10/08/2013
06:11:42
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[Grand Kah/Teyla] It's just good business [terminé]

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Si Heon-Kuang était suffisamment cosmopolite pour avoir, sans doute, déjà accueilli quelques touristes, émigrés ou hommes d’affaires teylors sur son sol, c’était la première fois que les cent jardins accueillaient une délégation d’officiels issu du royaume. Évènement d’autant plus notable que, si la ville menait sa propre diplomatie relativement indépendante de celle de la confédération dont elle dépendait, celle-là se limitait généralement aux cercles strictements eurysiens. Même les très importants cercles d’affaire de la cité passaient le plus souvent par des intermédiaires pour gérer leurs actifs extra-continentaux.

La situation avait imposé de nombreux débats protocolaires aux seins des instances dédiées de la commune, et le commissariat aux affaires exclave avait même débloqué un budget exceptionnel pour assurer que l’essentiel de la rencontre diplomatique se fasse dans les meilleures conditions possibles. Shao Kai Yuhan, l'habituellement discret commissaire représentant des exclaves, s’était impliqué personnellement dans le dossier. Si ses principaux rivaux s’amusaient à dire qu’il avait pris goût à la politique depuis son passage au Negara Strana, celui-ci explicita sa pensée avec le pragmatisme qu’on lui connaissait : il s’agissait de discuter de contrats militaires. Une affaire suffisamment stratégique – et potentiellement lucrative – pour nécessiter l’implication directe d’au moins un envoyé de la confédération. C’était, nota-t-on aussi, bien la première fois que le représentant des exclaves se rangeait du côté de l’Union plutôt que des communes qu’il représentait. Simple notion sémantique qui, au-delà des polémiques systématiques qui composaient la vie d’une démocratie aussi active que le Grand Kah, n’eut pas un grand impact sur les préparatifs de la rencontre.

La délégation étrangère arrivèrent à l'Aéroport international Jin Murosawa, à une heure avancée de la soirée. L’avion, passant par le nord, traversa le ciel d’une ville qui avait peu d’égale à travers le monde, et encore moins sur le vieux continent. C’était comme l’image d’Épinal de cette cité, centre financier d’ampleur mondiale qui arrivait, curieusement, à conserver une identité proprement communaliste. Les immenses buildings d’habitation des quartiers centraux étaient cernés par les cités jardins des communes de Phetchapanget Chamui. On devinait aussi le Parc Forestier de Manrang, et le parc historique d'Ishimura, immenses poumons verts d'une ville à la pointe de la modernité. Lorsqu l'avion se posa, tous ses passagers purent observer, à l'opposée de la baie, le Fort Aleph et la Zone Militaire Prian. Immenses structures militaires au-dessus desquelles stationnaient trois dirigeables et fret et autour desquels on voyait la silhouette funeste de navires de la flotte Nazuméenne.

Sur le tarmac, l’air avait une qualité électrique. De gros nuages noirs se gonflaient au dessus de l’océan, annonçant sans doute un orage nocturne. Le vent ramenait de forts embruns et les odeurs des marchés alentours. Une garde d’honneur composées de seize membres de la protection civile et dix membres de la garde communale quittèrent une position de rang pour former une haie d’honneur, que traversa à pas vif Shao Kai Yuhan. Arrivé devant la délégation teylaise, il s’inclina en avant, longuement, puis se redressa en souriant, réajustant ses lunettes d’un geste avant de tendre la main aux représentants.

– Bienvenue, citoyennes et citoyens.

La formule pouvait prêter à sourire, mais les kah-tanais l’utilisaient fréquemment. Il parlait français, quoi qu’avec un certain accent qui, sans rendre l’ensemble incompréhensible, n’était clairement pas celui d’un locuteur natif. Souriant, il fit signe à ses hôtes de l’accompagner.

– Le voyage à dû être éprouvant. Vous avez traversé quoi ? Quatorze mille kilomètres et deux continents ? J’ai jugé que vous préféreriez peut-être esquiver tout le décorum d’usage.

Il toussota poliment et s’arrêta en bout de piste, où attendaient deux voitures, et fit signe à ses invités de monter dans celles-là. Il monta dans la voiture de tête avec les principaux représentants, laissant à leurs secrétaires et autres gardes du corps celle de derrière. Les véhicules électriques se mirent en route dans un silence étonnant, empruntant rapidement une voie réservée coupant à travers ville.

– Je crois que vos chargés du protocole vous ont déjà informés des dispositions que nous avons prises. Nous allons d’abord discuter affaires – la représentante de la branche locale de Danger Systems nous rejoindra dans l’Assemblée Communale de Heon-Kuang. Ensuite, si vous voulez profiter de cette occasion, nous avons préparé une visite des points clefs de la ville. Le Parc historique d’Ishimura est particulièrement beau, à cette période de l’année. Il faudra aussi que nous discutions du lieu où auront lieu les photos de presse.

Il pencha la tête sur le côté.

– Nous connaissons assez mal le public teylor. Il nous était impossible de choisir pour vous si vous souhaitiez vous exposer devant les buildings de la commune Est, devant les centres historiques, à proximité de nos terrains militaires. Après tout il s’agit de votre communication intérieure, nous sommes vos humbles obligés.

Il se tut brièvement, lançant un regard circonspect aux chantiers d’une immense tour de gratte-ciel, puis émit un grognement approbatif lorsque la voiture émergea hors du quartier d’affaire pour s’engager sur une grande avenue encerclée d’espaces verts. Les lieux étaient d’une modernité détonante et joyeuse. D’immenses panneaux d’affichages diffusaient des bulletins d’informations en continu et des trams, bus, métros étaient visibles sur chaque route. La ville semblait aussi très piétonne. Les automoteurs étaient rares, et semblaient généralement appartenir à des institutions officielles ou des services de frets.

