23/06/2013
13:38:48
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Rencontre diplomatique Grand-Kah/Loduarie, Lyonnars

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Il était tôt. On était le 20 juillet 2009, une nouvelle journée historique pour la Loduarie. Le Kah était de retour en Loduarie, et pas pour une guerre cette fois çi.
Lorenzo se souvenait bien de cette époque. Environ 20 000 volontaires Kah-Tanais avaient rejoint les rangs de la Révolution Loduarienne, et de nombreux d'entre eux avaient participé
à la bataille de Dolinne, la plus grande bataille que la Loduarie avait vécu pendant la guerre civile. La victoire avait été difficile, et avait occasionné la mort de nombreux soldats de la révolution, dont pas moins de 7 000 Kah-Tanais, mais elle avait causé bien plus de morts du côté adverse, le côté fasciste. Et le plus important, c'est après cette bataille, plus rien n'a empêcher la Loduarie de remporter la victoire face aux fascistes.

Ils étaient donc de retour en Loduarie. Les Kah-Tanais, socialistes modérés, communalistes forts, comme les voyait Lorenzo. Il fallait dire que le Kah était assez flou à définir, mais il savait que les peuples n'avaient pas besoin d'une définition toute faite. Les peuples reprenaient les idées qui allaient dans leur sens et en accord avec leurs besoins, et les affinaient avec ça. Et quand on abrutit pas une population à coup de "société de consommation capitaliste" on voyait directement l'idéologie qui en ressortait.

Lorenzo regarda la piste de l'aéroport. Les Kah-Tanais allaient bientôt arriver, et deux avions de chasse ainsi que 3 hélicoptères étaient préparés à les escorter selon leur moyen d'arrivée. Il attendit.
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Portrait Actée - Aquilon.

La discussion qui animait la cabine de l’avion affrété pour transporter les officiels kah-tanais jusqu’en Eurysie était de celles, particulièrement vives, que l’on pouvait s’attendre à voir lorsque l’on forçait deux individus hautement intelligent et hautement impliqués dans les affaires nationales communales à passer plus d’un certain temps ensemble. On avait d’abord évacué les politesses puis les discussions badines, culturelles, d’actualité, stratégique. Les citoyens Aquilon Mayhuasca et Actée Iccauhtli étaient pires que des vieux amis : ils étaient des vieux compagnons de route politique. Fut un temps, qui passait maintenant pour lointain, ils incarnaient le fer de lance de ce qu’on appelait alors les « chiens fous », les jeunes radicaux qui n’avaient pas connu la période précédant la Junte, et tiraient nécessairement des conclusions politiques bien différentes de celles de leurs aînés. Pour le reste, et bien qu’ils aient été intégrés au Comité de Volonté Public à ce titre, ils ne partageaient au final pas beaucoup de positions, faisant miner de former un front quand bien même ils négociaient chaque projet et fonctionnaient sur la base de nombreux consensus et compromis.

Quand-bien même, s’ils ne partageaient pas le même programme et pas la même lecture du monde, ils avaient appris à se tolérer, puis à s’apprécier, et leurs discussions pouvaient durer des heures.

En l’état les deux attendaient patiemment qu’on leur indique pouvoir descendre de l’avion qui, après s’être vu entouré d’une escorte militaire, s’était posé sur la piste de l’aéroport de Lyonnars.

« Franchement la guerre m’emmerde, avouera finalement Actée avec un soupir. J’en ai marre de voir des armes dès que je regarde ce qui se passe ailleurs dans le monde.
– C’est une marque de politesse, chez eux. Et puis si le seul outil que vous avez est un marteau, tous les problèmes ressemblent à un clou. Y compris la diplomatie. »

Son camarade haussa un peu les épaules. Lui-même était préposé aux affaires militaires au sein de l’Union, et présent ici en cette qualité. Il fit de son mieux pour ne pas prendre la remarque à cœur. Après un petit temps, et parce qu’Actée n’avait pas offert d’autres réactions qu’un petit haussement d’épaules, il se permit d’insister, souriant comme s’il venait de repenser à quelque-chose de particulièrement cocasse.

