09/08/2013
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Clovanie - Gondo : L'Empereur débarque à Sainte-Loublance

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Le 15 février 2010, 8h,
Aéroport de Sainte-Loublance.


Le vol avait été long pour Pétroléon V. À vrai dire, il n'avait jamais voyagé aussi loin durant ses 38 ans d'existence. Il s'en était toujours mordu les doigts, de ne pas aller à la rencontre de ce beau monde et de tous ces continents qui avaient tant à lui apporter. Il regrettait de ne pas avoir visité toutes les merveilles du monde dont il avait tant rêvé pendant son enfance, et le souvenir de ces petites années le plongeait dans une rêverie contemplative. Il s'agissait là des années où il ne savait pas quelles fonctions l'attendaient, où il pouvait rêver à foison sans que la moindre contradiction ne vienne lui effleurer l'esprit. Mais le plus important, c'était la Clovanie. La Clovanie avant tout. Pour un Empereur, cela allait de soi. Il avait tant à faire sur le sol de sa patrie, tant à régler, à réformer, à débattre. Et cela avait porté ses fruits : décollage formidable de l'Armée Impériale, ouverture d'une aviation militaire, progrès scientifiques épatants, des traités alliances à en toucher le plafond, et nous en passons. Oui, cela avait porté ses fruits, si bien qu'il pouvait ce jour-là se permettre un voyage en Afarée. Ce jour-là, il pouvait apporter son aide à un pays estimé et tenter de peser dans la balance des nations de ce continent foisonnant de richesses.

Il atterrissait ce jour-là sur le goudron de l'aéroport de Sainte-Loublance, où l'attendait le Président Gondolais. À bord de l'avion de cinquième génération vendu par les amis de Fortuna il y avait un ou deux ans, l'Empereur avait amené du beau monde. Tout d'abord, celui qui l'accompagnait dans toutes ses visites diplomatiques, la clé de voûte de ses systèmes d'alliance et la plume par laquelle les ambassades du monde entier connaissaient les désirs de Son Excellence Impériale : Monsieur Gaspard Razoumikhine, Ministre Impérial des Affaires Étrangères. Le regard dur et glacial de ce blond au visage fermé cachait en réalité un comportement amical connu de tous et une plume aussi belle que les paysages qui défilaient à travers le hublot, devant ses yeux pensifs.

Avec lui, Paul Joffrin, le Ministre de la Guerre et des Armées, qui avait eu tant à faire ces dernières années. Aux premières années du règne de Pétroléon V, il n'avait en réalité pas accompli grand chose de grandiose, il fallait l'avouer. Il faut dire aussi que l'Empereur n'orientait guère ses projets vers les considérations militaires. Mais depuis 2007, il avait répondu à toutes les exigences d'une réouverture à l'international, et continuait de les remplir. C'était sous son ministère que les effectifs des soldats professionnels s'étaient multipliés par six, et que l'Armée clovanienne pourrait bientôt prétendre au titre de plus grande armée du monde. En somme, il avait reconstruit, rebâti, recrée une armée qui n'avait plus aucun pouvoir. Mais à ce moment-là, ses efforts allaient se concrétiser. Il allait mettre toute la puissance clovanienne développée en si peu de temps au service d'une cause noble : la paix au Gondo.

Quelques hommes du bataillon de Saint-Alain, la garde rapprochée de l'Empereur, étaient présents, non pour assurer sa sécurité, mais avant tout pour faire montre des capacités et de la discipline clovanienne en matière de combat. Des secrétaires, serviteurs, et tout une kyrielle de hauts dignitaires étaient de la partie, et, pour tout dire, l'avion était plein à craquer. Les hommes et les femmes étouffaient, premiers signes d'un rude climat afaréen, et Pétroléon V bouillait d'envie de sortir de l'avion et de serrer la main amicale du Président Gondolais.

Un choc se fit sentir : l'avion avait atterri.
Sur le tarmac de l’aéroport Hervé-Marcel Mutombo, la délégation gondolaise s’activait à se mettre en ordre de bataille depuis que l’avion de l’Empereur était en vue. Ils remettaient leurs vestes et leurs cravates malgré la chaleur humide, pour faire meilleur figure. La Garde Républicaine s’alignait en haie d’honneur le long du tapis rouge, tandis que l’orchestre militaire prenait place dans son carré en se donnant le la. Une foule de photographe se tenait derrière les officiels, pour capturer cet instant mémorable. La plupart d’entre n’avaient jamais vu une telle rencontre se dérouler sur le sol gondolais. L’instabilité permanente avait toujours limité la diplomatie du Gondo.