Désormais, le convoi se rapprochait des quartiers plus "traditionnels", où les immenses tours laissaient place à des rues larges et piétonnes et à des bâtiments d’une architecture tout à fait locale, l’ensemble avait quelque-chose d’assez charmant.

Le commissaire sembla soudain se souvenir de quelque-chose.

– Ah ! Des exercices militaires ont aussi été prévus. Ce qui tombe... Plutôt bien, vous en conviendrez.

Il acquiesça avec un demi-sourire.

– Si vous voulez observer le matériel que votre gouvernement souhaite acquérir. Un programme chargé, donc. Nous espérons qu’il vous apportera pleine et entière satisfaction.

Enfin le convoi arriva dans la cour de l’assemblée communale générale. Là, un petit contingent d’officiels et de militaires rendirent les honneurs à l’ensemble de la délégation, puis tout le monde se retrouva enfin dans un salon diplomatique du plus bel effet, et dont la grande baie vitrée donnait tant sur l’océan – où se déployait corps et bien un orage – ainsi que sur les tours lumineuses du centre-ville. La plus haute d’entre elles semblait appartenir à Saphir Macrotech, entreprise notamment impliquée dans les investissements kah-tanais en eurysie.

Le reste du salon était tout à la fois moderne et emprunt de culture locale : une bonne moitié de l'espace était ainsi occupé par un jardin de sable où l'on avait tracé des motifs zens, et plutôt qu'une table de réunion on invita les représentants à retirer leurs chaussures et à s’assoir en sur des coussins disposés autour d'une table basse où se trouvait un service à thé.

Comme prévu, la représentante de Danger Systems choisit ce moment pour se joindre aux discussions. Relativement âgée, c'était une femme au visage plat et aux yeux légèrement globuleux. Pour autant, elle dégageait une énergie très vive et communicative. De manière notable, ce fut elle qui servit le thé, avant de s’installer comme les autres à la table basse où se tenaient les discussions.

– Citoyen commissaire, messieurs-dames. J’espère que vous avez fait bon voyage !

– Je vous présente la citoyenne Xin. Elle représente les intérêts des coopératives d’armement de la commune.

– Tout à fait. Et maintenant je suis tout à votre écoute. Nous avons deux trois choses à discuter, je crois. Elle prit un ton de confidence. On m’a recommandé de vous faire des concessions. Je crois que ceux que je représente espèrent beaucoup de cette occasion.

Elle, pour le coup, parlait en français parfait et sans accent.
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Le jet de voyage du Royaume qu'a tout ministère du Royaume se pose sous un ciel de plus en plus sombre. Le pilote est soudain soulagé au vu du temps que dégage le ciel de la commune. Il ne voulait pas être le pilote qui aurait perdu sous un orage un ministre du Royaume, mais plus encore, il ne voulait pas perdre l'homme le plus important du parti au pouvoir, tenant par les bouts des doigts certain députés. Bon nombre d'articles sont sortis par le passé sur les manières brutales et autoritaire qu'avait le ministre envers certains membres du parti. Mais il restait arroché au pouvoir comme l'éclair reste fidèle à l'orage.

Gary Hubert, un homme de soixante et un an, habillé d'un costume cravate des plus cher au monde descend de l'avion accompagné par deux personnes faisant dans la trentaine. Il est évidant qu'il s'agit du ministre de la Défense et des Armées du Royaume de Teyla accompagné de deux conseillers. C'est tout naturellement que l'homme en bonne santé, bien que les rides commencées très sérieusement à envahir son visage échangent les premières amabilités entre les deux délégations présentes tout en s'empêchant de regarder autour de lui pour rester respectueux.

À la phrase prononcée: "Ah ! Des exercices militaires ont aussi été prévus. Ce qui tombe... Plutôt bien, vous en conviendrez." Il eut une brève mais brutale réaction. Son sourcil droit s'arqua pendant qu'il émit un grognement pendant deux secondes. Se rendant compte de son comportement, il se reprit aussi vite que cela avait commencé. Il était évidant que le Ministre semble prendre mal ce heureux hasard pour la commune. Bien qu'il savait impossible de préparer un entrainement militaire en aussi peu de temps, tout dépend de sa taille pensa-t-il soudainement.

Ils me prennent pour qui ? Pour un bleu ? Si oui alors ils sont bien cons, pensa-t-il sans l'avouer à voix haute ou basse. Ses pensées continuèrent à défiler à une vitesse des plus rapides. Mais plus le temps passe, plus il se trouve flatté sans qu'il n'arrive à abattre définitivement ce sentiment de mépris à travers une tentative aussi visible et risible de manipulation. Mais ses mots furent toujours courtois et diplomatiques et il tenta jamais d'aborder le sujet impressionné par la qualité de la réception en général. Au bout de quelques minutes, il se dit que des erreurs cela arrive à tous.

Gary Hubert a écrit :
Ce sont des choses qu'il ne faut pas dire à la personne avec qui on négocie, dit-il sur le ton de la plaisanterie. Mais mon royaume attend beaucoup de cette rencontre et à vrai dire espère que cela permettra le début d'une relation profonde et intense entre nos deux institutions et pays. Il semblerait que j'aie bien plus d'attributions que le veut ma fonction officieusement dans ce voyage. Mais ne le dit à personne, toujours sur le ton de la plaisanterie. Mais sur un ton beaucoup plus sérieux, il reprit :

Je propose de commencer par le contrat d'armement. Ainsi, j'aimerai vous transmettre les documents qui vont résumer la demande de ma nation.

