08/06/2013
11:39:03
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[RP] Les formidables aventures du Capitaine Mainio et de sa famille

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- Capitaine, c’est un plaisir de vous accueillir en Fortuna.

Si la sortie du navire s’était faite avec autant de discrétion que nécessaire, le message renvoyé par ce grand hall peuplé d’ombres et de recoins était assez explicite par contraste : désormais, vous aviez posé le pied dans un temple du secret. Affable, le ventripotent Pharois hocha la tête avec un sourire las.

- Plaisir partagé, soyez en sûr, quoique je ne suis plus certain de mériter encore le titre de capitaine.

C’était dit avec désinvolture, comme on fait le constat qu’un pantalon est devenu trop serré, ou troué, et qu’on le voue aux ordures. Avec tendresse, la pirate Lahja vint poser sa main sur son épaule.

- Même sans navire un Pharois garde son titre, dit-elle à l’adresse de leur hôte.

- Peut-être, mais j’y vois moi l’occasion de marquer cette nouvelle vie ! J’aime à croire qu’on ne va pas de l’avant avec le passé enchaîné aux pieds.

Sa femme lui rendit son sourire. Derrière eux, une jeune homme traînait les pieds et s’il avait abandonné sa valise à l’entrée du palais, il rechignait visiblement à quitter son sac à dos qui semblait plein à ras bords.

Mainio reporta son attention vers le Fortunéen.

- J’ai toujours eu bon accueil en votre pays et il me semble qu’il est chez vous de coutume d’apporter des cadeaux à ses hôtes, permettez moi s’il vous plait de saluer les Patriciens comme il se doit.

Le Fortunéen se fendit à son tour d’un sourire poli. « Ils vous en seront certainement reconnaissants, confiez moi l’objet, je le leur remettrai en mains propres. »

Avec tendresse Lahja vint déposer sa tête sur l’épaule du capitaine.

- Sans préjuger de votre force physique, monsieur, il faudra plus d’un homme pour sortir les coffres de la cale.
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Les premiers jours de l’hiver avaient eu quelque chose de suspendu. Le genre de vertige stupéfiant qui vous saisissait lorsque sous vos yeux venaient de s’effondrer un plan bien préparé. Le plan en question n’était rien de moins que celui d’une vie, une jeune vie peut-être, mais c’était la seule qu’il avait. Le coup de force pharois avait eu lieu pendant les vacances scolaires et si Valdemar avait suivi l’affaire d’abord lointaine, il avait senti le souffle de l’accélération des derniers jours, l’absence inquiétante de sa mère et son père qu’il voyait désormais plus à la télévision qu’à la maison – ça encore c’était normal, mais pas de voir votre nom brandit comme une source de détestation par des hommes armés.

En général, Valdemar s’intéressait peu à la politique pour une raison simple : son père en faisait. Avec la même gêne qu’il y avait à supporter la présence de ses parents lorsque l’on est adolescent et qu’on se cherche et se découvre hors du cadre familial, après avoir dans sa prime enfance couru derrière l’attention et les faveurs de ces-derniers, il se montrait depuis quelques années volontairement plus distant et préférait ne rien avoir à faire avec le boulot de son père, trop exposé à ses yeux. Contrairement à ses aînés, d’ailleurs il mettait un point d’honneur à ne pas apparaître sur les photos officielles et ce même lors d’événements publics où il était de bon ton pour un politicien de se montrer entouré de ses proches.

Mainio respectait cela. L’esprit libertaire pharois transpirait jusque dans l’éducation des enfants et l’on se souciait peu, depuis qu’il avait atteint l’âge de quatorze ans, de savoir où il se trouvait et avec qui, pourvu qu’il daigne prévenir lorsqu’il rentrait manger, ne sèche pas trop le lycée et assume surtout ses conneries. Bagarres ou que sais-je, s’il se faisait prendre c’était pour sa pomme, et passé à tabac il fallait faire avec. « Endurcis toi et tu pourras te montrer sensible » tenait lieu de mot d’ordre chez les Halko, famille émérite de pirates ayant troqué les risques de la profession pour des postes plus influents dans la politique pharoise, autant dire qu’on s’habituait vite, en rentrant le soir de l’école, à trouver dans le salon une poignée de type aux sales gueules qui vous ébouriffait néanmoins les cheveux en plaisantant de vous offrir de rejoindre un jour leur équipage.

Dès lors, parce qu’il avait construit sa crise d’adolescence autour du fait de se tenir éloigné de la politique, celle-ci lui était revenu soudain en pleine gueule lorsque les élections avaient commencé. Des élections, c’était banal, son père en avait déjà remporté deux et si Valdemar lui avait souhaité bonne chance et faisait mine, diplomatiquement, de demander de temps en temps des nouvelles de la campagne, il y était globalement indifférent. Puis, cela avait été de plus en plus dur. Le « scandale des datas » déjà lui avait valu des regards en coin. On avait beau dire, ce n’était pas une petite affaire, Valdemar l’avait compris assez rapidement vu comment les médias s’étaient emparé du sujet et qu’il en avait eu des échos jusque dans son lycée, par des gens de son âge. La plupart s’étaient montrés sympathisant ou simplement curieux, mais il arriva un jour qu’on lui crache sur les bottes, s’en était suivi une bagarre et un œil au beurre noir pour lui. Il n’en avait toutefois rien expliqué en rentrant à la maison, prétextant un jeu ayant mal tourné.

