07/06/2013
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When Faith Endures

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L'Ordre, pour vous servir.

Si les ombres t'encerclent, si elles fondent sur toi
Si ton espoir chavire, si ta raison décroît
Saches-toi protégé, l'Equilibre viendra
Et parmi les ténèbres, l'Ordre te sauvera

Ps 222, Livre Sacré de l'Ordre des Boucliers

Ruines d'Abbaye, nord du Subaru.

Alors que le monde se dégrade, que les valeurs tombent et que le passé s'effrite, de valeureux servants de la foi défendent l'Humanité des attaques de l'au-delà.
Au chevet des pauvres et des infortunés, les descendants des évangélisateurs coloniaux ont conservé de leurs lointains ancêtres un idéal bien plus pur que celui d'une époque sombre digne de ceux que combattaient les soldats de la foi. Persécutés par les uns, admirés par les autres, ces chevaliers exorcistes risquent leur vie à protéger les montagnes tahokaises des pires démons jaillissant des entrailles de la terre.

Croyez-les ou non, voici leurs histoires.

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Temple Sacré des Âmes Vigiles, évêché de Tanak, royaume de Subaru (terres vassales).

Temple Sacré des Âmes Vigiles

Juillet 2008, Saint-Evêché de Tanak.

Me voici fin arrivé. Qu'il est bon de se reposer après des jours de voyage dans la montagne avec ma compagnie d'ordonnance. Le trajet pour le pèlerinage de Tanak depuis Tazuko, notre propre village de croyants, est particulièrement difficile à emprunter : la région n'est qu'une succession de pics et vallées transversales hors de portée du novice. Ici les chemins sont à peine tracés, du moins lorsqu'ils existent. Les éboulements sont courants, et les corps retrouvés d'une année sur l'autre, si ce n'est plus longtemps, à se demander comment les rares passants, pourtant si expérimentés, aient pu se faire piéger. J'ai trouvé hier un crâne brisé sous les pierres. Il devait dater d'au moins vingt ans de ce que j'ai pu en juger. Qui était-il ? Quelle traîtrise de la terre mère l'a emporté au Purgatoire ? A moins que cela soit un de ces esprits malveillants cachés dans les tréfonds de la roche des montagnes, attendant patiemment son tour pour emporter avec lui d'innocentes âmes. Des accidents évitables ? Ou la volonté sournoise de contrevenir à la sainte mission de notre ordre ? Je ne sais pas ce qui est le plus insurmontable. Construire des voies sûres en milieu hostile et sous la surveillance éventuelle du département de répression des dérives, ou se défendre des esprits malveillants omniprésents ? L'administration impériale n'a pas été aperçue depuis longtemps dans la région, mais qui sait ? Après tout, aux dernières nouvelles (elles ont eu le temps de défraichir malheureusement), l'empereur souhaitait l'extension de son domaine. C'est un véritable problème pour notre communauté, si l'empereur prend le contrôle absolu sur ces terres, il risque de vouloir nous effacer une fois pour toutes ! Nous ne sommes pas si différents spirituellement les uns des autres après tout, mais imaginez le tonnerre médiatique ! "Après des siècles de persécution, l'Empereur parvient à effacer l'odieuse trace occidentalisante que représentaient les derniers descendants des colons". De quoi renforcer sa légitimité au trône...

Mais il y a plus urgent en l'attente. Le concile a convoqué l'ensemble des représentants du clergé pour parler d'un sujet de la plus haute importance : il semblerait que le nord du Subaru abrite une manifestation démoniaque de grande ampleur et qui pourrait menacer la région dans un avenir proche. Le concile n'a pas souhaité en dire plus et nous a pressé de rejoindre le Temple Sacré aussi vite que possible. Les représentants se regroupent, il est temps de les rejoindre.

Dieu nous garde, que les esprits du ciel nous guident.


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Messe générale au Temple des Âmes

Plus tard dans la journée.