Les conseillers du ministre distribuent les feuilles puis le ministre reprit :

Gary Hubert a écrit :
Bien comme vous pouvez le voir, la commande est très très conséquente. Ainsi, nous aimerons l'acquisition de :
- Dix mille d'armes d'infanteries légères
- Mille cinq cents mitrailleuses lourdes
- Deux cents mortiers légers
- Deux cents lance-roquettes
- Deux cents missiles anti-char

HRP, calcule
J'ai calculé pour toi le coût de base en point via ton document dans appel d'offre. Ceci est censé faire un total de 29 560 points.
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Les deux kah-tanais acquiescèrent doucement. Le commissaire semblait pensif : ce n'était pas la première fois qu'il traitait avec l'un de ces "hommes de l’État", comme on appelait les hommes forts en mesure d'influencer sur la politique de tout un gouvernement, sous ces latitudes. Shao Kai avait toujours considéré l'existence même de ce genre d'individu la preuve nécessaire que les démocraties représentatives n'étaient jamais que des oligarchies déguisées. Pas que cela était important de quelques façons que ce soit.

La citoyenne Xin, elle, s'était penchée sur un petit assistant électronique sur lequel elle pianotait avec un stylet en se basant sur la commande décrite pas Gary Hubert. Après un moment, elle se redressa en souriant.

– Ma foi. Il y en a pour plusieurs millions de devlib de matériel. Elle poussa un soupir pensif puis joint les mains devant elle. Cela-dit je comprends que le Royaume cherche à acquérir du matériel d'infanterie de pointe. Vous êtes entourés par la Loduarie et les nations de l'Union Médiane des Traditionalistes. De très mauvais voisins, à tout point de vue. Ne vous ne faites pas nous pouvons produire ce dont vous avez besoin très rapidement. Sous dix jours, en fait. Quant au prix, considérant la situation géographique de Teyla il convient de nous montrer arrangeant. Un pur acte de solidarité internationale. Que diriez-vous que nous oublions quinze pourcent du total ?
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Le ministre aurait aimé être en face d'un député qu'il pouvait maîtriser par un mouvement de main menaçant. Il eut un sourire malsain visible par toute la délégation Kan-Tanaise à l'arrivée de cette pensée. Puis il eut un sourire plus grand pour d'autres pensées très certainement. Ce n'était plus l'homme sympathique balançant des plaisanteries, ses yeux balancèrent des flammes venues d'un esprit malsain et alors qu'il vient de finir sa réflexion, il ouvre la bouche et déclare :

Gary Hubert a écrit :
Vous avez évoqué la Loduarie. À vrai dire, elle nous a contacté pour des questions dites sensibles selon les mots de son représentant. Nous avons accepté la mise en place d'ambassade commune. Il me semble que votre nation entière est souvent confrontée à la Loduarie. Votre évocation de la Loduarie n'est pas un hasard, je pense.

La dernière phrase est balancée brutalement et froidement oubliant tout sens diplomatique. Il savait au plus profond de lui même avoir découvert un point de négociation selon lui. Il reprit sur un ton plus diplomatique tout en se tournant vers Shao Kai Yuhan.

Vous voyez-je suis convaincu que les services de renseignements de votre nation savent de quoi veut parler la Loduarie avec nous. Vous allez nier et c'est normal. Au vu des différents de votre nation envers la Loduarie, nous pouvons changer notre politique diplomatique. Je vous l'assure. Mais il faudra un geste plus que symbolique de votre nation pour cela.

En attendant une réponse, il déglutit son verre d'eau tout en espérant que Shao Kai Yuhan ainsi que Danger System auront toute la pression sur eux au vu des questions posées par le ministre qui dépassent très certainement les compétences de la commune.
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Hm.

Le commissaire afficha un sourire aimable et acquiesça doucement la tête. Les kah-tanais avaient pour réputation d'être assez froids avec les étrangers. En vérité ils étaient surtout d'une politesse parfois un peu trop exquise, qui semblait chez eux l'expression d'un genre de sentiment de supériorité ou de satisfaction. En l’occurrence le commissaire avait bien compris ce qu'on essayait de faire, et constatait que son interlocuteur s'était trompé le sous-entendu de la camarade Xin. C'était tant mieux.

Je crois surtout que la citoyenne évoquait la Loduarie du fait de sa proximité avec vos frontières. Comme vous l'avez justement fait remarquer la république socialiste a une nette tendance à l'ingérence armée dans les territoires les plus exposés. Mais nous avons d'excellentes relations diplomatiques avec le parti communiste loduarien.

C'est vrai, renchérit doucement la représentante de Danger Systems. Ils sont aussi d'excellents clients. Pas de la branche que je représente, évidemment, mais le consortium a fournis une grande partie du matériel de pointe de leur armée.

Elle but une gorgée de thé, et fut imitée par son camarade, qui pris la parole d'un ton aimable.

Nous n'oserions pas demander au Royaume de changer sa politique envers son voisin : ce n'est pas dans nos méthodes. De toute façon vous l’avez dit vous-même : nous deviendrons des puissances amies, en ça nous respecteront vos choix politiques.

Cependant je peux peut-être vous proposer quelque-chose, ajouta la représentante en se redressant sur son coussin. Nous pourrions faire passer notre offre de quinze pourcents à vingt pourcents contre un contrat d’exclusivité. Si vous envisagiez déjà de vous fournir chez nous sur le long terme cela ne vous engage donc à rien, c’est tout à votre avantage, je crois.
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Gary Hubert toujours offensif, retente malgré tout sa chance et espère toucher au but. Les conseillers avec lui savent que c'est peine perdue, mais leurs expressions restent courtoises. Gary Hubert reprend donc sur un ton ressemblant à un ton diplomatique :

Gary Hubert a écrit :
Avec tout mon respect pour vous. Les questions sensibles que veut évoquer la Loduarie avec nous concernent des actions potentiellement hostiles envers une autre nation que la nôtre du continent Eurysien. Enfin, mon ministère ainsi que celui des affaires étrangères de mon pays le pensent. Ça reste une question sérieuse que nous ne pouvons pas balayer d'un revers de main. Quoiqu'il advienne si votre nation à besoin d'évacuer vos ressortissants en Eurysie mon pays mettra tous les moyens qu'il peut pour le faire. Veuillez le transmettre au gouvernement central. Cela me semble être une question des plus urgences pour la sécurité de tous.

