et de citoyens-politiciens, dont l'économie était scrupuleusement soumise à la planification démocratique et le fonctionnement si horizontal qu'il en devenait un vrai casse-tête pour la plupart des politologues, et le monde de la Démocratie Parlementaire, avec ses politiciens professionnels, ses économies de marché privé, ses ultra-riches, certes, mais aussi ses ultras pauvres. Il existait une espèce d'incompréhension mutuelle, indéniable, apparemment insoluble. Certains voyaient dans l'autre une variation bizarre du communisme( bien que le prédatant), nécessairement louche, et croyait deviner dans son système l'ombre rougeoyante de la dictature du prolétariat. L'autre ne comprenait pas comment on pouvait appeler "liberté" un système facilitant l'oligarchie, le déclassement d'une population, la fondation de dynasties politiques et la délégation totale du pouvoir à des politiciens professionnels, croyant percevoir derrière le capitalisme une corruption institutionnalisée, perverse.

Cette incompréhension mutuelle avait été à la source de nombreux conflits. Lointaines étaient les premières heures du Grand Kah, où sa jeune république (à l'époque parlementaire) luttait contre ses tentations césaristes et le colonialisme Eurysiens. Lointaine était la période des grandes guerres idéologies ou, en avant-garde des premiers socialismes, le Grand Kah marchait sur l'ennemi, l'industriel, le baron capitaliste, celui qui fait tirer dans la foule, celui qui casse les crèves, celui qui graisse les bonnes mains pour faire interdire les syndicats, qui emploie le noir comme esclave et lui coupe les mains. Lointaine, aussi, l'époque plus récente où le socialisme engrangeait ses premières victoires dans le monde libéral. Code tu travail, féminisme, droit de grève, extension du droit de vote, fin des apartheids, et où le Grand Kah, traumatisé des guerres passées, dégoûté par la tournure qu'avaient pris ses descendants communistes, s'était coupé du monde, recevant pour seule récompense un coup d’État financer par l'étranger.

C'était désormais un Nouveau Grand Kah. À la fois plus ouvert et interventionniste, mais aussi plus respectueux. Plus idéologue que jamais, mais moins dogmatique. Un Grand Kah qui, sans avoir changé, en substance, avait mis les formes pour sembler respectable Pour créer des ponts au-dessus du fossé, pour tendre la main à ce libéralisme, frère ennemi et incompris, qui semblait définitivement moins urgent à renverser que les authentiques dictatures, brunes comme rouges, qui fleurissaient au profit des instabilités récentes et des nouvelles technologies. Ce Grand Kah avait nommé ses représentants au sein de la Convention Générale, qui avait nommé parmi ses membres les citoyens du Comité de Salut Public, dont la nature, sous des couches de définitions compliquée, pouvait en bref se résumer en un exécutif conciliaire. Ce Comité de Salut Public, bien que diversifié et représenté par des profils assez atypiques, avait mené une véritable stratégie de défrichement économique et diplomatique. Ses membres étaient des visionnaires d'un genre plus dangereux encore que les habituels illuminés de services qui finissaient par la grâce de leur charisme à la tête des institutions les plus horizontales et les plus idéologiques : en effet, ils étaient pour la plupart d'un excellent niveau intellectuel et d'une efficacité rompant avec la naïve bienveillance un peu surannée qu’exprimait l'Union dans ses communications officielles.

Ce furent trois de ces personnalités qui se rendirent au plus important aéroport de Communes Ville libre, par une journée chaude malgré les gros nuages de pluie chargeant une partie du ciel, pour réceptionner la délégation diplomatique d'Aumérine.

La citoyenne Actée Iccauhtli, déjà. Surnommée l'Auteure - la tradition politique du Grand Kah aimait distribuer les surnoms. Auteure à succès ayant fait le tour des colocs et universités du monde pour participer à des débats en tout genre, elle jouissait d'une connaissance certaine du monde et d'une importante liste de contact qui avaient justifié sa nomination au sein du Comité, où elle gérait officieusement l'éducation et la diplomatie, poste sur lequel on la remarquait le plus. Une petite femme d'origine paltoterra-nazuméenne. Pas belle au sens traditionnel du terme, mais élégante, habillée avec soin, et maquillée de façon à dissimuler un peu l'aspect grêle de sa peau, hérité d'une méchante acné juvénile. Elle conservait un air attentif et maîtrisé, qui pouvait passer pour de la froideur.

A ses côtés se trouvait le citoyen Edgar Alvaro Maximus de Rivera. Un nom issu d'une ancienne noblesse Eurysienne, mais qui n'avait rien de honteux : ses ancêtres lointains s'étaient illustrés au sein de la première garde républicaine, laissant derrière eux une importante correspondance personnelle témoignant de leur attachement à la jeune république, inspirée des idées des Lumières, qui s'était formée en 1780. Lui était assez âgé. Cheveux gris, abondants, coincé dans un épais caban de laine grise. Il avait une peau bronzée par le métissage et un air un peu fatigué. On le surnommait "La Raison". S'il s'occupait officiellement du Commissariat à la Santé et de celui au Consensus - chargé d'assurer la collaboration en bonne intelligence des Communes de l'Union, il était surtout la raison pour laquelle le Comité de Salut Public existait sous a forme actuel : il avait lui-même rassemblé et invité ses membres, défendu chacun d'entre-eux devant la Convention, et s'acharnait à les faire s'entendre. Ancien militaire, il avait participé à la dernière révolution, et était perçu comme d'un naturel pessimiste mais travailleur. Il n'avait jamais trop été présent sur la scène internationale, mais passait pour un individu efficace, genre d'organisateur par excellence du comité.

