03/07/2013
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Activités étrangères en Communaterra - Page 2

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Le Petit abruti

Citoyens de Communaterra,

Lorsque j'écris ceci, je suis en pleurs et très franchement je fonds en larmes. J'ignore si les traces de mes larmes sur la feuille original que je ferai imprimer en je ne sais combien d'exemplaires se verront mais si c'est le cas, cela sera preuve de ma sincérité et non preuve de quelque chose qui n'est pas professionnel et qui est mal fait. Aujourd'hui, je parle à travers le petit abruti pour m'exprimer sur une enquête que j'ai mené sur quelque chose que j'ai découvert il m'a absolument horrifié. Je suis juif. Je n'ai pas honte de le dire dans notre monde où nous sommes si peu nombreux et où nous avons été persécuté un peu partout que ce soit en Eurysie ou en Afarée. Je suis juif. J'ai été persécuté un peu partout dans le monde et mon peuple avec qui nous sommes les victimes de quelque chose de très puissant et cette chose très puissante est très violente. Vous l'appelez la haine, je l'appelle le destin, l'injustice, le malheur du peuple du Livre. Vous savez, comme beaucoup d'autres je suis pour la liberté je n'appelle personne à se faire religieux ou religieuse car je ne parle pas au nom d'une religion mais d'un peuple. Je suis juif, je représente le peuple juif. Je suis juif parce que je crois que l'humanité prime et parce que chacun est en droit d'exprimer ses opinions quelqu'elles soient. Je suis juif parce que je crois sincèrement en humanité du monde et parce que je pense que personne ne devrait être réprimée ou censuré pour ses propos. Voilà qui je suis voilà quel peuple je représente. J'aimerais vous dire qu'en écrivant ces mots je n'ai pas pleuré et j'ai garder la tête froide surtout au vu de ce que je vais vous annoncer un peu plus tard seulement, ce serait vous mentir et si il y a bien quelque chose que je déteste par-dessus tout c'est le mensonge. Ici, dans notre pays, en Communaterra, nous avons été souvent persécuté sous l'empire il est vrai que nous n'avons jamais eu vraiment la belle vie. Pour beaucoup, nous sommes issus du Grand Kah voisin et si nous avons cru nous, génération rebelle, pouvoir être libre de nos propres choix et décider pour notre propre sécurité j'aimerais vous dire que nous nous sommes trompés en venant ici. Mon peuple se cache. Mon peuple est déjà au courant et sait déjà ce que je vais dire mais justement ce que je veux dire, je ne vais pas le dire pour lui rappeler les mauvais souvenirs et ce qu'il a vécu et bien pour être sûr que tout le monde est informé de ce qu'il s'est passé. Issu d'une génération rebelle, moi aussi j'ai cru en la révolution. Après tout, ce n'est pas un crime de croire et encore moins de croire que tous les humains sont libres et égaux et ont tous le droit d'exister quel qu'il soit? Je n'aurais jamais cru que ce même régime qui soutenait cette idée allait en fait considérer que non, nous ne sommes pas tous égaux et tout le monde ne mérite pas de vivre. Ne vous méprenez pas, moi aussi j'ai lu le dernier article qui est paru sur le massacre des prêtres et les enfants de l'orphelinat et moi aussi j'en ai vomi. Mais justement, si j'écris aujourd'hui ce n'est pas pour minimiser ce massacre mais bien pour mettre en lumière qu'il y en a eu d'autres et surtout un que je ne peux qualifier par d'autres mots que le terme de génocide. Quand vous massacrer tout le temps peuple innocent et inoffensif qui ne peuvent se défendre et que vous le massacrer uniquement pour ce qu'il est ou pour son ethnie, sa croyance ou sa religion, je ne suis pas au courant d'autres termes que celui de génocide pour qualifier ce massacre. Dites-le ou non, c'est comme ça que je vais qualifier les évènements que je vais raconter.

Il y a six mois, la révolution ici s'installait dans le sang et dans la terreur il se sent, c'est celui de milliers d'êtres humains qui n'ont rien demandés. La révolution soi-disant féministe est en fait une révolution sanglante qui a massacré, génocide et surtout assassiné des milliers de personnes pour une religion en particulier. Ils ont massacré des prêtres et des enfants ainsi que des nonnes des religieuses et ça, je trouve ça absolument scandaleux et c'est un massacre qu'il faut absolument dénoncer. En revanche, il y a eu un autre massacre et je le sais car je l'ai vécu, ma famille l'a vécue. Ce massacre là était organisé et s'est fait comme étant un génocide. Marche forcée, déportation ou encore emprisonnement, le peuple juif a été massacrés et on nous a condamné à mourir. Le seul choix que nous avions? Mourrir d'une balle dans la tête ou mourrir de notre main. Mes parents refusant de tomber sous le joug de la révolution ont préféré se donner la mort tandis que moi j'ai fuis, lâchement. J'ai lâchement fuis au Grand Kah en attendant les retombées sanglantes de la révolution. J'ai vu des révolutionnaires sur mon chemin se croire tout permis et massacrer des gens. Si on pensait que la révolution s'était concentré en ville et que celle-ci était civilisée, dans les campagnes j'ai découvert une révolution sanglante et qui avait un tout autre visage qui était celui de la mort. J'ai vu des gens brûler vif. J'ai vu des gens pendus. Ils ont attrapé des bébés il les ont lancé en l'air et en tirer dessus comme si c'était de vulgaire pigeons. Quand on aboli la prison et qu'en réalité on nous enferme sur un territoire donné, comment est-ce que vous appelez cela? Sincèrement, pour cette question je n'ai aucune réponse mais je suis sûr que vous vous la trouverez.

Hier j'étais victime, aujourd'hui je suis attristé et demain je serai assassin. Je massacrerai les dirigeants qui ont tués mon peuple.
Anti-système et esprits vengeurs, entendez mon appel et tuez les assassins qui nous dirige.
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05.07.2012. Dans le cadre d'un accord bilatéral dit accord de coopération sécuritaire de Sicherkrik, le ministère de la Défense nationale a indiqué que l'escadrille de chasse 1/23 "Särna" allait désormais être en permanence prépositionnée dans la possession d'outre-mer caratradienne de Tirroill en Paltoterra. Les forces seront donc désormais situées dans la zone de commandement UNPALCOM au sein du Commandement Intégré du Conseil militaire de l'OND afin d'assurer une présence permanente de la République Fédérale de Tanska dans la région. le ministère a par la suite indiqué que d'autres éléments de la défense nationale pourraient rejoindre les Forces prépositionnées dans d'autres zones de commandement. Initialement, les différentes branches de la Force de défense nationale sont présentes là où la République Fédérale de Tanska dispose de territoire à savoir l'UNALCOM, l'UNEURCOM et l'UNAFCOM. Cette décision permet enfin à la République de s'inscrire plus généralement dans le Conseil militaire afin de soutenir ses partenaires dans l'exercice de leurs souverainetés. Un total de trois appareils serviront à assurer la police du ciel et la surveillance de l'espace maritime caratradais aux côtés des forces de Sa Majesté.
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Cela faisait déjà un mois que Bernadette et Jacques Loiseau avaient franchi la frontière et rejoint le village révolutionnaire avec d'autres migrants. L'implantation fut assez difficile les premiers jours notamment avec la barrière de la langue, mais les locaux prenaient pas mal d'attention à accueillir les nouveaux venus et les assister dans leur implantation.
Bernadette s'était le mieux débrouillée de par ses rudiments en espagnol, qui lui avait aidé à échanger avec les komunateros, et apprendre d'eux clairement l'espéranto. Elle aidait ensuite son compagnon à faire de même. Maintenant il constatait l'utopisme promu par les habitants, et les choses étaient particulièrement déroutantes.

Hormis la barrière de la langue, c'est l'emploi du temps qui avait le plus frappé : les komunateros travaillaient peu et passaient leurs journées dehors dans des bistrots, théâtres et autres, à se livrer à toutes sortes d'activités créatives. Bernadette s'était vite prêté au jeu, tandis que Jacques issu d'un milieu agricole avait une image de fainéant de tous ces gens. Comment faisaient-ils pour entretenir les infrastructures publiques, une industrie de pointe ou simplement se nourrir en travaillant aussi peu ?

Se nourrir, c'était un autre point qui avait frappé les arrivants (le duo d'espions comme les autres migrants). Le véganisme expliquait en partie les besoins d'efforts moindres pour subvenir à une population. Cela avait demandé de l'adaptation au sylvois, accoutumé à systématiquement manger viandes, oeufs ou laitages dans l'essentiel de ses repas, même en petite quantité. Même le beurre lui manquait, ici où il devait engloutir d'énormes quantités de féculents ou racines pour se rassasier tant son corps s'adaptait lentement à ce nouveau régime. L'une des conséquences fut l'augmentation de ses flatulences, à un point où il évitait les oignons pour éviter de donner de l'ordeur à ces importants volumes de gaz qu'il rejetait.

Un dernier point qui l'avait frappé était l'omniprésence de la révolution, partout, toujours. Les komunateros sortait tout juste de cette crise sanglante, en avaient gardé des traumatismes, rejetaient en conséquence les normes. Mais Jacques avait de moins en moins de patience face à ces révolutionnaires qui partaient en grands débats acides au moindre mots de travers. Il avait fini par abandonner toutes discussions politiques, se contentant d'acquiescer et dire quelques phrases bateaux pour aller dans le sens de ses interlocuteurs. Il était de toute façon trop limité dans sa connaissance de l'espéranto pour se lancer dans des échanges pointus et argumenter. Et même s'il le pouvait, ses références scientifiques étaient sylvoises, systématiquement contestées comme "œuvre de la bourgeoisie et du capitalisme". Il n'était pas certain que ce fut la traduction exacte des reproches qu'on lui faisait, mais il interprétait tel quel.

Bernadette s'était elle bien plus vite accoutumée. De plus comme bon nombres de sylvoises, elle avait un caractère bien trempé, sauvage comme disent les mounakaz. C'était extrêmement bien vu ici, qu'une femme s'impose et ce surtout envers les hommes. C'était un accomplissement à atteindre. Inutile de dire que Jacques se sentait brimer de son côté. Il aurait pu se plaire avec ce rythme de vie, mais il tolérait mal les habitants. Il se réfugia même un temps dans le travail, rejoignant une boulangerie. Il travaillait au début bien plus que les komunateros, mais même cela semblait mal passer. Était-ce par compréhension à cause de la langue ou réelle tendance des locaux à ne pas apprécier ceux qui travaillaient beaucoup, mais il s'était pris la tête plus d'une fois sur la question jusqu'à se résigner à lever le pied et quitter ce refuge.
Les gens ici l'insupportaient définitivement, et voir son associée de mission se fondre ainsi dans la masse le faisait se sentir seul, avec un profond sentiment de mal être .

