10/08/2013
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A la dérive : Pharois - Lutharovie

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Mainio, fumant au hublot. Image de presse @Citoyenne Mirja

En posant le pied de nouveau à Merengrad, le Capitaine Mainio eut le sentiment que quelque chose avait changé. Quelque chose dans l’atmosphère peut-être, une tension électrique avec des arrière-goûts de victoire. Le Capitaine aimait les situations tendues, celles qui stimulaient son imagination et son esprit d’initiative. Celle-ci en faisait partie.

L’élection de la frange la plus conservatrice à la tête du Parti Communiste de Lutharovie avait rebattue les cartes de la géopolitique en Eurysie du nord. Le Parti Communiste Pharois avait misé sur un cheval et celui-ci avait été renvoyé à l’écurie sitôt la course commencée. C’était un message fort envoyée par les cadres de la Lutharovie, un message anti-pharois, bien sûr, mais Mainio y trouvait son compte.
Si quelqu’un en doutait encore, il venait sans se salir les mains de faire la démonstration qu’en termes de diplomatie extérieur, il restait incontournable. Charge à lui à présent d’étouffer l’incendie qui couvait et de remporter la mise, car si des troubles se déclaraient sérieusement à Merengrad, on ne pourrait en reporter la faute sur le PCP.

Débarqué sur les quais, accompagné de sa petite équipe diplomatique, le bedonnant ministre prit le temps de saluer quelques représentants locaux, Pharois et Lutharoviens, venus se plaindre ou exprimer leurs craintes quant à l’avenir de la ville et la pression que faisait peser sur elle le camarade Vorpenko. C’était une épine dans le pied de tout le monde ça. Merengrad était le fleuron de la diplomatie pharoise, une ville bâtie à partir de rien et dans une des dictatures les plus fermées du monde. La démonstration de la puissance politique et diplomatique de la nation pirate.
Si Merengrad était fébrile, c’était le Syndikaali qui tremblait, un peu.

Il allait falloir négocier finement pour ne pas laisser les choses dégénérer, et comprendre exactement ce que Vorpenko avait en tête à présent. C’était la base de toute bonne diplomatie après tout : comprendre ce dont l’autre a besoin, et le lui offrir sur un plateau d’argent.

Au loin, entouré de ses soldats, le nouveau président de la Lutharovie attendait. Mainio le salua d’un geste de la main et s’engouffrant cérémonieusement au-devant de Vorpenko il donnait à voir l’image débonnaire d’un sympathique bonhomme qui retrouverait un vieil ami.

Mainio : « Camarade Vorpenko, c’est un honneur de vous rencontrer en chair et en os. »

Il rit grassement, ses bajoues s’agitent comme des branchies quand son visage remue.

Mainio : « Et un plaisir de vous féliciter en personne pour votre accession au pouvoir ! La Lutharovie a toujours su faire preuve d’un goût exquis en termes de dirigeants et seriez vous à moitié aussi brillant que monsieur Goslov que ce serait déjà un grand bonheur de traiter avec vous ! »

Puis plus bas.

Mainio : « Au demeurant vous avez réussi à vexer quelques ‘amis’ à moi et pour cela vous m’êtes éminemment sympathique. »
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Merengrad

Entouré de soldats habillés de beaux uniformes arborant les symboles du communisme, Vorpenko attendait patiemment le Capitaine Mainio au même endroit que son prédécesseur Pavel Gosslov, une année auparavant.
Il le salua chaleureusement et sourit aux déclarations de son interlocuteur qui lui semblait jusque-là plein de joie et de bonne humeur. Mais rapidement, le visage de Vorpenko se décomposa. Il prit alors un ton plus grave, bien qu'il souriait encore de temps en temps aux photographes venus immortaliser cette rencontre.
Il répondit alors au Capitaine Mainio d'un ton tout aussi bas :

- Je m'excuse si j'ai blessé quelques-uns de vos amis, mais je n'aime pas ces gens qui réagissent directement et qui ont des aprioris à mon sujet qui sont totalement faux. Les gens réagissent négativement à mon arrivée au pouvoir alors que je viens tout juste de poser mes valises au Kremlin de Gyugograd sans avoir fait quoi que ce soit ! Enfin bref, passons, j'ai prévu d'aller dans un endroit bien particulier pour notre rencontre. Nous devrions y aller sans plus tarder, ainsi nous pourrons discuter plus sereinement.

Un soldat ouvrit la portière de la voiture présidentielle pour y faire entrer le Capitaine Mainio. Vorpenko le rejoignit ensuite. Les deux hommes ne se dirent pas un mot durant le trajet. Le véhicule passa d'abord au milieu d'une foule brandissant bouquets de fleurs rouges et drapeaux rouges, Lutharoviens et Pharois. Une fois la foule passée, c'est une ville prospère et grouillante qui apparut sous les yeux des deux hommes politiques. De grandes usines fumantes apparaissaient au loin tandis que des trains et des camions de marchandises sillonnaient la ville. Des banderoles promouvant le communisme étaient accrochés dans de nombreuses rues et des drapeaux rouges pendaient sur quelques balcons.

