La missive tahokaise était tombée à point nommé pour le Duché, dans une période de crise où il fallait impérativement déployer des moyens adaptés pour rassurer la population et, plus encore, maintenir son niveau de vie. "Maudits bourgeois" pensait Alexandra "On les laisse faire, ils détruisent tout pour leur profit, puis scande quand on ne les laisse pas résoudre leurs méfaits en leur accordant encore davantage de liberté". Le débouché qu'offrait le Tahoku était donc du plus intéressant puisqu'il devrait assurer à prix raisonnable la production de biens de consommation. Mais l'offre n'était pas pour autant idéal, elle présentait même une lacune sérieuse que la Duchesse étudiait avec sa fille, la ministre des Affaires étrangères. Cette dernière était quelque peu dubitative et questionna
-Le Tahoku, il ne s'agit pas d'une nation fasciste ?
-Hé bien, répondit Alexandra, rien ne l'indique clairement selon nos derniers renseignements mais, l'imperméabilité des médias tahokais est un premier indicateur plutôt inquiétant sur la question. Mais nous pouvons déjà affirmer qu'ils ne sont pas expansionnistes, du moins ce n'est pas visible. Autrement, le Jashuria les aurait déjà recadrés. Ce pays, première puissance du Nazum, est connu pour veiller à la stabilité continentale.
-Justement, ne devons-nous pas craindre la réaction du Jashuria ?
-Hé bien, la délocalisation ne se fera pas du jour au lendemain. Ce sera un processus progressif, qui débutera après une rencontre nous permettant de tâter le terrain. Et ça se fera avec une coopération étroite entre le Tahoku et aussi bien les entreprises privées que comtales. En soi, il n'y a aucune raison que cela ne contrarie le Jashuria. Que ça attire leur attention ? Peut-être, mais nous pourrons veiller à ce que cela n'aille pas plus loin.
Notre objectif est simplement d'établir des partenariats économiques, rien d'autre.
-N'est-ce pas risqué de se rapprocher d'eux ? Je veux dire, ce serait la porte ouverte au critique en interne, mais à l'internationale également.
Alexandra haussa des épaules avec une expression assez difficile à interpréter, une espèce d'absence d'émotion sur la question, mais comme légèrement teinté de dépit. La limite était très floue, d'où la difficulté de la sonder, même pour sa fille. La Duchesse poursuivit.
-Hé bien, le libéralisme et la mondialisation a toujours fonctionné de cette façon, nous ne réinventons aucunement le libre échange. Nous avons là une population de travailleurs plus compétitifs, alors le marché s'adapte. Il en sera de même avec le Wanmiri, tu as toi aussi entendu dire que la fameuse Ambre Récifjaune a déjà organisé un voyage là-bas. Bref, les Grands Groupes Privés prennent déjà l'initiative, les seuls qui contesteront en interne seront les collectivistes.
-Pour changer, continua Matilde avec un sourire en coin avant de poursuivre. C'est tout de même douteux, moralement, de profiter ainsi du faible niveau de vie, et donc coût, des travailleurs du Wanmiri et Tahoku.
-Ah ça, la politique n'a jamais été morale. On en parle dans les discours pour le peuple, mais ça ne va pas plus loin. Là, c'est dans nos intérêts de procéder à la chose. Notre économie risque même de rapidement devenir dépendante de ces nations mais... encore une fois, nous n'inventons rien dans ce modèle d'interdépendances. Non, la seule chose concrètement reprochable est le caractère fasciste du Tahoku.
Elle prit une gorgée de punch avant de poursuivre.
-C'est grossièrement la seule chose qui pourrait nous être rapprochée par nos alliés, et non pas uniquement les nations déjà dans un esprit de rivalité avec nous.
-Parlons en de cette interdépendance, jusqu'où irions-nous sur ce point ?
La Duchesse haussa à nouveau les épaules, avec cette fois une expression de dépit qui l'emportait clairement sur l'impassibilité.
-Nous irons jusqu'où il faudra. De toute façon, les limites que nous fixerons sous peu évolueront à grands pas par la suite en fonction du contexte. Les choses reposeront sur notre capacité à nous adapter. Pour le moment, l'urgence est de répondre à la crise, même sur le court terme.
-Pour être court-termiste, ça l'est. Ouvrir ainsi l'économie sylvoise à la concurrence étrangère plus abordable, n'est-ce pas contrecarrer complètement tous les plans de redressement ?
-Des théoriciens en économie t'expliqueront avec beaucoup de précision en quoi cela paralysera d'autant plus le Duché dans une crise, tandis que d'autres témoigneront avec des études aussi pertinentes l'exact inverse. Là, l'emploi à drastiquement chuté à cause d'un manque de résultat et de manœuvres spéculatives à la limite de l'illégalité. Nous répondons au chômage sur le court terme, et maintenant allons répondre aux conséquences des précédentes réponses concernant le chômage.