« Et donc vous n’êtes jamais venu ici ?
 Non. Elle souriait à son tour, pour autant qu’Actée puisse vraiment sourire. Parler de ses voyages la mettait toujours de bonne humeur. J’ai fait l’impasse sur le Golfe lors de mes trajets Eurysiens. Je venais en tant qu’universitaire.
– Pourtant cette région regorge de pays francophones.
– Oui mais voyez-vous, elle secoua la tête : je n’écris pas sur les marteaux. Et se pinçant l'arrête du nez. Plus sérieusement je voulais passer, mais je n’ai pas eu l’occasion de le faire, puis j’ai été appelée au comité. Et... Ça vous fait rire ?

Il secoua d’abord la tête puis, se disant sans doute que lui faisant face elle voyait bien que si, acquiesça.

– C’est tellement rare ! Je dois être le premier qui vous accompagne dans un pays étranger et est le seul à y être déjà venu.
 Ah. Et elle haussa à nouveau les épaules, comme pour lui concéder quelque-chose. Oui. Bien vu. »

La situation avait effectivement de quoi faire sourire. La principale qualité d’Actée, aux yeux de certains, était son expérience assez impressionnante des pays étrangers, de leur culture et de leur langue. Elle se rendit aussi compte que certains – ses opposants – verraient la présence d’Aquilon, qui s'était rendu en Loduarie lors l’immédiate après-guerre, comme un genre de béquille visant à compenser ses lacunes sur la région. Ce n’était pas le cas. Elle estimait humblement briller au-delà de ses connaissances théoriques et pouvoir opérer en tant que représentant quelle que soit l’interlocuteur ou la situation.

Pour autant, elle comprenait parfaitement l'idée : elle aussi se salirait de la sorte si elle était une de ses adversaires politique. Tout de même, l'expérience du citoyen Aquilon n'était pas à négliger, d'eux deux il était le plus radical, le plus militariste et, en somme, le plus potentiellement loduarien dans l'âme.

« Et qu’avez-vous pensé de la Loduarie, la dernière fois ?
J’ai pensé... Il regarda la piste, par la fenêtre. On pouvait voir délégation qui attendait l’approche de l’avion. Quel gâchis.
– Vous dites ?

Elle cligna des yeux et suivit son regard, essayant de voir si quelque-chose dehors avait pu appeler à une telle réaction.

Sept mille morts, Actée. Je suis pour l’Armée de la Révolution, pas pour son cimetière !
 Hm. Elle pencha la tête sur le côté et le fixa d’un air interdit. Aquilon, mais c’est vous, ici, l’internationaliste. Le révolutionnaire.
 Et la Loduarie plus souvent un poids qu’autre-chose. De nous deux c'est vous la diplomate. Ne me dites pas que vous ne vous arrachez pas les cheveux sur leurs déclarations publiques !

Pas de réponse. Actée affichait présentement sa meilleure pokerface, acquise des années plus tôt lors de soirées étudiantes et toujours aussi efficace quand il s'agissait de jouer aux cartes ou d'éluder des questions gênantes. Aquilon continuait, il avait cet espèce de ton de tribun que, paradoxalement, il n'arrivait jamais ou presque à prendre lorsqu'il devait effectivement s'adresser à la tribune, comme si ce qu'il disait était moins une position personnelle qu'un fait observé, étudié et percé à jour.

Nous aurions dû intervenir entièrement, ou pas du tout. Laisser partir tous ces types mourir pour une demi-victoire... Si le Grand Kah avait une armée digne de ce nom, à l’époque, nous aurions pu intervenir fermement. Comme nous l’avons fait en Damanie. Et là-bas non-plus nous ne sommes pas allés au bout de la démarche, quand bien même c’était moins nécessaire.