Humm, un contrat d'exclusivité. Donc qu'on passe des commandes d'armes qu'avec Danger System ? Si c'est cela que vous voulez dire. Nous sommes prêts à le faire bien entendu. Mais au vu du risque cela représente. La mise en place d'un monopole comme celui-là, même sur une courte durée représente de nombreux risques pour notre nation. Mais aussi des avantages. Cela représente avant tout des avantages pour vous. Au regard de cela, nous vous demandons une augmentation de la réduction de vingt-cinq à trente pour cent. Seulement pour cette commande.

Concernant les prochaines commandes, nous payerons le prix standard, du moins nous demanderont pas une aussi grosse remise. Je tiens à préciser les retombés économique énorme pour votre commune. Une telle commande promet une production sur un temps longs, peut-être même l'ouverture d'une nouvelle chaîne de production. Cela n'est pas rien en termes d'emploi. Certes, l'entreprise gagnera moins d'argent que prévu, j'en conviens. Mais ça servira le bien commun à travers les nombreuses retombés économiques. J'oublie un investissement plus important possible dans la recherche et le développement, une meilleure balance commerciale.
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– Ma foi. Le kah-tanais acquiesça. Je transmettrai ça à Axis Mundis. C'est le genre de déclaration susceptible de vous faire bien voir par la Confédération. Mais si cela peut vous rassurer, vraiment, sans nier l'instabilité et l'agressivité du gouvernement Loduarien, ils se sont révélés être de bons partenaires. Fiables et raisonnables en dehors des questions militaires. Je suis sûre que vos paroles n'auront jamais à être mise à l'épreuve. Sans quoi, eh bien nous vous serons redevables je suppose.

Puis il se tut pour laisser parler sa collègue. Celle-là fit mine de réfléchir à la proposition de son interlocuteur, se saisissant à nouveau de son assistant personnel pour considérer une montagne de chiffres et de données. Après un curieux silence entrecoupé des petits tapotements de son stylet sur l'écran de la machine, elle la posa et acquiesça vivement.

– Vous êtes dur en affaire, comme on dit. Mais dans ces conditions je dois bien vous donner raison. Elle lui sourit et lui tendit une main à travers la table. Va pour vingt-cinq pourcents de réduction totale sur cette première commande.
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Gary Hubert a écrit :
J'en suis ravi que nous avons pu trouver un accord. Cela me laissera du temps pour me préparer pour voir cet exercice militaire qui tombe à pic.
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– Très juste.

Shao Kai Yuhan se leva, suivit de la citoyenne Xin. Celle-là fit disparaître son assistant électronique dans une poche de son pantalon, et épousseta doucement les plis de sa chemise.

– Bon eh bien je crois qu’il ne reste plus qu’à signer. Je vais demander à mes légistes de nous faire un beau contrat, ils les communiqueront à vos équipes qui s’assureront que tout est en ordre, d’ici demain vous devriez pouvoir annoncer la bonne nouvelle.

Elle ferma le poing et donna un petit coup dans le vide, devant elle, dans un geste internationalement compréhensible d’entrain. Ses yeux jetèrent de rapides regards en direction du commissaire kah-tanais. Ce dernier acquiesça doucement et fit signe au ministre teylor de l’accompagner en direction de la sortie, où se trouvaient les chaussures de tout le monde.

– Il me semblait que vous pourriez avoir envie de maîtriser toutes ces questions de déclarations officielles et autre. Si vous le permettez, nous allons discuter de la suite de votre séjour dans notre commune. Citoyenne Xin, merci d’être venue.

–  Je vous en pris Shao. Monsieur le ministre.

Elle inclina la tête et attrapa l’attaché caisse qu’un assistant lui tendant, puis quitta les lieux d’un pas vif. Le représentant communal sembla légèrement se détendre à son départ. Ce qui, dans son langage corporel parfaitement maîtrisé et stoïque, s’exprimait par une très vague inflexion de ses muscles au niveau du front. Il acquiesça pour lui-même et murmura quelque-chose en japonais avant de reprendre.

– Cette nuit vous dormirez dans l’un des palaces du centre-ville. Il est situé stratégiquement près des quartiers d’affaire. Nous n’avons pas trop communiqué sur votre visite, pas encore, mais comme il y a une diaspora teylor...

Il lui lança un regard qui voulait clairement dire « inutile de vous faire un dessin », puis l’accompagne dehors. La suite fut une discussion sur des questions protocolaires et organisationnels. Bien que menée sous un format relativement officieux – en progressant dans le dédale de couloirs modernes et chaleureusement décorés du parlement communal– cette dernière concernait des détails clefs de l’organisation des prochaines heures. Si Gary Hubert souhaitait rencontrer des membres de la diaspora, vers quelle heure, plutôt dans tel, ou tel endroit ? S’il souhaitait manger seul avec son équipe ou en compagnie de représentants kah-tanais – peut-être y avait-il encore des choses à discuter, après tout. Le kah-tanais faisait en sorte de toujours donner le choix à son invité, même sur les aspects les plus minimes. D’un autre côté, Gary pu noter que son parcours avait été entièrement décidé à l’avance, de telle manière que s’il pouvait avoir l’impression de prendre des décisions indépendantes, il était évident que les kah-tanais avaient déjà préparés la suite avant même de le consulter. Ceux-là étaient très manifestement des experts en la matière, leurs chargés de protocoles, s’ils profitaient du même salaire citoyen que les autres habitants de l’étrange confédération, étaient sans doute parmi les quelques vétérans que le métier comptait à travers le monde.