-Ne devrions-nous pas chercher à répondre au long terme ?
-Crois-tu que je ne l'aurais pas souhaité ? Dans un monde idéal où tant les citoyens que les propriétaires des capitaux sont conciliants et patients, j'aurai volontiers planifié une campagne économique très bien encadrée pour répondre durablement à cette crise. Mais nous ne sommes hélas pas dans ce monde et, le processus duquel est née cette crise est lui-même un exemple de la difficulté d'adopter un plan sur le long terme conciliant les intérêts de tous.
Non, le contexte change rapidement et nous devrons évoluer aussi vite pour nous y adapter tout en veillant à, comme d'habitude, mettre d'accord tout le monde.
-Ou plutôt, mettre le moins en désaccord tout le monde.
Ricanant à la plaisanterie, Alexandra poursuivit.
-Oui, tout à fait. La crise devrait malgré tout finir par se calmer et à la fin le Duché sera aussi prospère, juste différent dans son fonctionnement.
Haussant un sourcil, Matilde demanda :
-En es-tu certaine ?
-Bien sûr que non ! (Tout en rigolant) Mais il faut bien que je m'en persuade pour convaincre la Haute-Assemblée. Tout le monde exige une solution différente, à un tel point où même les partis les plus extrémistes en viennent à se faire entendre. Les sujets sont inquiets et sont prêts à se réconforter sous n'importe quelle proposition.
Il y eut une petite pause, les deux sirotant avant que Matilde ne reprenne.
-C'est paradoxal tout de même. La bourgeoisie et les manœuvres financières sont les principales causes de cette crise. Du coup, la tendance était d'y répondre avec des mesures opposées comptant sur l'intervention de l'État. Les gens doivent maintenant en assumer les conséquences, et approuvent une politique inverse, semblable à la cause initiale de leurs problèmes : libéraliser le marché et encourager à la délocalisation et mise en concurrence avec l'étranger.
-Oui, le bon côté est que la prochaine conséquence sera prévisible : des entreprises sylvoises ne pourront pas tenir la guerre des prix contre des manufactures tahokaises employant des salariés payés vingt fois moins cher à l'année. En réponse, nous organisons déjà avec les secteurs industriels la réorganisation des choses.
-Ah ? Et dans quel sens ?
-Déjà, nous ne pourrons pas acheter indéfiniment à bas prix si nous n'avons pas d'un autre côté des entrées. Si Sylva sera perdante au niveau des prix, elle sera incomparable sur la qualité. Nous pourrons contribuer à fournir des équipements de pointes inaccessibles, et peut-être même aider au développement. Ces populations qui là seront clairement exploitées, devraient même en profiter sur le long terme avec le développement d'industries plus productives. Elles leur assureront derrière une élévation du niveau de vie.
C'est donc sur ça que nous allons jouer, et anticiper. Nous parlions de vision à court terme, mais ce n'est pas aussi vrai que ça, non, l'ensemble est même cohérent sur le long terme. Pourquoi diable distribuerais-je à mes frais des bourses d'études quand l'activité économique est en chute libre ? Parce qu'il est prévu de développer l'industrie de pointe derrière pour répondre aux nouveaux marchés que nous allons ouvrir, les mêmes marchés visant à répondre à la crise actuelle.
Matilde ouvrit grand les yeux.
-En effet, cela semble moins incontrôlé maintenant. Ces mesures concernant les bourses sonnent presque comme une évidence désormais, pas juste une mesure désespérée.
Alexandra afficha un large sourire.
-Pour être honnête, c'était bien une décision prise dans l'urgence, sans vision à l'origine. Seulement que l'éducation de la population a toujours été bénéfique et je savais que cela paierait à un moment ou un autre. Là, l'ouverture des échanges avec le Nazum saura mettre à profit cette décision.
L'expression soudaine de Matilde changea brusquement, comme si elle comprit soudainement quelque chose.
-Nous parlions du fascisme de Tahoku, de l'urgence de certaines décisions, de l'amélioration de la qualité de vie des travailleurs exploités sur le long terme, et finalement de la concordance des décisions sur le long terme... Tu as quelque chose en tête à ce niveau ?
Alexandra afficha un sourire chaleureux, fier de la perspicacité de sa fille.
-Oui. Les tahokais seront indéniablement exploités par leurs dirigeants qui verront là une opportunité de s'enrichir. Mais ce sera également l'opportunité de faire changer les choses, au moins essayer.