Elle cligna des yeux, un peu interdite. Sentant qu’il risquait repartir si elle ne l’arrêtait pas, elle pencha la tête sur le côté et lui offrit un sourire neutre.

– Vous n’aimez pas la Loduarie communiste.

Et lui, d’un ton formel.

– Notre maladie infantile. Et car l’avion s’était enfin arrêté : Allez, ils vont nous attendre. »

Puis, lorsqu'il arriva au seuil de la porte, après avoir remercié l'équipage de l'appareil.

– Quand-même, trois hélicoptères et deux chasseurs. Il sourit. Je n'ai pas l'habitude des accueils triomphants.
– D’ailleurs ce n’était pas ceux qu’on leur a vendu ? Elle lui lança un regard en biais, trouvant toute la situation assez amusante.
– Ah ? Il sembla considérer l'hypothèse, puis la rejeter en bloc. Pas besoin de leur rappeler, oui ? »

Elle acquiesça tranquillement puis lui fit signe de descendre en premier, s'engageant à sa suite dans l'escalier d'embarquement


« Du haut de cette passerelle je suis heureux de voir une Loduarie nouvelle, reconstruite et forte », clama dignement Aquilon, tant pour la postérité que pour les caméras. Lors de son dernier passage, qui n'avait pas été sujet à tant d'attention, la région était effectivement plus proche du champ de ruine que du pays, même austère.

À ses côtés, la citoyenne Actée fit de son mieux pour présenter un visage avenant, c’est-à-dire ne donnant pas l’impression ou de s’ennuyer, ou de vouloir poignarder – et deux fois plutôt qu’une – l’assistance. Elle n’aimait pas sourire, à cause de sa peau un peu grêle, mais avait appris à être charmante sans le faire, à condition d’apprécier la façon détachée que les kah-tanais avaient de se comporter avec les étrangers ne composant pas leur cercle intime. Elle acquiesça et descendit les marches, hésitant avant de s’incliner – brièvement – devant le secrétaire général.

« Monsieur le secrétaire général, elle se redressa et lui tendit une main ferme. Un plaisir d’enfin vous rencontrer en personne. »
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Lorenzo vit le Furtivision passer au dessus de sa tête. Cela annoncait une chose : ils étaient là.

Préparez l'escorte, camarade , annonça-t-il en russe à un soldat juste derrière lui. Nous nous devons de garantir la sécurité du convoi diplomatique au maximum. Je vous rappelle que nous sommes en état de Dictature Militaire, camarade.

Le soldat aquescia, puis partit.

L'avion se posa.


Le crépitement des flashs illuminait les deux Kah-Tanais. Quelques caméras de télévisions filmaient, et visiblement le Camarade Aquilon Mayhuasca n'avait pas perdu son temps. Belle déclaration. On pourrait aisément la réutiliser pour la propagande future.

La camarade Actée se dirigea et s'inclina face à lui, tout en le saluant. Lorenzo lui rendit sa poignée de main ferme bien connue au sein du gouvernement Loduarien.

Camarade Actée. Ce plaisir est réciproque, soyez en sûre ! D'ailleurs, pas la peine de m'appeler Monsieur. Un camarade suffira, car après tout, malgré nos différences, n'est-ce pas ce que nous sommes ? Des camarades de lutte ?

Il salua également le camarade Aquilon.

Camarade Aquilon. Vous voici revenu en territoire Loduarien ! Les choses ont changé, depuis votre départ, et ce qui est sûr, c'est que le sacrifice de vos confrères sur nos champs de batailles n'ont pas étés vains. Il suffit de regarder l'aéroport pour ça ! Je me rappelle, à la fin de la guerre. Il était presque entièrement recouvert de cratères. Et regardez maintenant ! La révolution a su triompher grâce à l'aide de chacun de vos confrères qui sont venus ici, en Loduarie, et pour ça, le peuple Loduarien ne vous remerciera jamais assez.