Enfin, il y avait le citoyen Maxwell Bob. Un viel homme dont le patronyme et le père venaient d'Aumérine. Quittant leur pays pour des raisons économiques alors que Maxwell était très jeune, ce dernier n'entretint jamais que de faibles relations avec ses origines. Fut un temps il était un membre important d'un des "Clubs" - think tank politique - de l'Union. Il devint rapidement un membre réputé des parlements communaux, puis de la Convention Générale, et grenouillait dans diverses comité, profitant de ses origines pour travailler des liens amicaux avec plusieurs mouvements, partis et groupes des pays Aleuciens. Il fut aussi, brièvement, diplomate pour le Grand Kah dans les années 60. Sa carrière atteint ce qui aurait dû être son ultime ascension vers la fin des années 70, où il fut nommé au sein du Comité de Salut public. Sa carrière fut de courte durée, du fait du coup d’État militaire et de la restauration monarchiste des années 80. Ce fut vraiment cette période sombre qui fit du technocrate efficace mais peu remarquable une figure populaire. Héroïque, même. L'homme qui avait déjà cinquante ans, disparu dans les forêts et les montagnes pour monter un véritable mouvement de résistance. Premier membre du gouvernement en exil du Kah, il fut l'un des architectes de la victoire révolutionnaire, et le fondateur du premier Comité de Salut Public d'après-guerre. Son rôle était, depuis, celui d'un président d'honneur. Un guérillero et héros populaire qui se présenta d'ailleurs en tant que tel : dans une tunique militaire sobre, une unique décoration accrochée à la poitrine. Il avait des airs de vieillard sympathique, avec sa barbe et son regard humide, mais de nombreuses cicatrices témoignaient de la période excessivement difficile qu'il avait dû traverser.

À ce titre c'était d'ailleurs assez exceptionnel de le voir ici. Il représentait sans doute une notion encore très importante au sein du Grand Kah : la méfiance envers le libéralisme, qui avait fiancé la Junte, et la détestation profonde de la monarchie, associée à d'authentiques crimes contre l'humanité qu'une bonne moitié de la population portait dans sa chair autant que sa mémoire.

Ce fut pourtant ce vieil homme qui ouvrit le bal des salutations, avançant vers le ministre des affaires étrangères et s’inclinant légèrement en avant.

« Bienvenue au Grand Kah, chers amis ! J'espère que l'atterrissage n'a pas été trop mouvementé, avec ce sale temps, ah." Il leva le nez et fronça les sourcils. "Et à ce propos il ne va pas tarder à pleuvoir. Au moins il ne fera pas trop chaud. C'est qu'entre Aumérine et l'Union, il y a un monde de ce que j'ai compris. »

Il fut ensuite imité De Rivera, puis par Actée qui salua très chaleureusement le ministre Aumerinois et rassura le citoyen Bob en l'informant que d'une part, les voitures n'étaient pas très loin, de l'autre elle avait amené des parapluies ; Tout de même, et puisque le vent commençait à se lever, le groupe se réfugia dans le grand hall vitré de l'aéroport, vidé pour l'occasion et bardé des drapeaux des deux pays. Des gardes en tenue d'apparat s'y trouvaient, formant une large haie d'honneur entourant le groupe de part et d'autre. Actée toussota. Les circonstances n'étaient pas idéales, d'autant plus que la foudre s'était mise à gronder au-dessus du lac. Contre mauvaise fortune, bon cœur : elle offrit un sourire ravissant à Anderson Boyd

« Monsieur Boyd. Pour commencer il nous a semblé qu'en vue des rapports parfois difficiles qu'a pu entretenir notre union avec ses voisins Aleucien, il convenait de vous signifier une bonne fois pour toutes à quel point nous sommes heureux de votre présence ici. » Elle pivota et attrapa un objet enrobé de velours que lui tendait un officier de la garde. Rigide et précise comme une danseuse, elle pivota vers le ministre, déplia le tissu et révéla un vieil ouvrage à couverture dorée, dont la tranche était couverte d'une pellicule d'argent sur laquelle on avait dessiné les contours du Nouveau Monde. « Ainsi je vous prie de bien vouloir accepter cet exemplaire de De la démocratie en Aleucie et Paltoterra, datée de 1850 et appartenant jusqu'alors aux archives de la Convention Générale. Un bel objet, nous jugions que l'occasion s'y prêtait. »
Un avion aumérinois, reconnaissable à un trifolié d’érable élégamment arboré sur la dérive, entamait sa phase d’approche de l’aéroport international de Commune ville-libre, capitale des Communes-Unies du Grand Kah également connue sous le nom de Lac-Rouge, tous en bas s’afféraient aux derniers réglages et préparatifs de cette rencontre pour le moins mémorable et historique.

Le micro de bord craqua…

« Chers voyageurs, ici Jeremiah, votre commandant de bord !

Nous arrivons à destination, je vous prierai donc à tous de bien vouloir regagner votre siège et de boucler votre ceinture jusqu’à l’arrêt complet de l’appareil.

Le temps à Lac-Rouge est maussade en dépit de températures plutôt clémentes et les prévisions météo annoncent des précipitations localement durant toute la journée.

Pour votre confort, le temps que les bagages en soute soient acheminés vers l’aérogare et que les navettes de bus affrétés par la compagnie emmènent tout le monde par petits groupes successifs, vous aurez évidemment la possibilité de rester abrité à bord.

Nonobstant, afin que tout se déroule pour le mieux, nous en appelons également à votre discipline afin que la sortie de l’appareil s’opère dans le calme et sans en encombrer les allées, rangée par rangée, en commençant par la première classe et en suivant les instructions de nos hôtesses et stewards qui restent bien entendu à votre service.

Au nom de tout le personnel naviguant et moi-même, merci d’avoir choisit Aumerine Airlines pour votre voyage. Nous vous souhaitons un excellent séjour au Kah. »


Quelques instants plus tard, la porte escamotable de l’avion s’entrouvrit et l’on put alors apercevoir les premières silhouettes se diriger lentement vers la sortie de l’appareil immobilisé sur le tarmac. Une charmante hôtesse de l’air, cheveux au vent et vêtue d’un petit tailleur rouge de la couleur de ses escarpins, apparut en premier à l’ouverture afin de guider gentiment ce petit monde vers la passerelle puis ce fut le tour du Ministre des Affaires étrangères aumérinois, l’honorable Anderson Boyd immédiatement suivit de sa suite diplomatique…

- Enchanté !
- Atterrissage parfait, ça l’est moins pour la météo en effet, mais nous ferons avec.
- Je vous remercie également pour l’accueil qui m’est réservé ainsi que pour votre sens de l’hospitalité !