Nous investirons d'abord dans des manufactures, puis proposerons des académies pour que les tahokais se constituent une force qualifiée, et là les choses suivront. Si nous réussissons, ils s'ouvriront au monde, les conditions de vie seront améliorées, et les idées iront en s'arrangeant.
Si nous réussissons, comme dit. Nous sommes après tout encore loin de pleinement connaitre le Tahoku et rencontrerons très surement des résistances. Mais c'est un projet sur le long terme, sur peut-être plusieurs générations...
-Le Tahoku, il ne s'agit pas d'une nation fasciste ?
-Hé bien, répondit Alexandra, rien ne l'indique clairement selon nos derniers renseignements mais, l'imperméabilité des médias tahokais est un premier indicateur plutôt inquiétant sur la question. Mais nous pouvons déjà affirmer qu'ils ne sont pas expansionnistes, du moins ce n'est pas visible. Autrement, le Jashuria les aurait déjà recadrés. Ce pays, première puissance du Nazum, est connu pour veiller à la stabilité continentale.
-Justement, ne devons-nous pas craindre la réaction du Jashuria ?
-Hé bien, la délocalisation ne se fera pas du jour au lendemain. Ce sera un processus progressif, qui débutera après une rencontre nous permettant de tâter le terrain. Et ça se fera avec une coopération étroite entre le Tahoku et aussi bien les entreprises privées que comtales. En soi, il n'y a aucune raison que cela ne contrarie le Jashuria. Que ça attire leur attention ? Peut-être, mais nous pourrons veiller à ce que cela n'aille pas plus loin.
Notre objectif est simplement d'établir des partenariats économiques, rien d'autre.
-N'est-ce pas risqué de se rapprocher d'eux ? Je veux dire, ce serait la porte ouverte au critique en interne, mais à l'internationale également.
Alexandra haussa des épaules avec une expression assez difficile à interpréter, une espèce d'absence d'émotion sur la question, mais comme légèrement teinté de dépit. La limite était très floue, d'où la difficulté de la sonder, même pour sa fille. La Duchesse poursuivit.
-Hé bien, le libéralisme et la mondialisation a toujours fonctionné de cette façon, nous ne réinventons aucunement le libre échange. Nous avons là une population de travailleurs plus compétitifs, alors le marché s'adapte. Il en sera de même avec le Wanmiri, tu as toi aussi entendu dire que la fameuse Ambre Récifjaune a déjà organisé un voyage là-bas. Bref, les Grands Groupes Privés prennent déjà l'initiative, les seuls qui contesteront en interne seront les collectivistes.
-Pour changer, continua Matilde avec un sourire en coin avant de poursuivre. C'est tout de même douteux, moralement, de profiter ainsi du faible niveau de vie, et donc coût, des travailleurs du Wanmiri et Tahoku.
-Ah ça, la politique n'a jamais été morale. On en parle dans les discours pour le peuple, mais ça ne va pas plus loin. Là, c'est dans nos intérêts de procéder à la chose. Notre économie risque même de rapidement devenir dépendante de ces nations mais... encore une fois, nous n'inventons rien dans ce modèle d'interdépendances. Non, la seule chose concrètement reprochable est le caractère fasciste du Tahoku.
Elle prit une gorgée de punch avant de poursuivre.
-C'est grossièrement la seule chose qui pourrait nous être rapprochée par nos alliés, et non pas uniquement les nations déjà dans un esprit de rivalité avec nous.
-Parlons en de cette interdépendance, jusqu'où irions-nous sur ce point ?
La Duchesse haussa à nouveau les épaules, avec cette fois une expression de dépit qui l'emportait clairement sur l'impassibilité.
-Nous irons jusqu'où il faudra. De toute façon, les limites que nous fixerons sous peu évolueront à grands pas par la suite en fonction du contexte. Les choses reposeront sur notre capacité à nous adapter. Pour le moment, l'urgence est de répondre à la crise, même sur le court terme.
-Pour être court-termiste, ça l'est. Ouvrir ainsi l'économie sylvoise à la concurrence étrangère plus abordable, n'est-ce pas contrecarrer complètement tous les plans de redressement ?
-Des théoriciens en économie t'expliqueront avec beaucoup de précision en quoi cela paralysera d'autant plus le Duché dans une crise, tandis que d'autres témoigneront avec des études aussi pertinentes l'exact inverse. Là, l'emploi à drastiquement chuté à cause d'un manque de résultat et de manœuvres spéculatives à la limite de l'illégalité. Nous répondons au chômage sur le court terme, et maintenant allons répondre aux conséquences des précédentes réponses concernant le chômage.
-Ne devrions-nous pas chercher à répondre au long terme ?