Il restait la mission, rapporter tout ce qui pouvait être utile comme information, sur la politique, l'opinion des gens, les tendances et projets en cours. Il faisait partie de ceux qui avaient relayé en premier l'achat des missiles au pharois, quand la nouvelle s'était propagée en Communaterra. Comme d'habitude, il s'était absenté pour une promenade en solitaire avec son banjo. On le laissait tranquille à ces instants, lui permettant d'appeler ses contacts en Sylva avec le téléphone satellite. Il procédait avec parcimonie, économisant au mieux les batteries. Une des quatre était déjà vidée "Un quart de mon temps d'appel déjà volatilisé, comment ferons nous une fois intégralement écoulé ?" se demandait-t-il.

Quand bien même elle vivait sa meilleure vie, Bernadette restait elle aussi concentrée sur sa mission. Elle profitait même de son affinité naturelle avec les gens d'ici pour se renseigner sur la politique, les comités, et comment se déroulait la vie élective. Elle avait été frappé par le caractère très moral et émotif des prises de décision. Un représentant venait, faisait un discours appelant à des principes idéologiques essentiellement et la foule scandait d'approbation ou de mécontentement. Il n'y avait pas d'analyse purement factuelle, posée où l'on discutait point par point des tenants et aboutissants en essayant d'avoir une vision sur le long terme. Non, pire, les représentants avaient toujours un discours caricatural de leur idéologie. Anarka-Vocô faisait un discours radical et hargneux appelant à écraser sans réfléchir, Alexandre Verlumino appelait à la nuance et au pacifisme, puis Xaiomara faisait une espèce de synthèse en jouant plus sur son charisme et emprise morale que sur des arguments concrets. C'était systématique, et la foule applaudissait, ce que Bernadette ne perdit pas un instant à transmettre aux renseignements sylvois, précieuses informations sur comment devront se faire les éventuelles campagnes de communications.

Un autre point qui répugnait assez vite tant Jacques que Bernadette, c'était la facilité avec laquelle certains déshumanisaient leurs opposants. Difficile de quantifier cette frange de la population, somme toute bruyante et visible, mais appeler à la mort des fascistes, bourgeois et autres était normal. La purge sanglante était intégrée, revendiquée même. C'était quelque chose que Jacques commentait avec cynisme en rappelant que la déshumanisation de l'opposant était systématiquement une étape de la montée du fascisme. Il s'était bagarré ce genre là quand il s'était fait encerclé et qu'on lui criait que la révolution immaculée de sang n'existait pas, que c'était juste du réformisme et de l'appel à l'immobilisme. Son seul réconfort fut d'avoir collé un œil au beurre noir au plus bruyant de ses inquisiteurs avant de s'être fait renverser. Il n'y avait pas eu de trop grosses conséquences à cet incident, Bernadette l'ayant aidé à s'en tirer et défendant sa bêtise comme celle d'un enfant qui ne comprend pas et qu'on n'éduque pas à coup de... coups. Le rapport à l'éducation des komunateros, qu'elle avait bien imprégné, lui avait permis de plaider pour son compagnon de voyage, le tout dans un discours déchaîné tel que les autochtones les appréciaient temps.

Lors de son dernier appel, Jacques avait eu des directives très précises : guider les prochaines opérations de renseignement pour se diriger plus au sud, dans la zone anarchiste de Ĵurnima. Il fallait parvenir à collecter davantage d'informations sur cette région et ses tendances, puisqu'elle était estimé comme un foyer important de bellicisme envers Sylva, à un degré allant bien au-delà de la simple incommodité diplomatique.
C'était là une tâche bien ingrate pour le compère et la commère. Quand bien même on ne leur demandait pas de traverser ces cinq cent kilomètres les séparant de la région visée, il leur fallait trouver un moyen de préparer le terrain pour les prochains espions dédiés.

Ils eurent alors plus de succès qu'espéré, puisque la circulation était complètement libre en Communaterra. C'est Bernadette, forte de son caractère de cochon, qui se rendit directement dans la région visée. Elle emporta avec elle le téléphone et ses batteries de rechange avec le banjo cachette. Jacques resta quant à lui dans la zone d'Artadozonejo, d'une part puisqu'il fallait maintenir une observation sur place, et d'autre part car il ne se sentait pas d'aller auprès de la frange la plus malpolie du pays. Il regretta son choix assez vite quand il se rendit compte de la souffrance que c'était d'être seul. Et puisqu'il ne pouvait de toute façon relayer quoique ce soit à ses supérieurs, il entreprit alors le voyage jusqu'à sud-est pour rejoindre Bernadette.

Si Jacques pensa le premier jour regretter (encore) son choix, cette fois ci quand il prit conscience d'à quel point il ne pouvait pas blairer les anarchiste à une toute autre échelle que le commun des komunateranos, le réconfort que lui apportait Bernadette était indéniable. Et si à ses yeux les habitants de cette région étaient tous des abrutis finis, ils avaient ça de bon que les conflits se réglaient de façon archaïque en gueulant et se bousculant, se qui lui donnait au moins des prétextes légitimes pour en coller aux casse-pieds.

C'était ainsi parti pour un autre cycle d'observation dans cette région encore plus difficile à s'accoutumer.
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Velsna libérée a écrit :
Giuseppe Lauda, 4 aout 2012, depuis Communaterra

Voyage au pays des comités: comment naissent les Révolutions


Il est un pays, un seul au monde où le poids du fardeau d’être né velsnien n’est plus ressenti sur mes épaules. Il est un pays où une Révolution s’est construite il y a quelques mois et a explosé à la face du monde. Il est un pays qui comme beaucoup d’autres ont tenté avant lui, espère en finir avec tous les malheurs du monde. Je suis au cœur du continent de Paltoterra, dans le pays proclamé de Communaterra.
Mon fils de 2 ans est plus jeune que cette Révolution qui a aboutit avec l’assistance du Grand Kah à la mort de l’ancien Empereur. Un grand homme a dit que parfois, plusieurs décennies sonnent comme des semaines et que d’autres fois, plusieurs semaines sonnent comme plusieurs décennies. Cette accélération brutale de l’Histoire a bien eu lieu ici, dans des proportions rarement atteintes dans l’Histoire humaine. Grâce à cet article, j’entends ainsi témoigner à tous les miséreux et les sans-rien de cette Terre de ce qui a provoqué la dernière grande Révolution du XXIème siècle et ce qui en a émergé il y a six mois.

Comment les Révolutions peuvent naître :

Avant mon départ pour Communaterra, j’avais entendu beaucoup de choses de cet endroit, mauvaises la plupart du temps. Velsna est pour ainsi dire le contre-exemple de ce qui se passe ici. Partout on soulignait la cruauté avec laquelle avait été faite cette insurrection, partout où tâchait de m’expliquer dans les détails les plus sordides des exécutions auxquelles les interlocuteurs en question n’avaient pas été témoins. Il me manquait des avis des acteurs impliqués. Et quelque chose de plus grave encore à mon sens effleurait mon esprit à chaque discussion sur le sujet de Communaterra : tout le monde dénonçait, personne n’expliquait. Et il s’agit d’un problème majeur : nous crachions sur une Révolution dont nous nous efforcions à nier les causes. Et à chaque banalité qui s’échappait de la bouffe d’interlocuteurs lorsque je posais la fameuse question « Pourquoi la Révolution ? », une curiosité de plus en plus grande s’éveillait.
Pourquoi la Révolution ? Une question simple qui cache une réalité complexe, la question qui fâche les dénonciateurs de cette dernière. Qu’on se le dise : l’idée révolutionnaire en Eurysie est minoritaire, même parmi les mouvements issus de la gauche qui sont des forces de transformation sociale. Alors comment une personne ordinaire, peu politisée devient révolutionnaire ?

Une Révolution n’arrive jamais par hasard. Pour que Révolution il faut en premier lieu un objet révolutionnaire, la focalisation et la concentration de tous les mécontentements, le ralliement de classes moyennes et laborieuses derrière un seul motif de colère. Les gens du quotidien ne sont pas naturellement des rhéteurs de grands penseurs marxistes de Loduarie ou du Grand Kah, personne n’est naturellement porté vers un bord politique, personne ne naît eurycommuniste ou libertaire du sud. C’est exactement ce qu’il s’est passé en Communaterra : le mécontentement canalisé vers une seule source de frustration a déferlé sur les monarques, sur le clergé et les possédants. La plupart de ces gens n’étaient pas communistes, qu’on se le dise, ou bien étaient sympathisants d’une idée qui leur promettait un monde nouveau mais qu’ils avaient du mal à appréhender. Et c’est là où je veux en venir avec la situation à Velsna : celle-ci présente de grandes similarités.

Les puissants de Velsna pleurent les conséquences de leurs propres actes. Ils génèrent la frustration en pleurant la frustration, ils exacerbent la colère en appelant à la colère par chacune de leurs actions. Les velsiens non plus ne sont pas de fervents socialistes il est vrai, mais ils sont profondément mécontents. Ils sont mécontents de tout un ensemble, de tout un système et ils commencent de mieux en mieux à identifier les causes de leurs malheurs. Ils commencent à pointer le doigt dans la même direction et les récentes élections font transparaître la même chose : les classes moyennes et même certaines classes supérieures commencent à pointer le doigt elles aussi. A ces gens, si j’étais de leur côté, je leur dirais : « Arrêtez tout, stoppez tout si vous voulez sauver notre système. Donnez aux gens une couverture maladie, donnez-leur des hôpitaux, donnez-leur une éducation gratuite, donnez-leur un salaire décent, donnez-leur de quoi faire en sorte qu’ils ne meurent plus dans la rue…car vous êtes le prochain Communaterra. ». Mais vous savez quoi ? Je ne leur dirai rien, car ils auront mérité ce qui leur arrive, car je les méprise et je les déteste, car moi qui était le plus fervent des républicains velsniens autrefois, j’ai commencé moi aussi à pointer du doigt dans la même direction. Celle des sans-rien et des Classe X. Ces gens m’ont poussé à les haïr alors que j’étais un Homme de paix et de consensus, moi, le journaliste social-démocrate.