Quand le jet clovanien posa son train sur la piste, le chef d’orchestre fit un signe à ses musicien, et à peine la porte de l’avion fut ouverte que l’orchestre commença à jouer Pour l'Empereur de Georg Villa. À vrai dire, c’était même trop tôt : la délégation clovanienne n’entendît pas une note dans le tumulte des réacteurs qui s’éteignaient. Tant mieux pour les oreilles de l’Empereur, d’ailleurs.

Désiré Flavier-Bolwou sur le tarmac de l’aéroport Hervé-Marcel Mutombo.
Désiré Flavier-Bolwou sur le tarmac de l’aéroport Hervé-Marcel Mutombo.

En bas des marches, Désiré Flavier-Bolwou accueillit son homologue avec chaleur. Ils échangèrent une poignée de mains, quelques signes fraternels un peu trop exagérés et quelques salutations diplomatiques. Puis on fit remarquer au Président que par leur position (juste en bas des marches) les chefs d’États bloquaient la sortie du volumineux cortège qui accompagnait l’Empereur. Un dangereux bouchon s’était créé derrière Lui, sur la passerelle d’embarquement. Le président accompagna alors le souverain un peu plus loin, tandis que ses ministres étaient reçu avec autant d’honneurs. Quelques formalités furent échangées, tous saluèrent chacun, et l’orchestre massacra quelques autres pièces clovaniennes et gondolaises. Puis il fut temps de quitter l’aéroport.

À l’extérieur, un cortège de voitures présidentielles attendait tous ces dignitaires. Flavier-Bolwou et Pétroléon V embarquèrent dans la même. L’occasion pour eux d’échanger quelques mots avant la conférence.
Le 15 février 2010, 8h30,
Sainte-Loublance
Aéroport Hervé-Marcel Mutombo.



L'Empereur Pétroléon V avait écouté avec attention les respectables tentatives musicales de ses nouveaux alliés gondolais. Bien que l'attention en ait été grandement saluée par Sa Seigneurie, il préférait largement le silence reposant de la forêt de sa patrie. Après avoir serré la main ferme du Président Flavier-Bolwou, il embarqua dans le véhicule qui lui avait été proposé.

Le souverain clovanien avait longtemps travaillé sur cette intervention au Gondo, et il était fier de réaliser ce projet que ses Ministres avaient longuement muri aussi. Cela se voyait sur le visage de Messieurs Razoumikhine et Joffrin. Tous les deux avaient les sourcils froncés et les rides du front accentuées par la fatigue et par la chaleur, mais l'amabilité des Gondolais savait réduire ces plissements à de simples lignes imperceptibles sur les fronts des Ministres.

En face du Président dans l'habitacle du véhicule, Pétroléon V prit la parole.

"Nous sommes vraiment très heureux de pouvoir enfin poser les pieds au Gondo. Nous avons tant rêvé de votre pays ! Aujourd'hui Nous y sommes finalement, et Nous avons hâte de pouvoir faire de ce pays troublé une nation prospère, la nation prospère que vous méritez, Monsieur Flavier-Bolwou. Vous avez pu admirer les hommes du bataillon de Saint-Alain, mais il ne s'agissait que d'un aperçu. De nombreux autres avions sont en route pour le Gondo, transportant autant d'armes et d'hommes qu'il en faut pour réduire à néant les maladies infectieuses qui rongent certaines parties de ce pays. Mais enfin, nous n'en sommes pas encore là, il nous faut tout d'abord discuter sérieusement. Toute mise en jeu de notre force armée nécessite une grande réflexion, n'est-ce pas ?"
Désiré Flavier-Bolwou :

"Tout à fait d'accord votre altesse. Puisque vous êtes si enthousiaste à l'idée de parler organisation, eh bien allons-y. Ce que nous avions dans l'idée, c'est pour commencer que vos bataillons qui sont en train de débarquer intègrent un commandement commun avec notre armée nationale. Il me semble important que vos officiers aient leur mot à dire, n'est-ce pas ? Un déploiement rapide des forces clovaniennes permettrait de préparer une offensive de grande ampleur. D'autre part, l'intégralité de notre armée a besoin de matériel, mais je suis navré de vous apprendre que nos finances ne nous permettent pas d'en acheter... Ainsi, si l'Empire acceptait de partager l'armement déjà déployé et de former mes sold..., heu je veux dire : les soldats du Gondo à leur utilisation, cela nous serait d'une grande aide. Attention, je parle bien du matériel déjà utilisé par votre armée, sans plus bien sûr !"