Enfin de retour sur le parvis de l’immense tour, le commissaire salua chaleureusement le commissaire et s’excusa, ce qui était sa façon de le laisser seul, tout en lui présentant une charmante jeune femme issue de la population immigrée, et qui avait pour mission de lui servir de guide. Camille Jeunet – c’était son nom – expliqua succinctement qu’elle avait rempli cette tâche auprès de nombreux hommes d’affaires venus travailler quelques jours ou semaines dans le centre d’affaires de la ville. Ce qui explicitait un certain standing tout en assurant au ministre qu’elle n’était pas une agente kah-tanaise : après tout les milieux d’affaire de son pays natal ne voyaient pas d’objection à son activité auprès de leurs ressortissants.

Camille s’illustra bien vite d’un remarquable professionnalisme, se faisant totalement oublier quand on avait pas besoin d’elle, expliquant ce qui devait l’être au bon moment, quand cela était désiré, et arrivant toujours à comprendre quand elle devait ou non s’exprimer.

Le ministre et son escorte traversèrent à nouveau la ville, retournant vers le riche quartier d’affaire du centre ultra-moderne. Celui-là avait opéré une étrange transformation durant l’intervalle de temps qu’avait duré les négociations avec les représentants industriels et politiques de la ville : des fanions et des guirlandes décoraient maintenant les rues, et certaines s’étaient piétonnisées pour laisser place à une importante population qui dégorgeait des bouches de métro, des arrêts de tram et des tours de bureaux. Cette foule, définitivement moderne, semblait exprimait toute la richesse du cosmopolitisme d’Heon-Kuang. Des salarymen en beaux costumes se rassemblaient pas petits groupes, cravates desserrées ou pendant des poches de leur veste, se dirigeant vers des terrasses où l’on faisait bar et restaurant. Faute de réel facteur économique, ces espaces étaient aussi rejoints par des jeunes travailleurs et des étudiants, que l’on reconnaissait généralement par le style « Nazum pop » ou « néo-punks » qu’ils arboraient. Gary put se souvenir que l’une des membres du Comité de Volonté Public, ce qui faisait office d’exécutif à la Confédération kah-tanaise, était à l’origine de la survie et de la réémergence de ce style vestimentaire pourtant destiné à disparaître avec les années 80.

Une personnalité bizarre, cette Rai Sukaretto. Fille de l’ancien empereur kah-tanais – enfin, le dictateur qui avait dirigé le pays dans les années 80 – elle était maintenant l’une des plus importantes figure anti-monarchiste du pays, et une faiseuse de mode célébrée par la jeunesse de la plupart des pays développées. Une avocate parfaite du « cool kah-tanais », cette politique économique qui prétendait vendre des vêtements, de la musique et des films kah-tanais à toute une génération, pour effacer l’idée d’un kah poussiéreux dans sa révolution au profit de celle d’un pays à l’ultra-pointe de la modernité.

Alors les crêtes colorées et les vêtements de cuir cohabitaient avec les costumes de fibre noire et les imperméables plastiques colorées, sous lesquels on devinait des vêtements aux couleurs pétantes, parfois à l’effigie de groupes de musiques parmi lesquels « Pink chocolat ! », cet insupportable girlsband en tête des ventes dans une partie de l’Eurysie, se révélait omniprésent. De la musique sortait des bars karaokés, des salles d’arcades, des espaces plus calmes étaient organisés, derrière certaines vitrines. On devait sans doute y parler affaires ou – à en croire ces rassemblements disparates d’habitants attendant leurs tours autour de tribunes – politique locale.

La voiture s’arrêta enfin aux pieds d’un bâtiment élégant et terrassés, composé de cubes vitrés dont le sommet servait de balcon aux étages supérieurs. L’Harbourview, c’était le nom de l’hôtel, ne mentait pas. Et Gary pu rapidement constater que sa chambre donnait une vue imprenable sur le port civil et la marina de la ville. Depuis sa position, la population festive et compacte ressemblait à un tas de fourmis s’agitant dans tous les sens. Des fourmis colorées et enjouées.

Au bout d’un moment, et conformément aux demandes du ministre, on vint le chercher pour l’amener aux représentants de la diaspora taylaise. On avait préparé une salle de conférence au second étage de l’hôtel. Une baie vitrée donnait sur les tours du quartier d’affaire et les sculptures modernes située dans le prolongement de l’Unity Plaza, centre névralgique du très important groupe Saphir Macrotechnologies. Les kah-tanais se firent discrets, en fait le ministre put constater que tout le personnel mis à sa disposition était, d’une manière ou d’une autre, issu de la diaspora, et les échanges furent tels qu’on pouvait les attendre en ces circonstances. Cette population avait recréé une forme de Teyla au sein de la ville. Une Teyla d’affaire et de modernité, qui préservait certains éléments de sa culture tout en adoptant progressivement le mode de vie propre à la commune. Affaire inévitable, mais pas nécessairement problématique : les teylais accueillirent « leur » ministre à bras ouverts, manifestement très heureux que le gouvernement s’intéresse enfin à « leur » sort. Cela étant, ce n’était pas exactement une minorité oppressée et en dehors d’un bain de foule et de discussions badines sur la situation locale et celle du pays, il n’y avait pour ainsi dire pas grand-chose de substantiel à échanger.

Plus tard en soirée, Camille Jeunet – qui s’était poliment éclipsée durant les discussions – réapparue pour annoncer au ministre qu’il allait bientôt être temps de rencontrer les dignitaires kah-tanais autour d’une bonne table. « En fait, » avoua-t-elle, « l’une des meilleures de la région ». En l’occurrence il s’agissait d’un de ces restaurants dont on pouvait entendre parler d’un continent à l’autre, pour un peu que l’on s’intéresse à la haute gastronomie et aux chefs réputés.

