La méfiance était de mise. Edmundo Estrella avait toujours eu un fond paranoïaque – certainement ce qui l’avait gardé en vie jusque là d’ailleurs, on arrivait rarement à de tels niveaux de pouvoir et si entouré d’ennemis sans un petit excès de prudence, et de fréquentes épurations de son entourage. On ne lui connaissait pas de famille, pas d’amitiés sincères, et pour ses besoins d’homme quelques prostituées qu’il ne revoyait jamais plus de deux fois, des fois qu’un de ses adversaires ait cherché à lui en glisser une dans son lit pour fouiller dans ses papiers.
Dans ces conditions, accepter un rendez-vous confidentiel avec ceux qui, encore hier, comptaient parmi ses ennemis, n’avait rien d’intuitif. Certains parleraient même de folie, assurément, et pourtant lorsqu’il quitta l’hôtel de ville, ce matin-là, par les sous-sols, Edmundo Estrella se sentait étrangement ragaillardi. Presque confiant. Pas assez cependant pour venir seul, comme le demandait ce serpent de Cortés. Ils se connaissaient depuis longtemps, lui et Estrella, mais ça n’en faisait certainement pas des amis, et le maire ne croyait pas une seule de ses paroles. Et pourtant. Pourtant Estrella sentait que son heure arrivait. Une heure qu’il avait mis longtemps à forger, dans les flammes de l’adversité, et que la tempête autour de lui rendait inévitable. Estrella était au cœur de trop de choses : qu’il tombe et tout le monde risquait trop à perdre, paralysé par la peur de voir Porto Mundo, pièce au cœur de l’échiquier des mers du nord, passer à l’ennemi.
Tout le monde se regardait en chien de faïence mais aucun ne pouvait se permettre de le viser directement. Il y avait œuvré. C’était sa carte maîtresse.
L’équipage qui l’attendait sur les docks de Porto Mundo était en tout et pour tout terriblement semblable à n’importe quel autre. Des vieux visages fatigués, des jeunes types fades, tout le monde maussade. Exactement le genre qui vous amenait à bon port dans la discrétion la plus absolue. Des gens sûrs, fidèles de la première heure, si on pouvait dire ça avec Estrella, en tout cas ils ne lui avaient jamais fait défaut et lorsque, après avoir découvert certaines informations, l’un d’eux s’était avéré bosser pour la CARPE, les autres lui avaient lié les mains et balancé dans l’eau du port sans poser de questions. Ça avait eu le mérite de faire un peu se détendre Estrella.
Ils arrivèrent à proximité de Rosborg-Skaudme au matin suivant. Les voyages en mer étaient toujours un peu long, mais largement plus discrets que de monter dans un jet qui devrait se déclarer à une bonne demi-douzaine d’espaces aériens étrangers, merci mais non merci.
Les gars restèrent sur le navire pendant qu’on le débarquait. Deux individus accompagnaient Estrella cependant, question de prudence, quitte à les laisser à bonne distance quand les négociations débuteraient. L’un était citoyen Pharois, un type qui faisait pas mal honnête homme d’apparence, et avait bon esprit. Sympathique et efficace, à défaut d’être dangereux. Ça convenait pas mal, on ne pouvait pas toujours s’entourer que de tueurs froids. L’autre était une femme, du genre vieille peau qui sentait la soupe. Elle, en revanche, avait été passeuse dans une autre vie, elle avait empoché les sous, embarqué de pauvres gens, et balancé tout le monde à la flotte une fois en haute mer. L’argent, oui, mais pas les risques, et ça libérait la cale pour des marchandises plus lucratives. Elle flairait les mauvais coups avec l'efficacité d'un limier, c'était toujours utile de l'avoir près de soi.
L’héliport était là où on l’avait décrit. Il faisait froid, le vent soufflait dans la barbe du maire. Pas trace du moindre Listonien, cela l’agaça. On n’avait pas de temps à perdre pourtant.
Dans ces conditions, accepter un rendez-vous confidentiel avec ceux qui, encore hier, comptaient parmi ses ennemis, n’avait rien d’intuitif. Certains parleraient même de folie, assurément, et pourtant lorsqu’il quitta l’hôtel de ville, ce matin-là, par les sous-sols, Edmundo Estrella se sentait étrangement ragaillardi. Presque confiant. Pas assez cependant pour venir seul, comme le demandait ce serpent de Cortés. Ils se connaissaient depuis longtemps, lui et Estrella, mais ça n’en faisait certainement pas des amis, et le maire ne croyait pas une seule de ses paroles. Et pourtant. Pourtant Estrella sentait que son heure arrivait. Une heure qu’il avait mis longtemps à forger, dans les flammes de l’adversité, et que la tempête autour de lui rendait inévitable. Estrella était au cœur de trop de choses : qu’il tombe et tout le monde risquait trop à perdre, paralysé par la peur de voir Porto Mundo, pièce au cœur de l’échiquier des mers du nord, passer à l’ennemi.
Tout le monde se regardait en chien de faïence mais aucun ne pouvait se permettre de le viser directement. Il y avait œuvré. C’était sa carte maîtresse.
L’équipage qui l’attendait sur les docks de Porto Mundo était en tout et pour tout terriblement semblable à n’importe quel autre. Des vieux visages fatigués, des jeunes types fades, tout le monde maussade. Exactement le genre qui vous amenait à bon port dans la discrétion la plus absolue. Des gens sûrs, fidèles de la première heure, si on pouvait dire ça avec Estrella, en tout cas ils ne lui avaient jamais fait défaut et lorsque, après avoir découvert certaines informations, l’un d’eux s’était avéré bosser pour la CARPE, les autres lui avaient lié les mains et balancé dans l’eau du port sans poser de questions. Ça avait eu le mérite de faire un peu se détendre Estrella.
Ils arrivèrent à proximité de Rosborg-Skaudme au matin suivant. Les voyages en mer étaient toujours un peu long, mais largement plus discrets que de monter dans un jet qui devrait se déclarer à une bonne demi-douzaine d’espaces aériens étrangers, merci mais non merci.
Les gars restèrent sur le navire pendant qu’on le débarquait. Deux individus accompagnaient Estrella cependant, question de prudence, quitte à les laisser à bonne distance quand les négociations débuteraient. L’un était citoyen Pharois, un type qui faisait pas mal honnête homme d’apparence, et avait bon esprit. Sympathique et efficace, à défaut d’être dangereux. Ça convenait pas mal, on ne pouvait pas toujours s’entourer que de tueurs froids. L’autre était une femme, du genre vieille peau qui sentait la soupe. Elle, en revanche, avait été passeuse dans une autre vie, elle avait empoché les sous, embarqué de pauvres gens, et balancé tout le monde à la flotte une fois en haute mer. L’argent, oui, mais pas les risques, et ça libérait la cale pour des marchandises plus lucratives. Elle flairait les mauvais coups avec l'efficacité d'un limier, c'était toujours utile de l'avoir près de soi.
L’héliport était là où on l’avait décrit. Il faisait froid, le vent soufflait dans la barbe du maire. Pas trace du moindre Listonien, cela l’agaça. On n’avait pas de temps à perdre pourtant.