Communaterra n’est pas parfait j’en conviens. Comme tous les pays, son gouvernement pratique une propagande, la diffuse et finit par croire à ses propres mensonges, tout comme nos gouvernements. Bien sûr que chaque citoyen de Communaterra ne partage pas cette « flamme révolutionnaire dans leur cœur », bien sûr que les prêtres sont parfois persécutés. Mais si vous viviez dans le Communaterra d’autrefois, vous vous rendriez compte. Et vous diriez à d’éventuels détracteurs : « Vous reprochez au tonnerre de gronder alors que des nuages noirs obscurcissait le ciel que l’éclair est venu crever. ». Reprocher à Communaterra ses crimes éventuels revient à se dire que tout est de la faute des autres, que nous ne sommes responsables de rien.

En découvrant l’Eurycommunisme, j’ai eu un premier contact mauvais avec les idées socialistes. J’ai découvert la Loduarie, je m’y suis rendu, j’ai été déçu. Déçu que finalement, la domination d’un petit groupe d’individus ne soit remplacée que par celle d’un seul qui agit avec des pouvoirs pleins et absolus. Où un parlement et une assemblée du peuple soient muselées et enchaînées par un secrétaire général irascible et cruel. Ici, rien de tout cela, des comités pour tous et pour tout, où chaque opinion tend à compter dans la masse. La grève, contrairement à la Loduarie, est sacralisée et sacrée, intouchable. L’héritage, cette institution injuste qui tend à créer des inégalités de naissance et qui qui a transformé ma patrie en enfer, aussi est devenu chose du passé.

J’attends cette Révolution à Velsna, je l’attends à pleins poumons désormais. Un jour, nous aurons l’hôpital gratuitement et nous pourrons empêcher nos vieux de mourir dans le salon de leurs enfants, un jour les travailleurs de Velsna auront un droit de décision au sein des entreprises et ne seront plus traités comme des esclaves, un jour la religion ne pressera plus la vie publique et privée de sa présence, un jour je suis certain que tous les velsniens seront fiers d’avoir pointé le doigt dans la même direction. Nous nous organiserons en comités pour nous gouverner pour nous-mêmes et par nous-même.


Giuseppe Lauda, 17 mai 2012

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Depuis l'orbite, les sylvois surveillent Communaterra.

Après un certain temps de préparation, ont été mis en orbite les deux satellites Komère et les deux Mako de conception sylvoise. Ce sont les agences spatiales du Miridian et de Teyla qui se sont chargés des lancements, sans encombre.
Sur le plan technique, les classes Komère sont équipés de radar dédié à modéliser les reliefs, tandis que les classes Mako se chargent d'une observation optique. Combinés ensemble, ils seront aptes à cartographier avec précision le pays au rythme de leurs passages.

L'objectif premier est de déterminer l'ensemble des axes de circulation et agglomérations du pays. Routes, autoroutes, chemins de fer et cours d'eau seront minutieusement étudiés pour déterminer par quels chemins devront passer les armées communateranos et leur logistique le jour où Anarka-Voco commettra l'irréparable. Les villes et campagnes, que ce soit en termes de production ou logement, sont également des sujets d'attention, de façon à déterminer la contribution à l'effort de guerre de chacun, et la dynamique au niveau des populations. L'idée est à terme de pouvoir mieux disposer les outils de renseignement pour observer les indices témoignant de préparatifs pour une invasion (mouvement de troupes, matériel...).

Les satellites Mako, en plus de la cartographie, ont par ailleurs pour fonction d'effectuer une surveillance optique et la prise de photo détaillées de lieux stratégiques. Il s'agit de surveiller le développement prononcé de certaines zones industrielles ou de camps militaires, notamment à proximité des frontières. Dans la mesure du possible, sont aussi surveillés les équipements militaires observables, et ce, particulièrement du côté du port. En vue des discussions entretenues avec le Pharois, il est en effet à craindre que Communaterra se dote de matériel maritime, d'où l'importance d'en être informé. Quand bien même les satellites ne se chargeraient pas directement de cette surveillance, ils pourront au moins repérer les ports appréciables pour du ravitaillement d'ordre militaire, de façon à orienter la surveillance via d'autres moyens (agents comme avions espions).

Enfin, les reliefs et la végétation sont un autre détail recevant une bonne dose d'attention des satellites. Il s'agit d'observer les régions les moins fréquentées et accessibles, où pourront éventuellement se replier des unités spéciales. Montagnes, collines, forêts, tous ces points représentent des zones difficiles à surveiller, même par les airs.

Concernant le processus de surveillance des satellites, il n'est pas particulièrement dissociable. En soi, leur trajectoire leur permet de surveiller équitablement l'intégralité du globe (bien que les pôles soient moins accessibles aux classes Komère). Il s'agit simplement de synchroniser les observations avec les passages au-dessus de Communaterra, qui arrivent plusieurs fois par jour. Les relais concernant la communication sont d'ailleurs aisés, grâce à la proximité du pays avec Sylva et, conséquemment, la possibilité de lier directement au Duché un satellite au-dessus de sa cible.

Dans les services de renseignement sylvois, de nombreuses équipes sont affectées au traitement des images obtenues. Cartographes et analystes se coordonnent pour établir des plans précis et spéculer sur les points d'intérêt et leur fonctionnement. Leurs efforts seront corroborés avec ceux des agents sur place, réorientés pour surveiller les sites supposés d'intérêts.
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Red baloon in the sky
https://www.zupimages.net/up/24/08/boau.jpg
Un ballon sonde rouge arborant une faucille et un marteau aperçu dans le ciel kommunaterano en fin de journée.
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Journées de terreur en Communaterra !

Les divers agents sylvois disséminés en territoire révolutionnaire constatèrent depuis plusieurs points le déroulement des opérations. De l'éclatement de la manifestation, la prise d'importance du mouvement, son repli et son annihilation macabre, suivis de "l'après". Les choses s'étaient déroulées rapidement et, si la panique provoquée dans les rues durant l'émeute poussait à fuir, l'agent le plus proche avait eu pour mission d'observer dans la mesure du possible les évènements. Nathanaëlle Dubois de son nom, avait été envoyé il y a quelque temps en Communaterra, où elle s'était déplacée vers Riĉaĵlando. Quand elle avait eu vent des troubles en Klerigrezisto, elle en avait tenu compte dès que possible à ses supérieurs avec son téléphone satellite, après les habituelles précautions pour ne pas être vue avec. Là, elle avait reçu pour directive de s'approcher autant que possible tout en gardant une distance de sécurité, de façon à en savoir plus.

Les choses ne s'étaient pas pour autant passées comme prévu, et Nathanaëlle apprendra plus tard que c'était en soi mieux pour elle. L'absence de transport personnelle et la perturbation des autocars et autres moyens publics compliquait la circulation, qui devait alors se faire au gré des mouvements de foules se joignant aux contre-révolutionnaires. Mais même là, les choses étaient compliquées et la sylvoise ne pouvaient s'approcher malgré tout ses efforts des séparatistes. Elle se retrouva coincée dans une région collectivisée, où s'établissaient promptement les défenses pour contenir la foule hostile en approche. Contrainte, l'agent se contentât de prendre note les seules informations qui lui étaient relayées dans le bouche-à-oreille ambiant où étaient scandées les dernières informations acquises.
Les rebelles s'étant repliés dans l'hémicycle, elle abandonna tout espoir de les rattraper, pour apprendre ultérieurement leur massacre par l'Armée Noire.

Le reste des informations qui arrivèrent ensuite jusqu'aux agents, s'occupant de les relayer aux services de renseignement sylvois, venaient essentiellement de la Plume Rebelle et des rumeurs qui circulaient. Origine du mouvement, composition des partisans, positionnement d'Alexandre Verlumino, tout était transmis dans la mesure du possible.

Patrouilles renforcées à la frontière !

Face aux informations qui venaient, le niveau d'alerte de Sylva s'éleva d'un cran. Il s'agissait s'appliquer des mesures de surveillance active mais en restant très éloigné de l'état de guerre. Cela se traduisait notamment avec une patrouille aérienne longeant de très prêts la frontière, et comptant :
-Un avion radar chargé de surveiller l'éventuelle présence d'escadrilles à proximité.
-Un autre de guerre électronique pour détecter et localiser (sans brouiller) les émissions radar venant du voisin du sud pour surveiller leur surveillance.
-Deux avions d'attaque au sol, mettant à profit leurs instruments et senseurs dédiés à la surveillance air-sol pour vérifier la présence ou non d'unités de combat révolutionnaires en approches sur les routes.
-Et enfin, cinq avions de chasse escortaient l'ensemble, mais en se tenant en retrait avec une posture claire : il accompagnait pour protéger les avions en vol, mais n'étaient pas en position de plonger sur l'aviation de Communaterra volant au-dessus de son propre territoire.

Côté marin, une des trois frégates et l'un des patrouilleurs étaient envoyée à proximité de la province de Caratrad, afin de garder un œil sur les côtés komunateranos et s'assurer de l'absence de mouvements suspects du côté de la mer.

Et plus discrètement, d'autres efforts très importants étaient déployés dans les forêts mêmes de Sylva proche de la frontière. Les équipes de patrouilleurs étaient doublées, emportant avec eux des chiens de gardes, et procédaient à des manœuvres plus intense que d'habitude pour s'assurer de l'absence de rôdeurs traversant la frontière.
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Nous sommes arrivés.
(depuis longtemps déjà en fait)

https://lh3.googleusercontent.com/proxy/5YZ7cUx3teZL_WBYX-dxApHBGARFSflVyFThAiZH-mIlo-3xCLJIOsVsjg2JzzE37B_8nYUN4RBxUYtcqRBrp2MzOZC_cQFY5bhjtxnWefFjiltSDIl70jmVLi8RNZMokCPUE8KR

Les forces Loduariennes étaient arrivés depuis un bon bout de temps déjà. Depuis longtemps. À vrai, cela n'aurait dû étonner personne.
En tout, 700 militaires, autant d'armes d'infanterie, et une vingtaine d'aéronefs. 15 avions, 5 hélicoptères. Sans oublier les 500 forces spéciales aéroportés et terrestres spécialisés en défense de site et en reprise de bâtiments.
Leur mission : protéger et instruire. En attendant que Communaterra puisse acquérir une défense certaine et efficace, la Loduarie s'en chargerait. Certes, pas d'une manière aussi intensive qu'on pouvait le voir en Okaristan actuellement, mais elle était tout de même présente. Sans oublier qu'elle était tout de même assez efficace.