-Crois-tu que je ne l'aurais pas souhaité ? Dans un monde idéal où tant les citoyens que les propriétaires des capitaux sont conciliants et patients, j'aurai volontiers planifié une campagne économique très bien encadrée pour répondre durablement à cette crise. Mais nous ne sommes hélas pas dans ce monde et, le processus duquel est née cette crise est lui-même un exemple de la difficulté d'adopter un plan sur le long terme conciliant les intérêts de tous.
Non, le contexte change rapidement et nous devrons évoluer aussi vite pour nous y adapter tout en veillant à, comme d'habitude, mettre d'accord tout le monde.
-Ou plutôt, mettre le moins en désaccord tout le monde.
Ricanant à la plaisanterie, Alexandra poursuivit.
-Oui, tout à fait. La crise devrait malgré tout finir par se calmer et à la fin le Duché sera aussi prospère, juste différent dans son fonctionnement.
Haussant un sourcil, Matilde demanda :
-En es-tu certaine ?
-Bien sûr que non ! (Tout en rigolant) Mais il faut bien que je m'en persuade pour convaincre la Haute-Assemblée. Tout le monde exige une solution différente, à un tel point où même les partis les plus extrémistes en viennent à se faire entendre. Les sujets sont inquiets et sont prêts à se réconforter sous n'importe quelle proposition.
Il y eut une petite pause, les deux sirotant avant que Matilde ne reprenne.
-C'est paradoxal tout de même. La bourgeoisie et les manœuvres financières sont les principales causes de cette crise. Du coup, la tendance était d'y répondre avec des mesures opposées comptant sur l'intervention de l'État. Les gens doivent maintenant en assumer les conséquences, et approuvent une politique inverse, semblable à la cause initiale de leurs problèmes : libéraliser le marché et encourager à la délocalisation et mise en concurrence avec l'étranger.
-Oui, le bon côté est que la prochaine conséquence sera prévisible : des entreprises sylvoises ne pourront pas tenir la guerre des prix contre des manufactures tahokaises employant des salariés payés vingt fois moins cher à l'année. En réponse, nous organisons déjà avec les secteurs industriels la réorganisation des choses.
-Ah ? Et dans quel sens ?
-Déjà, nous ne pourrons pas acheter indéfiniment à bas prix si nous n'avons pas d'un autre côté des entrées. Si Sylva sera perdante au niveau des prix, elle sera incomparable sur la qualité. Nous pourrons contribuer à fournir des équipements de pointes inaccessibles, et peut-être même aider au développement. Ces populations qui là seront clairement exploitées, devraient même en profiter sur le long terme avec le développement d'industries plus productives. Elles leur assureront derrière une élévation du niveau de vie.
C'est donc sur ça que nous allons jouer, et anticiper. Nous parlions de vision à court terme, mais ce n'est pas aussi vrai que ça, non, l'ensemble est même cohérent sur le long terme. Pourquoi diable distribuerais-je à mes frais des bourses d'études quand l'activité économique est en chute libre ? Parce qu'il est prévu de développer l'industrie de pointe derrière pour répondre aux nouveaux marchés que nous allons ouvrir, les mêmes marchés visant à répondre à la crise actuelle.
Matilde ouvrit grand les yeux.
-En effet, cela semble moins incontrôlé maintenant. Ces mesures concernant les bourses sonnent presque comme une évidence désormais, pas juste une mesure désespérée.
Alexandra afficha un large sourire.
-Pour être honnête, c'était bien une décision prise dans l'urgence, sans vision à l'origine. Seulement que l'éducation de la population a toujours été bénéfique et je savais que cela paierait à un moment ou un autre. Là, l'ouverture des échanges avec le Nazum saura mettre à profit cette décision.
L'expression soudaine de Matilde changea brusquement, comme si elle comprit soudainement quelque chose.
-Nous parlions du fascisme de Tahoku, de l'urgence de certaines décisions, de l'amélioration de la qualité de vie des travailleurs exploités sur le long terme, et finalement de la concordance des décisions sur le long terme... Tu as quelque chose en tête à ce niveau ?
Alexandra afficha un sourire chaleureux, fier de la perspicacité de sa fille.
-Oui. Les tahokais seront indéniablement exploités par leurs dirigeants qui verront là une opportunité de s'enrichir. Mais ce sera également l'opportunité de faire changer les choses, au moins essayer.
Nous investirons d'abord dans des manufactures, puis proposerons des académies pour que les tahokais se constituent une force qualifiée, et là les choses suivront. Si nous réussissons, ils s'ouvriront au monde, les conditions de vie seront améliorées, et les idées iront en s'arrangeant.
Si nous réussissons, comme dit. Nous sommes après tout encore loin de pleinement connaitre le Tahoku et rencontrerons très surement des résistances. Mais c'est un projet sur le long terme, sur peut-être plusieurs générations...