Rencontre Apex Energy-Pharois Öljy-Yhtiö

Le pétrole avait toujours été une question au Pharois. L'économie toute entière reposait sur la capacité des navires à remplir leurs moteurs, faute de réelles infrastructures publiques de transport électrique. Or avec l'avènement du XXIème siècle, l'enjeu de l'énergie s'était fait de plus en plus sensible alors que le pays consommait chaque jour plus que le précédent.

On s'était mis à fouiller autour, à mobiliser les voisins, puis les grands exportateurs mondiaux. On avait signé des contrats. CElui du Rasken semblait juteux.


Comme la pointe d'une flèche fendant l'orage, le grand navire militaire pharois atteignit les côtes du petit empire. Avec l'avènement de la Merirosvo, privé et Etat se confondait, tout au service des grands capitaines devenus en un changement de régime autant moteurs de l'économie qu'institutions gouvernementales. C'en était presque si un équipage n'était pas devenu l'équivalent d'un ministère, aussi allaient-ils avec les bâtiments de la marine de guerre, comme un message.

Il se laissa escorter par la flottille de garde-côtes jusqu'au port. Le Capitaine Paavali posa pied à terre.


- "Un orage est bon signe pour les affaires, quand la météo se met en travers de votre chemin c'est que l'univers lui-même a flairé la bonne affaire. J'ai tout mandate de la Pharois Öljy-Yhtiö pour mener ces négociations, la coopérative m'a désigné comme son porte-parole, votre offre nous intéresse mais nous entendons pouvoir observer les puits et négocier certaines garanties avant toute discussion sur le prix."

Paavali croisa les jambes et entreprit d’essorer les plumes de son chapeau en écoutant ses hôtes dérouler le programme.

- "En effet, en effet, nous tenions à vous présenter quelques closes qui nous semblent nécessaires pour signer avec votre honorable nation. Le Pharois est un pays d'entrepreneurs, d'aucuns diraient d'aventuriers, et il n'y a pas de politique hors des affaires j'espère que vous le comprendrez. Nos amis au Grand Capitanat ont assuré à la Pharois Öljy-Yhtiö tout son soutien dans la négociation avec votre entreprise et - nous l'espérons - votre nation. Permettez moi de vous exposer nos doléances dans l'ordre :

Le Pharois souhaiterait associer votre pays à un projet de construction de pipeline pétrolière sous la Manche Blanche, projet déjà en réflexion avec nos amis exportateurs de pétrole du Canta. Un tel chantier scellerait assurément notre amitié et pourrait associer les puissances pétrolières d'Eurysie du nord autour de partenariats communs. Le Pharois est disposé à financer la construction de cette pipeline qui profiterait à tous, contre des réductions de prix à l'achat du pétrole.

En vous associant à nous dès à présent, vous prendriez de l'avance sur vos éventuels concurrents et vous placeriez dans une position avantageuse sur le marché du pétrole nord-eurysien."

Il décroisa les jambes.

- Deuxièmement vous n'êtes pas sans savoir que mon pays cherche à sécuriser son influence dans la Manche Blanche, nous ne saurions signer des contrats aussi engageants avec des nations qui ne sont nos alliés. Nous attendons de la part d'Apex Energy qu'elle joue de son influence économique pour favoriser un rapprochement politique entre le Pharois et l'Empire Raskenois. Pour commencer, un certain nombre de garantis nous semblent nécessaires, notamment sur la libre circulation de nos navires militaires dans votre espace maritime, afin de pourvoir par nous mêmes à la sécurité des pipelines. Le Pharois adopte depuis peu une politique de "droit de mouillage inconditionnel" qui autoriserait nos équipages et navires à se ravitailler voire trouver refuge dans vos ports. Une manière de stimuler le commerce pour vous, et également de mettre en sécurité vos côtes."

Il eut un sourire entendu.

- "Rien ne nous importe plus que la sécurité de nos alliés."

Le pirate eut un sourire.

- En ceci détrompez vous. J'ai tout mandat pour négocier avec vous. Le Pharois gère sa sécurité de manière organique, les forces militaires que je représente ici sont un intermédiaire légitime auprès du Grand Capitanat. Messieurs, je vous suis.

Le capitaine Paavali suivit l'échange avec une patience curieuse. Apparemment, il allait rencontrer un Empereur aujourd'hui. Cela faisait toujours quelque chose, dans l'imaginaire national pirates et marines royales avaient toujours été adversaires, mais les légendes pharoises étaient également remplies de figures qui, après quelques temps de brigandage, par leurs hauts faits ou héroïsmes, étaient adoubés et réintégraient la société monarchiste ; parfois en épousant la princesse au passage.

- Turbulente et excitante, cher ami. Le Pharois a fait le choix radical de l'aventure, cela n'est pas sans chambouler un peu les mentalités locales mais si vous voulez tout savoir il y a un tabou que nul n'ose transgresser chez nous : sur terre, tout le monde se tient sage. C'est un élément consubstantiel à la stabilité chaotique de notre pays, il faut que les vieilles dames puissent continuer d'arroser les fleurs aux fenêtres en toute tranquillité. En fait, s'il n'existait pas les ports libres et la vie en mer, on pourrait presque qualifier le Pharois de pays plan-plan, si vous me passez l'expression.

Il se caressa la barbe avec malice.

- Mais chez vous ? La monarchie vous va à l'estomac ? Vous n'avez pas une princesse au Rasken à tout hasard ?