Forces militaires déployés a écrit :

  • 700 soldats professionnels
  • 500 armes légères d'infanterie de 9ème génération
  • 200 armes légères d'infanterie de 5ème génération
  • 10 avions de chasse de 4ème génération
  • 5 avions de chasse de 5ème génération
  • 5 hélicoptères de transport moyen de première génération
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https://www.zupimages.net/up/24/10/cvc3.jpg

Son second mouchoir était déjà inutilisable, Hymveri le jeta par terre pour en tirer un autre de sa poche. A peine avait-il posé le pied sur le sol kommunateros qu’il s’était mis à dégouliner de sueur. L’été battait son plein de ce côté de l’hémisphère et la chaleur étouffante que les embruns marins leur avait jusque là épargné s’était comme abattue sur eux dès lors qu’ils avaient pénétrés dans les terres.

- Et c’est là-dedans qu’on va établir une base ? maugréa le capitaine.

- Beaucoup de nos compatriotes préfèrent ces climats aux mers gelées du nord, je pense que nous n’aurons pas de mal à trouver des volontaires.

Mae Crannach, comme à son habitude, affichait bonne figure. Une fine couche d’humidité perlait malgré tout sur son front mais contrairement à Hymveri qui avait l’air d’une loque, cela ne faisait que la rendre plus lumineuse encore. Le soleil franc de la Communaterra lui habillait la peau comme un bijou.

- J’aurai dû rester là bas, je ne vois pas du tout ce que je fais ici.

- Allons. Cela va faire deux ans que nous campons au large du Prodnov, la guerre ne va pas se retourner parce que nous nous en éloignons deux semaines. Et si tu veux convaincre les pirates rouge que le Paltoterra est une terre d’avenir, il faut t’y montrer.

Hymveri haussa les épaules, de mauvais gré. « Une nation entière acquis à nos idéaux révolutionnaires, je ne devrai pas avoir à leur montrer la voie. Des pirates qui ne sont pas foutus de prendre des initiatives sont de mauvais pirates. »

- Ce n’est pas une question d’initiative, cher capitaine, c’est une question de symbole. Votre mafia du Syndikaali a été assez claire quant à ce qu’elle tolérait ou ne tolérait pas et j’ai discuté avec plusieurs de tes hommes, tous ne sont pas convaincus que c’est une bonne idée de venir pirater si loin des mers du nord. Le souvenir du fiasco de l’archipel jaune est encore vif.

- Ce n’était pas nous, dans l’archipel jaune, et nous n’avions pas d’alliés sur place. Tout est différent cette fois. Ce qui m’emmerde, c’est le climat.

- Parce qu’il faisait moins chaud dans ton sous-marin peut-être ?

L’évocation du Kauhea lui arracha un sourire. « Ce n’était pas la même chose. »

- Ah oui ? L’odeur de chaussette te manque ? Moi pas, je préfère largement celle des agrumes et des fleurs. Relève le nez de tes chaussures, regarde autour de toi, c’est un pays de cocagne.

- Et je me demande si nous sommes ici pour le protéger ou l’embraser.
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Massacre en Communaterra, intervention du Grand Kah, appel à l'aide des comités et renforcement des défenses de l'OND, l'actualité musclée de ces très derniers temps !

Si les éléments composant le contexte de tout ce fracas marquant bruyamment Paltoterra sont bien antérieurs aux évènements récents, l'élément déclencheur, ou plutôt l'un d'eux, est un massacre ayant eu lieu en Communaterra. Selon les journaux locaux, dix milliers d'anciens bourgeois dépossédés auraient pris les armes pour attaquer les civils désarmés et tenté de se réapproprier les moyens de production, avant d'être massacré. Déjà, un premier élément inquiète et remet (encore une fois) en doute toutes la crédibilité de Communaterra : à quel point un état doit être dysfonctionnel pour que dix milliers d'hommes et de femmes, spontanément ou de façon coordonnée, décident de s'armer et mener une insurrection, à la fin rejointe par le représentant de l'un des comités ? Quel niveau d'incompétence est nécessaire pour que la gestion désastreuse du pays et de sa société post révolution puisse amener à une contestation, une rancœur suffisante pour former une telle rébellion ? Et à quel point doivent être absents les services de renseignements pour que s'organisent ainsi dix milliers de citoyens, qui devaient être suffisamment mécontents pour en arriver là, communiquer entre eux, s'organiser, coordonner leur opération et finalement agir, sans que quoique ce soit puisse être repéré et qu'aucune mesure ne soit appliquée pour prévenir de ce charnier ? Quel niveau de maladresse doit être atteint pour que ces dix milliers de révoltés soient massacrés en l'espace d'une soirée, quand ils avaient mis en suspens leurs ambitions et étaient en phase de discussion, sans qu'aucune mesure ne soit par la suite communiqué pour traiter les proches des contre-révolutionnaires ?

Il ne s'agit ni plus ni moins qu'une démonstration totale de l'incapacité de Communaterra de fonctionner, telle une société, telle une civilisation. Non seulement c'est là un exemple de sa fragilité actuelle, mais également à venir. Dix milliers de révoltés ont été suffisamment mécontents pour prendre les armes, avant d'être massacrés. Étaient-ce des familles entières qui ont été massacrées ? Ou est-ce que ces criminels ont laissés derrière eux des familles, conjoints, parents et enfants ? La seconde option est plus probable et là se pose un constat : autant d'efforts sont faits pour prévenir la crise à venir qu'ils y en a eu pour éviter cette récente. Qu'est-ce qui empêchera à nouveau que, marqués du désarroi, du malaise, ces endeuillés qui, devaient aimer leurs proches et amis, tout aussi criminels fussent-ils, ne prennent les armes de la même façon, ces contre-révolutionnaires ont pris les leurs après les massacres de la révolution ?

Révolution permanente, massacres compris, est une qualification qui sied à merveille à Communaterra. Né dans le massacre revendiqué de ceux qui furent exclus de l'humanité : bourgeois, prêtres, réactionnaires n'approuvant pas qu'on leur exige le choix binaire de rester dans le modèle impérial ou de se plonger dans le communisme. Ces boucheries n'ont fait que modeler un noyau de revanchards traumatisés par la violence, cristallisés sous la révolte, matés de la même manière que s'est faite la révolution, réitérant un cycle interminable.
Ainsi fonctionne Communaterra, dans cette société où les choix sont imposés par la violence, avec une répression qui nourrit la contestation. Ainsi fonctionne la "nation" qui se veut la plus démocratique du globe.

"Contre-révolution", ainsi était qualifié ce mouvement. Et en soit, c'était vrai, puisqu'il consistait indéniablement à s'opposer à la révolution pour revenir à un état initial. Mais les méthodes employées ? Ce sont exactement les mêmes que la révolution : le massacre indiscriminé. Car inutile de se leurrer, aucune révolution avec des massacres de masse ne peut se faire "raisonnablement" avec une distinction claire entre les condamnés et victimes collatérales. Mais dès lors, si les communateranos peuvent justifier leurs mesures coercitives envers les contre-révolutionnaires sous prétextes qu'ils s'opposaient à la révolution permanente, peuvent-ils leur repprocher leurs méthodes ? D'autant quand les gardiens de la révolution appliquent les mêmes méthodes car là, il ne s'agit pas d'une arrestation, mais d'un massacre. Dix milliers d'hommes et de femmes, probablement des adolescents dans le lot, c'est un nombre démesuré dont il convient de prendre conscience, cela constitue déjà une ville. Et les autorités n'ont pas essayé d'éviter le massacre, elles n'ont pas appelé les insurgés à se rendre, une fois calmé leur élan, elles ont frappés, durement, de façon impitoyable, ce qui était un flot, une foule où l'individualité était réduite à néant.
Car comme dit, au-delà des implications morales de massacrer une telle masse de population, c'est un acte purement et simplement idiot, témoignage supplémentaire de l'incompétence des autorités révolutionnaires. C'est l'abandon de toute civilisation pour répondre à la sauvagerie avec la sauvagerie, et semer les graines d'une nouvelle vague de violence contre laquelle sera appliqué la même démesure.

Se pose par ailleurs une autre question : étaient-ce là tous les "rescapés de la révolution" ? Ces dix milliers de brutes, localisée uniquement en Klerigrezisto, capitale de l'une des quatre régions de Communaterra, Riĉaĵlando. Il n'y donc que deux possibilités : que l'intégralité des insurgés en puissance de tout le pays aient migré en Klerigrezisto (impliquant une coordination qui n'a à aucun moment été captée par les forces d'auto-défense) pour l'occasion, ou qu'il ne s'agisse là que d'une fraction d'eux. La seconde hypothèse est encore une fois bien plus probable et pose encore à question : cette exécution indiscriminée de masse était-elle la première d'une longue liste à venir, se déroulant successivement dans chaque ville pour déboucher sur la même violence, énième cicatrice du dysfonctionnement profond de Communaterra ? Est-ce donc cela, le communisme idéal ? Une mise en place dans la violence, et ce, jusqu'à ce que tous les opposants soient tués ? Dès lors, il n'est plus surprenant qu'un des comités se soient rapproché de la Loduarie, sans provoquer la moindre réponse auprès de ses voisins fraternels, quand s'immisçait ainsi le vecteur de l'instabilité, principal propagateur de chaos, auteur en titre des crimes de guerre.

Ces dix milliers de morts ne représentent que trop bien une succession du modèle communateranos, que l'on résumerait en son incapacité de percevoir et traiter la contestation, y répondant avec les causes mêmes de ladite contestation, pour ensuite accuser ces opposants d'user des mêmes méthodes répressives appliquées à leur égard.Là, nous arrivons au point suivant : l'intervention Kah-tanaise sur laquelle règne encore un flou total. Divulguées par Communaterra, les missives du Grand Kah témoigne de sa volonté de manière limpide : éclaircir cette affaire sur les dix milliers de morts, et sur d'autres sujets qui se rejoignent et que nous aborderons : la présence loduarienne et les suspicions d'atteinte à la paix. Diverses justifications sont émises en réponse par Communaterra : l'accord du Grand Kah vis-à-vis de la présence loduarienne et sa reconnaissance de la souveraineté Communateranos, qui justifierait dès lors ses exactions.
Là est tous le sophisme : être souverain ne légitime pas pour autant l'entretien d'un (É)état de violence permanent, puisque tel qu'énoncé de façon détaillé au début de cet article, ces dix milliers de morts ne sont rien d'autre que l'expression du contexte profondément inopérant du pays. Si demain, était procédé au Royaume de Teyla un massacre même dix fois moindre, Sylva ne tolérerait pour autant l'exaction sous prétexte de sa reconnaissance de Teyla et de l'approbation exprimée dans leurs partenariats.
De même, aussi consenti ne soit la présence loduarienne, et dans le cadre de la souveraineté de Communaterra, elle peut malgré tout s'inscrire dans une cadre menaçant la paix globale de Paltoterra. Communaterra n'est après tout pas à son coup d'essai pour ce qui est de déstabiliser la région, feu Alexandre Verlumino ayant lui-même très explicitement dit que Communaterra finira par troubler cette stabilité par l'intermédiaire d'Anarka Vorko. Dès lors, aucune incohérence ne peut être observée dans les missives du Grand Kah, concordées par leur déclaration à l'aube des opérations. Vient alors l'ultime argument de Lyudmila et les Comités de la République : Communaterra se serait engagé dans une démarche d'apaisement des relations avec ses voisins, se traduisant par la fin des insultes diplomatiques, la reconnaissance du gouvernement sylvois, et l'érection d'un rempart de béton tout le long de la frontière (rappelons-le, rien de moins qu'une aberration écologique). Voici donc les raisons qui devraient prémunir cette révolution permanente d'une intervention : la norme attendue de tous dans les relations diplomatiques, et un édifice douteux (bien que Sylva soit loin de s'opposer à ce que les communateranos ne puissent librement se rendre en Sylva).

