Nouvelle émission de JTVR, animé par Gérard Langouste pour ne pas changer, au sujet des dernières actualités en Manche Blanche, bras de mer encadré par l'Eurysie centrale et polaire. Entouré de tous bords par ce continent, c'est sans surprise que ce soit un lieu de chaos ponctué de diplomaties hors normes desquels on peut se questionner sur l'état final recherché de ses acteurs.
-Mesdames et messieurs, bonjour, c'est à Kolisburg et sa revendication marine que nous nous attaquerons aujourd'hui. Je me plonge immédiatement dans le sujet pour ne pas perdre de temps, car il y a beaucoup à dire.
Primo, la ZEE, sujet de plaisanterie récurant et pour cause, ce morceau d'océan et toutes ses ressources sont revendiquées par le gouvernement kolisien parce que... parce que ? On ignore entièrement quelles sont les justifications de ces revendications. Est-ce parce que ces eaux bordent leur territoire ? D'accord, mais en quoi est-ce une justification ? Peut-on revendiquer de cette façon les territoires à proximité de ses frontières, sans que l'on y vive et y développe les infrastructures les rendant vivables ? Car oui, une île ou une portion de continent peuvent être revendiqués comme le foyer de ceux qui y vivent et travaillent la terre pour en faire une société. Mais sur l'eau, qu'est-ce que vous avez à revendiquer ? Qu'est-ce qui s'appliquerait à l'océan en termes d’argumentaire, qui ne fonctionnerait pas sur terre ? Si on suit ce raisonnement, Sylva peut revendiquer les ressources d'un bras de terre tout autour de son territoire et parallèlement à sa frontière. Après tout, ce serait le même raisonnement. Quoi ? Ces morceaux de terre sont occupés ? Et la zone concernée par les revendications kolisiennes, n'étaient-elles pas exploitées par des pêcheurs ? Les poissons appartiennent-ils instantanément à Kolisburg quand il passe à portée de leur vue depuis leurs semblants de plages ?
Parce qu'en effet, mais ce point mérite son attention : des pêcheurs de d'autres nationalités aussi pratiquaient leur activité dans ces eaux-là. Et maintenant, sans raison, si ce n'est une soudaine envie des kolisiens, il faudrait leur demander l'autorisation pour faire ce qu'ils ont toujours fait ? Parce que cela se fait à la vue des maitres nageurs de Kolisburg ? Encore une fois mais dans ce cas, le Valkoinenland pourrait exiger aux agriculteurs kolisiens de leur demander une autorisation pour exploiter les terres à la vue des promeneurs valkonïens.
Il est à noter que non seulement Kolisburg décrète posséder les poissons passant dans ces eaux-là, mais aussi que tout navire de guerre y passant peut-être fouillé... Là encore, on ignore les explications. Je ferais parvenir à la Duchesse Alexandra Boisderose l'information qu'elle pouvait dès le début ordonner de fouiller les casernes de Muzeaj à sa frontière parce que, oui, elle peut tout autant revendiquer l'argument de la sécurité nationale que dans le cas des eaux frontalières.
J'anticipe immédiatement tous ceux qui s'amuseraient à extrapoler un propos : il y a une différence entre surveiller une force militaire conséquente en approche en demandant des explications de son gouvernement, et s'autoriser à fouiller un patrouilleur. Oui, il serait naturel de s'alarmer si une force de projection navale avec un dispositif d'invasion complet s'approchait de vos côtes. Personne n'a dit le contraire, inutile de vous exciter le dire. Mais la
déclaration kolisienne sur le
sujet et la loi votée pour l'officialiser ne parle pas de ça.
Là Gérard dégaine d'un geste vif plusieurs feuilles et commence à les consulter.
-Le premier point intéressant concerne les revendications de Kolisburg servant à justifier la ZEE... affirmer son intégrité territoriale, son indépendance et sa liberté, ainsi que lutter contre les tensions régionales et la piraterie. Alors ce sont là des décisions légitimes... mais quel est le rapport avec la revendication de l'intégralité des ressources marines et ces arguments ? La liberté des acteurs kolisien était-elle réduite quand ces ressources n'étaient pas monopolisées ? Les tensions s'arrangeront-elles après qu'ils ont décidé de se les approprier ? De même pour tout le reste où on prétend que l'on est bien indépendant lorsque le poisson qui passe à 300 km de ses côtes est à soit.