Puis les choses étaient allées de mal en pis et sur les deux derniers jours de la crise, on lui avait recommandé de rester chez lui, seul parce que sa mère devait régler des affaires et son père passait ses nuits au ministère. Il avait survécu de nourriture surgelée et ses interactions s’étaient limitées aux jeux en ligne et au passage du laitier. A ce moment là l’idée de désobéir ne lui avait pas traversé l’esprit. Le Pharois était un monde violent, les règlements de compte fréquents et plus on s’élevait haut, plus vos alliés comme vos ennemis devenaient terribles. Le jeune homme n’ignorait pas à quel point son père était influent. Ou l’avait-il été ?

Il avait attendu la fin de la campagne avec une certaine anxiété, croyant que la rentrée scolaire et les résultats des élections mettraient fin à la crise, affichant dans ses sms une sorte de morgue un peu détachée, des gens cools qui s’en foutent et, histoire de bien donner le change, planifié son hiver de quelques sorties avec les copains, faire du patin ou participer au mois des Républiques, l’idée d’escalader quelques icebergs lui plaisait bien et lui changerait l’esprit à coup sûr. Y avait-il là une forme de déni ? Mais qui aurait pu prévoir ? Cela faisait plus de douze ans que le Capitaine Mainio siégeait comme ministre du Syndikaali, autant dire que son fils l’avait toujours connu influent, et un peu dans la panade. Et puis, il avait cette fâcheuse tendance à vous dire de ne pas vous inquiéter et de fait, à la fin, c’était Mainio qui s’imposait, et ses adversaires avaient un peu tendance à se faire courcircuiter lorsque devenus trop insistants.

La surprise l’avait ainsi saisi lorsque, dans la foulée d’un appel de sa mère pour lui expliquer qu’il devait préparer ses affaires, une poignée d’hommes s’étaient invité chez lui – pas eu besoin de frapper vraisemblablement – en plein milieu de la matinée, récupérer des documents et ordinateurs, et lui avec, hop, tout ça dans la voiture. Des agents de la CARPE, à en croire leurs badges, jamais faire confiance à un agent, lui avait toujours dit son père, mais là les ordres venaient explicitement de lui et il lui confirma la situation au téléphone « Pas le temps de tout t’expliquer mon gardon, je te vois dans la soirée ! » fallait-il que ce soit grave, il n’avait même pas senti ses joues s’empourprer à la mention en haut-parleur du surnom ridicule que lui avait trouvé ses parents quand, tout petit encore, il rechignait à sortir de son bain. Il avait toujours apprécié l’eau.

Le voyage jusqu’en Fortuna avait duré plusieurs jours et ce malgré la vitesse du navire qui les transportait. Il avait retrouvé sa mère au port et embarqué à ses côtés, la pressant de questions auxquels elle avait assuré qu’elle répondrait dès qu’elle aurait terminé de passer des coups de fil, la partition de leur fuite demandant vraisemblablement de se jouer à quatre mains et Mainio était vraisemblablement déjà pas mal occupé de son côté. Finalement, il avait eu le fin mot de l’histoire et à la confusion teinté d’angoisse avait succédé un vertige dévorant. Il n’y aurait vraisemblablement pas d’escalade d’icebergs, pas de patinoire et pas de rentrée scolaire du tout. Son père les avait rejoint dans la nuit, grimpant tout essoufflé l’échelle pour rejoindre leur bateau et accompagné de Thavo son secrétaire qui semblait avoir du mal à ravaler ses émotions. A l’équipage s’étaient joint également plusieurs hommes en armes et ils n’avaient d’ailleurs pas tardé à recevoir l’escorte de vedettes militaires qui n’avaient fait demi-tour que lorsqu’ils eurent dépasser la barrière de sous-marins du Détroit. Stationnés aux environs de Porto-Mundo, une dizaines de membres de l’équipage les avaient regardé passer d’un œil torve mais il s’était trouvé quelques officiers dans le lot pour leur adresser – enfin, adresser à son père – un salut militaire qui avait des airs d’adieux.

Valdemar était resté éveillé longtemps, cette nuit, ruminant les paroles de ses parents qui, fourbus, étaient allés se coucher passé minuit. Sa mère était bien resté quelques temps à ses côtés sur le pont, pour regarder les lumières du Syndikaali s’éloigner mais disparue la côte de la Péninsule elle avait elle aussi cédé aux sirènes de la fatigue. Lui était resté pourtant, encore un moment. Dans son dos gravitaient à pas feutrés les silhouettes fermées des agents de la CARPE et autres exilés, hauts fonctionnaires et loyalistes qui avaient fait le choix d’accompagner le ministre – ex-ministre – des Intérêts internationaux dans sa fuite.