Non, après avoir été hostile et clairement exprimé des menaces, il est raisonnable de considérer Communaterra comme hostile et menaçante, fusse cela traduit uniquement par voie écrite, et même si ce régime de pure violence venait à cesser ses insultes diplomatiques. Communaterra est une menace à la paix, Quels que soient les sophismes adoptés par leurs comités pour transposer leur tords à leurs voisins jusque-là très patients, et l'approbation du Grand Kah sur certains points n'excluent en rien le caractère profondément déstabilisateur de Communaterra.

Vient maintenant un point très intéressant : si rien n'a officiellement été communiqué pour l'heure par l'OND et le Duché de Sylva plus particulièrement, leur auraient été destinées des missives par Communaterra selon les rumeurs sur place. Leur aide serait appelé pour éviter une guerre ouverte en Paltoterra, ni plus, ni moins. Il ne s'agit là de rien d'autre qu'une dernière hypocrisie de Communaterra, qui après avoir opéré méticuleusement pour initier les hostilités, appeler à la guerre et instaurer un climat de méfiance auprès de ses voisins, demande à l'un desdits voisins de se méfier de l'instabilité qui se risquerait sur le continent.
Communaterra est pleinement responsable de tout ce fracas et ses vaines tentatives de se déresponsabiliser ne saurait obscurcir l'évidente vérité : ils sont une menace à la stabilité et doivent être traités comme tel. Le gouvernement sylvois n'a pour l'heure pas encore réagit, ne laissant que des spéculations sur la suite des évènements jusqu'à ce que soient clarifiées ses décisions conjointes à celles de l'OND.

Mais là vient un dernier point : aussi coupable que soit Communaterra d'une multitude de maux que l'on pourrait résumer en une "déstabilisation chronique sur diverses échelles (locale comme continentale)", la réponse apportée par le Grand Kah ne devra pour autant pas être un simple déploiement de force semblable aux méthodes de cet instigateur de pagaille. Sylva ne saurait tolérer d'avoir pour partenaire des nations se rabaissant à un tel niveau, ne valant pas mieux que ce qui pourrait être qualifié d'état terroriste. Non, l'intervention devra viser à pacifier durablement la région, et ce, sans créer une rancœur supplémentaire, malaise profond qui se matérialisera à nouveau sous un déchainement de violence.
Les points de tension en Communaterra, aussi innombrables soient-ils, doivent être traités avec justesse et justice. Il faudra soigner toutes ces souffrances à l'état larvaire, ces abcès purulents qu'on ne peut simplement percer sans désinfecter, autrement partira une autre nécrose, toujours plus difficile à régler. Mais comment concrètement ? Vaste question sur laquelle devront se pencher les gouvernements du Grand Kah, mais aussi de l'ensemble de Paltoterra sinon les périodes de paix à venir ne seront que des accalmies entre les périodiques retours à la violence des communateranos.

Mais en attendant, les principales mesures observables sont la sécurisation des frontières du Duché, avec des vidéos amateures partagées dans diverses agglomérations, montrant des renforts venus de Tanska ou Caratrad.
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Juste quelques coups d'œils !

Opération de récolte d'informations sensibles visant Communaterra

Pays infiltrant : Duché de Sylva
Pays infiltré : Communaterra
Prévisionnel de la date (RP) de l'action clandestine : mai 2013
Prévisionnel de la date (HRP) de l'action clandestine : l'action pourra être arbitrée le 09 avril 2024
Type d’opération : Récoltes d'informations sensibles (action à 10 000 points)


Province cible : #14709

RECONTEXTUALISATION / FRISE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS PRE-OPÉRATION :

Depuis le début de ses échanges avec Communaterra suite à la révolution d'où elle est née, le Duché de Sylva a essentiellement eu pour résultat de l'hostilité. La chose était d'autant plus inquiétante que de nombreux facteurs représentaient des indices typiques d'une préparation à une guerre :
-Non-reconnaissance de la Duchesse, et plus généralement de la noblesse, comme dirigeants de Sylva,
-Posture douteuse avec la Présidente de la Haute Assemblée, Lucette Dumorne,
-Discours bellicistes tenus publiquement, interprétés comme voulant préparer mentalement la population communteranos à la nécessité de la guerre,
-Lesdits discours étaient appuyés par des menaces par missives, d'Alexandre Verlumino appuyant sur la menace à la stabilité que représentait Anarka Vorkoo.
-Communaterra s'armait massivement tout en maintenant sa politique ultra-hostile,
-Vint ensuite le rapprochement avec la Loduarie Communiste, reconnue à l'internationale comme une puissance déstabilisatrice et prompt aux crimes de guerre,
-Le pays ne s'est calmé que lorsque le Grand Kah a assuré, à Sylva et Communaterra, garantir la sécurité du pays attaqué et neutraliser l'assaillant si une guerre éclatait entre les deux. Aucune confiance ne pouvait toutefois être tirée sans garantis de ce changement de ton,
-S'ensuivit le massacre d'une dizaine de milliers d'individus en Communaterra, témoignant des profonds dysfonctionnements du pays, légitimant d'autant plus les craintes d'un éclatement des hostilités.

Communaterra est à présent sous le coup d'une opération militaire kah-tanaise, de laquelle ne sort que peu d'informations. L'objectif est donc de mettre à profit le réseau de renseignement développé par Sylva pour étudier la situation et estimer les risques de débordement.

Pour se faire, les sylvois ont procédé par étape :
  • Les choses ont commencé avec l'infiltration et implantation d'agents sylvois parmi des migrants sincèrement attirés par le modèle communiste de Communaterra. Ces espions avaient pour fonction de transmettre (par téléphones satellites dissimulés) des informations sur le climat social et les décisions politiques, librement diffusées sur place. L'opinion générale devait également être tâtée, en plus de collecter via divers processus de manipulation sociale des informations sur Communaterra, son organisation militaire, la position des aéroports et bases militaires.
  • Les agents sont par ailleurs toujours en Communaterra, en première loge des évènements en cours et de l'intervention du Grand-Kah.
  • Un réseau de satellites de reconnaissances produits par Sylva et mis en orbite par le Royaume de Teyla et la République du Miridian a permis un important travail d'observation. Ont notamment pu être étudiés en détails la géographie des lieux, les axes de circulation interne, la localisation des aéroports, agglomérations et sites industriels, bases militaires et ports maritimes.
  • Au niveau de la frontière sylvoise, des patrouilles aériennes pouvaient être opérées pour compléter les informations sur une courte distance. Depuis des avions radar ou de guerre électronique, étaient observés, les sources d'émission radar ou radio à proximité de la frontière pour compléter les informations sur le dispositif de défense et surveillance.
  • Des patrouilles navales, rejoignant les territoires de Zélandia et Caratrad en Paltoterra, permettaient également une observation des frontières du côté est du pays. Les hélicoptères emportés par frégates sont particulièrement d'une aide précieuse pour effectuer une surveillance, depuis un territoire souverain allié.
  • Profitant de leur aisance en milieu forestier et tropical, les agents sylvois pouvaient pareillement dans la mesure du possible procéder à de la reconnaissance du terrain en toute discrétion. Il est à noter que les échanges téléphoniques se faisaient toujours avec une extrême précision, les systèmes de communication étant dissimulés dans des objets divers, tel que des instruments de musique.




OBJECTIFS DE L’OPÉRATION

L'état final recherché par ces observations est l'acquisition d'un large panel d'information sur le système militaire et l'évolution des choses en Communaterra. Les objectifs spécifiques sont de localiser les points stratégiques (bases et aéroports militaires, usines d'armement, centre de commandement même à l'échelle locale, axes de circulation) ainsi que le dispositif militaire de Communaterra (positionnement des radars mobiles ou fixe, organisation des patrouilles aériennes, positionnement général des troupes).


Réussite majeure :
  • Les informations acquises sont nombreuses et précises, permettant de localiser les bases et aéroports militaires, l'évolution des effectifs qui y sont attribués à l'heure actuelle (et la possibilité que lesdits effectifs soient dispersés dans le pays) ainsi que les habitudes militaires du pays. L'observation optique par satellite n'est pas à sous-estimer sur ce point, avec la capacité d'estimer la présence de véhicules et la fréquentation des bases. Une cartographie précise est par ailleurs établie.



Réussite mineure :
  • Seuls les points stratégiques fixes sont identifiés, mais les suivis des troupes mobiles ne sont pas possibles et ne permettent en rien de savoir où se trouve à l'heure actuelle l'ensemble des forces de Communaterra. Ce scénario est d'autant plus probable si les troupes sont dispersées dans le pays. Une cartographie suffisamment précise est mise en place.



Échec mineur :
  • Les observations permises ne sont pas suffisantes pour tirer de conclusions et aucune information de valeur n'est obtenue, que ce soit sur les points stratégiques, axes de circulation, ou encore les effectifs. Le travail de cartographie est quant à lui assez peu précis et n'offre aucune information supplémentaire par rapport aux données public.



Échec majeur :
  • Les informations collectées sont absentes, mais en plus les agents sylvois sur place tendent à se faire remarquer, laissant planer des suspicions légitimes d'espionnage (et laissant libre cours au comunteranos de traiter la question comme ils l'entendent).