On a toutefois un semblant d'explication pour ce qui est du droit de fouiller les bâtiments de guerre passant aux larges puisque dans une logique de lutter contre la piraterie. Alors si je dis semblant, c'est bien parce que ça y ressemble, mais se volatilise tel un écran de fumée qui, tout aussi visible soit-il, n'a rien de solide lorsque l'on essaye d'en saisir la substance. Car oui, le texte de loi précise bien que dès lors qu'un navire de guerre passe dans ces eaux, et est inclus à ce titre un patrouilleur, alors c'est considéré comme un affront et le Kolisburg se déclare légitime de le détruire, rien que ça. Oui, les kolisiens considèrent que pour affirmer leur liberté, ils doivent refuser celles des autres états de faire circuler leurs propres bâtiments de guerre pour lutter contre la piraterie.
On notera que dans leur générosité, ils indiquent pouvoir accorder des autorisations aux États pouvant avoir besoin de procéder à des fouilles dans ces eaux. Bah tiens, on ignore quels sont les critères pour se voir accepter cette demande, ni pouvoir, il faudrait la faire. Car on ne parle pas de contrôler la circulation allant sur quelques dizaines de kilomètres des côtes, mais bien jusqu'à trois cents kilomètres, oui ! L'intégrité de Kolisburg est-elle menacée quand un patrouilleur procède à une lutte contre la piraterie à deux cent cinquante kilomètres ? Il faut croire que oui. D'ailleurs pourquoi une telle distance ? On l'ignore surement une autre idée spontanée de Kolisburg. Après tout, quitte à revendiquer n'importe quoi, autant le faire n'importe où... et aussi n'importe comment.
Gérard tira une autre feuille d'un geste aussi vif :
-Premier constat, des pêcheurs sylvois qui opéraient depuis la métropole caratradaise en Manche Blanche ont été abordés et contraints d'abandonner leurs cargaisons, selon les prétextes kolisiens n'ayant été reconnus ni par Sylva, ni par Caratrad, en faisant là un racket pure et simple. Rappelons que selon les termes mêmes de l'annonce gouvernementale, cette arrestation sera justifiée pour contribuer à affirmer l'indépendance et la liberté de Kolisburg. Oui, les pêcheurs sylvois empiètent sur la liberté et la souveraineté kolisienne.
Ni une ni deux, ils sont dépossédés du fruit de leurs efforts et chassés, contraint de se plaindre auprès des autorités caratradaises. Se seraient alors faits des échanges par missive entre Kolisburg et le Duché qui, si le contenu n'a pas été communiqué par les autorités sylvoises, elles laissaient entendre toute la maladresse qui en découlait et le sérieux avec lequel était pris les annonces kolisiennes. C'est le gouvernement de Caratrad qui prend le relais diplomatiquement mais aussi au niveau de la sécurité, en assurant une patrouille.
Et là, arrive le drame. Les choses à partir d'ici ne sont pas très claires et un certain brouillard règne, éclaircit ponctuellement au gré des déclarations publiques et témoignages de marins. Mais une chose est certaine : Kolisburg a surréagi, témoignant d'une part de son incapacité à jauger une situation, et d'autre part à y répondre dans une mesure adaptée.
Ce que l'on sait : des navires caratradais de classes modestes ont patrouillé en Manche Blanche, a bien plus de deux cents kilomètres de Kolisburg. Nous ne parlons pas d'un groupe aéronaval, d'une force de projection, d'une armada complète, nous ne parlons même pas d'une frégate, mais d'une corvette et d'un patrouilleur. Et selon des témoignages recoupés avec des vidéos amateurs prises par les marins avant de fuiter, les kolisiens auraient estimé bon de mobiliser une importante force navale, incluant un navire d'un autre âge, digne de la Pax Caratradica, pour opérer des tirs d'avertissement. Oui, un coup de semonce est justifié par une patrouille de deux navires de classe inférieure. Par ailleurs, notons que des pans entiers des côtes kolisiennes ont été dégarnies de leurs défenses navales pour répondre à cette effrayante menace, heureusement que des pirates pharois ne passaient pas par là à ce moment.