Le Ciel du Nazum était situé à l’écart du centre-ville, qui grouillait toujours d’une activité vive quoi que moins bruyante qu’en début de soirée. En fait, il se situait même dans le parc historique, sur une petite colline artificielle construite des siècles plus tôt avec la terre et les pierres récupérées lorsque les anciens rois d’Ishimura creusèrent des canaux dans la région. La table où se rassemblèrent les dignitaires donnait sur quelques-uns des temples à étage du complexe palatial médiéval. Des structures pyramidales de pierre grise et rouge, entourée de statues de lion et séparaient d’avenues droites et de canaux. On devinait aussi les larges murs de pierre taillée du temple central. Au-delà de l’aspect pittoresque de son positionnement, le Ciel du Nazum jouissait aussi d’une excellente carte, bien qu’offrant un choix limité, comme se devait de le faire tout restaurant où l’on excellait vraiment en la matière. C’était en tout cas l’avis de la citoyenne Xin.

Globalement le dîner se fit dans une excellence ambiance comme seules les permettent ces réunions à huis-clos, loin des caméras et des attentes que l’on se fait de ce que doit dire et faire ou ne pas dire et ne pas faire des responsables politiques et économiques. Les kah-tanais, loin de la rigueur qu’on leur prêtait traditionnellement et du retrait diplomate des négociations, se révélèrent des hôtes admirables et bavards, d’une très intense curiosité à l’égard de Teyla. Les plats, présentés dans de petites portions très travaillées, s’enchaînaient en même temps que les sujets de conversation et les verres. Au bout d’un temps, le citoyen commissaire invita même une table voisine – des affairistes pharois assez discrets – à joindre leur table avec la leur, puis quelques membres du personnel. Les distinctions de classe n’existaient pas et, dans l’esprit des kah-tanais, pas plus que celles de frontière. On termina la soirée en chantant quelques rengaines de marins et en finissant plusieurs bouteilles. Puis l’on se salua chaleureusement et se souhaita la bonne nuit.
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Conformément aux attentes, il plut durant toute la nuit, après quoi les nuages d’orages continuèrent leur route vers le sud, laissant derrière eux une ville plus fraîche – et passablement plus humide, aussi.

Gary Hubert fut réveillé tôt. Camille Jeunet, toujours, lui rappela l’heure à laquelle les hommes de la Garde communale allaient passer les chercher, ainsi que quelques informations susceptibles de l’intéresser. Conformément à ses demandes, des correspondants de journaux taylais seraient présents dans les tribunes de la presse, en compagnie de tout les reporters déjà présents pour observer ce qui promettait d’être un important évènement pour la garde communale. Si elle n’était pas très au fait des affaires militaires de la Confédération, la jeune femme s’était sans doute renseignée car elle cru bon d’expliquer que des grands travaux visant à moderniser la flotte de l’Union étaient en cours, et que les appareils de cette « nouvelle flotte modèle » devaient voir leur équipage être formé, premièrement, et habitués aux interventions inter-arme, ensuite. Interventions contre qui ? La question était au centre des débats. Si la démocratie kah-tanais était telle que tout se savait plus ou moins, et qu’on savait ainsi qu’il existait des ennemis potentiels en Listonie, en Loduarie, en Eurysie Centrale, au sud de l’Afarée, les déclarations officielles du directoire de la Garde faisaient pudiquement référence à la nécessité pour la flotte d’être opérationnelle en « cas de besoin ». C’était assez logique, au final. Mais on organisait pas de tels exercices sans un besoin clair. Ce besoin devait, probablement, être celui de montrer la force d’un Grand Kah tenant à sa crédibilité.

Les explications d’usage terminée, Camille proposa aussi à Gary la une du matin du Global, expliquant que le grand média généraliste taylais faisait partie de ceux que l’on pouvait commander à l’impression dans les terminaux d’information de la ville, quoi que cela puisse vouloir dire. Ensuite elle laissa son supérieur à son petit déjeuner et à ses préparations jusqu’à l’heure du départ.

Là, deux gardes en uniforme vinrent à sa rencontre dans le hall de l’hôtel. Ils portaient des uniformes honorifiques. Vareuse et pantalons vert olive, bottes hautes, casquettes à bandeau rouge qu’ils tenaient sous bras en signe d’honneur. Ils portaient aussi chacun un brassard noir et bleu, orné du bouclier de la Garde. Les gardes se montrèrent respectueux, quoi que d’une efficacité toute militaire. Ils se présentèrent succinctement comme l’adjudante-maître Hito et le major Tanaka. Après quoi le major fit claquer ses talons.

– Le citoyen commissaire Shao Kai Yuhan vous prie aussi de bien vouloir lui pardonner son absence, mais en tant que représentant des communes exclaves il a dû se rendre très tôt à Aleph pour s’assurer de la bonne organisation des exercices.

Puis il inclina la tête, et les deux renfilèrent leurs casquettes avant d’indiquer au ministre de les accompagner. Il y eut un bref trajet en jeep jusqu’à un port où l’on fit monter Gary dans une vedette de l’armée, qui s’éloigna en direction des deux grandes îles qu’il avait pu apercevoir lors de son arrivée la veille. Les navires qui s’y trouvaient à quai s’étaient éloignés pour se poster plus loin, en haute mer. D’autres appareils – il devina notamment la silhouette de ce qui devait être un porte-hélicoptère – les avaient rejoints, trahissant la composante inter-arme des exercices à venir. Lorsque la corvette arrive à Alpeh, le ministre pu constater que ce qui était sans doute un complexe militaire essentiel du temps où quelques murs un cinq canons suffisaient à tenir un port, avait admirablement pris le tournant de la modernité. C’était, au bas mot, un monument à la paranoïa kah-tanaise. L’île était hérissée de batteries de missiles et de canons, de bunkers et de hangars d’aviation fortifiés. On devinait les entrées donnant vers de multiples sous-sols, devant les quais de béton, et c’était à se demander si toute l’île n’avait pas été changée en structure militaire.