LIMITES ET CONTRAINTES DE L’OPÉRATION
(ne pas hésiter à demander aux concernés l’ajout d’éventuelles contraintes supplémentaires)

Plusieurs limites et contraintes sont à prendre en compte dans l’arbitrage de l’opération :
  • Les agents sylvois avaient essentiellement une position de simple citoyen, sans accès à des postes d'importance où circulaient les informations les plus sensibles.
  • Le contexte amène à une évolution rapide de la situation doublée d'un brouillard de guerre, notamment sur la question du positionnement des troupes susceptibles de fréquemment se mettre en mouvement.
  • La faible quantité de satellites contraignent les observations à certaines heures uniquement, laissant des creux sur les photographies du sol.



Moyens engagés :

Le Duché de Sylva a investi des moyens importants, avec une large équipe d'agents sur le terrain, un ensemble de satellites, et diverses patrouilles frontalières (5 000 points de développement seront également comptés pour visualiser les investissements en plus du matériel employé).

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Le nerf de toute guerre, les kah-tanais le savaient, c’était l’information.

Bon, certes. Pas uniquement l’information. Dix années de reconstruction minutieuse de la Garde Communale avait permis de tirer de nombreux constats, lesquels avaient remarquablement améliorés l’efficacité de leurs opérations. Premier parmi ces constats se trouvait la nécessité d’une logistique impeccable, laquelle pouvait permettre de gagner des campagnes et permettait à la remarquable industrie militaire confédérée de soutenir des campagnes longues, mais si la logistique gagnait des guerres, l’information, elle, les raccourcissait. Et sensiblement. Il était donc tout à fait attendu que la campagne pour la pacification de la Communaterra, qu’on appelait encore, sobrement, "intervention judiciaire en Communaterra", s’accompagne d’efforts importants allant dans ce sens. Sur le plan militaire, cependant, les efforts n’avaient pas à être si importants que ça : les drones de reconnaissance, les satellites espions, le survol de la jungle par de grands avions de guerre électronique capable de détecter et brouiller toutes les communications radios et satellitaires : le pays vivait sous l’oeil avisé des experts de l’intelligence militaire, lesquels scrutaient ses moindres mouvements.

C’est qu’une confédération moderne, décentralisée, devait fonctionner sur une base sans-fil. La communication par onde permettait l’organisation décentralisée, fluide, protéiforme de ces mouvements anarchistes. Les lignes téléphoniques, de plus, pouvaient être coupées ou mises sur écoute assez simplement. Pour dire les choses comme elles étaient, les moyens de la guerre moderne à la disposition du Grand Kah ne permettaient pas aux informations de transiter sans son consentement d’une part, sans que l’Union ne connaisse le contenu de chaque échange du reste. Et ce dispositif, on le savait, allait devenir un moyen essentiel de traquer et détruire les éventuelles cellules de résistance, lesquelles pensaient peut-être faire face à une nouvelle armée impériale lente et désorganisée, oubliant sans doute que l’Union était une machine moderne, aux moyens techniques avancés et dont la principale ambition était de mettre un terme rapide à cette guerre, sans qu’un nombre trop important de vie kah-tanaises ne soit perdues. De plus, on commençait à le savoir, l’Union voulait récupérer une Communaterra susceptible de produire un niveau de vie suffisant à ses habitants, ce qui signifiait aussi une communaterra qui n’aurait pas été trop sévèrement ruiné par le conflit. On ne venait pas raser le pays mais, selon les termes d’usage, assurer qu’il devienne inoffensif et concentre ses efforts sur des "bases utiles". En d’autres termes un régime à peine capable de maintenir la paix civil et sans contrat social clair ne pouvait pas se permettre de dépenser l’essentiel de sa production de richesse dans l’acquisition d’armement. L’obsession sécuritaire et militaire des comités - si on réfutait de plus en plus la nature réellement confédérale de cette entité soumise aux leaders d’opinion fort, dans un exemple glaçant de néo-populisme révolutionnaire - n’avait pas grand chose à avoir avec la lutte des classes et tout en rapport avec la paranoïa. C’était un comportement maladif, clinique presque. Les symptômes étaient clairs, comme une allergie : le pays s’affaiblissait en réponse à des risques fantasmés. On avait cependant ni le temps ni la patience pour une campagne de désensibilisation. Le pays devait être refondé sur des bases saines et, pour ça, les vieilleries, ces institutions inadéquates, violentes, imbéciles, ces petites dictatures d’une "majorité" supposée mais violente, ce règne de la foule, horde de révolutionnaires culturels imposant leur violence crasse à tout le reste, devait prendre fin. Les leaders d’opinion devaient laisser place aux comités, et pour de bon cette fois.

Mais ça c’était la fin recherchée, pas les moyens, pas la méthode. C’était un métier facile, stratège pour l’Union. S’il y avait des milliers de facteurs à prendre en compte, des ordinateurs humains, milliers de fonctionnaires et d’assistant, compilaient toutes les données utiles et permettaient très simplement que les choses se fassent. La méthode, donc, serait dure. Les moyens divers. Concernant l’intelligence, déjà, on savait que la simple exploitation des communications câblées et non-filaires ne suffirait pas. Il nous fallait autre chose. Il nous fallait de l’humain. On en revenait toujours à ça, et c’était d’ailleurs la grande spécialité du cabinet noir. Aussi on lui faisait confiance : il trouverait de l’humain. Il en trouverait sans aucune difficulté, car...

« Tu vois, expliqua Raudre en finissant de peler son orange, tout système peut être résumé à un ensemble de fonctions et de règles. C’est comme ça que les programmes voient le monde. Si telle condition alors telle réaction en fonction de. Maintenant, en ce qui nous concerne, il faut plutôt voir ça comme un ensemble de tensions. Un système, ce sont des tensions.
- Je crois voir mais je devine que tu as une vision bien à toi. »

Maude haussa les épaules et sourit à son collègue, qui ne la regardait de toute façon plus. Il découpait l’orange en quartiers à l’aide d’un couteau, dotation standard dans la garde. Ni lui ni elle n’étaient à proprement dits militaires, Raudre n’avait même jamais rejoint la Protection Civile, mais ils se trouvaient dans une caserne, aussi n’était-elle pas surprise.

« Des tensions, oui. Elles peuvent aller du haut vers le bas, évidemment. Un système écrase ce qui se trouve en dessous de lui pour rester en position, du bas vers le hauts, aussi, un système est soutenu par quantité d’individus, soit parce qu’ils ne veulent pas finir écrasés sous son poids, soit parce qu’ils veulent sincèrement le porter. Mais cette description trouve vraiment tout son sel quand on l’applique au détail.
- Les grands ensemble c’est pour les militaires et les politiciens. On fait toujours du détail. »

Il acquiesça et lui sourit. Les deux n’avaient pas grand chose à voir sur le plan mental, mais s’appréciaient sincèrement de cette amitié qui caractérisait ceux qui étant collègues s’étaient surpris à se tolérer. Et pour se tolérer, on les avait déjà pris pour un couple. C’est que la ressemblance physique n’y était pas, sans quoi on les aurait pris pour une fratrie.

Raudr était ce cliché du Marquisois issus de la colonisation. Ce qui, concernant les îles, signifiait en somme qu’il était au centre d’un important réseau d’influence eurysien dont le plus important et le plus visible restait celui des marins celtiques. Blond, cheveux courts, peau légèrement scarifiée par l’acné, il n’était pas très grand, avait un petit côté débonnaire, sympathique. Si les gens l’oubliaient rapidement, ils ne pouvaient pas s’empêcher de lui rendre ses sourire. Cette gueule, quelque chose chez lui, qui pouvait faire penser à un vendeur d’assurance, ou à un démarcheur. Mais honnête. Quelqu’un à qui on donnerait le Bon Dieu sans confession, en somme.

Maude aussi était métisse. Descendante lointaine de colons listoniens ayant pris des femmes autochtones, elle avait les traits sombres, les cheveux sombres, les yeux sombres. Plutôt grande, elle dégageait une forme de calme ou de finesse nonchalante, comme si rien ne pouvait réellement l’atteindre. Ce qui la rendait rassurante et sympathique sous ces latitudes tropicales. Dans d’autres régions du monde, à la culture plus rigide ou protestante, on l’aurait vu comme une espèce de fainéante ou de prétentieuse. Elle n’aurait réfutée aucune des deux caractéristiques, pensant platement qu’elle même n’était pas très douée pour déterminer ce qu’elle était, et que l’avis des autres devait bien avoir une forme de valeur. C’était le genre de femme qui répondait "Je vois, merci de m’en avoir informé !" à une insulte, et sans ironie aucune.

Aucun des deux n’était très sains, mais c’était une prérogative pour travailler dans les panoticons. C’était sans doute aussi pour ça que la Garde leur avait assigné des quartiers séparés des ceux des militaires, lesquels préféraient de toute façon ne pas avoir affaire au Commissariat Suppléant à la Sûreté, sinon pour obtenir ses rapports. Raudr proposa un quartier d’orange à Maude, qui refuse d’un signe de tête avant de détourner le regard. Elle n’aimait pas cette odeur. Il le savait, mais lui proposait tout de même par politesse.

« Du détail, reprit-il en acquiesçant. C’est ça. Et la Communaterra n’a que ça, du détail. Voyons voir, par quels bouts allons nous prendre ce pays.
- Par "nous" tu veux dure notre cellule, ou l’ensemble des panopticons déployés ? »
Il s’interrompit pour la fixer, et haussa un sourcil. Elle sourit.

« Il faut être précis. Si c’est nous deux ce n’est pas la même chose que si c’est l’ensemble des cellules.
- D’accord mais ce qui s’applique à nous s’applique aussi à eux.
- Tout dépend de quoi on parle.
- De détails.
Il se tourna franchement vers elle et la pointa du bout de son couteau, enfournant un quartier d’orange dans sa bouche. Je ne parle pas d’une stratégie d’ensemble mais du détail. De comment procéder à l’échelle individuelle.
- Donc c’est de nous qu’il s’agit.
»

Elle acquiesça, la réponse la satisfaisait. Lui semblait réfléchir.

« Eh bien oui, mais je crois que ça peut aussi s’appliquer aux autres. Si tu veux en tirer des conclusions...
- Non. Je voulais juste comprendre ton propos. Avant chaque débat on doit définir les termes.
- Mais nous ne débattons pas. Nous parlons. Et ce qui s’applique en débat ne s’applique pas nécessairement en discussion.
- Tu penses ? Moi je crois que ça reste à voir. Je ne sais pas si les gens parlent pour s’informer, pour s’entendre parler, un peu des deux sans doute.
- Pour convaincre l’autre ?
- En débat on ne convainc pas les autres.
»

Elle croisa les bras et leva le menton. Il haussa son second sourcil.