Me voici de nouveau à l'extérieur du Saint Temple. On le voit culminer sur la petite colline au centre du domaine alors que le soleil se couche derrière son toit en pagode. A y regarder attentivement, le Saint Temple semble relativement récent : l'Eglise catholique spirite de Tanak a reçu des fonds récemment m'a-t-on confié. De qui, c'est un mystère...le haut clergé local est seul responsable des affaires pécunières du lieu sacré, et malgré leur bienveillance ses membres préfèrent rester évasifs de peur de donner de l'information à de potentiels agents infiltrés. Au Subaru comme dans le reste du Tahoku, les groupes religieux comme athées sont souvent emportées dans des cabales dont nous ne comprenons jamais vraiment véritablement la portée. Pour l'instant, le clergé peut compter sur la bénédiction de plusieurs vassaux locaux qui comptent sur nos services pour protéger leurs terres des pandémies et mauvaises récoltes. Il arrive que les villages voisins nous appellent pour demander l'aide des esprits et repousser les spectres malveillants emportant leurs enfants à la naissance. Pauvres créatures...

La cérémonie a duré moins longtemps que d'habitude. De toute évidence, l'affaire est urgente. Après une séance de méditation, le Pape tanakais a pris la parole devant son pupitre, avec derrière lui plusieurs de ses conseillers medium. Je me souviens encore de ses paroles :
"Frères et soeurs, humbles chevaliers de dieu, bénis serviteurs de la foi. L'heure est grave, a-t-il déclaré. Deux séances spirites au Temple ont dévoilé l'existence d'une faille entre le monde des vivants et le monde des enfers. Oui, une porte vers les enfers s'est ouverte, les esprits sont formels. La faille se trouverait au nord du pays et correspondrait à ce que les voyageurs appellent le gouffre. Nous en avons accueilli il y a plusieurs semaines sans savoir quoi penser de leur propos. En effet, ils décrivaient des créatures inconnus en ce monde et manifestement hostiles. Maintenant que nous avons enfin attesté de la véracité de leurs propos, nous appelons de toute urgence à la constitution d'une cohorte de prêtres-exorcistes pour enquêter sur les lieux et les pacifier au plus vite."

La nouvelle était terrible, mais personne ne semblait véritablement choqué. Sur les visages, simplement l'expression d'une horreur sans nom. Un gouffre vers les enfers ? Les medium étaient-ils certains ? Il existait bien d'autres portes des enfers, des endroits connus pour leur malfaisance, mais qui étaient mis hors d'état de nuire depuis des années avec de simples symboles sacrés. Ici l'affaire semblait bien plus sérieuse.
Mais peu importe le vrai ou le faux, il fallait en avoir le coeur net. L'exorcisme fait partie de ce que les enfants apprennent lors de leur passage dans le monde des adultes après tout, alors j'étais prêt pour la mission.

Alors je m'y suis proposé.
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La vallée semble se taire. Un train passe dans le silence et le brouillard.

Quelque part au nord du Subaru, après quelques jours de marche.