Le commissaire Shao Kai Yuhan et un homme en uniforme blanc de la marine vinrent accueillir Gary. L’adjudante-maître Hito et le major Tanaka furent remerciés puis congédiés, et l’officier se présenta comme étant Atl Mikami, du directoire de la Garde Kah-tanaise. Ensuite le groupe traversa les quais, où s’attelaient plusieurs soldats en treillis, et grimpèrent dans une jeep qui leur fit travers l’Île en direction de l’est. Par endroit on devinait les vestiges d’anciennes générations de fortification, et quelques habitations s’agglutinant sur la façade nord.

La jeep s’arrêtant devant des tribunes qui se gonflaient déjà d’un petit monde emprunt de sérieux. Spectateurs civils et politiques, observateurs internationaux, journalistes de tout ordre. Devant eux s’étendaient des préfabriqués et des vieux chars, formant un microcosme, un échantillon représentatif, de ce à quoi pourrait ressembler une guerre urbanisée pour défendre Heon Kuang. Quoi qu’à vrai dire, la configuration des exercices semblait plutôt destinée à simuler l’invasion d’une zone urbaine.

– Votre pays est enclavé, nota Mikami alors qu’ils traversaient les tribunes en direction des places d’honneur. Au moins vous économisez sur les besoins de défense navale.

Il haussa les épaules avec philosophie. Le commissaire se racla la gorge.

– Oui mais ce n’est pas tout ce qui est prévu aujourd’hui, il me semble.

– Pour le début il est simplement question d’un débarquement hybride, sol mer. La suite devrait vous intéresser : il s’agit d’exercices de blindés et d’infanterie avec support d’hélicoptère. Il haussa un sourcil. Impossible pour la garde d’établir des plans sans y inclure des hélicoptères.

– Que voulez-vous citoyens, nous avons tous nos péchés mignons.

C’était la voix de la citoyenne Xin. Celle-là vint à la rencontre du ministre taylais pour lui serrer la main.

– J’ai envoyé le contrat à vos gars, glissa-t-elle. Selon eux tout est bon. Nous pourrons signer avant le début si ça vous convient.

Puis elle s’éclipsa pour retourner tranquillement à sa place, où se trouvaient d’autres représentants, dont certains, à leur manière et leur accent, ne semblaient pas kah-tanais. Enfin, les exercices commencèrent. On indiqua à Gary des écrans capturant des images prises par des drones et caméra intégrées au matériel, et il eut droit aux explications détaillées du général Mikami. De manière notable, le commissaire aux exclaves ne semblait pas avoir besoin d’être briefé sur les caractéristiques du matériel ou des tactiques kah-tanaise, ou l’homme connaissait bien ses dossiers, où il avait fait un passage dans le commandement de la Garde.

Des frégates et les corvettes de la flotte modèle commencèrent à se déployer depuis le nord vers le sud, couvrant l’approche d’un porte-hélicoptère. D’importants tirs de missiles et de canons à répétition vinrent à bout des cibles représentant une potentielle flotte d’opposition, puis des hélicoptères déployés depuis les navires vinrent se positionner au-dessus de l’eau – où se trouvaient des sous-marins, expliqua-t-on – pour lâcher des explosifs et des torpilles. On dut considérer cette étape terminée et les navires se positionnèrent, canons orientés en direction de la ville. Quelques missiles vinrent abattre des « canons air-sol », et des tirs orientés vers des fortifications vinrent couvrir l’approche de barges de débarquement qui émergèrent du navire porte-hélicoptère. Celles-là approchèrent de façon combinée avec des hélicos de transport, qui vinrent se positionner plus à l’intérieur des terres pour y déployer des escouades organisant rapidement une ligne de front avant d’être rejoint par les blindés déployés depuis les barges – chars légers, véhicules de combat d’infanterie. Tout ce beau monde réceptionna ensuite des paquets de matériel déployés par de derniers hélicoptères, et avancèrent en direction de la ville. Une progression largement couverte par les tirs répétés de plusieurs hélicoptères de combat.

La phase urbaine de l’exercice fut sujette à moins d’explosions, à l’exception de celles que générèrent les lances-missiles éventrant les blindés et les fenêtres repérées comme étant occupées par l’opposition. Gary put noter que les troupes kah-tanais usaient et abusaient de la haute technologie. Leurs fusils se pliaient aux angles des murs, leurs escouades comptaient des ingénieurs munis de drones servant à repérer leurs cibles, leurs missiles étaient capables de continuer à suivre leurs cibles sans pointage laser. L’ensemble avançait avec maîtrise et rapidité, et étal d’une expertise certaine largement simplifiée par la qualité de pointe du matériel employé.

Une fois la ville sécurisée, des hélicoptères vinrent rapidement livrer du matériel que l’on utilisa pour organiser des fortifications et des postes de guets, ainsi qu’une piste d’atterrissage où viendrait sans doute se déployer des renforts. Après plusieurs heures de tirs coordonnés, de déploiement tactique et de fusillades contre cible, on sonna la fin des exercices et les invités furent conviés à rejoindre un buffet où ils pourraient échanger sur ce qu’ils venaient de voir. La citoyenne Xin s’approcha plutôt de la délégation d’officielle.

– Alors commissaire ? Ça doit vous faire plaisir, d’avoir à nouveau une vraie flotte.

