09/08/2013
18:32:39
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Comme chien et chat | Appel Grand Kah Lofoten

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C’était un appel tardif. Cela faisait quatre ans déjà qu’Atreus Fjörgyn avait été nommé chancelier fédéral à la tête du Parti Social Démocrate, quant à la citoyenne Meredith, elle était en place depuis 2008, après un très long processus de réorganisation totale de la Convention Générale, suite à sa dissolution volontaire à la demande du précédent comité de Volonté public, lui aussi dissous à l’occasion.

Il y avait peut-être là quelque-chose de l’ordre de la fin de règne. Les deux gouvernements seraient bientôt amenés à se représenter devant le peuple et, potentiellement, à laisser place à des successeurs. Si cela semblait relativement improbable concernant la citoyenne Meredith, qui avait été l’avocate d’un programme extrêmement populaire et dont les camarades au comité effectuaient un travail plutôt satisfaisant, selon les sondages, on aurait pu trouver dommage que le Lofoten et le Grand Kah, si éloignés et tentant pourtant si obstinément de se rapprocher, ne se parlent, en fait, que si tardivement.

Meredith s’en moquait bien. Il fallait parler au Lofoten. Si elle devait parler d’abord à Fjörgyn, puis à son successeur. Elle le ferait. Le comité était d'accord avec elle.

Celle que l'on surnommait (amicalement ou non) la "Première citoyenne" se saisit du combiné téléphonique à l'heure. Ses interprètes et conseillés se tenaient prêts à ses côtés, équipés d'oreillettes.

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« Bonsoir monsieur le chancelier. » Elle se souvint que seul un fuseau horaire séparait la capitale lofoten et Axis Mundis. « Comment allez-vous ? Je vous appelle pour parler de la situation eurysienne, notamment. C’était ce que nous avions convenu. Mais si vous voulez ajouter quelque-chose à l’agenda je crois que nous avons le temps. »
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fjorgyn

Les relations entre le Grand Kah et les Provinces-Unies avaient toujours été ambigües et marquées par une sorte de fascination, mêlée d'interrogation, d'incompréhension, et de relative tolérance. Peu de politologues pouvaient les qualifier de bonne ou de mauvaise, tandis que le peuple lofotène nourrissait un vif intérêt pour la culture populaire kah-tanaise.

En effet ses productions cinématographiques, ses films d'animation et ses contributions artistiques et littéraires connaissaient presque toujours un franc succès lors de leurs sorties en salles ou sur les ondes lofotènes.

Malgré tout, "la question kah-tanaise", comme se plaisaient à l'évoquer avec une certaine pudeur les commentateurs et observateurs politiques, demeurait un sujet polémique qui avait notamment grandement animé les dernières campagnes électorales, et plus spécifiquement sur la position de fermeté à afficher auprès des Communes Kah-tanaise, entre les différentes factions politiques Lofotènes, sur les sujets suivants : le Prodnov, la proximité diplomatique du Grand Kah avec des régimes ultra brutaux et profondément anti-humanistes, le Pontarbello, la Damanie, bref, les points de discordance et de tensions, ce n'est pas ce qui manquait.

Les sociaux démocrates, et en particulier le premier d'entre eux, Atreus Fjörgyn, ne cachait pas cependant sa volonté de cordialité, de normalisation, voir presque de bienveillance à exprimer auprès des dirigeants kah-tanais, attirant sur lui les foudres et les critiques les plus acerbes de par l'opposition. Les termes de "collaborateur" voir de "proto-communiste" lui avaient été affublés par la presse conservatrice et les milieux proches des Unionistes et des nationalistes du Køenig Halfgård.
Pourtant s'il y avait bien quelque chose que l'on ne pouvait pas reprocher au Chancelier Fédéral, c'était son inimitié profonde pour le socialisme primitif.
L'actuel occupant du Palais de la Chancellerie était un homme rationnel et pragmatique, conscient des liens économiques importants qui s'étaient tissés entre le Grand Kah et les Provinces-Unies. D'aucun ne pouvait nier, ni réfuter le statut de "partenaire commercial majeur" aux Communes Kah-tanaises.
Au point même qu'une liaison régulière long courrier de la compagnie de dirigeables transcontinentaux AirLander avait été mise en place entre les deux capitales, Pembertøn et Lac Rouge, avec le succès qu'on lui connaît, dans un sens comme dans l'autre.