Puis, il s'adressa au deux Kah-Tanais en même temps.

Bien, vous me suivez ? Nous devons discuter hors des caméras, tous les trois, maintenant.
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Actée pencha la tête sur le côté et estima la question posée par le premier secrétaire sous toutes les coutures, en considérants tous les tenants, tous les aboutissants, et après un bref instant, déterminant finalement la réponse la plus adaptée.

« C’est bien possible, premier secrétaire.
– Et c’est bien pour ça qu’il n’est pas utile de nous remercier. Les morts, les martyrs de la révolution, qu’ils soient loduariens ou volontaires étrangers, si c’était à refaire, ils le referaient, n’est-ce pas ? »

Puis il fit signe au premier secrétaire d’ouvrir la voie, les deux kah-tanais lui emboîtant le pas. Ce fut Actée qui repris la parole, d’un ton détaché.

« Alors, vous nous avez appâté ici en nous faisant miroiter la possibilité d’accords, au pluriel. Je suppose que c’est ce dont nous devons parler ? Il y a de nombreux dossiers à traiter après tout, et la Loduarie a le potentiel de devenir un acteur plus que central de la lutte contre les oligarchies. »

Aquilon acquiesça doucement.

« C’est vrai. Et vous l’avez peut-être deviné mais nos marchés vous sont plus que jamais ouverts : vous vendre des armes ce n’est jamais que transférer nos fusils dans les mains d’alliés ! »

Actée acquiesça, mais plus pour la forme que par conviction. Elle sourit tout de même au camarade Lorenzo.
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Assurément. La révolution prolétarienne est éternelle, camarade.

En effet. J'ai de nombreux contrats à vous faire signer, d'ordre économique et militaire. Mais parlons de tout cela ailleurs,loin des oreilles indiscrètes. Cela vaut mieux.

Il jeta un coup d'œil soucieux en direction des journalistes derrière, puis emmena les Kah-Tanais vers une assez grande voiture, les firent rentrer avant de rentrer lui même. La voiture démarra, escorté de 2 véhicules de combat d'infanterie.

Lorenzo sorti un carnet,le même qu'il avait sorti en compagnie des ministres Pharois lors de leur venue à Port-Lodin. Il nota quelques choses en russe, de manière à ce que les deux Kah-Tanais ne puissent pas lire ni comprendre.

  • Actée : camarade. A une très faible part de joie visible sur elle. Difficile à interpréter. Acquise au idéaux révolutionnaires.
  • Aquillon : camarade. Ancien combattant en Loduarie.
Note : ne pas oublier. Ce sont des Kah-Tanais. Ils sont très hostiles aux autoritaires.

Il ferma son carnet.

Direction : mon bureau ! Je pense que nous serons bien à cet endroit là pour discuter.

La voiture continua sa route, et finit par arriver au bureau du Secrétaire Général. Lorenzo sorti, les Kah-Tanais le suivant. Ils emprentèrent de nombreux couloirs et escaliers, rencontrant de nombreux soldats sur leur route, puis finirent par arriver dans la bureau. Lorenzo s'installa, et invita les Kah-Tanais à s'asseoir dans des sièges prévus pour eux.

Alors camarades ? Vous boirez bien quelque chose ?
Il sortit une bouteille de Vodka ainsi que d'eau.
Choissez, camarades !
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Aucun des deux kah-tanais ne fit la moindre remarque, mais chacun note, et interpréta à sa manière, le regard lancé par le dictateur aux représentants de la presse. Peut-être jugeaient-ils amusant, ou en fait tout à fait normal, que le chef d'un régime aussi dur exprime un genre de méfiance naturelle envers les représentants de la presse, si censurée puisse-t-elle être, là n'était pas le sujet. Ils suivirent Lorenzo sans faire de commentaires et entretinrent une discussion des plus badines durant le trajet, s'enquérant par politesse de la situation intérieure du pays, des travaux d'extension de la capitale, d'autres sujets du même ordre, inoffensifs et visant surtout à faire passer le temps.

