06/06/2013
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[EXTRAIT d'ETUDE] Rapport d'enquête : pourquoi la tentation d’indépendance au Kodeda pose problèmes ?

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Ce document fut produit à la demande des services secrets et mobilisé par ces-derniers au Kodeda, dans un contexte de monté des tensions indépendantistes dans la province. Il est extrait d'une réflexion plus large sur le mouvement décolonial au XXIème siècle.

Rapport d’enquête : pourquoi la tentation d’indépendance au Kodeda pose problèmes ?
Ancrage régional, sphères économiques & politiques et avènement d'un nouvel impérialisme.

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Retour sur les conclusions des recherches albienne sur le décolonialisme

C’est un rapport rendu public par la très prestigieuse Albigärk Yleisyliopisto, l'université générale d'Albigärk qui fait du bruit dans le petit monde calfeutré des diplomates et des militaires. Fruit de l’association des travaux en anthropologie, sciences politiques et en économie, le rapport fournit une synthèse assez détaillée des conditions nécessaires à la décolonisation dans le monde, en 2009, en s’appuyant systématiquement sur des cas concrets. Pourquoi Fortuna n’est-elle pas sujette aux troubles et revendications décoloniales ? Quelles sont les spécificités du néo-colonialisme kah-tanais ? Quand la colonie dépasse la métropole, quelles relations entre la République de Makt et celle du Lofoten ? Et surtout, pourquoi et comment plusieurs provinces listoniennes ont déclarées leur indépendance au cours des trois dernières années ?

Dans les cas pratiques détaillés dans l’étude, plus d’une cinquantaine de pages sont consacrées à la situation du Kodeda, comparée à celle de sa voisine du sud, le Shibh Jazirat Alriyh. Plusieurs éléments de réponse semblent se dégager pour expliquer l’escalade de tensions internes à la province que l’on a pu observer ces dernières années. Si les questions culturelles sont évidement abordées, en bons matérialistes c’est avant tout celles des structures, économiques et sociales, qui prime. Tâchant de dresser un tableau, sinon exhaustif, au moins éclairant sur les spécificités entourant la décolonisation de la région, les études albiennes proposent plusieurs pistes d’analyses à prendre en compte.

Nous proposerons ici une synthèse du point 3.2, qu’il nous a paru utile de vulgariser à destination du grand public, car particulièrement pertinent au regard de la montée en tension régionale : la géographie.

C’est en effet une spécificité de la province du Kodeda par rapport à la plupart des autres colonies listoniennes : il suffit de regarder un planisphère pour réaliser que la province se trouve dans une situation d’isolement géographique, politique et économique. Qu’on ne s’y trompe par, les déformations de la carte tendent à représenter le nord et le sud plus grand qu’ils ne le sont. Située au niveau des tropiques, la province du Kodeda est non seulement plus vaste qu’on ne le pense, mais également plus isolée. A titre d’exemple, les régions kah-tanaises du nord se situent à environ 400km de distance, les colonies Shuharri à plus de 800km et les îles fortunéennes de l’ouest à plus de 1 700km. Pour mieux nous le représenter, il s’agit peu ou prou de la distance séparant le Syndikaali de l’Empire Karpok, soit toute la route du nord. C’est dire si cette petite province est au milieu de rien.

Or cette composante est loin d’être négligeable, pour deux raisons. La première, la plus évidente, est l’extrême dépendance du Kodeda à la métropole listonienne. Celle-ci ayant longtemps imposé un protectionnisme économique au reste du monde, y compris par le biais de ses provinces coloniales, l’intégration des-dits territoires à une sphère économique locale a été retardée et n’a pu en vérité se faire qu’au moment du relâchement de l’Empire, en 2006. C’est, comme expliqué dans le point 1.8, l’un des facteurs décisifs du processus de décolonisation listonienne : les provinces d’outre-mer n’étant pas autonomes économiquement car intégrées au sein d’un unique espace commercial en déclin, lorsque la métropole a coupé les vivres du jour au lendemain, les territoires se sont naturellement tournés vers leurs voisins. La bride impériale relâchée, il était temps de rattraper le temps perdu, les nouveaux partenaires économiques locaux prenant littéralement la place de la métropole à quelques détails près.