sans oublier l'importante diaspora kah-tanaise, un électorat non négligeable traditionnellement acquis au camp social démocrate, voir au Front Populaire d'obédience marxiste.

Aussi, c'est avec une certaine forme d'enthousiasme et de légèreté que le Chancelier décrocha son téléphone lorsque sa Conseillère d'Etat aux Affaires Étrangères lui signifia que la citoyenne Mérédith était en ligne.


"Allô ? Bonjour Madame la Première Citoyenne Méredith, ici Atreus Fjörgyn, Chancelier Fédéral des Provinces-Unies du Lofoten, je vais bien et vous même, comment vous portez vous ? Je suis heureux de vous avoir au téléphone.
Parfait, oui c'est ce que nous avions convenu en effet. L'Eurysie oui, bien entendu, ce continent est au centre de toutes les attentions et concentre nombre de tensions et de crises internationales, des choses terribles s'y déroulent actuellement.

Si cela vous sied bien entendu, je voudrais également mettre à l'agenda du jour un autre sujet, comment pourrions nous intensifier et développer nos relations commerciales, ainsi que diplomatiques, afin que, à défaut d'être des alliés sur le plan idéologique et politique, nous le soyons sur le plan économique.

Un autre point également qui me tient à coeur, c'est qu'après vérification, nous nous sommes aperçus que le Grand Kah n'a pas de représentation consulaire permanente dans les Provinces-Unies. Une erreur vous le concéderez au vu de l'importante diaspora de vos concitoyens ici présents, et réciproquement, vous n'êtes pas sans savoir la quantité faramineuse de visiteurs et d'expatriés des Provinces-Unies sur le territoire Kah-tanais. "


Atreus Fjörgyn, s'arrêta de parler afin d'écouter la réponse de son interlocutrice.
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Première citoyenne ? Elle sourit et jeta un regard en coin à ses conseillers. Certains haussèrent les épaules. Peut-être que le logiciel politique étranger n’admettait pas l’absence de leader. De là à voir le petit surnom que lui donnaient les nationalistes et ses partisans les plus extrêmes réémerger dans la bouche d’un leader étranger...

Si une commission conventionnelle se décidait à écouter l’enregistrement de l’appel, elle aurait des choses à justifier. Elle répondit d’un ton égal. Dans les faits, Meredith restait une femme assez accessible.

"Très bien. Nous avons nos quelques problèmes à traiter mais en ce qui concerne l’Union comme ma santé personnelle, il semblerait que les choses aillent en s’améliorant.

Mais vous avez tout à fait raison Atreus – je propose que l’on se débarrasse des titres, ils sont pesants à répéter. C’est une occasion plutôt rare, profitons-en aussi pour adresser les questions proprement bilatérales.
"

Elle marqua un temps.

"Vous dissociez l’idéologie de la politique, et je suis assez d’accord avec vous. Il est clair que nos deux pays ne seront sans doute pas idéologiquement alignés avant de nombreuses années. Mais politiquement rien ne nous empêche de nous rapprocher. Quant à l’économie, je crois que certains par chez-vous disent que l’argent n’a pas d’odeur ?"

Elle jeta un coup d’œil à une fiche que venait de lui glisser un conseillé et fronça les sourcils.