Il avait dû s’assoupir. Il s’était réveillé dans sa cabine, une petite pièce de six mètres carrés à tout casser, le soleil déjà haut s’épandant largement sur ses affaires en vrac. Au sortir sur le pont, tout barbouillé encore d’un sommeil trop profond, Thavo le salua d’un geste. S’il était assez évident que le secrétaire ne s’était toujours pas remis de leur départ précipité, il avait le bon goût de tenter de le dissimuler et se tenait présentement devant une table large, disposée à ciel ouvert, où des corbeilles de croissants se disputaient la place à des cafetières fumantes. Pas mal des Pharois en exil étaient attablés là, discutant assez allégrement, ce qui contrastait avec leurs tous justes murmures de la veille.

Leur navire venait de dépasser l’Eclipsia et se dirigeait à présent vers Kotios et les rives du Canta. Il faudrait encore au moins deux ou trois jours avant d’atteindre les territoires fortunéens. En prenant place devant le petit-déjeuner – il était déjà onze heure, il n’était visiblement pas le seul à avoir dormi tard – Valdemar se rendit soudainement compte qu’il avait une faim de loup. Il attaquait son deuxième croissant quand, surgissant du pont intérieur, sa mère passa en coup de vent lui déposer une bisou sur le front et un téléphone portable entre les mains.

- Ton frère, il veut de tes nouvelles.

C’était rare que son frère demande spécifiquement à lui parler, même maintenant que Niklas avait quitté le cocon familial, cet espèce de vieille rivalité instinctive les reprenait dès lors qu’il revenait poser ses affaires à la maison le temps d’une semaine de vacances, ou d’un week-end pour la lessive. Sans se détester les deux frangins n’en étaient pas encore à s’avouer leur affection, préférant l’ensevelir sous des bagarres de chiots ou des défis absurdes.

- Hey ! Salut Val !
- Salut !
- Alors Fortuna ?
- T’es con on n’y est pas encore, après demain si tout se passe bien.
- Tout se passera bien t’inquiète t’es avec papa et maman, les plus grands pirates du pays.

Valdemar écouta son frère rire de l’autre côté de l’appareil. Un son qui sonnait un peu faux et auquel répondit le silence. Il avait la gorge nouée.

- Bon en tout cas ça te fera travailler ton italien puis tu verras, c’est super beau l’Eurysie du sud.

Nouveau silence, auquel cette fois son frère fit écho. Ce fut Valdemar qui le rompit finalement.

- Tu fais gaffe toi hein ?
- Mais oui t’inquiète, je fais de la compétition sportive moi, pas de la politique. Les pirates aiment trop l’or pour se priver de mes médailles.

Le trait d’esprit lui arracha un sourire.

- Ok.
- Bon…
- Ouais…
- Tu me repasses maman faut que je vois encore deux trois trucs et on se rappelle quand t’es arrivé, ok ?
- Ouais ! Heu… amuse toi bien ?
- Toi aussi Val. Essaye de kiffer en vrai, c’est cool de voyager, puis le Pharois est pas perdu, on attend que la tension retombe un peu et vous pourrez revenir, t’inquiète.
- Moi peut-être, mais pas papa ni maman, répondit-il amer.
- C’est vrai, concéda son frère, mais c’est peut-être mieux comme ça. Ça fait plus de quinze ans qu’il fait de la politique le paternel, des vacances au soleil il les a mérité.

Valdemar grimaça.

- Je sais pas. Je le vois pas s’arrêter du jour au lendemain.
- Moi non plus je t’avoue, mais qui sait ?
- Oui.
- Tu me passes maman ?
- Ouais, salut !
- Salut Val !

Il descendit avec prudence les marches de l’escalier qui ouvrait sur la cale. Le navire, sans être de loin le plus vaste sur lequel il soit monté – certains navires diplomatiques du Syndikaali étaient plus hauts que des immeubles entiers – disposait tout de même de trois étages et d’une cale remplie de caisses qu’on avait embarquées en partant, sans qu’il sache exactement ce qu’elles contenaient. Le jeune homme trouva sa mère en compagnie de son père, dans une sorte de salle de réunion organisée autour d’une vaste table en ovale bordée d’une douzaine de fauteuils et dont l’un des murs était une baie vitrée donnant sur la mer. Ses parents occupaient seuls le bout de la table, Mainio se caressait le menton en parcourant des liasses de documents dont Lahja commentait les passages importants en les pointant du bout de son stylo. Ils lui sourirent lorsqu’il entra.

- Rapide, commenta le capitaine, tu as demandé à ton frère comment il allait au moins ?
- Oui oui.
- Ah la fraternité. Le monde est peuplé de nombreux frères et sœurs pour qui se donne la peine de partir à l’aventure, mais quitte à en avoir un directement sous la main, pourquoi se donner du mal à chercher plus loin ?

Son père était coutumier de ce genre de tirades un peu générales. A un moment, à écouter certaines de ses interviews à la radio ou à la télévision, Valdemar s’était demandé si par hasard ce n’était pas sa fonction de premier diplomate qui déteignait sur son phrasé, mais sa mère l’avait assuré qu’il parlait déjà ainsi quand elle l’avait rencontré. Crois le ou non mais les Pharois sont de grands sensibles, ils se cachent derrière des manières de durs à cuir mais prend la peine de t’adresser à leur cœur et ils larmoient sur ton épaule. Mainio avait confirmé les dires de sa femme : dans chaque adulte, il y a un enfant qui attend qu'on l’embrasse. Pourvu que tu fasses cela bien et tu n'auras pas d'alliés plus loyaux.