Il arrêta son monologue le temps de proposer à l'empereur un cigare.

"Ce serait vachement diplomatique si c'était du made in Gondo... Hélas ! Peuple de fainéants ! C'est un cigare alguereno.
Bref, pour finir, si la clovanie souhaite devenir un partenaire économique du Gondo, nous pourront discuter d'un accord qui abaisserait les droits de douane ou favoriserait vos investisseurs... Il pourrait même être signé avant votre départ, si les négociations avancent bien !"
Le 15 février 2010, 9h,
Sainte-Loublance
Voiture Présidentielle.



Les propos du Président résonnaient agréablement aux oreilles de l'Empereur, et l'humour du dirigeant gondolais avait trouvé un illustre amateur. Son Excellence Impériale pencha sa tête vers le côté en écoutant les dires de son interlocuteur, se saisissant d'un épais cigare et tentant de se concentrer.

"Bien sûr, Nous sommes ici pour que nos deux armées s'entraident et collaborent afin se diriger vers la bonne et juste direction. Nous mettrons à disposition notre matériel militaire pour que les soldats gondolais en usent comme il se doit, et des instructeurs seront mobilisés pour leur apprendre le maniement de nos armes si perfectionnées. Avant que les festivités ne débutent, mettons au clair ce que l'Armée Impériale a pour projet d'accomplir pour le moment. Nous comptons détacher au Gondo les 1er, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, et 6ème bataillons Joffrin, soit un total de 18 000 soldats professionnels. 8 avions de transport tactique, 4 avions d'attaque au sol, ainsi que 10 avions de chasse seront envoyés par l'Ordre de l'Air. Les 18 000 soldats seront transportés par voie aérienne et maritime dans 2 navires cargos. Ce devrait être l'affaire de quelques allers-retours. Nous ferons entrer nos glorieux soldats aux Gondo par deux destinations : une moitié à Sainte-Loublance, et l'autre moitié à Porzh-Erwan. Quant aux soldats gondolais, Nous vous proposons de les diviser eux aussi en deux corps d'armée, et vos preux guerriers, quoique démunis, pourront se joindre aux soldats Impériaux, échanger avec ces derniers, et donc se former à leurs côtés.

Notre première priorité sera de stabiliser la liaison autoroutière qui relie ces deux destinations. Il nous faudra pour cela éliminer les hommes du MLL qui se situent à proximité. Ensuite, la liaison pourra s'établir entre les deux corps d'armée, qui pourront facilement se débarrasser des parasites de Kwandawi. La suite se focalisera sur le reste du MLL.

Mais enfin, nous n'en sommes point arrivés là pour l'instant ! Pour tout vous dire, nous sommes prêts à beaucoup de sacrifices pour pacifier ce magnifique pays qu'est le Gondo. Nous portons envers vous une amitié qui semble déjà pérenne et fructueuse. La preuve : vous Nous proposez déjà un traité commercial visant à faciliter les échanges économiques entre nos deux nations ! Cette offre ne peut que donner le sourire au peuple clovanien, ainsi qu'à son souverain qui se tient devant vous, mais malheureusement, Nous sommes au regret de vous signifier que Nous la déclinons. Oui, Nous refusons, car Nous avons mieux à vous proposer ! Comme vous le savez sûrement, la Clovanie est membre fondatrice d'une illustre alliance nommée UMT, composée des États les plus valeureux et honorables que l'Histoire a pu connaître. Or, Nous sommes persuadé que la place du Gondo se trouve dans cette Union, que vous pourriez y réaliser tous vos rêves de gloire et de puissance, ainsi qu'offrir un auguste avenir à la nation gondolaise. Vous y trouverez non pas un, mais cinq nations alliées, qui seront toutes enchantées de vous compter parmi leurs amis. Bien sûr, des politiques de facilitation des échanges commerciaux pourront être mises en place si vous intégrez l'UMT, et cela ne nous empêchera point, bien au contraire, de poursuivre nos échanges bilatéraux qui ont déjà apporté tant de joie à nos peuples.