C’est par exemple le cas de la République Hafenoise, intégrée dans l’espace économique Saint-Marquois, ou de Porto Mundo, qui est devenu un port-libre du Syndikaali soit une intégration juridique à la sphère économique pharoise.
Le cas du Pontarbello est plus complexe, étant issu d’un coup d’état militaire armé, il n’a pas pu construire son indépendance en collaboration et négociation avec les puissances régionales, ce qui explique sans doute qu’ayant fait l’objet d’un conflit entre kah-tanais et alguarenos, la province se soit au bout du compte inféodée à ces derniers.

L’observation de ces cas pratiques nous indiquent plusieurs choses : premièrement, l’intégration politique et économique au sein d’une sphère d’influence locale est nécessaire à tout mouvement indépendantiste.
Deuxièmement, cette intégration étant nécessaire, elle doit faire l’objet de négociation et d’un processus d’adaptation. Toute intégration forcée ne peut se solder que sur la vassalisation de la province qui se fera littéralement écraser par le poids économique et culturel des pays de la sphère qu’il intègre.

Qu’en est-il à présent du Kodeda ?

Au regard des principes énoncés plus haut, il apparaît que toute volonté indépendantiste au Kodeda fasse face à une difficulté fondamentale : l’absence de sphère économique naturelle. Dans une proportion différente, le cas s’était également présenté au Pontarbello qui, lui, n’était pas isolé, mais faisait face à deux sphères concurrentes l’une à l’autre, débouchant sur un conflit armé.
Au Kodeda, l’équation est un peu plus compliquée puisque des sphères d’influence naturelles ne semblent pas s’être prononcée en faveur d’une intégration de la province (la Sérénissime de Fortuna et l’Organisation étatique de l'Union des terres australes de Shuharri n’ont – pour le moment – pas tenté d’intervenir sur place). La seule puissance économique régionale sur laquelle le Kodeda puisse véritablement s’appuyer est en vérité le Grand Kah, dont la proximité territoriale et le poids politique en font un allié logique pour le mouvement indépendantiste.

Pourquoi assiste-t-on donc à une montée des tensions ?

Deux facteurs doivent être pris en compte. Tout d’abord, de toutes les colonies listoniennes, le Kodeda est celle qui se trouve la plus proche de la métropole. Moins de 3000km séparent Listonia de sa colonie ce qui, outre fournir un intérêt stratégique évident pour la logistique militaire, fait également que le Kodeda peut être considéré comme une tête de pont impériale vers les routes du sud. A ce titre, malgré la diminution de la puissance listonienne entre 2006 et 2007, la réintégration du Kodeda à la sphère économique impériale est la plus naturelle, là où remettre en place des routes commerciales à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de distance est assurément une gageure.
On peut donc assez logiquement considérer le Kodeda comme un « coup d’essai » pour l’Empire, qui tente de réaffirmer son autorité localement. Ecraser le mouvement indépendantiste au Kodeda serait une démonstration de force adressé à l’égard de ses autres provinces. A l’inverse, si la Listonie venait à échouer à protéger la province la plus proche de son territoire, le message envoyé au reste de ses possessions coloniales serait assurément désastreux : pourquoi rester intégré à l’Empire si celui-ci n’est en aucune mesure capable de préserver son autorité ? Autant négocier une indépendance rapide avec les pays voisins, avant que ces-derniers ne décident de l’arracher par la force.

Le second facteur est assurément le plus polémique, il s’agit d’une tentative d’extension de leur légitimité régionale par des acteurs qui n’ont, à première vue, pas grand-chose à faire dans la région.

Outre les traités signés par le Syndikaali, mais ce dernier ne semble pas avoir particulièrement soutenu ou appuyé le mouvement décolonial local – sans quoi on aurait sans doute vu un peu plus de pirates et d’anarchistes dans la région – c’est l’intervention de deux nouveaux camps qui doit nous alerter quant aux suites que pourraient donner un conflit au Kodeda.

