Cela est illustré par un dicton très courant qu'on assène au premier qui dit s'être perdu : « Le lion restera le ventre vide s'il ignore où se trouve les gazelles ». Il s'agit de la version polie. Quand on est un peu plus méprisant, c'est la version suivante qu'on emploie : « Tu as de la bouse d'hippopotame sur le visage ! » Comprendre : « À force de se perdre, tu vas te retrouver au derrière d'un hippopotame en train de marquer son territoire sans s'en rendre compte et vu la bête, faut pas être bien malin.»
Il est l'heure de la leçon de géographie et Monsieur Bantou, le maître d'école, sort d'un placard une carte aux couleurs encore vives mais qui servit à éduquer bien des générations de petits garçons. Il l'accroche au-dessus du tableau.
Il les laisse regarder quelques instants puis commence :
« Alors les enfants, qu'est-ce que vous voyez ? »
Les mains restent désespéramment baissées et les regards fuient dans toutes les directions possibles sauf la sienne. Il désigne donc un volontaire.
« Bin, il y a différentes couleurs pour les différentes altitudes.
- Que disent ces couleurs ?
- Il y a une couleur pour chaque altitude. C'est bizarre m'sieur, c'est quoi moins de zéro en rouge, là ?
- Ça veut dire qu'une partie de notre pays est sous le niveau de la mer. Si on creusait un grand canal depuis la mer, elle viendrait envahir cette zone. Souvenez-vous bien de cet endroit, on en parlera dans notre prochaine leçon. Une autre couleur qui vous interpelle ?
- Pourquoi il y a du marron foncé qu'à gauche, monsieur ? Demanda un autre écolier.
- Parce que ce sont les montagnes qui sont à l'Ouest de notre pays. Qui connaît le nom de cette chaîne de montagne ?
- Moi, je sais ! Moi ! C'est la chaîne des Mortels ! Pourquoi qui ya ce nom, Monsieur Bantou, dîtes ?
- C'est parce qu'il est très difficile de franchir ces montagnes et que beaucoup de gens y perdaient la vie. Savez-vous où se terminent ces montagnes ? »
Le maître décida de ne pas prolonger le silence qui s'était soudainement abattu sur ses pupilles et donna la réponse :
« Elles se poursuivent jusqu'au Banairah, tout au nord de la péninsule. Vous vous souvenez de l'autre jour quand je vous ai dit que la planète était recouverte de plaques qui se déplaçaient les uns par rapport aux autres ? La péninsule du Basmeti où nous sommes - oui, Liafan, je devine ta question, le Basmeti était un tout petit pays au nord de la péninsule, on ne sait pas pourquoi on a nommé cette péninsule comme ça – est une plaque comme ça. Il y a plusieurs millions d'années, notre péninsule s'est détachée d'un autre continent et les mouvements tectoniques l'ont déplacée petit à petit, quelques centimètres par an, jusqu'au reste de l'Afarée. Comme il est toujours poussé, il s'enfonce dans l'Afarée et créée la chaîne de montagnes des Mortels.
- M'sieur ? On va mourir alors ? Notre terre va disparaître ?
- Non Yasey, tout ça se fait très lentement. Nos fils, les fils de nos fils et leurs fils jusqu'à au moins cent générations vivront sans voir de changements majeurs. »
La sonnerie les interrompit.
« Allez, tout le monde dehors ! On continuera plus tard. »