Tandis qu’on lui apporta en guise de cadeau diplomatique ce qui semblait être un livre joliment enluminé. Il caressa du bout des doigts les reliefs des écrits, en examina soigneusement la couverture et l’intérieur du livre avant de murmurer quelques mots à peine audibles…

- De la démocratie en Aleucie et Paltoterra, édition 1850…

Il eut d’abord manifesté un blanc un court instant puis ses yeux s’écarquillèrent de bonheur…

- MERVEILLEUX !
- Tout à fait sublimissime, il viendra compléter ma bibliothèque qui compte déjà une sacrée collection de livres épais comme celui-ci.
- On peut dire que vous savez parler littérature vous !
- Je tiens à vous remercier encore une fois pour cette œuvre magnifique, vraiment, merci infiniment !
- Je crois qu’il est donc temps pour moi d’annoncer le cadeau également…


Il chercha du regard Olivia, sa secrétaire…

- Ah ! Olivia ! Voulez-vous bien très chère faire apporter le cadeau je vous prie ?
- Toute suite, Monsieur !
- Merci !


Celle-ci s’exécuta et le cadeau de la diplomatie aumérinoise à destination des autorités kahtanaise fit son apparition… Soigneusement dissimulé dans une petite mallette simili cuir noir tendue à bout de bras par un huissier… Olivia pressa simultanément les deux boutons poussoirs pour l’ouvrir…

*clic* *clic*

La partie supérieure de la mallette s’entrouvrit immédiatement et la jeune femme put en extraire l’œuvre d’art délicatement rangée dans son écrin de velours afin de la protéger durant le transport…

- Voici, Madame !
- Taillée dans l’ivoire de morse, cette scène d’inspiration inuit représente un musher et son attelage de chiens…
- En espérant que ce cadeau vous comble de bonheur.


lâcha le ministre aumérinois à son homologue kahtanaise...
L'écrin fut très délicatement attrapé par la citoyenne Actée Iccauhtli, qui sans en extraire le contenu en apprécia l'aspect, ses formes, finitions, ainsi sans doute que son poids symbolique. Il n'y avait pas d'inuits ou de peuple comparable au sein de l'Union. Durant la grande période du colonialisme, plusieurs groupes et partis des premiers peuples avaient bien fait appel à l'aide de l'union, mais aucune de ces collaborations n'avait donnée naissance à une commune. Pour l'Union, le traitement fait aux autochtones aleuciens par les différents peuples eurysiens était une source latente de tristesse, comme un genre de constat d'échec : la Révolution n'avait pas su protéger ses frères et sœurs du nord. Ils avaient été exploités, expropriés, acculturés. Un kah-tanais ayant décidé de faire du mauvais esprit aurait pour comprendre le cadeau aumerinois comme une forme de provocation : un pays colonial qui, représenté par sa population colonisatrice, offrait une œuvre d'art d’inspiration autochtone.

Bien entendu l'occasion ne s'y prêtait pas, et plus généralement ni Actée, ni ses pairs, n'avaient décidés de faire du mauvais esprit. Au contraire. La citoyenne sourit enfin, et acquiesça pour elle-même, soufflant entre ses dents. « Un très bel objet. » Elle fit brièvement passer l'écrin à Maxwell Bob, qui acquiesça, puis au citoyen de Rivera, qui sembla réfléchir, puis le fit délicatement passer à un membre de l'escorte kah-tanaise.

« C'est très apprécié, monsieur l'ambassadeur.
Oui ! La finesse du travail offre vraiment des perspectives rares sur la culture dont il est originaire. Nous lui trouverons une place de choix dans les locaux du Commissariat. »

Elle lui sourit chaleureusement puis indiqua d'un geste au petit groupe qu'il allait être temps de se déplacer. Le trajet du hall jusqu'au parking fut assez rapide. On embarqua la délégation diplomatique dans des voitures électriques qui se mirent silencieusement en route, quittant l'aéroport en suivant une voie propre, large et bordée par un rail de tram. Elle courrait le long de l'imposant lac au centre duquel s'étendait la capitale kah-tanaise. Une ville moderne, dominée par les formes d'antiques temples pyramidaux et, plus loin, d'imposantes montagnes situées derrière l'autre rive. On pouvait voir quelques voiliers regagnant la rive à bonne vitesse, cherchant sans doute à profiter du vent mais à fuir la pluie qui s'annonçait.

Le convoi diplomatique s'engagea sur l'un des grands ponts qui reliait la ville à la terre ferme. Même si la route n'avait pas été bloquée pour l'occasion, la circulation restait fluide, sinon très faible pour une métropole de cette envergure. Actée, qui discourait de choses et d'autres, expliqua brièvement que la voiture n'était pas le mode de locomotion favoris des kah-tanais, indiquant se faisant les lignes de bus, le tram suspendu et les rails qui occupaient plus de la moitié de l'espace du pont. L'Union était principalement, sans que ça ne soit réellement surprenant, un pays de transport en commun. Ils étaient inclus dans l'urbanisme aux dépens de l'espace traditionnellement destiné aux voitures dans d'autres pays. Ce qui avait longtemps était une conception strictement idéologique de la part de l'Union était depuis entré dans sa culture, même si les récents rapports des scientifiques sur les effets de la pollution atmosphérique n'arrangeaient pas les choses. Les rues, largement piétonnes, semblaient témoigner d'une organisation relativement décentralisée de la vie urbaine, où chaque quartier était son propre petit centre. C'était assez littéralement le cas puisque les « Communes », entités administratives servant d'atome élémentaire à la construction kah-tanaise, étaient des entités politiques propres et indépendantes à un certain degrés.