Internationalisation du conflit, portrait d'acteurs illégitimes :

La premier, et nous y passerons rapidement, est l’Althlaj. Cette dernière multiplie depuis quelques temps les articles, déclarations et gestes en faveur d’une désescalade au Kodeda, condamnant d’une main les mouvement séparatistes armés, et de l’autre la gestion impériale de la crise. Il faut dire que l’Althalj est dans une situation complexe puisqu’elle se retrouve elle-même aux prises avec une province indépendantiste juste sous ses frontières : Shibh Jazirat Alriyh. S’il est évident que, comme pour la République Hafenoise ou Porto Mundo, l’Althalj souhaite pousser à l’indépendance – ou à l’autonomie – une province afin de l’intégrer naturelle à sa sphère économique d’influence, sa position est plus trouble concernant le Kodeda qu’elle n’appelle pas explicitement au soulèvement.
Il est frappant que de ce point de vue, l’Althalj semble s’aligner sur la ligne de crète pharoise – qui se fait assez discret sur ses déclarations au Kodeda – en soutenant les processus d’indépendances si et seulement si ceux-ci se font non seulement de manière pacifique, mais également en pour rejoindre des sphères économiques plus naturelles que celle de l’Empire. En d’autres termes : prenez votre liberté, mais sans heurts, et à condition de vous intégrer à des nations plus importantes capables de vous protéger et de subvenir à vos besoins.
On peut y voir une approche politique organique de la décolonisation. Chaque territoire serait voué à appartenir à une région, avec ses enjeux, ses pratiques, ses puissances, et la colonisation et l’impérialisme des eurysiens auraient artificiellement bouleversé ces équilibres régionaux harmonieux. L’harmonie est par ailleurs un élément de langage récurent des interventions althaljirs.

Le second camp qui semble se dessiner est celui, plus surprenant, de la République du Varanya qui soutient – des preuves ont été apportées depuis – avec l’aide de mercenaires mandrarikans, un coup militaire nationaliste au profit d’un clan local.

Si nous mettons de côté l’hypothétique passion altruiste du Varanya pour le décolonialisme, il est plus probable d’interpréter ses actions en termes de pan-nationalisme afaréen, ou nord-afaréen. En effet, difficile de voir comment le Kodeda pourrait s’intégrer intelligemment aux sphères politiques et économiques de l’Afarée de l’est, dont elle est isolée par de longs détours coûteux. A vrai dire, le Kodeda est plus proche des eurysiens, et sans doute même des paltoterrains, que des afaréens de l’est.
En apparence, donc, l’intervention des varanyiens n’a aucun sens et semble même dangereux, au vu de l’instabilité que traverse le pays, quelques années seulement au sortir d’une guerre civile l’ayant laissé exsangue, de déployer une force militaire à plus de 8000km de distance, à travers un continent entier.

Une première hypothèse pour expliquer ce paradoxe est, comme indiqué ci-dessus, l’émergence d’un mouvement pan-afaréen du nord, marqué par le début de l’interventionnisme du Varanya dans la région. Ce serait alors un changement de doctrine assez surprenant pour cette jeune république, somme toute globalement mineure en termes de poids politique et économique. De plus, un mouvement pan-afaréen du nord ne pourrait sérieusement s’envisager sans l’aval du puissant voisin banairais, ainsi que de celui de la Cémétie, un acteur incontournable de la région, positionné à cheval entre l’est et l’ouest. Enfin, et c’est sans doute le plus évident, la sphère économique « organique » du Varanya se trouve être la mer Blême et, dans une moindre mesure, l’océan des perles. Le territoire varanyien est situé de manière stratégique sur la corne est de l’Afaréen ce qui en fait, avec Jadida, un hub économique assez naturel pour les acteurs de la région. Toutes ces observations semblent indiquer que des motivations morales ou idéologiques dans le soutien aux indépendantistes armés du Kodeda est une illusion.