- Niklas veut encore te parler.

Lahja tendit la main pour récupérer le téléphone qu’elle porta à son oreille.

- Oui mon chéri ? … non je t’ai dit que le four ne se réglait pas comme ça, il faut d’abord appuyer sur le bouton du haut et ensuite tu règles le thermostat.

Pendant que sa mère réglait les derniers détails, Mainio avait repoussé les documents et l’invitait à s’asseoir. Le jeune homme hésita. D’un côté, il n’avait pas envie de rejoindre la liste des enfants « qui n’attendent qu’une chose, qu’on les embrasses » et quelque chose chez lui aspirait à reprocher ce départ précipité à ses parents, à leur en vouloir et se caparaçonner derrière un mur de rancœur. De l’autre… de l’autre il y avait toujours cette espèce de boule au fond de sa gorge qu’il n’arrivait pas à chasser.

Mainio dû le sentir un peu car il eut une sorte de moue pincée et tendre et vint reposer sa main sur la table, abandonnant l’idée de le pousser à s’asseoir.

- Ce n’est pas vraiment l’aventure dont tu avais pu rêver, n’est-ce pas ?

Valdemar ne répondit rien, laissant son père poursuivre après quelques secondes entendues.

- La vie, ça nous tombe toujours sur le pif. Sinon ce n’est pas la vie. Les gens qui ne vivent que dans leurs têtes et selon leurs plans, laisse les à leurs misères, ce sont juste des peine-à-jouir.

Il n’était pas sûr de comprendre, ni certain que c’était ce qu’il avait envie d’entendre, à cet instant précis. Certes ses parents avaient pris le temps de lui expliquer la situation en détail la veille, mais il restait pas mal de points d’ombres.

- Il va se passer quoi au Syndikaali ? demanda-t-il comme pour changer de sujet.

Son père haussa les épaules. « Impossible à dire. Certains de nos concitoyens ont jugés qu’exister dans l’ombre était se faire honte et souhaitent désormais assumer le drapeau noir. Grand bien leur fasse, chacun est libre de tenter sa chance à l’exercice du pouvoir. Du reste, pour les Pharois, il ne faut pas s’en faire. Nos amis ne souffriront jamais d’une dictature, la flotte noire tombera si elle s’essaye à verrouiller le pays et il y a suffisamment de fusibles à faire sauter pour que tout le monde continue à faire ses petites affaires dans son coin. »

- Mes potes...
- N’ont rien à craindre des pirates, je peux te l’assurer. Mainio sourit. « Plains plutôt nos anciens voisins si tu veux mon avis, certains vont se réveiller avec une diplomatie autrement moins conciliante que celle que j'ai pu mener. Ils ne tarderont pas à regretter l'hypocrisie feutrée du Syndikaali. »

Leurs voisins, Valdemar s’en foutait un peu. Son éducation l’avait sculpté dans un bloc d’individualisme pragmatique, et l’adolescence avait écrasé ce qui lui restait d’empathie pour ceux qui n’étaient pas ses proches. Il hocha la tête.

- Ok.

- On a encore pas mal de travail, mon gardon, avoua sa mère qui venait de raccrocher le téléphone. « On se voit dans une heure pour manger, ça te va ? »

Mainio plongeait déjà de nouveau le nez dans ses papiers, ses bajoues plissées par une questionnement muet. Le jeune homme fila sans demander son reste.

Les jours qui suivirent, il les passa principalement à regarder le paysage défiler et le temps se réchauffer – un peu – à mesure que leur navire descendait vers le sud. Thavo se prêta au jeu de quelques parties d’échec en sa compagnie, mais il n’était pas très bon, et les autres membres de l’équipage encore pire. Quelques hauts fonctionnaires le mirent toutefois en difficultés. Moins frustrants étaient les jeux sur mobile qu’il préférait indiscutablement aux livres qu’on avait déposé dans sa cabine, des romans barbants de marins qui parlaient soit d’amour soit d’explorations de pays bizarres.

A l’aube du troisième jour, le ciel était devenu rouge au loin, et le temps plus lourd.

Alors qu’il se tenait accoudé au bastingage, un certain Taavetti, qui était un ancien diplomate de son père, vint se tenir à ses côtés.

- Tu as remarqué qu’on voit moins de poissons dans le coin ? demanda-t-il d’un air secret.

Valdemar lui offrit pour toute réponse un regard interrogatif.

Taavetti désigna le ciel rouge du menton. « On passe au large de la Principauté de Carnavale. » expliqua-t-il sobrement. Quiconque connaissait la réputation de ce pays comprenait aisément le sous-entendu. Les heures qui suivirent, Valdemar les passa à scruter cette région de l’océan, espérant y apercevoir le sommet d’une des tours noires de la ville, certaines étaient, disait-on, plus hautes que des falaises. Mais il ne vit rien et l’ombre de la région tendit à disparaître au loin.