« On convainc l’auditoire.
- Ah. Et ici il n’y en a pas. Donc ?...
- Tu parlais de détails.
»

Il acquiesça. La porte du baraquement s’ouvrit derrière eux. Un collègue qui les salua d’un signe de tête avant de les contourner pour récupérer un sac qu’il avait laissé sur l’une des tables. Raudr essuya ses mains sur un chiffon accroché au mur.

« Donc des tensions. Tu veux A, je veux B. On peut obtenir A mais pas B, ou A mais B plus tard. Parfois on peut obtenir les deux à la fois mais il se trouvera toujours quelqu’un pour vouloir C.
- Oui c’est la base de l’intelligence humaine...
- Mais c’est ça qui est très fort. La Communaterra promet la liberté à tout le monde, oui ?
- Heu... Oui.
- Est-ce que c’est vraiment le cas ? Plutôt, les gens sont libres de partir mais à quel point est-ce bien vu ? Si tu n’as rien, si tu n’habites pas la frontière; si tu dois traverser le pays pour le quitter par exemple, sachant que ce pays fonctionne selon la loi de la foule, des sentiments populaires, est-ce qu’on te laissera le faire ?
- Sans doute.
- Mais on ne t’aidera pas. C’est la différence entre un mensonge pas omission et un mensonge. Là ce n’est pas une résistance mais une résistance par omission. Et c’est de ça qu’on parle. Il y a aussi l’autocensure.
- Parce que les gens ont peur de parler ?
- Ils viennent d’en tuer dix milles. Soi-disant armés et prêts à en découdre.
- Ce qui interroge sur la capacité de leur sécurité intérieure.
- Mettons qu’ils savent ce qu’ils font.
»

Raudr marqua un temps. L’idée lui sembla absurde. Il s’appuya contre le mur et fronça les sourcils. Maude le fixa et répété pour le pousser à continuer.
« Mettons qu’ils savent ce qu’ils font...
- Ils font sortir ces gens dans la rue pour les tuer.
- Et donner une image horrible à l’internationale et...
- Mais ça ils s’en foutent. La question c’est pas ce qu’ils font mais qui le décide. Qui est le "ils" ? Qui aurait décidé dans le plus grand secret d’organiser une émeute pour lui tirer dessus ?
»

Leur collègue traversa à nouveau le baraquement, ayant récupéré son sac et son contenu. Il les salua avant de quitter les lieux. Il y eut un silence qui se prolongea, Raudr soupira.

« C’est bizarre d’oublier ça ici. On est quand même sensé être des espions.
- Je doute qu’il y avait des documents sensibles à l’intérieur.
- C’est une question de principe.
- Et puis nous étions là. Et personne d’autre que des gens de la cellule n’ont accès à cette piaule.
- Principe, Maude, principe.
- Sauf s’il voulait qu’on lui vole afin de vérifier qu’il n’y ait pas d’espions dans le coin. C’est un truc que font certains pano’ en Eurysie.
- Ah, comme la Communaterra avec sa manif.
- Oui. Et donc ici ce serait une cellule du Panopticon, là bas ça serait... Qui ?
- Des leaders.
- Petit secret honteux, ça. Le pays se veut égalitariste.
- Le Grand Kah aussi camarade.
- Et on a des représentants, oui. On est réaliste, ça nous évite de virer psychotique comme eux. Le poids psychologique que leur impose la réalité doit être violent.
- Les idées s’acclimatent mal au réal. Mais ça nous ramène à la question de ce "ils". Qui sont les leaders, que veulent-ils, plus important : sont-ils suivis ?
»

Il s’approcha d’elle et la contourna tout en continuant de parler. Elle pivota sur ses talons pour le suivre du regard.

« Ces gens. Ces milliers de morts. Ils avaient une famille.
- Sans doute sous surveillance.
- Une famille étendue, aussi.
- De même.
- Des amis.
- Surveillés.
- Des proches ?
- De même.
- Des admirateurs secrets.
- Improbable.
»

Il fit la moue.
« Maude on ne peut pas surveiller tout le monde. »

A son tour elle fit la moue : elle revenait de Loduarie et avait une autre opinion à ce sujet. Raudr soupira.

« Ils ne sont pas centralisés. Cette surveillance doit se faire de façon locale. Et chaotique, comme pour tout le reste dans ce mouvement.
- Tu penses à des comités de quartier ? Des milices ?
- Des dispositifs qui peuvent très rapidement faire des erreurs. Et sans État de droit, impossible pour ceux suspectés à tors de se défendre. C’est le règne de l’arbitraire. Tu en penses quoi ?
- Des opportunités.
- Oui. D’authentiques opposants doivent être passé entre les mailles. D’autres ont été accusés sur de mauvaises bases. Sans parler des vengeances personnelles, de l’exploitation du système par certains afin de servir leurs intérêts.
- Tu veux faire appel à la minorité silencieuse ?
- L’être humain s’adapte à son milieu pour survivre, Maude. Il doit y avoir beaucoup
de gens qui tolèrent le régime parce qu’ils ont peur, ou parce que c’est la voie la plus aisée vers la survie.
- L’être humain est fondamentalement conservateur parce qu’il est fainéant. Je vois ce que tu veux dire. Des qui ne fuient pas parce que c’est trop d’efforts, d’incertitudes. Qui subissent en se disant que c’est pas grave, ça ira mieux demain.
- Et nous sommes demain. Nous pouvons leur proposer un changement. De toute façon la guerre est déjà là. Déjà perdue pour eux.
- Tu en es sûr ?
- Ce qui compte c’est qu’eux le pensent. Alors ?
- Alors nous verrons ce que valent tes théories sur le terrain.
- Mais ?
»

Elle sourit puis haussa à nouveau les épaules. Rien. Mais rien. On verrait. C’était sa philosophie.
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Bases de la propagande kah-tanaise en Communaterra

Bien sûr il y a ce qui tient de la rhétorique et ce qui tient du concret, et les deux s’opposent parfois assez frontalement de sorte à créer des situations ou un individu, pour son propre bien-être psychologique, doit faire un choix : croire aux faits ou croire à ce qui est entendu par la société où il existe. Un problème que les habitants de la Communaterra connaissent, si sous une forme très différente, peut-être intériorisée et silencieuse, en ça précisément qu’ils vivent tout entier dans un monde de rhétorique. C’est en tout cas ce qui ressort des décisions des commités et des discours prononcés par les figures influentes de ce régime qui s’efforce à changer ses citoyens en peuple.

L’excellent article de Thémond Gomez mettait précisément le doit sur ce problème : il y avait une volonté politique de décentraliser le pouvoir, de créer une horizontalité pure et parfaite et, dans le même temps, une caste aristocratique - au sens étymologique du terme - qui dirigeait les choses en faisant de la violence politique une méthode. Un régime de la pensée unique, si révolutionnaire, maintenu par un énième régime d’avant-garde. Ce régime ne permettait tout simplement pas d’établir sa popularité exacte et, à bien des égards, tenait sur la base seule d’un mécontentement tut par la terreur.

Dix milles morts. Cela faisait combien de terrifiés ? Quels que furent leurs raisons, les insurgés tués représentaient un mécontentement réel et, par leur mort, on fait taire celles et ceux qui les comités n’avaient pas déjà réduits au silence par une action de répression interne. Le parti se renforce en se purgeant, prétend-t-on en Eurysie.

Bien sûr les choses n’avaient pas à se passer ainsi. C’était même tout le drame de la Communaterra : ne rien avoir inventé, ne rie avoir créé de neuf. Pour les kah-tanais c’était au delà du drame, on tombait dans une forme de tragi-comédie dont l’aspect drolatique tenait essentiellement à l’incapacité des populistes régionaux à s’extraire de la rhétorique, toujours elle. Une nouvelle aube se levait sur un pays qui prétendait haut et fort qu’elle se levait par la même sur le monde. Et qui pour y croire ? Certains zélés, sans aucun doute. Mais les autres ? Il y avait toujours des mécontents ou des déçus. Et à travers tout le pays, des gens qui, sortis de la stupeur de la guerre civile et de ses violences, constataient que les maigres richesses de leur économie sitôt reconstruite partait alimenter des conflits, ou des volontés de conflit. Si le pays était dirigé, il était mal dirigé. S’il ne l’était pas c’était un drame. Non. Le vrai aspect terrible c’est que la Communaterra se prétendait nouveau Soleil d’une révolution qui régnait depuis déjà deux siècles. La rivalité avec l’Union était inévitable car le pays, par ses similarités, avait deux choix : s’opposer frontalement à son modèle ou l’intégrer sous une forme ou une autre. Les leaders de la Communaterra représentaient enfin un mystère psychologique tant il était impossible d’en dresser un profil type. On pouvait envisager plusieurs options qui, aux yeux des services kah-tanais, étaient toutes aussi probables les unes que les autres. Premièrement, ces leaders étaient des idéologues zélés et croyaient sincèrement que le chaos anomique et violent qu’ils avaient créés avait, entre deux éructations violentes et discours insolents, les moyens de renverser la table et de provoquer en quelques années ce que des décennies de planification minutieuse avait à peine enclenché : un grand soir mondial. Ce qui en faisait des imbéciles ainsi que des fanatiques. Ou ceux-là voyaient la révolution et le chaos ambiant comme un moyen de conserver une forme de pouvoir sur un peuple soit abruti de violence, soit de terreur, et acceptant le règne des comités et de l’arbitraire car enfin, il fallait bien survivre. Exploitation cynique de la formidable capacité d’adaptation et d’abandon des êtres humains, conclusion logique de leur populisme.

Ou, plus probable encore, un doux mélange des deux. On savait bien comme les révolutionnaires formes, même mal formés, tendaient à virer demi-habiles. Soit incapables d’arriver aux conclusions de leurs propres dialectique, restant dans le domaine de la pensée mi faite et de la révolution à peine construite, soit, et c’était peut-être pire, incapables d’admettre que les citoyens de leurs nouveaux régimes pouvaient, à leur tour, reprendre le flambeau. Ils aimaient se croire émanations d’une population dont ils étaient en fait les petits tyrans, et leurs discours enflammés, polémiques, étaient comme des ordres adressés à leurs servants, lesquels les faisaient appliquer et réprimaient par la même les pensées contraires. Oui, ces gens aimaient le pouvoir, ou bien pensaient aimer la révolution tout en étant les seuls à pouvoir la faire aboutir Cette confédération qu’ils espéraient voir portait leur nom, leur visage, et restait du fait du roi. L’exemple le plus récent était évidemment la façon dont les journaux "libres" du pays avaient, comme un seul corps, selon une chorégraphie millimétrée et, donc, grotesque à l’échelle de la chose politique, repris les appels à la guerre qui avaient suivis l’explosion d’un vol humanitaire. Si les comités appelaient à la paix et à la continuation des négociations pacifiques, ces organes se faisaient voix d’une mystérieuse radicalité qui, bientôt, ferait dire à quelques leaders d’opinion que la situation leur imposait de prendre des mesures, et...