Sans doute parce qu'il fallait prouver aux Aumerinois que le Grand-Kah était une puissance développée et moderne, le convoi fit un rapide crochet hors des grands axes centraux de la capitale confédérale, à l'architecture riche et syncrétique rappelant les différentes cultures coloniales et celles des peuples originaires de la région – pour certains des quartiers les plus modernes de Lac-Rouge, pouvant rappeler une version moins capitaliste des plus belles métropoles nazumiennes ; Des structures propres et modernes, des rues larges couvertes d'une foule hétéroclites. Ici aussi de grands écrans ornaient certains buildings. Ceux-là ne diffusaient pas de publicité mais des bulletins d’information sur la météo, les dernières votations des communes, locales et générales, et insistaient beaucoup sur la sortie d'un prochain jeu vidéo qu'une large partie de la population semblait avoir financée. Actée sembla noter l'information avec un intérêt discret. Si tout était principalement écrit en syncrelangue, cette espèce de variation locale d'une créole aux origines multiples, des panneaux existaient aussi en français, japonais, et occasionnellement dans d'autres langues. Selon, expliqua-t-on, les autres langues majoritaires dans la commune.

Le convoi arriva enfin dans la Commune administrative spéciale d'Axis Mundis, qui avait de spéciale que l'armée ne pouvait pas s'y rendre sans un accord explicite du parlement général et que ce dernier, au même titre que la plupart des locaux historiques des commissariats, s'y trouvaient. Si Commune Ville-Libre était le centre urbain le plus important de la Confédération, Axis Mundis en était la capitale réele. Le centre de ses administrations. La tête d'épingle dans laquelle se rassemblaient tous les représentants et individus auxquelles les communes et leurs citoyens avaient délégué leur pouvoir.

Dans des périodes plus paranoïaques on avait décentralisé la position des commissariats, des assemblées, essayé de rendre impossible pour quiconque d'attaquer la capitale du Grand Kah, de détruire le principe même d'une capitale. Mais en temps de paix la praticité reprenait le pas : même du temps de l'informatique il restait plus simple pour les délégués, citoyens, représentants en mission, députés, commissaires et prêtres-juges de travailler ensemble s'ils pouvaient se voir quotidiennement.

Axis Mundis était principalement construire autour d'une place centrale, qui à l'époque pré-coloniale devait servir de centre à un quelconque empire local considérant le complexe pyramidal qui s'y étendait. A l'époque coloniale le daïmio dirigeant la province au nom du Tahoku y avait fait bâtir un palais. Désormais on y trouvait bien d'autres structures. Ce fut vers l'une de ces dernières que le convoi se rendit. Quelques instants et un court trajet d'ascenseur plus tard, l'ensemble de la délégation diplomatique et leurs hôtes étaient tous installés dans un confortable salon diplomatique du Commissariat aux Affaires Extérieures. La Chambre Hyper-structure, nom officiel du bâtiment où s'étendaient les locaux de la commission, était indéniablement moderne, mais c'était une pièce d'aspect beaucoup plus traditionnel qui accueilli la rencontre : mobilier en bois, décorations inspirées du lointain Nazum, fenêtres donnant sur un jardin puis le Parlement Général, au pied duquel semblait avoir lieu un genre de débat public entre différents groupes de kah-tanais. Les citoyens Actée Iccauhtli et Maxwell Bob s'installèrent à la table. Tandis que Maximus de Rivera proposait du thé aux aumerinois, la citoyenne se chargea des déclarations d'usage.

« Nous avons beaucoup de sujets à aborder ! Nos gouvernements n'ont pas vraiment entretenu de liens jusque-là donc si vous me permettez nous allons procéder de façon un peu flexible pour le moment : je vais vous exposer quelques sujets, vous pourrez ajouter ceux vous semblant appropriés, puis nous traiterons tout ça posément. Votre venu ici est une occasion historique pour nos pays et la région, je ne voudrais pas que nous nous précipitions quand il faut savourer l'instant. »

Elle eut un petit rire.

« J'espère bien qu'à la sortie de ces échanges l'Union ne sera plus dans la liste des pays auxquels votre ambassade déconseille de venir. Voyons voir. Il y avait déjà la question de la création de canaux diplomatiques dédiés entre nos deux gouvernements. L'envoie de délégations diplomatiques permanentes est du domaine du souhaitable. Ensuite il y a la question d'éventuels accords économiques : le Grand Kah est la porte du Paltoterra, et au même titre que nos coopératives ne produisent pas toutes les matières premières dont elles ont besoin pour fonctionner, leur production excède les besoins seuls de l'Union, sans parler des productions culturelles qui sont reproductibles à l'infini, des ressources dites de "luxe" qui trouvent toujours un public, et de tout ce que nous produisons ici et qu'on ne trouve pas ailleurs. Chocolat, caoutchouc, un certain nombre de plantes utiles dans les industries pharmaceutiques, de métaux lourds, de céréales endémique... En temps normal on vous aurait aussi parlé de l'imposant marché de la mode qui s'est développé depuis une petite dizaine d'année mais je m'oppose à toute forme de népotisme. »

Elle faisait référence à la citoyenne Rai Sukaretto, qui cumulait le statut de créatrice de mode à succès et de membre du Comité de Volonté Public. Actée s'interrompit le temps de remercier De Rivera, qui venait de lui servir une tasse de thé avant de s'installer à ses côtés. Il prit à son tour la parole.

« Nous désirons aussi confier une partie du réarmement de la flotte kah-tanaise à un partenaire fiable dont le matériel a déjà fait ses preuves. »

Il planta son regard dans celui du ministre. Il parlait avec un accent qui donnait un ton un peu sombre à sa voix, mais faisait de son mieux pour paraître aimable.

« Les pirates représentent un problème de plus en plus fréquent et mondialisé. Y compris en Aleucie. Nous nous proposions de prendre à notre charge la défense des voies commerciales empruntées par l'Union. Or tout porte à croire qu'elles s'étendront de façon conséquente jusqu'à votre continent, cher ami. Ce réarmement représente une opportunité de stabiliser et sécuriser ce qui est encore l'un des continents les plus apaisés de la planète, dont les puissances n'ont pas nécessairement besoin de développer un armement conséquent. »

Actée acquiesça vivement et conclut d'un ton plaisant.

