L’avion avait quitté Sivagundi depuis un peu plus d’une heure et demie lorsque les grattes-ciels d’Agartha se profilèrent par les hublots. Ranjan Ayyar, membre important du CRENWA - le Centre de Recherche National du Wanmiri - et directeur de la mission d’expédition à Padure, se pencha vers la fenêtre à sa gauche pour observer la ville. Cela faisait de nombreuses années qu’il n’était plus revenu dans la cité. Il y a avait pourtant passé toute son enfance, toute sa scolarité, et surtout il y avait décroché tous ses diplômes. Il avait longtemps pensé qu’il y resterait toute sa vie, mais tout avait changé quand il avait appris que la révolution menée par les Tymeri avait aboutie.
Cette révolution, quand ils en avaient discuté en 2002, il n’y avait pas cru. « C’est un canular », s’était-il dit. Le rêve idéaliste d’un fou, une entreprise utopique. Et pourtant… Et pourtant elle avait réussie. Alors il s’était empressé de revenir au pays de ses parents. Il avait tout plaqué pour ça, pour revoir les terres qu’il avait à peine connues avant la Purge. De retour, on l’avait remercié, et on lui avait offert un poste de choix dans le nouveau complexe scientifique de ce pays à reconstruire. Et maintenant, on l’avait chargé d’un projet encore plus fou : gérer une mission d’expédition dans la mystique forêt de Padure. Et pour cela il avait besoin d’argent, de beaucoup d’argent, car on refusait de lui en donner.
L’avion atterrit en douceur sur le tarmac de l’immense aéroport. Il descendit de l’appareil, et se dirigea au travers du dédale de couloirs, se repérant à l’aide des panneaux indicateurs et des plans mis à disposition des visiteurs qui, comme lui, étaient absolument perdus. Son adjoint, Simarta Delun, était sur ses talons, ne le quittant pas des yeux une seconde pour ne pas risquer d’êtres séparés par la foule.
« Alors… La sortie numéro 6… Par là! »
Une fois à l’extérieur, ils montèrent dans un taxi préalablement réservé qui les attendait à l’heure dite à la sortie. Celui-ci les conduisit en une vingtaine de minutes jusqu’au bâtiment qu’ils avaient choisis pour la réunion. « Vous êtes arrivés messieurs » leur dit le chauffeur. Ils ne s’encombrèrent pas de régler le trajet, celui-ci ayant été prépayé par les services du CRENWA.
En entrant dans l’édifice, ils se dirigèrent vers l’accueil. Une personne charmante les accueillit et leur donna les clés de la salle qu’ils avaient réservée. Ils rentrèrent dans la pièce et s’installèrent en attendant le PDG d’Apex Energy, Oskar Brötzmann, avec qui ils avaient réunion. Celui-ci ne tarda pas à arriver, et les salua en rentrant dans la pièce. Ranjan se dirigea vers lui et lui serra la main :
« Bonjour ! Oui, il s’agit bien de moi, et je suppose que vous êtes monsieur Oskar Brötzmann, dirigeant d’Apex Energy. Je suis tout à fait d’accord avec vous, et espère également, et même probablement plus que vous, que cette réunion sera profitable à tous. » dit-il d’un ton enjoué.
Il invita l’homme à s’asseoir, et prit lui même une chaise à la table qui occupait le centre de la pièce.
« Maintenant que nous sommes tous là et installés, je pense que nous pouvons commencer. Comme nous vous l’avons exposé par correspondance, nous souhaitons obtenir des financements pour une mission d’exploration à Padure. Cette expédition visera à cartographier les sols de la zone adjacente au camp, à réaliser diverses analyses de l’eau et des sols et à répertorier l’ensemble de la faune et de la flore de la forêt observables dans la région où nous nous installerons. Nous prospecterons également pour chercher des matières minérales ou énergétiques à exploiter, comme des métaux et des terres rares, ou encore du gaz naturel ou du pétrole. Cette exploitation aura d’abord pour but de faciliter l’implantation d’une petite colonie en lui fournissant énergie et financement. Mais vous savez tout ceci et, comme je vous l’avais dit dans ma missive, je ne fais que me répéter. Aussi, je n’irai pas par quatre chemins, et je ne perdrai pas un temps qui nous est probablement aussi précieux l’un qu’à l’autre en futilités et en répétitions. Que voulez-vous savoir précisément ? Y a-t-il des points que vous souhaitiez que j’éclaircisse ? » demanda-t-il.