Une seconde hypothèse, considérée plus sérieusement, a été la vénalité des mercenaires. Pas besoin de longs discours pour intervenir à l’autre bout du monde, si cet autre bout du monde aligne les billets de banque. Une question alors subsiste : qui dans le monde a suffisamment de fonds pour se payer une armée privée étrangère ? Soit le clan Saadin dispose d’une manne économique et financière tout à fait considérable, en décalage totale avec le PIB réel du Kodeda, ce qui implique – au mieux – des activités de corruption et – au pire – d’une préparation séditieuse de longue date vis-à-vis de l’Empire. Soit, le clan Saadin, et c’est plus probable, reçoit lui-même des financements étrangers.
Pays étrangers, clan Saadin, mercenaires est-afaréens formeraient alors le « second camp » sans légitimité régionale, les deux derniers maillons de la chaîne n’étant en définitive que des pièces rapportées aux mains d’acteurs étrangers.

Si le rapport se garde bien de désigner un coupable, il souligne toutefois que le Grand Kah et l’Althalj ont tous deux dénoncés l’influence de l’Alguarena dans la montée des tensions et l’embauche de mercenaires étrangers au Kodeda. Si l’action de la Sérénissime de Fortuna n’est pas complétement à exclure, en raison de sa proximité géographique avec le Kodeda, la doctrine militaire de ces deux puissances diffèrent justement par leur tendance à l’impérialisme, rendant l’idée que Fortuna tente une opération militaire armée sur place peu probable.

Quel que soit le pays financeur, il est de toute façon éloigné de la région.

Cette observation amène à deux analyses importantes :

La première est qu’on peut se demander une chose assez simple : si le Kodeda venait à prendre son indépendance, soutenu par un pays-tiers, comment ce-dernier serait-il en mesure de faire survivre économiquement la province, désormais isolée des routes commerciales listoniennes et en froid avec ses voisins immédiats : Grand-Kah et Althaljir ? Il faudrait immédiatement négocier de nouveaux accords régionaux, ce qui rendrait extrêmement complexe l'avenir politique du pouvoir indépendantiste mis en place.
A bien des égards, le mouvement indépendantiste du Kodeda semble donc une construction parfaitement artificielle, un épiphénomène violent basé sur une mystification nationaliste et hors de toute rationalité politique et économique. L’histoire semble l’avoir démontré, pour le Kodeda, il n’y a désormais que trois chemins possibles : rester dans l’Empire, s’intégrer à une sphère économique régionale, ou mourir.

Conclusion :

La seconde, et ce sera notre conclusion, est qu’une tendance à l’impérialisme armé se dessine depuis quelques années dans le monde. Que ce-dernier soit lié à la démocratisation des moyens de projection militaire, notamment par le développement de la marine, est incontestable. Mais on constate également un changement de mentalité quant à l’influence que chaque pays est en droit d’exercer sur une région. Si jusque-là, faute de mondialisation, des sphères culturelles, économiques et politiques distinctes se dessinaient et cohabitaient assez paisiblement, chacun réglant ses affaires dans son coin avec ses voisins, que ce soit par la diplomatie ou la force, depuis quelques années des pays se permettent désormais d’intervenir à l’autre bout du monde, sans aucune autre justification que leur capacité militaire et financière à le faire. L’inauguration de cette nouvelle aire aura été, a posteriori, l’intervention militaire de l’ONC au Prodnov, au mépris de tout ancrage ou légitimité régionale.
C'est un changement de paradigme qui doit inquiéter toutes les nations attachées à leur indépendance. Un petit nombre de puissance, adhérentes à l’ONC, semble en effet s’arroger de plus en plus ouvertement le droit de s’imposer par la force dans les affaires de pays avec lesquelles elles n’ont a priori que des liens très artificiels, cela au nom de leur doctrine militaire ou de leur idéologie économique.

L’étude conclue ce point en appelant les états-majors à considérer ce bouleversement paradigmatique et réajuster leur stratégie militaire au regard des enjeux modernes qui se dessinent pour les années à venir.
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