Petite gorgée d'eau, narrer autant de zinzolineries donnait soif :
-Donc, nous avons déjà une revendication injustifiée des ressources marines, des abordages illégaux, et une réaction ridiculement inadéquat pour un non-problème. C'est là la diplomatie de Kolisburg et cela va beaucoup trop dans le sens de phénomènes déjà observés y compris en Paltoterra : établir une situation servant de prétexte, pour certain, c'est la nécessité d'imposer dans le sang la révolution, pour d'autre de posséder l'intégralité des ressources d'une région non occupé et y interdire l'accès aux forces armées des autres pays. La chose se fait avec de grandes déclarations, qu'importe qu'elles soient reconnues ou non à l'international, et sert à mettre en place une confrontation envers d'autres acteurs qui n'ont bien évidemment aucune raison de se plier à ces annonces. Et voilà, vous êtes maintenant légitime d'ouvrir les hostilités. Légitime selon vos critères, législations et autres décrets appuyés par du vent, mais qu'importe, vous pouvez désormais dire que vos tirs sont légitimes et répondent à vos lois.
Et à présent, on peut se demander : quel est l'état final recherché derrière tout ça ? Pourquoi mettre en place un environnement propice à la rivalité ? Deux possibilités, la première est que le Kolisburg est dirigé de façon hasardeuse selon des idées soudaines et que ses dirigeants n'ont même pas conscience de la dynamique qu'ils instaurent. Affirmer sa souveraineté en monopolisant les ressources de territoires non occupés quand bien même d'autres en vivaient, et défendre à tout prix cette revendication quitte à faire les plus grands écarts diplomatiques et preuve d'un entrain. Rien de tout cela n'a de sens en l'état et, s'il s'agit réellement de l'objectif approuvé par la reine Constanze, on peut craindre que la vision de ce pays se limite à nourrir l'égo de quelques figures politiques. Et tel qu'on le rappelle régulièrement : il faut généralement favoriser la thèse de l'incompétence à celle du complot, et nombreux sont les indices soutenant cela à l'heure actuelle.
Il réajusta ses lunettes en prenant cette fois-ci un air un peu moins moqueur et davantage sérieux :
-Maintenant, partons du principe que le gouvernement et l'amirauté kolisienne ne sont pas des incompétents finis. Pourquoi décideraient-ils de s'affirmer en revendiquant des espaces inoccupés, persisteraient-ils en constatant les tensions occasionnées d'une part et l'absence de résolution des tensions déjà existantes, et enfin, y répondrait de la façon la plus à même d'accroitre ces tensions sans répondre au problème ?
S'affirmer de cette manière n'est pas constructif, il doit donc y avoir un objectif sous-jacent qui a bien trop l'air d'être le suivant : procéder à un décalage de la norme. Tâter le terrain, bousculer les standards, procéder progressivement à des opérations coups de poing avec une intensité croissante pour y accoutumer les foules, les actions de Kolisburg répondent bien à cette description. Mais vers quelle direction se tournerait ce décalage planifié par le gouvernement kolisien ? Le contexte étant tourné vers la mer, il y a fort à parier que ce petit pays aux moyens limités cherche non pas à assurer sa souveraineté, mais à se crédibiliser pour étendre son contrôle sur la mer et ses voisins. Là les choses deviendraient tout de suite plus cohérentes : d'abord on revendique des eaux inoccupées, on y interdit le passage de navires, on se permet d'y intercepter les bâtiments des autres pays, on insiste un peu et voila, la chose sera normalisée d'ici peu. Et une fois imposé cette situation, il sera poursuivre ce décalage soit en repoussant encore plus les limites de cette ZEE souhaitée, soit en menant des opérations d'autant plus coercitives au voisinage, voir en faisant prévaloir sa législation sur ses voisins pour légitimer on ne sait quel prochain méfait.