– J’ai quitté l’amirauté depuis des années, répondra-t-il avant d’acquiescer. Oui, oui. C’est évidemment une bonne chose.

Conformément aux demandes de Gary, on vint à la rencontre du parterre de journalistes pour répondre à quelques questions puis, enfin, révéler à la presse les accords signés entre Danger Systems et l’armée du Royaume de Teyla. L’image était saisissante. Une poignée d’officiels, tout sourire, derrière lesquels s’étendait un terrain d’entraînement encore enfumé par les tirs, où finissaient de se déployer soldats en équipements modernes et blindés de dernière génération.

Les évènements se terminèrent tranquillement. L’opinion des kah-tanais sur les exercices semblaient plutôt positifs, et si chacun se montrait très prudent sur ses prises de position et ses constats, il semblait que les observateurs étaient globalement satisfaits de ce qu’ils avaient observé. Les officiers supérieurs, eux, gardaient un air neutre et évitaient soigneusement de commenter la situation. « Attendez dans quelques mois », glissa l’un d’entre eux. « Quand nous aurons nos portes-avions. » D’autres semblaient dire que quelques mois pourraient être trop longs, sans trop préciser de quoi ils parlaient. Il régnait un air d’excitation et de mystère au sein de cette population de décideur. C’était presque à se demander si le peuple festif et travailleur qui habitant Heon Kuang était le même que ces gens, graves et anxieux, en charge de leur défense.

On ramena Gary à l’aéroport avec une courte conférence de presse. Il y eut des remerciements renouvelés, puis on lui souhaita bon voyage et il put enfin partir, pour un nouveau trajet de onze mille kilomètres.
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C'est avec un pas déterminé, un visage rempli de fierté et une détermination sans faille que Gary Hubert s'avance vers les journalistes. Après quelques questions et la révélation de l'accord, il commence un monologue à la surprise générale n'étant dans les plans de personne. Les conseillers du ministre prient de panique, le visage tétanisé. Ils étaient censés calmer toutes les envies impromptues du ministre. Mais le visage dévisagé par la fatigue et les cernes de l'homme déterminé avait une cause. Une cause toute trouvée, personne n'avait osé poser la question, de toute façon personne n'aurait obtenu de réponse. La cause était simple mais remplie d'avidité. Il fallait qu'il écrive le discours qui allait changer ses perspectives d'avenir. Il fallait qu'il se venge de la vie qui l'écartait des candidats possibles pour le poste de Premier ministre de Sa Majesté. Bien que cela soit entièrement sa faute.

Toute personne pensant son geste imprévu avait faux. Cela se vérifia avant même le discours en effet lorsque le Gary les yeux remplis de flammes, d'un geste naturel demande aux journalistes de rester sur place. Il prit une grande inspiration puis commence son monologue le visage maquillé pour cacher les cernes et la fatigue :

- Vous savez, messieurs, dames, le monde dans lequel nous vivons est parfois cruel, parfois il est ni cruel ni injuste et parfois tel un rayon soleil traversant les nuages sombres, le monde donne de l'espoir. Cet espoir, je l'ai récemment perdu pour des raisons personnelles. Il était au fond de moi-même pensant que la politique ne servait à rien, qu'un vote n'était au final qu'un geste qui ne change pas nos vies, ne change pas notre quotidien tout en profitant à une élite. Toujours la même élite. Oui, je n'avais plus espoir. La fin de la phrase était dite si calmement avec une tristesse dans la voix de l'homme qui la prononce. Elle pouvait donner des frissons à toute personne étant dans la même situation ou se sentant dans une situation similaire. Puis le sourire revint sur le visage de l'homme qui parle. C'était clairement une attaque envers le Premier ministre du Royaume, mais personne ne pouvait le stopper semble-t-il.

Mais voilà, j'ai fait un voyage. J'y ai vu une culture différente de la mienne. Une culture si développé, si riche qu'elle brille de mille feux dans le monde entier. Que chaque enfant de ce monde a sûrement déjà joué à un jeu vidéo de cette culture ou lu un livre. J'y ai vu des hommes et femmes répondant avec grâce à chaque demande. Ce pays fidèle à ses valeurs, veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale, car il croit en sa capacité à bâtir un monde meilleur. J'ai vu l'unité de son peuple, des hommes et femmes bâtissant par la force de l'union une histoire riche, une nation fleurissante connue à travers les mers et les terres de ce monde. Force de caractère, fier de son système et ses idées qu'elles soient politique ou non. J'ai vu une nation qui respecte ses morts et combattants tombés pour elle. Gary Hubert regarde intensément des Kah-tanais, plus précisément des journalistes kah-tanais et il dit.

Cette nation c'est la vôtre.

Le discours était court, mais qu'il fut juste, si juste. Le ton changeant et les émotions qu'il voulait transmettre, sa posture, ses mots. Tout était parfait. Même le premier paragraphe destiné subtilement au Premier ministre. Oui, tout homme connaissant Gary savait qu'il visait très précisément Antoine Carbasier, le Premier ministre de Sa Majesté Catherine III. C'est lui qui a pris la place qu'aurait du être la sienne, c'est lui qui a brisé l'espoir de Gary de devenir Premier ministre. Bien que les affaires sombres collant à Gary étaient les véritables raisons.

Mais ce discours, cette détermination. Tout homme et femme connaissant un minimum la politique du Royaume avaient comprit. Ils savaient que Gary venait d'enclencher la guerre officielle contre Antoine Carbasier. L'objectif est clair prendre la place d'Antoine Carbasier. C'est alors que les dirigeants de la commune pouvaient comprendre la volonté d'un tel accord. Il venait de négocier un très bon accord. Ce qui sera vu comme une victoire dans la presse Teylaise. Cela, suffirait-il à le réhabilité auprès des teylais et des membres de son parti ?

Conférence de presse
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