Le soir venu, les eaux lourdes de Carnavale laissèrent place à celles, plus claires, qui annonçaient l'entrée du Lido. Cette fois, il n’était plus seul au bastingage. D’un air où perçait des émotions contradictoires, mélange de fierté et de nostalgie, le capitaine du navire annonça : « Fortuna. »

Ils y entrèrent alors que la nuit tombait et que la mer prenait des allures oniriques.
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Santa Leone – patio anonyme


Le masque qui dissimulait sa large figure ne pouvait en faire autant de l’opulente masse corporelle du Capitaine Mainio – ex-capitaine peut-être désormais ? devenu par un coup du destin et des amis bien placés Patricien de Fortuna. Fallait-il s’en étonner ? Un homme de ce genre trouve toujours à se reconvertir et finalement on ne savait pas très bien ce qu’il avait fait de sa jeunesse, avant de devenir ministre du Syndikaali. Pirate, c’était certain, mais où et dans quoi ? Mystère. Sans doute avait-il dû bien un jour traîner ses tricornes au large de la Sérénissime, c’est qu’elle était partout la bougresse.

Sa présence à Fortuna n’avait en tout cas pas eu l’air d’étonner tant que ça Hymveri. Plus jeune et élancé, fait de bois sec quand son ancien compatriote n’était que mollesse adipeuse, le capitaine des pirates rouges n’avait pas desserré les dents de tout son voyage jusqu’à Santa Leone. Sa fierté lui faisait ressentir comme une injure d’être ainsi convoqué, mais il n’était pas assez idiot pour ne pas y voir une occasion en or. Mainio avait abandonné le Pharois – on ne pouvait lui en vouloir – et s’il aurait été sot de l’imaginer désormais dépourvu de réseaux, n’empêche qu’il devait se rechercher des alliés.

Personne n’avait un seul instant imaginé qu’il puisse prendre sa retraite, et les Grands Capitaines – Gabriel était intarissable sur le sujet – avaient émis de sacrés primes pour apprendre un peu plus sur l’endroit où l’ancien ministre s’était exilé. Jusque-là, motus cependant. On n’ignorait pas que la CARPE avait été cul et chemise avec Mainio et le limogeage d’Ilmarinen n’avait pas en lui-même suffit à purger les services secrets de sa mauvaises influence.
Hymveri se trouvait donc désormais en possession d’un secret, du genre qui vous rend riche, mais Hymveri s’en foutait d’être riche, et c’était sans doute pour cela que Mainio l’avait invité à Santa Leone.

« J’ai appris votre présence à Lyonnars, vous passerez mon bonjour à monsieur Geraert-Wojtkowiak, ce cher brave homme, et que diriez vous ensuite de venir me voir en Fortuna ? Je gage que nous saurons mettre de côté nos différents le temps d’une conversation. »

C'était le contenu du message. Allez savoir comment Mainio était au courant pour Lyonnars, mais il était au courant. Peut-être Sakari qui avait vendu la mèche ? Hymveri se promit de le faire surveiller, ces communistes socio-démocrates avaient toujours un peu trop fricoté avec le parti libéral à son goût.

Une tasse de thé – évidemment – une boîte de petits gâteaux, l’ombre charmante de la vigne vierge qui serpentait sur les croisillons de bois entourant le jardin clôt. Un décor enchanteur, digne de Fortuna, et bien éloigné des plaines austères et stériles du Pharois. A croire qu’ils avaient troqué leurs places, aussi bien politiques que géographiques. C’en était presque injuste, pensa Hymveri, être pardonné, s'élever si haut pour n'hériter en définitive que de caillasse et de crachin.

Un coup d’œil dans son dos lui confirma que l’homme qui l’avait mené en bateau jusqu’à la villa s’était retiré. Une certaine idée de la discrétion, à n’en pas douter. Ainsi ils n’étaient plus que tous les deux, séparés d’une dizaine de mètres, Mainio assis et lui debout, chacun derrière son masque.

- Venez donc ne restez pas ainsi comme un piquet.

Hymveri fit trois pas.

- Montrez-moi d’abord votre visage, que je sache bien si c’est vous.

Derrière les deux trous pour les yeux, ceux de Mainio semblèrent se plisser puis, avec cordialité, il retira le masque. C’était bien lui, sans aucun doute possible, un visage mainte et mainte fois vu, à la télévision, dans les journaux, inchangé. Tout au plus s’il avait pris quelques couleurs. Hymveri hocha la tête et retira son propre masque.

- Fortuna a l’air de vous faire du bien.

- On y déjeune excellemment c’est certain ! Moi qui ait toujours été un bon vivant et je profite autant qu’il m’est possible tant que tout cela a encore l’épice de l’exotisme. Ma plus grande ambition est de mourir avant de commencer à ressentir de la nostalgie pour le Pharois, si je mange suffisamment je devrais y parvenir.

Hymveri eut un sourire prévisiblement cruel.