-Les efforts de Kolisburg sur le plan naval sont en effet considérables et témoignent d'une volonté de s'imposer sur le plan maritime. La Manche Blanche étant un axe stratégique pour les pays d'Eurysie du nord, y appliquer un contrôle assurerait une importante influence. Prenons le temps de décomposer l'armée kolisienne : une force terrestre plus anémique que celle de Sylva, composée de blindés sans aucun support d'une quelconque sorte. Pas d'artillerie, ni de génie et encore moins de logistique, seulement des chars d'assaut accompagnés d'une poignée d'hélicoptères. L'aviation est au même niveau avec quelques aéronefs sans éléments d'appui. Même pas d'avions ravitailleurs, signifiant qu'en cas de conflit, la chasse kolisienne ne pourra voler que quelques heures avant de devoir faire le plein, réduisant grandement son impact dans un conflit.
Non, ces armées sont privées de ressource au profit des forces navales, solidement dotées en volume (bien que la qualité ne soit apparemment pas encore une priorité). Là par contre, des ravitailleurs sont bien présents, indiquant que le Kolisburg insistent sur l'autonomie et, logiquement, les capacités de projection de ses flottes.
Pour un pays frontalier avec une puissance en pleine guerre civile avec des mouvements nationalistes et fascistes, on peut dire qu'il s'agit là d'un très étrange agencement pour les forces de défenses. Que se passera-t-il quand les choses dégénèreront davantage et que le Hvitnesländ attaquait Kolisburg ? Auront ils de quoi acheminer des hommes et du matériel en renfort ? Pourront-ils assurer les capacités à combattre sur la durée pour leurs troupes ? Ou compte-t-il simplement tout bombarder depuis la mer ? Difficile de lire les pensées d'un esprit vide, mais une chose est certaine : le Kolisburg ne se soucie pas tant que ça de son intégrité régionale, autrement il mettrait en place des moyens bien plus cohérents pour se prémunir des tensions et menaces voisines, au lieu de revendiquer la propriété du poisson passant à trois cents kilomètres de chez lui.
Non, si on part du principe que le gouvernement kolisien est compétent et conscient de la situation, alors nous pouvons déduire que l'objectif de cette ZEE n'est pas de sécuriser le territoire, mais d'introduire un cadre légal pour justifier des interventions à des degrés plus important dans l'ensemble de la Manche Blanche, et probablement à terme de l'Océan du Nord, d'Espérance, et de la mer du Ponant (ne vous fiez pas aux planisphères, ces mers sont très proches).
-Ce serait comme dit partir du principe que le gouvernement kolisien a une vision rationnelle sur le long terme au lieu de simplement vouloir se faire mousser. Et dans les deux cas, je ne vois qu'une seule réponse adaptée : ne pas contracter.
Nous voyons bien que cette revendication est imposée sans aucune justification, ne répond à aucun des enjeux avancés pour la légitimer, provoque davantage de tension, et cela soit par orgueil, si ce n'est par malhonnêteté. Cela devient donc un devoir de n'accorder aucun crédit à cette revendication et de ne pas la légitimer de la moindre manière. Les patrouilleurs doivent rester libres de sécuriser les eaux quand bien même cela demande de passer à trois cents kilomètres des côtes, et ce, du moment qu'aucune menace réelle n'est opposée à Kolisburg. Les pêcheurs doivent pouvoir pratiquer leur activité dans ces eaux-là qu'importent les gesticulations que pourraient avoir certains, du moment que n'est pas mis en péril l'activité de leurs confrères (par surpêche ou pollution excessive). Et surtout, point le plus capital, il ne faut donner aucun crédit à cette législation et à l'autorité que s'accorde Kolisburg.
Il serait d'ailleurs curieux d'observer l'opinion des populations kolisiennes sur la question. Cette revendication répond-elle à un intérêt quelconque pour eux ? Les pêcheurs voyaient ils leur activité menacée par celle des autres ? Bref, il y a encore beaucoup à dire, mais nous nous arrêterons là pour aujourd'hui, merci de votre attention !