"Effectivement on vient de me confirmer ce que vous dites. Nous n’avons pas de représentation permanente sur votre sol. C’est étonnant. Bon ce point ne devrait pas soulever de polémique. Dès que nous aurons terminé je demanderai aux citoyens du commissariat aux affaires étrangères de prendre contact avec vos propres instances pour régler ça rapidement. Je crois que les élections se rapprochent, pour vous ? Si un calendrier différent vous arrange nous sommes disposés à patienter un peu."
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"- Très bien madame la ci....chère Meredith""

Le Chancelier Fjörgyn, de par son éducation assez stricte dans un pensionnat catholique, avait bien du mal de se soustraire à la lourdeur protocolaire et celle de l'étiquette, loin des fastes royaux et des coutumes aristocratiques, mais le protocole républicain des Provinces-Unies n'était pas en reste. Il fit toutefois des efforts en ce sens.

- "L'argent n'a pas d'odeur en effet", mais en ce qui me concerne, je lui préfère personnellement cet autre adage : "l'argent est un moyen non une fin".
Je crains cependant que l'avidité et la soif de domination soit aussi universelle et légion que la nature humaine est versatile. Certains ont une préférence pour les armes et la force brutes, d'autres usent de moyens plus subtils. Tout cela n'est que sémantique si vous voulez mon humble avis, mais laissons de côté cette parenthèse philosophique.
Je ne vous cacherais pas que l'argent domine notre société mais les Lofotènes en grande majorité, croyez le ou non, échangeraient bien volontiers tout l'or et l'argent de ce monde pour leur liberté. Il existe des valeurs qui ne se monnayent pas."


Pris quelques secondes de respiration, avant d'enchaîner en ce qui concerne le sujet de l'ambassade du Grand Kah en territoire lofotène :


" - A la bonne heure, j'ai hâte d’accueillir la représentation consulaire kah-tanaise. Le plus tôt sera le mieux, il est temps de réparer cette anomalie, et en effet, il y a un agenda électoral, je vois que cela ne vous as guère échappé. Oui cette année le renouvellement du pouvoir exécutif et d'une partie du pouvoir législatif et judiciaire aura lieu, mais pour vous avouer la vérité, je suis davantage préoccupé par la situation géopolitique et l'état du monde actuel que ma propre ré-election.

Dans tous les cas je sais que je pourrais compter sur la communauté kah-tanaise, cela n'aura pas échappé à votre perspicacité qu'ils sont traditionnellement acquis au camp de la social-démocratie et de la gauche plus radicale, mais je ne vous ennuierais pas avec ces considérations de politique intérieure qui j'en suis sûr ne vous intéresse guère.


Marqua une pause avant d'entamer l'autre sujet qui avait été évoqué quelques minutes plutôt.

"Avant d'aborder les sujets qui fâchent, que je garde pour la fin de notre conversation, au sujet de l'intensification de nos relations, nos corporations sont déjà bien présentes dans certaines communes du Grand Kah, et le nombre de nos ressortissants présents sur votre territoire va en grandissant. Les flux vont d'ailleurs dans les deux sens, les citoyens kah-tanais semblent apprécier les territoires glacés et enneigés du grand nord, un engouement pour nos merveilles naturelles et nos parcs régionaux qui ne se dement pas.
De plus en plus d'étudiants kah-tanais rejoignent également nos filières et cursus universitaires, et vice versa. Fort de cet heureux constat, ce que je vous propose est de fluidifier les échanges entre nos deux nations par l'intermédiaire d'une procédure d'obtention de visa touriste et étudiant accéléré et simplifié, au même titre que ceux dont bénéficient aujourd'hui les citoyens ressortissants de l'ONC. Cela accélérera les échanges universitaires et les flux touristiques entre nos deux pays.
Des liaisons régulières existent déjà entre nos deux capitales, j'entends également établir davantage de ponts et de connections entre nos villes secondaires et provinces les plus reculées, et avoir davantage d'interfaces régionalisées. L'Aleucie et le Paltoterra ne sont t-il pas après tout le même super continent ? Certains spécialistes de la tectonique des plaques diraient que sur le plan géologique nous ne formons qu'un.
En effet, aussi surprenant soit t il, notre pays est très similaire au votre, basé sur le fédéralisme et l'autonomie de nos Provinces, et donc de ce fait très différentes. Entre une province à majorité norroise située dans le Northerlands, et une à majorité anglophone située dans le Sutherlands, vous ne penseriez pas être dans le même pays !