Une fois dans le bureau, Actée se dirigea vers le siège qui lui était destiné. Aquilon, pour sa part, se dirigea plutôt vers la fenêtre d’où il jeta un rapide coup d’œil à la rue avant d’acquiescer. Sa camarade fixa son regard sur le premier secrétaire du parti communiste de Loduarie.

« Des véhicules blindés pour nous escorter, des soldats jusque dans les couloirs de votre office…

Elle haussa les épaules et pencha la tête sur le côté, souriant avec courtoisie.

– C'est que c’est pour notre sécurité ou c'est la norme, ici ? »

Puis elle indiqua la bouteille eau d’un geste.

« Merci Lorenzo.
– Les kah-tanais boivent assez peu,
expliqua amicalement Aquilon.. Et pas avant le genre de discussions qui nous attendent. »

Le citoyen vint enfin s’asseoir. À côté de lui, Actée se redressait dans son siège.

« Ce n’est pas un faux-pas, au moins ? »
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Lorenzo ouvrit la bouteille d'eau.

Ne vous inquiétez pas pour ça ! Je cherche juste à savoir ce que vous préférez boire. D'ailleurs, si vous voulez autre chose, n'hésitez pas à me le demander.

Il servit l'eau dans trois verres.

Voici pour vous, et voici pour moi ! Ce me permettra, avec un peu de chance, de recommencer à être sobre.

Il servit les verres.

Bien. Pour revenir à votre question, disons que c'est la norme, mais seulement ces derniers temps. Vous n'ignorez sûrement pas la mise en place de l'état de Dictature Militaire sur le territoire Loduarien. Nous nous devons de protéger au maximum nos citoyens face à la menace que représente L'ONC, et cela se concrétise par une présence militaire bien plus présente au sein des villes. De toute manière, vous connaissez ma position face au impérialistes de L'ONC, camarades. Vos camarades au Comité de Volonté Publique on du vous parler de mon discours assez acerbe à la conférence de Leylo et de mon départ flagrant après.
Nous tenons là un fil conducteur pour cette rencontre, autant s'y accrocher.
Parlons du domaine militaire.
Il y a quelques temps, nous vous avons vendu un porte-hélicoptère de classe Galaisie en échange de 15 hélicoptères d'attaque de 3ème génération et de 17 000 équivalent or. Ces 15 hélicoptères nous sont particulièrement utiles, c'est pourquoi nous vous remercions pour ce geste. Or, vu la situation que notre nation subit ces derniers temps, nous souhaiterions changer quelque peu le contrat. En échange des 17 000 équivalent or que vous nous devez, que dites vous de 35 chars d'assaut de 2ème génération ? Je sens que nous devons être prêts à toute éventualité, et nous aurions fort besoin de ce matériel.
Qu'en dites vous ?
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Recommencer à être sobre ? Les deux kah-tanais se regardèrent un bref instant, comme pour s'assurer qu'ils avaient entendu la même chose. L'état d'ébriété était-il le statu-quo dans cette région du monde ? La possibilité avait quelque-chose d'un peu glaçant pour quiconque concevait sa mission comme supérieure à tout, et l'alcool comme ennemi de son accomplissement. Pas de commentaires, Aquilon décida qu'il n'avait finalement rien entendu, et Actée que c'était une plaisanterie badine, mais austère. À l'image du pays dont venait son auteur.

Elle le remercia à nouveau, attrapa son verre et but une longue gorgée d'eau, sans le quitter des yeux, écoutant poliment son petit discours.