- S’il n’y a que ça pour vous faire plaisir, je peux rendre service…

- Avec le couteau à beurre ? Dieu que ce serait salissant. Et puis j’ai de la famille ici, j’escompte bien les mettre d’abord tous en sécurité. Sans compter mon fils, un brave garçon mais pas encore un homme, n’y a-t-il pas accomplissement plus doux dans l’existence que de voir s’épanouir sa progéniture ? Je ne désespère pas d’être grand-père à l’occasion, mes aînés ont chacun trouvé à se caser.

- Pourquoi me raconter tout ça ? demanda le pirate d’un ton agacé. Chaque mot que vous prononcez vous met en danger, vous avez un paquet de type qui aimeraient vous voir mort, au Pharois.

- Ah oui ? Moi qui ait pourtant travaillé si dur à ne me faire que des amis…

Hymveri haussa les épaules de mauvais grès.

- Ba, ça rassurerait du monde.

- Voyez dont mes bavardages comme un gage de confiance dans ce cas, vous ne vous asseyez pas ?

Hymveri tira une chaise et prit place face à lui, une main sur la table, l’autre dessous, la droite. La sentir reposée sur l’étui de son pistolet le rassurait.
En dépit de sa paranoïa naturelle, il ne craignait pas vraiment Mainio, tout pirate qu’il ait pu être ce n’était plus qu’un politicien obèse désormais, certes avec le bras long, mais qu’il tire une arme là maintenant et Hymveri se savait plus vif. Et puis, à quoi bon l’inviter à Fortuna pour le liquider ? Il y avait bien le risque de le livrer aux autres patriciens, ou quelque manœuvre traître de ce genre, mais là encore à quoi bon ? Fortuna avait théoriquement les moyens de l’attraper sans son aide, le sous-marin rouge profitait assez largement de la complaisance de la Sérénissime pour disparaître dans leurs eaux une fois ses forfaits accomplis. Beaucoup plus probable était au contraire que les vieux patriciens aient jugé pertinent de renforcer leurs liens avec la piraterie pharoise, et Mainio ferait un excellent intermédiaire, c’était bien trouvé.

- Eh bien ?

- Et bien voulez-vous du thé pour commencer ? On ne discute pas très bien la bouche sèche et c’est un sacré voyage de Lyonnars à ici mine de rien, le faites-vous toujours en sous-marin ?

Tient, il ignorait cela… ou le feignait pour l’endormir.

- Le Pharois m’en a procuré un nouveau. Occuper votre siège a quelques avantages, et celui-ci même vos nouveaux amis du sud ne le détecteront pas.

- Oh la dernière fois que j’ai fait l’inventaire de nos forces armées – et ce n’est pas si loin – nos forces sous-marines étaient passablement vieillissantes. Avez-vous songé à moderniser ça ?

Hymveri s’agaça. « Vous êtes venu refaire la politique pharoise par mon intermédiaire ? Je ne trempe pas dans vos combines Mainio. »

- Pardon, mauvaise habitude, on n’oublie pas si aisément douze ans de ministère. Parlons plus franchement dès lors, j’ai cru comprendre que nos estimés Grands Capitaines étaient favorables à une recentration de leurs intérêts autour des mers du nord. Un choix sage s’ils désirent par ailleurs renoncer à la discrétion de nos affaires, mais cependant on ne revient pas sur dix ans de politique étrangère comme ça et nombre de nos compatriotes expatriés s’inquiètent de l’avenir des marchés noirs hors d’Eurysie…

- Ex-compatriotes vous concernant.

- Je vous l’accorde. Il n’en reste pas moins qu’ils ont mon affection. Affection réciproque je l’espère. Vous n’ignorez pas cher capitaine que nous avons des intérêts en Afarée de l’ouest dans les colonies Listoniennes, dont un réseau de trafic de drogue parmi les plus lucratifs et les mieux rôdés du monde.

Hymveri grinça des dents. La contrebande et le marché noir n’étaient guère ses affaires d’autant que son statut de renégat l’en avait longtemps tenu éloigné. Cependant, tout communiste qu’il soit, il n’ignorait pas non plus que l’argent était le nerf de la guerre, et la drogue un outil de déstabilisation des plus efficace.

- Mouais… ?

- A ceci s’ajoute l’existence à nos portes de l’un des plus vastes marchés fermé du monde, et qui se trouve également de vos ennemis…

Hymveri fronça les sourcils. Les rouages commençaient à tourner. « L’UMT ? »

- Précisément. Isolationnistes, protectionnistes, aucune concurrence extérieure, du pain béni pour le trafic et un facteur de trouble qui a plus d’une fois fais ses preuves. Il se trouve par ailleurs que Fortuna se tient à la porte d’au moins deux d’entre eux et moi je suis à Fortuna.

Le gros homme eut un sourire entendu, auquel répondit Hymveri d'une moue grinçante.

- Mainio, sacrée crapule... mais c’est pas complétement con faut l’avouer. Vous voulez nous offrir les clefs de Prima ? Et de la Clovanie ?

- Précisément. Contre une commission des plus modestes, le plaisir de financer la piraterie mondiale, votre petite révolution et au passage contenter mes amis Althaljirs et Listoniens sur qui je compte beaucoup pour tenter de garder ce monde à peu près multipolaire.