« Ambassades, commerce, et réarmement naval. Je crois que ce sont nos trois sujets. Vous voulez peut-être commencer ? »
Ce fut là tout l’art (et les risques) d’offrir des cadeaux en diplomatie. Il fallut tout de même rappeler que les cadeaux offerts à un officiel aumérinois, bien que la valeur des cadeaux offerts par les aumérinois aux dirigeants étrangers soient un véritable secret bien gardé, appartenaient tous désormais au gouvernement aumérinois et devaient par conséquent être remis à des structures ad hoc, sauf si le récipiendaire décidait bien entendu de les racheter à leur juste valeur dans le cas où il développerait un attachement particulier pour l’un d’entre eux…

C’est pourquoi il incombait au service chargé du protocole d’effectuer les contrôles nécessaires sur les cadeaux reçus afin de s’assurer qu’ils ne puissent représenter aucun risque pour la sécurité, cela étant valable aussi bien sur un plan écologique, sanitaire ou autre, ainsi que les recherches nécessaires sur les intérêts des récipiendaires afin d’offrir des cadeaux qui mettent en valeur la culture aumérinoise et les produits fabriqués en Aumérine.

En offrant cet objet plutôt rare et insolite, le Reinaume d’Aumérine espérait ainsi pouvoir se racheter en quelque sorte une nouvelle conscience concernant le mal qui a été fait par les colons eurysiens à l’encontre des peuples autochtones d’Aleucie septentrionale durant plusieurs siècles en mettant justement la culture inuite devant celle de l’Aumérine… Cela n’avait donc rien d’hypocrite.

Ce délicat exercice des échanges de cadeaux diplomatiques maintenant terminé, Anderson Boyd pu répondre à l’invitation de son homologue à embarquer pour ce qui s’apparentait plutôt être une visite touristique de la capitale aux premières loges. Les monuments et les quartiers de la cité étaient tout à fait remarquables, même de jour. Car le spectacle devait être également plus grandiose encore de nuit.

- C’est magnifique !
- Je dois reconnaître que je me faisais moi aussi certains préjugés du Kah.
- Je le voyais assez terne et pauvre pour être franc.
- Et je prends là une sacrée claque, Madame !
- Bravo !


Le ministre aumérinois était sincère dans ses propos quant au Kah, pour autant, il lui préférait son Aumérine natale qui n’avait rien de comparable car nettement plus sauvage et les villes y étaient disons bien plus spacieuses et moins verticales. Saviez-vous que 40% du territoire aumérinois était encore sauvage ? Anderson Boyd n’aurait échangé ses montagnes, ses cascades d’eau cristalline et ses grands espaces verdoyants pour tout l’or du monde car il est de ceux qui apprécient surtout la simplicité et la tranquillité… Comme la plupart des aumérinois, Anderson Boyd avait une seconde résidence, un chalet isolé et situé près d’un lac de montagne où il aimait y passer du temps pour se ressourcer. Il va sans dire qu’il appréciait l’art et l’architecture kah-tanaise dans son ensemble, mais n’appréciait guère tout ce brouhaha ambiant et cette pollution visuelle occasionnée par ces écrans géants installés un peu partout et qui devaient sans doute fonctionner à toute heure de la journée et de la nuit…

Le convoi diplomatique s’immobilisa finalement aux pieds de cette hyper-structure destinée à accueillir la rencontre officielle. Il semblait y avoir une manifestation ou des kah-tanais se regroupaient juste là, dehors. Peut-être s’agissait-il simplement d’un forum ou quelque chose dans le genre, le ministre aumérinois n’y prêta guère plus d’attention car il était nettement plus intéressé par les goûts très raffinés utilisés pour les choix de la décoration intérieure des lieux…

- Je suis parfaitement d’accord avec vous !

Lâcha-t-il à son homologue alors qu’on lui proposait du thé au même moment… Se contentant seulement d’hocher la tête pour acquiescer afin de rester concentrer sur le discours de la kah-tanaise. Vint alors le moment où celle-ci aborda un sujet pointilleux tandis qu’il reposa sa tasse de thé devant lui afin de le laisser refroidir encore un instant…

- Vous m’en aviez parler dans votre dernière missive.
- Et j’ai également omis de vous répondre concernant ce point précis.
- Ce fut un acte tout à fait volontaire et je m’en excuse.
- Je voulais effectivement attendre de voir ce que donnerait cette rencontre.
- Ma foi, et pour tout vous dire, je suis pleinement satisfait de ce que j’ai pu voir jusqu’à présent.
- Cela dit, je pourrais tenter de vouloir me justifier en vous disant que cette liste n’était manifestement plus tenue à jour correctement depuis mai deux mille quatre, mais la réalité est que je n’ai donc pas d’excuse recevable pour ce fâcheux malentendu.
- Il va de soi que les modifications seront apportées dès mon retour à Aumérine, car je ne vois maintenant plus aucune raison de maintenir cette incohérence.
- Pour le reste, entendons-nous sur l’ouverture réciproque d’ambassades et de routes commerciales entre le Kah et l’Aumérine, ce qui implique d’ouvrir également nos différents marchés ainsi que nos infrastructures aéroportuaires et nos ports de commerce.


Anderson Boyd pensait avoir vu juste de jouer l’honnêteté sur ce sujet. Il pensait même avoir définitivement convaincu ses hôtes alors que l’un d’entre eux aborda maintenant un autre point de la rencontre… Le sujet du réarmement de la marine de guerre kah-tanaise. Ce sujet, à vrai dire, le ministre aumérinois l’attendait vivement. Était-ce peut être même là la véritable raison de sa présence au Kah… Toujours était-il qu’il saisit sa tasse de thé et qu’il la dégusta tout en buvant les paroles de monsieur De Rivera. Se payant même le luxe de s’enfoncer dans son fauteuil et de croiser les jambes en guise de totale décontraction, sa tasse de thé à la main et soufflant dessus de temps à autre avant de la porter à ses lèvres... Vint alors le moment où Anderson est invité à s’exprimer quant au sujet de l’armement…

- Ces problèmes d’actes de malveillance et de piraterie maritime qui se multiplient sont un véritable fléau, ce partout dans le monde je vous l’accorde, mais ils vont de paire avec le fait que peu de pays peuvent se targuer aujourd’hui d’avoir une puissance maritime disons simplement correcte pour permettre d’endiguer durablement le phénomène.
- Toutefois, si vous disposez d’une étude détaillée et approfondie des menaces exposées et des besoins spécifiques à mettre en œuvre, nous serions dans la capacité, et je m’en ferais ainsi une joie également, de vous fournir les équipements dont le Kah a besoin afin qu'il puisse retrouver calme et sérénité le long de ses côtes maritimes.
Le commentaire des délégués Aumerinois durant le trajet arracha un sourire amical à la citoyenne Kah-tanaise. Elle commença par réfléchir, puis acquiesça doucement.