importe le nombre de fois que l'on arpente ces terres, le temps semble indéfini. Les jours de marche succèdent aux jours de marche sans que l'on y trouve le début de la fin d'un voyage. Ici, le voyage semble durer éternellement, et rester sur place serait bien plus angoissant que de continuer à se mouvoir, et ce bien que chaque pas peut vous coûter la vie. On raconte qu'au-delà de l'océan, des royaumes aux terres plates et fertiles n'ont que faire de telles considérations : on s'y déplace avec aise et sans même y penser. Certes, il y a là-bas aussi d'épaisses forêts, mais elles ont souvent été réduites à peau de chagrin pour y cultiver la terre, un outrage absolument intolérable aux esprits de la forêt. Comment espérer avoir un pays stable lorsque l'on détruit ceux qui le maintiennent vivant ? Oui, ça fait moins de place pour les céréales et les animaux, mais si l'on se retrouve sans récolte et sans eau plusieurs fois l'année à cause d'un déséquilibre des Forces Vitales, ça ne vaut pas le coup. La déforestation marchait un moment, mais une fois qu'on avait utilisé la richesse initiale du sol, on revenait aux fertilisations difficiles et rébarbatives, ou pire, on se fourvoyait dans la chimie de synthèse. Les plus lettrés le savent pertinemment, c'est la porte vers les Enfers, Carnavale en était la preuve : des années d'utilisation de produits sortis d'alambics hérétiques, et le sol devenait poussière et apportait la mort et la misère partout où celle-ci s'insinuait. De toute manière, les montagnes tahokaises ne laissent pas beaucoup de place aux paysans, alors les rizières telles qu'elles sont restent plus que satisfaisantes pour nourrir la population. Et puis entre les plaines fertiles du Kaneshiro et les collines verdoyantes du Demura, la famine reste loin des esprits, tant que les récoltes sont bonnes toutefois.
Nous passons sous un pont de voie ferrée : étrange. Je nous croyais plus avancé que ça sur le chemin. Peut-être un nouvel édifice, ou un col peu emprunté ? Le train comme l'ouvrage ne semblent pas dater d'hier, même si le métal semble relativement propre. Au vu de l'entretien plus que correct de l'installation, en tout cas pour cette région reculée, la cargaison doit être importante. Il s'agit probablement d'un train en direction des ports du nord du royaume, ou en direction des carrières de fer. Après tout, il n'y a pas beaucoup de liaisons ferroviaires au Tahoku, ce sont des installations coûteuses à construire et à entretenir et qui nécessitent des prédispositions géographiques qui n'existent pas dans les cols étroits et tortueux du centre des chaînes montagneuses tahokaises. A moins de construire de grands ponts tous les quelques centaines de mètres ou au mieux tous les quelques kilomètres, il était difficile d'imaginer mieux dans une forêt si épaisse. Elle avait été dégarnie par des siècles d'exploitation côtière des bois millénaires par les colons, mais toute la partie hors plaines, autrement dit l'immense majorité de la forêt, était restée intacte. Remarque, en suivant le creux des vallées, on pouvait arriver à quelque-chose, mais là aussi il faudrait arracher, endiguer et interdire l'accès aux animaux. Une vraie galère et un pêché contre la terre-mère, pour un résultat somme toute peu utile. On se débrouillait sans chemin de fer depuis bien longtemps, et ça n'allait pas s'arrêter comme ça du jour au lendemain, bien au contraire. A vrai dire, c'est plus le train qui n'a pas sa place ici que l'inverse, une véritable irruption illogique au milieu d'un paysage laissé intact par les siècles d'occupation humaine. Au milieu du brouillard épais, la carcasse de métal se tient, menaçante, prédatant le paysage alentour. C'en est perturbant : ces véhicules ne font pas partie du quotidien du citoyen lambda, celui des terres vierges comme dirait un explorateur eurysien n'y comprenant rien à l'équilibre d'un pays. C'en est à croire qu'ils pensent tous qu'un bon paysage est un paysage défiguré. Perturbant, effrayant même. Quelle drôle de civilisations que celles-ci.
Peu importe. Il vaut mieux se concentrer sur la marche. Mon équipement me pèse sur mes épaules, ce poids supplémentaire n'est jamais agréable et je sais très bien qu'il peut me distraire. Un pas de travers et c'est la chute, ce serait trop bête de finir ainsi. Cette partie du chemin est plus présentable que le reste, mais tout de même : on ne sait jamais vraiment sur quoi on met les pieds, alors mieux vaut rester prudent. Garder ses forces, aussi, il faut garder ses forces. Le plus éprouvant est à venir, lorsque l'on sera arrivé au gouffre, on saura enfin à quoi on a affaire, et cela risque de ne pas nous plaire. Et quelle que soit la nature de ce gouffre, le danger qu'il représente doit bien être réel, sinon, pourquoi nous aurait-on appelé ? Mieux valait se préparer au pire, le sabre d'exorciste n'était pas là pour faire joli.
Parfois, le crucifix ne suffisait pas à faire s'éloigner les démons.

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Le plus grand gouffre est celui dont on ne veut pas reconnaître l'existence.

Le sens-tu ?
Le sens-tu, ce souffle froid qui étouffe ton thorax ?
Ce souffre froid qui te tend les épaules et te raidit la nuque ?
Oui.
C'est moi.
Je suis venu. Tu le savais et tu n'as pas bougé d'un pouce.
Et maintenant tu es acculé.
Tu coures à ta perte, tu le sais ?
Rappelle-toi.
Réveille-toi.

Bon Dieu, réveille-toi !
Jiro !
Jiro !
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