La multipolarité, Hymveri s'en foutait pas mal. Il ne jurait pour sa part que par l'internationalisme, mais c'était deux doctrines qui pouvaient s'entendre, à condition qu'on y mette un peu du sien. Pensif, et toujours passablement méfiant, il se mit à pianoter sur la table du bout des ongles.

- Pourquoi les pirates rouge, Mainio ? N’importe quel équipage un peu dégourdi ferait aussi bien votre affaire.

- Vous avez vos entrées en Loduarie cher ami qui se trouve également stratégiquement positionnée. Sans compter que la faiblesse du mouvement communiste international n’est pas pour me rassurer. J’ai toujours compté sur l’équilibre des puissances pour garder un semblant de paix et je n’aime pas la tournure des événements. M’est avis qu’obliger l’UMT à sortir de sa coquille et au passage vous fournir des capitaux pour ainsi dire illimités fera mon affaire. Je ne vous demande pas grand-chose en échange sinon de garder notre entrevue discrète et de faire croquer ce cher camarade Malyshev au passage.

- Au Prodnov ? C’est pas à côté. Quel rapport avec le trafic de drogue ?

- Aucun. Mais je crois mes successeurs radicalement incapables de mettre en place une stratégie géopolitique raisonnable à long termes. Ils voudront vassaliser le Prodnov un jour ou l’autre, or le bloc communiste slave a sa cohérence et ses propres enjeux. Ceux du Pharois n’ont jamais été de façonner un monde à notre image, soyons modestes.

- Très modeste de traiter vos successeurs de bons à rien.

- Ce n’est pas tant qu’ils sont idiots, mais je suis très intelligent.

Et disant cela, il jugea le thé suffisamment infusé pour leur en servir deux tasses fumantes.
3 Décembre 2012,
Sérénissime Fortuna,
Île Mère de Régallia, au sein de la Ville qui sombre,
Aux abords d'une villa sur la Lagune,



Invitation dédiée
Aux prémices de la fin d'année, les cloches silencieuse de la Basilique noyée claironnent et somment les tenants du Concile à siéger pour décider du destin de centaines de milliers...




Rien de tel qu'une petite promenade de bon matin afin de profiter de l'air vivifiant de l'hiver qui s'annonce en dépit de ses ardeurs tièdes largement tempérés par les vents du sud et autres alizés ramenant de Leucytalée et d'Afarée des humeurs exotiques se croisant avec l'odeur des grands pins de la Terrafirma, un croisement dont seul l'île mère et surtout la Lagune Fortunéenne avait le secret de par sa position pour le moins idéale en ce bas monde. Alors que le continent devait composer avec le général hiver, la ville qui sombre profitait pour sa part d'un répit plus qu'appréciable faisant qu'il était commun pour les fortunés et tout ceux disposant de moyens financiers confortables de filer à la Listonienne loin des métropoles continentale afin de gagner villa et hôtels privés voir même sa propre île siégeant au coeur de ce que les marins chevronnés aimaient à nommer "Le Carrefour des vents". Terrible ironie lorsqu'on savait qu'il était coutume normalement de procéder de la sorte dans d'autres pays lors des périodes de canicule de l'été afin de ne point avoir à souffrir le renfermé de cités bien trop peuplés et souffrant de tous les maux que pouvaient apporter le progrès quotidiennement.

Pour autant, au delà des agréments et des us ainsi que des coutumes, la grande fuite des aisés vers la Capitale n'était pas uniquement dû à son climat aussi unique qu'agréable. De fait, parmi les lots de débarqués s'en revenaient systématiquement et surtout mécaniquement la quasi-totalité des patriciens qui d'ordinaire, et ce en dépit des modalités particulières des coulisses de la politique républicaine, vaquait à ses occupations et domaines d'activités propres à travers l'ensemble de la Sérénissime. Sous entendu à travers le globe, cela allait de soi. Les fins d'années étaient en effet propice, au delà des festivités du calendrier chrétien ou que savait-on, à faire les comptes et ce bien au delà des talk show de Dom Altarini. Il y avait en effet beaucoup à dire après douze longs mois et le fait que l'Aigle Bicéphale perché sur sa Lagune ne s'exprimait peu ou pas en dehors de ses centres d'intérêts sommes toutes excentriques, ne voulait pas dire qu'il était aveugle, loin de là.