« Si vous revenez un jour je vous montrerai les régions plus méridionales de l'Union. Certaines communautés ont gardé un train de vie plus simple. Sans être terne, mais vous savez peut-être comment est la vie rurale. »

Puis elle n'ajouta rien jusqu'au salon diplomatique et à sa petite présentation. Elle et les deux autres membres du Comité de Volonté Publique écoutèrent les réponses de leurs homologues étrangers. Si Actée et De Rivera ne laissaient rien paraître, l'une conservant un air aimable et l'autre sérieux, leur ainée, Maxwell Bob, ne cacha pas sa pleine et entière satisfaction. Le vieux bonhomme, avec son air de sympathique vétéran, était manifestement ravi de la tournure que prenaient les discussions. Le stress lié à l'incertitude, à l'hésitation quant à ce que pouvait donner la rencontre de deux mondes aussi différents que le Grand Kah et Aumérine, avait été évacué en quelques mots. Désormais on se parlait de partenaire potentiel à partenaire potentiel. Un ton que le Grand Kah n'avait pas encore trop eu l'occasion d'employer, coincé entre ses rivaux et ses « camarades », pas exactement des amis d'affaires, ceux-là. Ce fut Maxwell qui répondit en premier.

« Pas besoin de vous excuser. Le Grand Kah est ce qu'il est. Vous aviez bien raison de vouloir une première impression avant de nous donner la moindre réponse sur les sujets les plus sensibles. N'est-ce pas ? »

Actée acquiesça et repris d'un ton léger.

« En tout cas nous sommes ravis d'entendre que la liste sera mise à jour. » Elle inclina brièvement la tête, puis se redressa. « Et puisque vos ressortissants pourront désormais voyager au sein de l'Union sans craindre une quelconque instabilité il va de soi que nous feront tout le nécessaire pour leur faciliter la tâche. Les gens et les capitaux pourront entrer, oui. J'ai déjà fait l'inventaire de nos marchés, considérez dès maintenant qu'ils vous seront ouverts. J'ai déjà obtenu tous les accords de principes nécessaires, en prévision de cette rencontre. Les communes et les syndicats de dockers et d'aviation sont prêt à suivre les recommandations du commissariat à la planification : en d'autres termes les appareils Aumerinois et les biens qu'ils transportent profiteront de facilitations douanières et d'aménagements favorables au commerce. Quant à l'investissement il va de soit que nos commissariats se montreront très coopératifs. Tout cela sera sans doute bien mieux discuté par les commissariats de l'Union et les experts dédiés de votre gouvernement, en ce qui nous concerne tous les deux considérons que au moins que c'est fait. »

Elle se renfonça un peu dans son siège et bu une gorgée de thé avant de se saisir d'un petit ordinateur portable sur lequel elle commença doucement à pianoter tandis que le citoyen De Rivera enchainait.

« J'ai effectivement demandé au Commissariat à la Paix de produire un livre blanc à destination de la Convention Générale sur la menace effective que représente la piraterie. L'Union ne donne pas dans le racisme, vous le savez, mais nous ne pouvons nier que les principaux acteurs de la Piraterie viennent des régions nord de l'Eurysie. Nous ne parlons pas d'acteurs gouvernementaux, notre gouvernement ne souscrit pas à ce qu'il considère être, en substances, des théories du complot. Cependant l'Eurysie est une poudrière. La pauvreté et les systèmes autocratiques ou dysfonctionnels y sont endémiques, et c'est sur ce genre de terreau que se crée le grand banditisme. Là-bas il contrôle le marché avec l'aide d'acteurs privés, le système économique Eurysien semble s'adapter à la contrebande et à la piraterie dans un genre de symbiose réellement regrettable que nous craignons de voir se reproduire ailleurs, notamment via les ports Listoniens. Nous pensons aussi que la piraterie a pris ses marques en Damannie au profit de la guerre civile, et les récents troubles au sein du Yuhanaca prouvent que nos eaux ne sont elles-mêmes pas immunisées contre ce genre de criminalité. Là où il y a de la pauvreté, il y a de la piraterie. Là où il y a de la mauvaise gouvernance, il y a aussi de la piraterie. Et là où il n'y a pas de pauvreté, ou de mauvaise gouvernance, il y a tout de même un marché pouvant attirer la piraterie. Les incessantes guerres commerciales Listoniennes, auxquelles je faisais déjà référence, créent notamment un appel d'air pour les biens de contrebande.

Du reste si la Fédération d'Alguanera est en mesure d'agir de façon ciblée sur quelques zones, nous devons noter qu'elle vise, premièrement, la protection de ses propres routes commerciales et de son Détroit, dont dépend son économie, et de l'autre ne saura pas nécessairement faire face à une augmentation plus globalisée de la piraterie. Nous devons considérer que cet acteur n'a ni nécessairement les moyens, ni nécessairement l'ambition d'une protection plus généralisée, en dehors d'actions coup de point.

Cette situation est réellement préoccupante. Car quand on dit piraterie, on ne parle pas ici d'individus montés sur des zodiaques et armés de fusils datant du siècle précédent, mais de véritables consortiums occultes capables de mobiliser les fonds nécessaires à l'obtention de patrouilleurs, de corvettes et la Roue seule sait quoi d'autre, si nous laissons croitre.

Accessoirement, même si ce sujet n'est que contingent, il s'avère que ces syndicats criminels sont dotés d'une forte capacité d'adaptation les rendant très compatibles avec les milieux criminels préexistant à leur arrivée. C'est toute la raison de notre stratégie : c'est un mal hybride qui n'a pas de tête, mais qui dépend de la mer. S'ils touchent terre le mal est fait et la contagion se propage, pour utiliser un vocabulaire hygiéniste. Si, cependant, nous les interceptons avant, alors le membre s'assèche et meurt.
»

Il toussota et secoua la tête.