« Oui, c’est vrai. Elle acquiesça, reposa le verre. Rai m’a parlée de votre discours. De toute façon j’avais vu la retransmission.
– Il a fait forte impression.
– Hmhm, oui, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais la Loduarie ne peut pas tenir tête à l’ONC seule. Pas à son niveau de développement. Et il faut des ressources pour se développer, des ressources que la logique de guerre risque d’absorber au détriment du reste, non ?
 »

Un regard en coin en direction d’Aquilon, qui secoua doucement la tête : lui était partisan de la doctrine du citoyen soldat, sa lecture de la politique Loduarienne était l’une des moins critiques au sein du comité. Il prit un ton plaisant.

« C’est la lecture que certains kah-tanais font de la situation, mais nous sommes un peu éloignés pour juger de la situation eu Eurysie, ah. Et de toute façon la situation rend toute désescalade inenvisageable sans une armée capable de rendre toute opération en Loduarie, eh bien, trop couteuse pour les rapaces. » Actée cligna des yeux mais ne dit rien, son air neutre ne laissait filtrer ni objection, ni critique. Aquilon continua.

« Pour en revenir à votre question, c’est possible, oui. Nous pouvons modifier un échange de devises en échange de matériel. Il me semble... Actée ? »

Elle sortit une petite tablette d’une poche intérieure de sa veste, tapotant son écran avec un stylet avant de répondre, d’un ton neutre.

« Dix-sept-mille équivalent or, cela fait trente-quatre chars de seconde génération. Elle releva les yeux vers le premier secrétaire. Pas trente-cinq. Mais nous ne sommes pas à un char près et pour en avoir déjà parlé avec la Planification démocratique, c'est réalisable.
– Eh bien voilà. Donc si c'est ce qu'il vous faut, c'est ce que vous aurez.
Il sembla réfléchir, puis frappa ses mains l'une contre l'autre. Aussi simplement que ça. »
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Parfait.

Lorenzo nota quelque chose de rapide sur son ordinateur. Sûrement des notes.

Je vous remercie de cette précieuse aide. Nous devons actuellement faire d'importants sacrifices pour pouvoir garantir à notre population une sécurité maximale face à L'ONC, et je dois vous avouer que ces derniers temps, nous sommes à bout de souffle. Je pense que j'ordonnerai bientôt une mise en pause de notre industrie militaire. Nos ouvriers ne sont pas des machines mais des humains, et ils on déjà beaucoup donné à notre pays. Ils méritent de se reposer.
Mais continuons.
La Loduarie et le Kah on souvent aboutit ensemble à des accords d'achat de matériel militaire. Je souhaiterais concrétiser cette action. Ainsi, je vous propose la mise en place d'une remise de 25 % sur tout le catalogue des Industries TITAN, si vous faites de même. Ainsi, nous pourrions continuer à nous acheter du matériel militaire mais à prix réduit.
Cela vous conviendrait-il ?
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Aquilon lança un regard sévère à sa camarade lorsqu’il fut mention du traitement des ouvriers Loduariens, comme s’il craignait de la voir se lancer dans une diatribe sur les lois et les limites devant être respectées par les gouvernements, et oubliant par la même que cette jeune femme était, en plus d’être la cheffe officieuse de la diplomatie kah-tanaise, habituée à réfréner ses ardeurs.

Ainsi, Actée n’en fit rien, et se contenta d’acquiescer d’un air contrit, comme si elle compatissait profondément à la douleur d’un peuple forcé, pour se défendre, à des extrêmes qui auraient fait baver d’envie les plus grands CEO de la bourse Lofotenoise. La seconde partie du discours sembla cependant la surprendre. À son tour elle regarda Aquilon, qui se replaçait tranquillement dans son fauteuil.