Dire que les Patrices et les divers pontes invités aux soirées dansantes avec supplément de céramique se goinfraient allègrement de pop corn tout en sirotant des thés aux mille et une saveurs était un doux euphémisme. Discrets sur la scène internationale, acteur déterminant de l'intérieur de Fortuna et patrimoines confortables dans le palmarès mondial, ils raffolaient plus que tous de l'actualité internationale et de ce qui se tramait dans la plus grande des ignominies, ce dont seul l'être humain était capable envers et contre tout de créer de son propre chef en son "âme" si l'on pouvait dire et une parodie de conscience. Les Transblêmiens en dépit qu'ils soient fous à liés et obsédés par une paranoïa compulsive n'avaient aussi improbable que ce soit jamais eut totalement tord lorsqu'ils hurlaient à qui voulait l'entendre qu'il existait un Grand Complot Fortunéen tirant les ficelles du monde. Oh cela, les vieilles dynasties l'aurait bien voulus, malheureusement il fallait rester réaliste et viser à sa portée. En tout état de cause les laquais de Léon de Blême ou qu'importe comment leur fantôche de propagande se nommait avaient eut le nez creux en évoquant à la moindre occasion des réunions à la sauvette dans des cryptes humides pour comploter. Eh, humides peut être pas mais les cryptes secrètes et réaménagés afin de tenir des réunions n'étant pas supposés être connus était vrai pour le coup. Fait amusant, l'acharnement de Blême passant pour des théories du complot participait grandement à maintenir au stade de mythe la chose et à contrario de ce que ces "lancés d'alertes" étaient supposés accomplir, ne faisait que provoquer l'effet inverse et ce pour le plus grand bonheur des Fortunéens qui "Sachent".

Mais fis de ces divagations. pour en revenir au sujet, les Patrices tous ou presque rassemblés au sein de la ville qui sombre n'était jamais rien de moins que les retombées d'un signal ayant été lancé afin de battre leur rappel. Les us et les coutumes en tête et l'impératif politique et international en sous main, il y avait certains sujets urgent à évoquer en... "Assemblée plénière, non pas du Sénat cet organe fantoche de prestidigitation, mais bien du Concile. Le véritable coeur de la Sérénissime, dissimulé à l'abri des yeux indiscrets et des influences néfastes des idéologies et alignements contemporains derrières des protocoles complexes transmis de bouches à oreilles de père en fils et d'innombrables faux-semblants et autres mascara participant indéniablement à remémorer au bon souvenir de chacun que la Lagune Fortunéenne au delà de ses clichés atypiques, de son climat agréable et de ses merveilles diverses, demeurait tout de même nimbée dans le mystère et était sujette à d'innombrables non-dit qu'il valait mieux laisser tel quel. La Cité avait ses règles après tout et tel l'eau coulant paisiblement, il valait mieux ne point la déranger en causant des remous.

Quoi qu'il en soit, qui disait réunion du Concile signifiait que tous les Patriciens étaient cordialement invités à siéger en un lieu et une date convenue à l'avance par les exécutants de l'Ordre secret. Les invitations entre autres étaient remises en main propre par ces derniers comme le voulait les protocoles en vigueur d'une machinerie de précision huilée avec délicatesse. Quand à savoir les sujets que l'on allait évoquer au détour de quelques macarons et coupes d'hypocras, ces derniers demeuraient généralement secret jusqu'au dernier moment en théorie, dans les faits tous les participants avaient plus ou moins déjà une idée de la question ou au moins des pistes, en général être attentif et à l'affut suffisait amplement afin d'être bien armé sur le plan de l'esprit avant de se mettre sur son trente et un pour la grande occasion. D'aucun dirait que cette fois ci, la diversification des rapports de force à l'internationale, impliquant notamment l'essor de nouveaux groupes de nations, ou encore le "réchauffement" de l'atmosphère générale en Eurysie avec une reprise d'activité de la Loduarie et ses excès, des ingérences étrangères à tout va, ou encore pour être plus précis le cirque à l'oeuvre en Okaristan, tous cela étaient des candidats très probables afin de bénéficier du titre de sujet principal de toutes les conversations. Les exécutants eux même en auraient peut être quelques choses à dire.

Mais ça seul l'avenir le dirait. Dans tous les cas, les invitations avaient été cordialement expédiés par l'intermédiaire des porteurs de masques à ceci près qu'il y avait toutefois un Patrice ayant reçu une attention particulière. De fait, l'invitation réservée à l'attention de l'honorable capitaine Mainio avait pour sa part reçut quelques aménagements supplémentaires sous la forme de dorures et d'un cachet de sire arborant le sceau d'une Balance. Pour les néophytes, cela ne voudrait pas dire grand chose mais pour un esprit averti ayant été mis au fait des coutumes de l'envers du Miroir Fortnunéen, il ne s'agissait ni plus ni moins que de l'emblème de "L'Arbitre", la personnalité qui présidait le Concile et qui n'était autre dans les faits que le Doge. En d'autres termes, le Capitaine était désigné comme "invité d'honneur", une façon en un sens de l'accueillir comme il se devait et ce dans une finalité flamboyante au coeur de ce... Club... Très privé qui tirait les ficelles de la nation, mais surtout de faire savoir que LA Sérénissime avait besoin de ses avis et surtout de son expertise sur des questions de toute évidence traitant des sujets épineux.

Le moins que l'on puisse dire, c'était que du point de vue de l'étiquette, les grands moyens avaient été déployés pour l'occasion afin de transmettre "le message". De bon matin, avec une délégation d'exécutant chapeauté par un des cadres nommé affectueusement l'Hermétiste et ce avec le plus grand des respects et même quelques grands crus adjoint au tout, que demander de plus ? Quelque part, c'était sans doutes là le minimum syndicale pour oser déranger l'intéressé et sa famille aux aurores mais que voulez vous... Ces affaires là n'attendaient
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