L’écran de la Première Ambassadrice montrait derrière elle une imposante salle de conférence, autour de laquelle étaient rassemblés les hauts-gradés de l’armée de la Région des Perles et quelques membres du Cercle Intérieur, dont le Premier Ministre, Nantipat Sisrati. Celui-ci affichait une mine souriante et polie, comme à son habitude. Lalana Preecha, quant à elle, prenait quelques notes sur sa tablette.
« Chers représentants,
Nous sommes consternés par l’attitude de la nouvelle Assemblée Populaire du Mokhaï, qui, après avoir fait tuer des milliers de personnes innocentes lors de sa sanglante révolution sous l’égide de Saburo, se rend compte que finalement, peut-être, elle a fait fausse route. Ne nous y trompons pas. Sous vos airs apeurés et votre « prise de conscience », vous portez sur les mains le sang des innocents du Mokhaï, qui étaient pacifiquement entrés dans une transition démocratique avant que vous ne preniez illégalement le pouvoir. Si cela ne tenait qu’à nous, vous seriez depuis longtemps derrière les barreaux, à croupir dans une prison jashurienne pour vos méfaits.
Messieurs les représentants du Mokhaï. Après avoir inondé les rues de votre pays de sang, vous vous tournez vers nous, afin de régler le problème du dictateur que vous avez-vous-même mis au pouvoir. D’ordinaire, nous vous laisserions régler cette situation par vous-même, mais la chose est trop grave pour que nous restions les bras croisés car la Loduarie a décidé de s’en mêler, elle, qui, jusqu’à hier, était votre alliée. Nous restons pantois devant votre conception des rapports diplomatiques. Trahir la Loduarie au profit du Kah … rajouter une nouvelle révolution qui promet d’être sanglante à la précédente que vous avez-vous-même initiée alors que votre pays était déjà en transition démocratique … Autant vous dire qu’à nos yeux, vous êtes aussi fiables que Saint-Marquise, qui prend la poudre d’escampette dès que cela commence à chauffer …
D'ailleurs, un petit message aux représentants du Prycillia qui doivent s'étouffer avec leurs contradictions. Après nous avoir accusé d’impérialisme et avoir tout tenté pour nous dissuader d’intervenir, voilà que leurs équipes investissent l’aéroport du Mokhaï, violent son simulacre de souveraineté et ce pour une opération militaire d’ampleur. Le Pryscillia a perdu sa crédibilité auprès de nous aujourd’hui. Comme nous le répétons, les relations diplomatiques exigent de la constance et le respect de la parole donnée. A quel niveau de parjure se situent-ils en intervenant militairement au Mokhaï après avoir tenté de nous dissuader de le faire nous-même, au nom de la préservation de la paix ?
Au final, nous en sommes rendus là par votre incompétence crasse et votre inconséquence. Inconséquence des sbires de Saburo, qui désormais viennent nous voir la queue entre les jambes après avoir massacré leur peuple et affichent des mines de ravis de la crèche pour se jeter dans les bras du Grand Kah. Incompétence de madame Poliakov, qui pense que discuter avec des terroristes et menacer diplomatiquement son voisin le plus tranquille est une conception acceptable des rapports diplomatiques, alors que la situation aurait pu être réglée depuis des semaines si nous n’avions pas un tant soi peu de considération pour nos voisins.
Les Eurysiens ont un mot pour décrire les gens de votre espèce : Tartuffe.
Ceci étant dit, nous sommes toutefois ravis de voir que le Grand Kah, le Fujiwa et le Burujoa soient présents autour de cette table. Au moins, il reste dans ce monde des gens qui ne sont pas des girouettes et qui ont un peu de hauteur de vue. Bien entendu, au nom de l’amitié que nous portons au Grand Kah, nous n’empêcherons pas ce que vous appelez votre pays de s’aligner avec les intérêts des Grandes Communes. Après tout, votre absence de colonne vertébrale est assez flexible pour vous permettre d’être communiste un jour, puis socialiste libertarien un autre. Nous pourrions saluer une telle flexibilité si nous étions à un concours de gymnastique.
Ceci étant dit, nous nous joignons à la proposition de la citoyenne Iccauhtli et du citoyen Oyoshi concernant une potentielle intervention militaire. La Troisième République du Jashuria est tout à fait capable de mettre en place un cordon de sécurité autour des côtes du Mokhaï par le biais de sa flotte et d’empêcher les Loduariens de sortir du pays par voie maritime et aérienne. Nos troupes sont déjà en préparation pour intervenir militairement pour régler la situation.
Toutefois, permettez-moi de préciser que cette aide ne sera pas gratuite. La Troisième République du Jashuria conditionne son aide à la mise en place de plusieurs ports-franc gérés par le Jashuria au débouché du fleuve menant à Ghaliya, à Jiwan, Saya et Pugapu, ainsi que la rétrocession des biens immobiliers et financiers des Jashuriens spoliés par votre régime. Si ces conditions vous agréent, nous serons en mesure de faire en sorte que la Loduarie ne soit plus un problème pour vous. Il va aussi de soi que nous voulons la tête d’Aoki Saburo. »