Qu'en dites-vous ?"
Le Président dût admettre en lui-même que cette proposition le prenait au dépourvu. Lui qui n'avait jamais été un passionné de géopolitique en savait en réalité très peu à ce sujet. Il avait bien sûr déjà entendu parler de l'Union Médiane des Traditionalistes, mais il sans plus. Il connaissait au moins le principe : des pays traditionnels axé sur des valeurs ancestrales, luttant becs et ongles contre les évolutions décadentes de la société. Autant dire que ce n'était pas exactement son passe-temps préféré. L'argent et le luxe oui. À gouverner un pays, n'est-on pas assez fatigué que d'avoir en plus à lutter contre la marche du temps ? "Oui, les jeunes d'aujourd'hui, sont des cons" pensa-t-il. Mais cela ne le préoccupait pas plus que ça. Au Gondo, les traditions ne sont pas une fascination, même des vieux : on y voue un cule trop grand au Saint Progrès. "Les traditionnels sont des tribaux, des bouseux, des arriérés en Afarée". Voilà les pensées qui habitaient l'esprit du Président, qui l'espace d'un instant hésita à être franc. Il se ravisa et décida d'embellir son point de vue.

Désiré Flavier-Bolwou :

"Vous m'honorez votre altesse. Je dois vous confesser, pour être parfaitement honnête... Je ne sais pas grand-chose de l'UMT. Mais j'en connais toutefois l'esprit et je serais ravi de sceller un partenariat fort avec ses membres. Ce sont des pays que je respecte et des nations que j'admire. Mais, malheureusement, je ne pense pas que les traditions soient une priorité ou une source d'identité au Gondo... Voyez-vous, le Gondo est une nation en construction, qui n'a pas vraiment d'histoire ni de traditions... Sinon nous n'en serions pas là avec les rebelles ! Notez que je ne dis pas non, hein ! Mais tout ceci mérite que j'en discute avec mes conseillers. Je crois savoir que l'UMT dispose d'un statut de membre observateur, non ?"

Il tira sur son cigare. Tandis qu'il reprenait la maîtrise de ses pensées et de ses propos, son sourire et son imposante bonne-humeur reprenaient le dessus. La voiture amorça un dernier virage avant de débouler sur une grande place. Le cortège pénétra ensuite dans la cour du palais présidentiel. Son luxe se distinguait nettement du reste la ville : arbres tropicaux en terre et fontaines bordaient le magnifique bâtiment de style colonial. Un garde officiel ouvrit la portière de l'Empereur, qui fût accueilli par une haie d'honneur. Le Président Flavier-Bolwou l'invita à le précéder dans le hall où se tenaient les pupitres. Après quelques déclarations diplomatiques officielles, ils se rendirent dans une salle du palais ou l'on avait dressé une grande table. La délégation clovanienne fut invitée à s'assoir en face des ministres gondolais. Les discussions pouvaient commencer.
Le 15 février 2010, 10h,
Sainte-Loublance
Palais Présidentiel.



Il était vrai que l'arrivée des deux dirigeants dans la cour du palais présidentiel gondolais donna une bouffée d'air frais à Son Excellence Impériale. Ce pays avait bien besoin de nettoyage, et dans tous les sens du terme. L'Empereur était légèrement déçu par la réponse de son interlocuteur quant à une possible intégration du Gondo dans l'UMT. Mais son homologue disait vrai : il ne faut guère placer la charrue avant les bœufs. De surcroît, mieux vaut d'abord purifier la pomme pourrie au lieu de croire que les autres pommes du panier la guérirons.

"Vous avez parfaitement raison, Monsieur le Président. Ce genre de question ne sont pas de notre envergure pour le moment. Concentrons-nous premièrement sur nos opérations militaires. Vous ne m'avez pas répondu là-dessus, par ailleurs. Nous supposons donc que Nos propositions vous conviennent. Toutefois, une question Nous taraude l'esprit : quel est l'état actuel de l'ensemble de bases militaires, quelles sont leurs dispositions ? Nos hommes peuvent dormir dans la boue, sous les moustiques et les prédateurs, sans aucune crainte, mais un petit confort serait tout de même préférable pour le moral des troupes si les opérations étaient amenées à durer."
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