La voiture s'approchait de plus en plus du centre-ville où se dressaient quelques tours en béton sinistres et monochromes. C'est dans une de ces tours que le Capitaine Mainio et Alexeï Vorpenko devaient s'entretenir.
Une fois le dernier étage atteint, le Capitaine Mainio et le Camarade Vorpenko se trouvaient dans une salle possédant de très beaux tableaux à la gloire du communisme et une grande baie vitrée offrant aux deux hommes politiques une vue tout bonnement magnifique de la ville. On voyait au loin une gigantesque fresque représentant Gyugo Gosslov, un peu plus loin une grande statue d'un marteau et d'une faucille, croisés, dominant l'avenue principale de Merengrad. Mais par-dessus tout, on voyait une gigantesque fonderie qui surplombait une bonne partie de la ville.
Vorpenko s'adressa alors au Capitaine Mainio :

- Impressionnant, vous ne trouvez pas ? J'espère que ça vous plaît. Installez-vous, je vous en prie. Faites comme chez-vous.

Il laissa un court instant de silence avant de reprendre :

- Bon. Et bien, je pense que vous savez plus ou moins les idées que j'ai derrière la tête. Et
selon votre gouvernement j'imagine, cela pose un problème pour cette ville, ainsi qu'aux relations - jusqu'ici cordiales - entre nos deux pays... n'est-ce pas ? Peut-être voulez-vous une explication plus claire de mes idéaux ?

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Aux côtés du président Lutharovien, Mainio afficha sa moue la plus joviale.

Mainio : « Oh vous n’avez blessé que quelques égos susceptibles. Mes camarades du Parti Communiste Pharois s’imaginent que parce qu’ils possèdent trois sièges dans notre gouvernement le monde est devenu leur terrain de jeu. Je suis heureux de voir que la Lutharovie a su doucher leurs espoirs en écartant les intrigues de monsieur Zakharov. »

Puis il suivit docilement le président. Derrière lui, deux Pharois servaient d’escorte, restant à distance toutefois pour préserver le secret des négociations.

A travers la vitre de la voiture, Merengrad défilait sous leurs yeux, industrieuse, bruissant d’activités et d’intrigues. Une ville bétonnée, construite en peu de temps mais avec une efficacité redoutable. Ils s’arrêtèrent face à une tour qui ressemblait à toutes les autres et qui aurait pu aussi bien accueillir des bureaux, une salle des fêtes ou un guet-apens.
Rien de tout cela, seulement une fresque. Mainio était sensible à l’art mais celui-ci était un peu pompier. Le souvenir de Goslov, toutefois, le fit sourire.

Mainio : « C’est un bel hommage, monsieur Vorpenko. J’imagine que vous l’avez montré à l’intéressé ? »

Avec plaisir, il prit place dans les fauteuils prévus à cet effet.

Mainio : « En effet monsieur Vorpenko, si je me réjouis que mes amis du PCP aient été déboutés dans leurs plans, vous savez que Merengrad est un peu ma création, modeste, bien sûr, mais tout de même. Je serai bien gêné si son statut qui a fait sa postérité devait être raboté voire remis en question. Mais je ne présupposerai pas de cela. Je vous écoute avec attention, monsieur Vorpenko. »
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Vorpenko, assit confortablement dans son fauteuil, laissa Mainio sans réponse pendant un bon moment. Il semblait chercher ses mots. Après quelques secondes, Vorpenko répondit enfin à son interlocuteur :

- Je vais être transparent avec vous, monsieur Mainio. J'émets des doutes quant à la coopération Lutharo-Pharoise à Merengrad. Je respecte tout à fait le Camarade Pavel Gosslov, mais je ne pense pas qu'accorder une "zone économique exclusive" au Pharois Syndikaali à Merengrad soit profitable pour la Lutharovie. Merengrad, autrefois une petite bourgade peu industrialisée, est devenue le symbole de l'amitié Lutharo-Pharoise, mais Merengrad est surtout devenue un avant-goût du capitalisme pour la population Lutharovienne. Et je ne pense pas que cela soit bénéfique pour la Lutharovie, qui est communiste depuis le début du vingtième siècle. Nos pères, nos grands-pères se sont battus pour l'égalité, pour l'émancipation du prolétariat, et voir le capitalisme revenir en Lutharovie détruit tous ces espoirs d'établir le communisme dans notre pays. Tout cela est encouragé par la Merenelävät, une entreprise douteuse, qui semble désormais contrôler la vie économique de la ville. La Lutharovie ne semble plus posséder Merengrad.

Vorpenko prit une inspiration, prit le temps de préparer ses mots, puis continua.

- C'est pour cela, cher Capitaine Mainio, que je souhaite déloger une bonne fois pour toute la Merenelävät de cette ville, et son droit d'exploiter les eaux aux alentours de celle-ci.
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