Se mit à rire..

Qu'en pensez vous ? Je suis également ouvert à toute suggestion et proposition de votre part allant dans le même sens, notre but commun devant être que toutes ces connexions et relations nous prémunissent à jamais, je l'espère, de tout conflit direct entre les Provinces-Unies et les Communes du Grand Kah, conflit qui malheureusement pour certains, ici même, au sein de notre parlement, pensent inévitable dans un avenir plus ou moins proches, un scénario fort peu enviable et guère réjouissant, que je souhaite à tout prix éviter, quitte à ce que cela me coûte mon poste.
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Elle se garda bien de commenter le laïus que son interlocuteur lui fit sur l'argent et la liberté. De son expérience des sociétés libérales, liberté et richesse allait de pair de telle manière qu’on trouait bien peu d’individus prêts à réellement lutter pour leur liberté si celle-là n’était pas caractérisée en monnaie sonnantes et trébuchante. Il y avait bien l’exemple Pharois, qui prenait le pari de réduire l’État au minimum et d’activement lutter contre les groupes industriels centralisés, mais ce modèle était largement considéré comme une perversion par les autres régimes libéraux, et gardait de plus cette même vénalité caractéristique.

Elle épargna donc ses réflexions au chancelier, se contentant de réagir à sa remarque sur les élections. Son ton était enjoué.

« C’est très intéressant, au contraire. Mais si je m’y intéresse trop on m’accusera de faire de l’ingérence. »

Elle eut un petit rire poli ;

« Bon, concernant votre proposition : c’est une bonne idée. Traditionnellement, nos frontières sont ouvertes et faciles d’accès, mais l’accompagnement des ressortissants étrangers s’organise au niveau communal plutôt qu’à l’échelon confédéral. Donc ce n’est pas systématique ou instantané. Ce que nous pourrions organiser en réponse à la simplification des mesures frontalières que vous proposez, c’est d’activer les mécanismes de prise en charge permettant aux lofotens visitant notre sol de rapidement obtenir du travail, un logement, des aides administratives, ainsi de suite. Et ce à l’échelle confédérale. Concernant les lignes, il pourrait être intéressant d’inciter vos entreprises à prendre contact avec nos communes exclaves. Le Grand Kah n’est pas uniquement paltoterran après tout.  »

Elle poussa un « hm », pensif, avant de continuer.

Pour être honnête j’espère pouvoir visiter votre pays en qualité de dignitaire mais aussi, surtout, de citoyenne dans un avenir proche. Les similarités entre nos nations ne m’ont pas échappée, Atreus. C’est peut-être lié à ma formation d’anthropologue, mais j’aimerais voir ça de moi-même.

En tout cas indépendamment de nos rivalités sur d’autres fronts, nous ne devons pas en venir à nous battre directement. Nous pourrions envisager des traités pérennisant l’ouverture des frontières et les mesures de rapprochement en les soumettant à des contraintes particulières pour les abroger ? Cela nous obligerait à nous parler, même si nos éventuels successeurs ne l’entendent pas de cette oreille. Concernant le Grand Kah, au moins, nous ne sommes que société civile. Pour le meilleur comme pour le pire. Pour acter un rapprochement nous pourrions donc mettre cette société à contribution : je suis sûre qu’il doit être possible de préparer des programmes d’échanges culturels et universitaires, voir des tarrifs douaniers favorisant l’import-export de produits culturels. Tout ce qui permettrait à nos peuples de mieux s’appréhender.
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