« Ah ! » Il se passa une main sur le front pour se recoiffer. Un réflexe. « Concernant la remise de 25 % j’ai peur que cela ne soit pas accepté par nos syndicats. D’une part ils ne sont pas tous alignés sur la question des exportations d’armes, évidemment. Il y a aussi le fait que les systèmes d’armes vendus par les industries Titan, pour être d’une efficacité reconnue, sont aussi relativement… Rudimentaires. La nouvelle politique de l’Union est de favoriser la haute technologie.
– Et considérant l’actualité Aumérinoise, cela limite le champ des possibles à, eh bien, notre industrie propre. »

Actée se renfrogna, repensant sans doute au temps et à l’énergie dépensée auprès des officiels de la Reinauté. Tout ça pour ça, se se disait-elle probablement. Aquilon se redressa.

« En d’autres termes nos industriels n’apprécieront sans doute pas que nous bradions du matériel militaire d’un quart de son prix. Aucun de nos partenaires ne pourrait obtenir une telle remise en temps normal. Nous préférons assurer des négociations au cas par cas, pour parler franchement.
– Nous vous aurions bien proposé des accords d’un même ordre sur des domaines plus… Civils. » Elle s’interrompit le temps d’une gorgée d’eau. « Mais selon ce que nous comprenons de la Loduarie elle semble viser l’autarcie, ce qui limite le champ possible des échanges de biens et de compétences. Sauf erreur ? »
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Mmmmmm, je vois. Dommage. Mais si vous avez encore besoin de matériel militaire, n'hésitez pas à nous contacter. De notre côté, il est possible que nous vous passions commande un jour de nombreux équipements militaires. Mais pas maintenant, nous devons d'abord nous concentrer sur notre économie.

Lorenzo bu un coup de son verre d'eau.

En parlant d'économie, vu que vous abordez le sujet. Il est vrai que nous cherchons à acquérir une certaine autosuffisance, mais ceci est impossible véritablement, car la Loduarie ne possède pour le moment pas assez de ressources pour ça.
Ainsi, je ne suis pas contre réaliser des échanges commerciaux, mais pas avec n'importe quelle nation. Actuellement, de nombreuses nations communistes avec lesquelles nous avons de bonnes relations nous permettent de subvenir à certains de nos besoins, et réciproquement. Mais pas tous.
Ainsi, je vous le demande, qu'avez vous à nous proposer ? Nous avons actuellement besoin de métaux : colbalt, nickel, titane, tungstène; également de pétrole, que le Reylos nous fournissait avant, mais également de fruits et produits exotiques.
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« Si nous avons besoin de vos industries, nous ne nous priverons pas de vous contacter », approuva Aquilon. Puis il se tourna vers Actée, qui était replongée dans sa tablette, semblant effectuer quelque calcul savant. Il commenta.

« Au tournant des années soixante-dix, l’Union avait un comité de volonté publique technocrate. Leur programme était notamment centré sur la modernisation des outils de planification économique. Chaque site de production était doté d’un téléscripteur permettant de faire un état total des lieux auprès d’un centre de contrôle où un ordinateur faisait des estimations d’impact, de besoin. Ce programme a transité vers un fonctionnement vidéotex. L’ancêtre de l’intranet moderne. Bref. Ce système existe encore plus ou moins, ce qui nous permet de rapidement estimer ce que nous pouvons effectivement fournir à la Loduarie. »

Dans les faits, et il l’avait aussi bien compris qu’Actée, les besoins de la Loduarie, combinés à la volonté de ne commercer qu’avec des nations idéologiquement pures, voulait dire que le Grand Kah pouvait aisément acheter ce qu’il ne produisait pas pour le revendre, avec une marge, au régime soviétique. Ce fut, en substance, ce qu’expliqua Actée lorsqu’elle eut terminé d’ausculter sa machine.

« En théorie nous exportons assez peu de ressources non-renouvelables – terres rares, métaux, hydrocarbures. Ce qui ne signifie pas que nous ne le faisons pas. À ce stade je peux déjà vous dire que l’ensemble de vos besoins actuels peuvent trouver une réponse kah-tanaise. Nous serions disposés à exporter des ressources en Loduarie. »
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