« Je demanderai à ce que l'on vous fournisse le Livre Blanc en question. A priori il ne devrait pas être nécessaire de le caviarder puisqu'il n'analyse pas la situation du point de vue de nos propres moyens et dispositifs, mais offre une vue d'ensemble. » Il lança un regard en coin à Actée, qui acquiesça doucement et pianota à nouveau sur son ordinateur, avant de joindre les mains sur la table et de se redresser pour fixer Anderson Boyd. De Rivera termina.

« Notre plan de réarmement est à la hauteur du défi, ce qui le rend par nature assez ambitieux. »

Il lista.

« 10 Patrouilleurs,
6 Corvettes,
5 Frégates,
1 Destroyer,

Pas de spécificités sur le niveau technique des appareils. Avec une priorité évidente sur les navires légers, considérant l'objectif ciblé.
»
La rencontre prenait tout à coup un virage serré vers l’établissement d’un tout nouveau contrat d’armement entre le Kah et l’Aumérine. En effet, il ne fallut à ce royaume d’Aleucie que cinq petites années pour percer dans ce domaine et se forger une réputation de marchand d’armes à travers le monde. Avec cette première commande ferme d’une vingtaine de navires, de toutes tailles, destinés à armer la flotte kah-tanaise, l’Aumérinois pensait détenir là en quelque sortes le contrat du siècle… A n’en pas douter, un tel contrat ferait pâlir ses principaux concurrents, notamment ceux du paltoterra… Ça en été presque trop beau pour être vrai se disait-il. Ainsi, le ministre aumérinois voulu obtenir quelques garanties supplémentaires quant à l’exclusivité de ce contrat et les modalités de son financement avant de lancer la production.

- Très bien !

Il décroisa les jambes puis revint près de la table basse où il posa la tasse de thé vidée de son contenu.

- Étant donné que le Kah et l’Aumérine disposent tous les deux d’un niveau de technologie tout à fait identique au moment où nous parlons, nous vous ferons ces navires au meilleur rapport qualité-prix en fonction des prix de l’actuel marché.
- Disons que nous vous « louons » simplement nos capacités industrielles, mais que nous souhaiterions mettre en place quelques garanties supplémentaires.
- Pour parvenir à produire l’intégralité de cette commande dans des délais raisonnables, nous estimons un délai de production à […]


Il se tourna vers sa secrétaire qui terminait de tapoter sur sa calculette avec ses doigts longs et fins avant de lui tendre un morceau de papier sur lequel était griffonnés quelques chiffres permettant de mettre tout ceci en relief…

- Quatre cents vingt-huit jours avec six unités de production tournant à pleine capacité.
- Et puisque je vous y vois y venir…
- Pour un coût total estimé et arrondi à cent quarante et un milliards de couronnes.
- Tenant compte d’un premier investissement à hauteur de cinq milliards de couronnes pour rendre opérationnelle une sixième unité de production et cinquante pourcents de remises appliqués sur différents critères retenus comme celui de l’achat groupé ou encore de l'achat en lot.
- Si vous voulez y jeter un œil, voici, Monsieur !

- Merci Olivia ! Ça ira, je vous fais entièrement confiance.


L’aumérinois repris alors la discussion avec son homologue kah-tanaise, plongeant ses yeux dans les siens.

- Concernant donc les garanties auxquelles je faisais allusion, nous souhaiterions avoir le paiement du premier tiers de cette somme avant le démarrage du chantier et la mise sur quille des premiers navires.
- Ce qui laisserait le temps pour vous de réunir cette somme de votre côté et le temps pour nous de terminer les constructions en cours de notre côté afin de ne pas trop pénaliser la marine aumérinoise par la mise en retard de ses commandes en propres, tout en offrant les gages nécessaires de vos capacités à réunir des fonds assez conséquents.
- Ceci pour nous assurer également de l’exclusivité de ce contrat et être certain de ne pas se retrouver in fine avec des navires qui seraient invendus faute de fonds ou parce que l’armée kah-tanaise aurait changé de fournisseurs dans le courant de l’année qui sera nécessaire pour arriver aux termes de ce vaste chantier.
- En espérant que vous vous montriez compréhensif à ce sujet.
- Sachez par ailleurs que nous faisons d'ordinaire cinquante pourcents sur nos produits avec nos alliés.
- Disons que cela pourrait se traduire ici avec la promesse que vous m'ayez faite de contribuer à la protection d'une partie des routes commerciales allant vers jusque l'Aumérine.
- Voici mon offre ! Il est peu probable que la concurrence en ait de meilleure à vous faire. Celle-ci est à prendre ou à laisser.
- Je reste également ouvert à toute autre proposition de votre part.


Olivia a écrit :
Calculs des délais requis à la production des navires kah-tanais :
+92 jours pour 10 patrouilleurs lvl 4 en (5x2) + 1 corvette lvl 2 lancée sur la 6e ligne
+84 jours pour les 5 corvettes lvl 2 restantes en (5x1)
Ce qui laissera le temps de débloquer le destroyer (110 jours)
+126 jours pour 5 frégates lvl 2 en (5x1) +1 destroyer lvl 1 lancé sur la 6e ligne (160-126=34 jrs sup.)

Soit un total de 428 jours de production avec 6 lignes disponibles
Entre temps, les frégates seront mises à niveau vers un standard avancé.

