Première vague de cadets pour la base militaire de Porto Mundo
Pour la cérémonie, chaque corps d'armée arbore les armes spécifiques à son domaine d'action.
Le masque à gaz en fait partie pour certaines unités spécialisées.Ce n’était pas une mince affaire, tant les problèmes de retard sur le chantier de la base militaire de Porto Mundo faisaient craindre le pire, mais la cérémonie de passage des cadets de marine s’est déroulé avec succès, en présence du Doyen Makku et du ministre de la Défense territoriale, le Citoyen Sakari. Un baptême du feu pour le jeune ministre qui, deux ans plus tôt, se trouvait lui-même dans les rangs des cadets où il achevait ses deux années de service militaire obligatoire. Une situation amusante que n'a pas manqué de souligner rapidement le ministre dans son discours.
C’est un passage obligé pour les Pharois, à l’âge de dix-huit ans, ces derniers doivent quitter le foyer pour embarquer sur les navires écoles pour un voyage d’un an autour du monde. Voyage suivi d’une seconde année de professionnalisation, à terre cette-fois, dans les divers métiers de la marine. Une façon pour le Syndikaali de compenser des effectifs militaires numériquement relativement faibles comparés à certaines autres armées professionnelles du monde. Si on sait d’expérience que le Pharois peut compter sur la mobilisation de capitaines indépendants lorsque la mer est agitée, c’est en partie grâce à sa tradition de service militaire obligatoire que sa capacité de mobilisation s’en trouve accrue. Une tradition qui n’épargne d’ailleurs pas les diasporas pharoises : à moins que celles-ci aient choisi de renoncer à leur nationalité, les enfants nés à l’étranger n’échappent pas au devoir de conscription et sont appelés à se rendre au Syndikaali – parfois pour la première fois – pour y recevoir la formation aux armes et à la navigation.
C’est l’occasion pour les diasporas pharoises de se rencontrer et de nouer des liens. Dans un pays où une part conséquente de la population n’a cessé d’émigrer depuis plusieurs siècles, les communautés pharoises, dont la nationalité se transmet par le sol et par le sang, font montre d’un éclatement assez exceptionnel à travers le globe. A noter toutefois que le Syndikaali n’insiste guère si ses jeunes veulent se soustraire au service militaire, comprenant que des descendants de diasporas ayant coupé les ponts avec leur pays d’origine depuis plusieurs générations ne souhaitent sans doute pas couper dans leur vie pour deux années de service. Néanmoins, celui-ci est nécessaire pour un certain nombre de documents administratifs, dont la très précieuse licence de navigation dont tout officier de bord doit disposer s’il souhaite travailler sur un navire de la marine – y compris marchande.
La cérémonie joyeuse, quoique emprunte de mélancolie, où le Doyen Makku insista comme toujours pour réciter de la poésie devant les cadets, puis d’enchaîner sur une retrospective des deux années, un discours du ministre Sakari, puis des officiers en charge de la base militaire. Tout ça a duré trois longues heures jusqu’à ce que l’Amirale Iines ne conclue la journée sur un coup de carabine tiré en l’air. Comment souvent, le Syndikaali se passe de cérémonieux, l’important est ailleurs, et principalement dans la traditionnelle fête qui s’en suit la promotion des cadets. L’occasion de se « venger » des officiers-instructeurs qui ne se sont pas toujours montré très coulant pendant la formation. Le Capitaine Kaarle a ainsi fini jeté dans la mer aux alentours de 23h.
Banquet, chansons et tirs de feux d’artifices auront réuni plus de cinquante-mille nouvelles recrues qui réintégreront dès demain la société civile pharoise, après avoir rangé leurs affaires. Il s’agit certainement de la plus grande fournée de réservistes qu’ait formé le Syndikaali depuis très longtemps. Cela a été permis grâce aux travaux réalisés sur la base de Porto Mundo – travaux toujours pas terminés soit dit en passant, comme l’ont rapporté plusieurs cadets. Mais au-delà de la joie des cadets, ces chiffres sont, s’il en fallait encore, la preuve de la militarisation générale du monde, y compris de pays comme le Syndikaali où l’armée nationale n’a jamais véritablement été un élément culturel et politique central.
Reste que ce sont cinquante-mille jeunes gens que le Syndikaali s’apprête à relâcher à travers le globe, comme autant de petites vagues venant éroder distances et frontières entre les Pharois et le reste du monde. A raison de cent milles nouveaux réservistes par an, le pays pourrait bien, en quelques années, devenir la nation dont la plus grande part de la population est formée aux armes. Rien de bien surprenant pour le Syndikaali qui a toujours compté sur la société civile pour épauler ses forces militaires, mais depuis quelques années le gouvernement semble avoir pris le parti d’organiser un peu mieux tout cela. De là à penser que la société se disciplinera un peu, il y encore un faussé que nous ne prendrons pas la responsabilité de franchir.
Soulagement pour les familles, en tout cas, qui seront heureuses de retrouver fils et filles après deux longues années d’absence – entrecoupées de permissions, évidemment – à Porto Mundo. Ces-dernières ont d’ailleurs été conviées à la cérémonie, mais pour respecter la tradition, ne se sont pas jointes à la fête nocturne, dernier moment de camaraderie pour les cadets, avant d’être éparpillés tous azimuts. Une autre petite spécificité de cette promotion : elle est la première à se voir proposer, pour le retour, la prise en charge de billets d’avions pour des vols intérieurs et internationaux. Signe que le pays s’est définitivement tourné vers l’aviation civile ? En tout cas le gouvernement semble donner son approbation pour ces nouveaux moyens de transport, tranchant avec la tradition maritime pharoise. Il faut aussi dire que dans le lots des cadets, plusieurs centaines d’entre eux ont choisi de se spécialiser dans l’armée de l’air, formations ouvertes seulement depuis 2007.
Plus traditionnel mais particulièrement prisé est le cursus de sous-mariniers, une formation que, le gouvernement l'espère, pourrait créer des vocations dans le secteur civil où plusieurs projets d'exploration et d'exploitation des fonds marins ont déjà été mis sur le tapis. Cela concerne également le corps du génie, toujours demandeurs en architectes, techniciens et ingénieurs pour poursuivre la modernisation et le développement des infrastructures du pays. Plus que jamais, le Syndikaali opère sa mue et se transforme à vive-allure, requérant une main d’œuvre disposée à se plonger dans les arcanes de la science. Au-delà de l'aspect strictement militaire des formations proposées par la marine aux cadets, l'objectif est surtout de créer des vocations en donnant à voir le potentiel des secteurs en tension pour le gouvernement. Une manière, pour le Syndikaali, d'orienter un peu son économie, sans contrevenir aux grands tabous d'une société ultra-libertaire, et fière de l'être.