Estimations des coûts totaux avec remises :
Patrouilleur (lvl 4) : 7,6 milliards de couronnes /unité
Corvette (lvl 2) : 14 milliards de couronnes /unité
Frégates (lvl 2) : 21 milliards de couronnes /unité
Destroyer (lvl 1) : 26,6 milliards de couronnes /unité

Soit un coût brut de 76+84+105+26,6=291,6 milliards de couronnes pour un total de 22 unités

Nonobstant une avance de 5 milliards (pour investissement) afin de rendre une 6e unité de production pleinement opérationnelle.
Un total de -50% appliqué selon les critères suivants :
  • Achats groupés au même endroit, choix d’un seul et unique constructeur (ici Aumérine) et achats en "gros". (-25%)
  • Geste commercial, valant pour accord de défense, contre la promesse kah-tanaise de mettre à contribution ces navires pour la protection d'une partie des routes maritimes aumérinoises. (-25%)

Soit un coût final de 140,8 milliards de couronnes (arrondi à 141)


Note HRP: 1 milliard de couronnes correspondant ici à un point du PIB sur la base de 3000 points de développement. 141 milliards de couronnes font donc concrètement 423 000 points.
Le Citoyen de Rivera marqua un temps d'arrêt. Il s'était levé, durant l'explication de son interlocuteur, et avait tranquillement traversé la pièce pour lancer un regard vaguement curieux au forum populaire, à l'autre bout du jardin. Il resta là, attentif, puis pivota vers le ministre, lançant un bref regard à ses deux pairs encore attablés. Actée acquiesça et referma l'écran de son ordinateur : l'offre Aumerinoise était plus généreuse que ne l'avaient prévus les kah-tanais en se basant sur les prix disponibles dans leur catalogue d'armement. De Rivera pris la parole.

« À quoi bon faire une contre-proposition, monsieur Boyd ? Je crois que vos termes seront les plus généreux qui nous seront jamais proposés en la matière. »

Il retourna vers la table.

« Nous pouvons signer ici et maintenant un document attestant de l'engagement de l'Union à respecter ces garanties. Nous ne changeront pas de fournisseur, et vous recevrez le premier tiers du paiement dans des délais rapides.  »

Ce fut Actée qui conclue. Elle ne cachait pas sa satisfaction.

« L'avance vous sera envoyée sous peu. La Convention générale peut se montrer un peu lente sur certains sujets, mais nous avions déjà pré-validés une enveloppe avant de vous faire venir. » Et en lavant sa tasse. « Monsieur Boyd, nous avons un accord. »

Puis elle la vida, et se leva, suivie des deux autres citoyens.

« Nous allons passer aux signatures et à une déclaration commune attestant de la normalisation des relations diplomatiques et l'engagement du Grand Kah à faire appel à vos services concernant le réarmement de sa flotte. Puis si cela vous convient, et si vous n'aviez pas prévu de repartir sitôt ces échanges terminés, je me proposais de vous faire visiter Lac-Rouge... »
- En poussant même davantage la simulation, je suis en mesure d'apporter plus de précisions quant à ce vaste chantier... ajouta Olivia.
- Allez-y ma chère Olivia, nous vous écoutons ! lui répondit presque spontanément le ministre aumérinois.
- Ainsi, pour toutes les raisons évoquées précédemment et parce que la technologie concernée ne serait pas disponible avant cette date, le chantier serait programmé pour démarrer dans la deuxième quinzaine du mois de janvier.
- L'affinage de mes estimations en matière de coûts financiers à la charge du Grand Kah s'élèverait donc maintenant à cent-quarante-huit milliards de couronnes aumérinoises.
- Votre flotte, ultra moderne, disposerait alors des meilleures options disponibles sur le marché actuel et pour son époque.
- Un peu onéreux à l'acquisition il est vrai, mais vous en obtiendrez comme principal bénéfice de permettre une longue vie à ces navires avant d'envisager leur remplacement.
- En prime, et en guise de remerciement pour cette commande effectuée auprès de nos prestataires, nous pouvons également vous faire le don de deux de nos corvettes déclassées.
- Ce qui vous fera gagner, certes deux navires obsolètes, mais deux navires supplémentaires tout de même afin de surveiller vos littoraux.

- Ce chantier prendrait finalement moins de temps qu'initialement annoncé, les unités de production étant pour cela mises à contribution de la manière la plus optimale.
- Si tant est que nous parvenions à obtenir une sixième unité pouvant tourner à pleine capacité, c'est pourquoi nous comptions sur ce premier investissement demandé.
- Quant aux modalités du financement de ce projet, celles-ci restent inchangées, un premier tiers de la somme totale est à verser avant de débuter les travaux et le reste pouvant s'échelonner aux grès des livraisons ou sur toute la durée de ce chantier de vaste ampleur dont la fin est prévue dans un an environ.
- Gardez simplement à l'esprit que nous fixons la date butoir du trente-et-un décembre deux-mille sept pour finaliser cette commande.
- Les deux corvettes déclassées offertes par mon gouvernement vous serons livrées une fois que nous aurons bien entendu perçu l’intégralité de la somme prévue.
- Si tout cela vous convient, nous pouvons effectivement apposer notre signature sur ce contrat. Une belle affaire en somme, tant pour vous que pour nous !


Olivia a écrit :

Calcul du coût de revient pour cette commande de 22 navires :
Patrouilleurs lvl 4 (x10) = 76,6 milliards de couronnes
Corvettes lvl 3 (x6) = 88 milliards de couronnes
Frégates lvl 2 (x5) = 105 milliards de couronnes
Destroyer lvl 1 (x1) = 26,6 milliards de couronnes

Soit un total de 296,2 milliards de couronnes (arrondi à 296)
Auquel s'applique 50% de réduction et avantages de toutes natures, ce qui nous fait donc un coût final estimé à 148 milliards de couronnes.

Calcul du délai requis pour la finalisation de cette commande :
92 jours (46x2) de chantier et 5 unités de production seront requis pour les patrouilleurs, notez qu'une corvette devrait sortir de la 6e unité aux termes de 88 jours de chantier ;
88 jours (88x1) de chantier et 5 unités de production pour 5 des corvettes, notez qu'un destroyer devrait sortir de la 6e unité aux termes de 160 jours de chantier ;
126 jours (126x1) et 5 unités de production seront requis pour la mise en chantier des frégates.

Soit un délai total de 306 jours afin de finaliser cette commande concernant 22 navires de surface. Estimation de la livraison du dernier navire prévue courant novembre 2007.

Note HRP: 1 milliard de couronnes correspondant ici à un point du PIB sur la base de 3000 points de développement. 148 milliards de couronnes font donc concrètement 444 000 points.
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