La guerre reprendrait envers et contre les comités, émanation du peuple. Ceux-là, en bref, témoignaient de leur incompétence, la situation semblait démontrer la théorie kah-tanaise.

Maintenant même au delà de ça il fallait bien considérer le danger que représentait un pouvoir popularisé et incarné par un individu. Pouvoir pour la démocratie certes, cela tombait sous le sens, mais pour le régime aussi. Le confédéralisme démocratique diluait les responsabilités et la politique, devenant le fait de tous, devenait aussi un exutoire cohérent et utile pour quiconque souhaitait critiquer une décision. On pouvait remettre en cause celles-là de façon ordonné et précisé. Incarner le pouvoir sans un leader populiste, maintenant, permettait aussi d’unifier la critique contre cet individu. En l’état la Communaterra n’avait que des chefs de guerre, et fait disparaître ses chefs de paix.

Pourtant, l’être humain est naturellement conservateur. S’il s’adapte à tout il cherche avant tout à protéger ses conditions d’existence matérielle et, pour se faire, peut accepter de nombreuses choses mais prendra spontanément les solutions les plus simples, les plus évidentes. La guerre idéologique de la Communaterra contre l’Union n’était ni simple, ni évidente. Pour une part importante de la population, déjà, cette guerre devait sembler inexplicable. L’action kah-tanaise, sans être approuvée, n’avait pas à mener à une réaction militaire, laquelle reviendrait à sacrifier des vies pour défendre...

Quoi, au juste ?

Ces citoyens étaient-ils nationalistes ? Avaient-ils une forme d’attachement particulier à cette jeune révolution et à ses enjeux ? Sans doute. Mais ils l’avaient fait pour des raisons matérielles que la guerre menaçait plus sûrement que la soumission. En tout cas il n’y avait pas de raison de croire que l’intervention kah-tanaise provoquerait un désastre pour le pays, mais la guerre, elle, représentait un danger évident. Du reste le Grand Kah était une Communaterra qui arrivait à briller. Le soft power kah-tanais était important et son existence dans le monde révolutionnaire ancienne, sinon primordiale. La Communaterra n’était qu’un Grand Kah violent, pauvre, sans pluralité d’opinion et au confort monastique. Cette raideur morale, si elle plaisait sans doute à un certain nombre de révolutionnaires trop traumatisés par leur guerre pour se souvenir qu’ils furent, un temps au moins, des humains, devait sans doute frustrer une population qui voyait, sur son continent, un pays prospérer et développer son existence selon un modèle remarquablement similaire à la Communaterra, mais...

Mais quoi, enfin.

La rhétorique n’y répondait pas. Les problèmes présentaient par le réel se composaient en questions, lesquelles pouvaient se comprendre en groupe ou séparément, mais ramenaient toute invariablement au même constat : quelque chose n’allait pas. Les réponses offertes par la rhétorique étaient difficiles d’accès pour la masse populaire. Le Grand Kah, disait-on, n’était pas révolutionnaire. Ce qui expliquait sans doute sa défendre du Mokhai ou ses interventions en faveur de la démocratie. Sa présence au sein d’un LiberalIntern anarchiste jusqu’au bout des ongles. Le Grand Kah était un ennemi idéologique, quand il était la source vive de l’idéologie même. On ne pouvait pas se dire croyant et faire la guerre au Saint Siège. Pas sans prouver qu’il se trompait, et ce n’était pas prouvé. Les mots de la rhétorique peinaient réellement à déterminer la nature exacte du crime kah-tanais. L’invasion de la Communatrra pouvait suffire, sans doute, mais les accusations d’impérialisme elles-mêmes pouvaient avoir du mal à tenir quand on sortait d’un épisode aussi violent que les derniers massacres. N’y avait-il pas de quoi s’inquiéter ? Peut-être qu’on avait du mal à comprendre les raisons réelles des kah-tanais. Peut-être que cela jouait en faveur du discours les résumant à des impérialistes. Peut-être, aussi, que cette attaque d’un peuple précurseurs et révolutionnaire pouvait pousser certains au questionnement.

Peut-être, de façon plus prosaïque, que ce conflit inquiétait une population qui se rassurait à l’idée qu’elle ne serait pas prise entre deux feux : que cette affaire, au fond, se discuterait par les armes s’il le fallait, mais entre le Grand Kah et les zélés, les militants armés de la révolution. Les gens voulaient manger, s’amuser, dormir sur leurs deux oreilles et travailleur leur terre. Ils voulaient une vie sereine et locale. Ils voulaient une existence dont les fondamentaux ne seraient pas menacés par quoi que ce soit de trop radical. La guerre, certes, étaient radicale par essence, mais peut-être qu’elle n’affecterait pas les uns et les autres. Peut-être...

Peut-être qu’on pouvait espérer qu’elle ne fasse que passer. La confusion même qui régnaient entre le système communaliste et celui de la Communaterra pouvait aider à faire naître ces réflexions. Que risquait on, au pire, à perdre contre nous mêmes. Et perdre ? Perdre dans quel sens ? Que voulaient-ils nous imposer ceux-là ? Enquêter sur les morts ? Bon. Et ensuite ? Pourquoi ne pas les laisser faire ?

Il devait bien y avoir une forme de fierté nationale chez les quelques uns qui utilisaient sans remise en question ce calendrier révolutionnaire, repris au nom prêt sur celui du Grand Kah, mais dont on avait déplacé l’an zéro. Sans importance, maintenant.

Les kah-tanais eux-même s’en moquaient, et se moquaient des raisons qui pouvait leur attirer les amitiés - ou au moins la plaisante indifférence - des gens du coin. La campagne de propagande qu’ils avaient déployés voulait simplement mitiger tout effet de radicalisation et pousser la population à se retrancher dans son quotidien et dans l’espoir d’un mieux, ou d’un moins pire, qui pourrait émerger de la situation dans son ensemble. Et pourquoi pas après tout.

Cette campagne, maintenant, se faisait dans des formes très habituelles pour les kah-tanais. Déploiement massif de trolls sur les réseaux, intelligence humaine dans les cercles associatifs, étudiants, militants, dans les factions les plus importantes de la population, récupération et accentuation des problèmes du quotidien, diffusion de pensées rassurantes sur les kah-tanais et leurs objectifs et, plus facile, diffusion de critique sur les figures du populisme directif de la communaterra, et de théories radicales sur la violence du régime, de ses leaders, la disparition des représentants modérés quelques semaines avant la décision du mouvement de s’armer massivement.

Tout cela passait naturellement par des agents divers et variés, infiltrés ou secrètement, ou au gré des quelques vagues de migration qu’avait pu provoquer la révolution. La plupart, cependant, restaient de purs infiltrés envoyés-là d’abord en observateurs, puis progressivement intégrés. Ils n’auraient jamais rêvés se faire porte parole de quoi que ce soit, mais parfois il suffisait de parler, de quelques mots ça et là et aux bonnes personnes, d’oser casser un tabou, faire une critique qu’on aurait osé exprimer, se faire les bons amis, à la fois influents dans leurs cercles et encore trop timides pour exprimer leur frustration, et les pousser à dire les choses, à parler clairement et distinctement.

On ne voulait de toute façon pas provoquer une émeute ou une situation insurrectionnelle en faveur de l’Union. Mais susciter une attente. Il y avait, par exemple, une réelle fuite des cerveaux. Celles et ceux qui pouvaient travailler pour obtenir de meilleures conditions de vie partaient dans les pays voisins. Celles et ceux qui demeuraient partisans de la révolution avaient naturellement la tentation de le faire en direction du Grand Kah, qui offrait à la fois l’anarchie, et le confort d’une grande puissance. Beaucoup, aussi, ne pouvaient tout simplement pas tout quitter : le pays, leurs cercles familiaux et amicaux. Un quotidien frustrant, limité, mais rendu supportable par le système socialiste qui assurait au moins que leur existence ne soit pas menacée par la fin et la maladie. Ces gens là espéraient l’amélioration de leurs conditions matérielles car c’était la promesse de tout régime, et le socialisme, notamment, avec ses grands soirs et ses matins chantants, s’était fait une spécialité de venter les mérites du jour à venir. Ces gens là devaient apprendre que demain existait déjà, au Grand Kah. Ils devaient apprendre à attendre, à se demander si la Communaterra, au final, n’était pas dans l’erreur de jugement. Si les kah-tanais, avec leurs technologies de pointe, leur grande armée, leur image internationale, leurs films, séries, jeux, musiques répandues partout, n’étaient pas ce qu’aurait dû être leur propre pays après sa révolution. Le paradis agrarien et artisanale de la Communaterra n’était paradis, vraiment, que pour ceux qui acceptaient une certaine forme de médiocrité. On pouvait où travailler la terre en petits groupes, ou entretenir des espoirs pour l’avenir. La Communaterra et ses promesses ne pouvait concilier la vision de ses leaders d’opinion, vétuste et se contentant de peu, et les grands mots de son idéologie, calquée sur celle d’un pays qui avait pour sa part développé les conditions matérielles de son existence.

En d’autres termes il était simple de faire doute, et de commencer à demander, en peu de mot, innocemment, si la révolution ne s’était pas tout simplement plantée.

Pas dans le sens où il ne fallait pas faire la révolution, évidemment. Il fallait la faire ! C’était une chose saine et souhaitable, et elle recommencerait ailleurs, tout les jours, jusqu’à l’extension totale du domaine de la lutte !

Mais ici, précisément, la révolution n’avait-elle pas ratée son coup ? Raser l’ordre bourgeois d’accord, avec plaisir même. Mais le faire et vivre dans ses ruines ? On devait tout reconstruire, continuer à bâtir, organiser un avenir clair et digne de porter ce nom. Le futur ne pouvait pas être le présent, on ne pouvait pas simplement accepter l’éternel recommencement d’une vie de réfugiés. La révolution, donc, avait des buts à atteindre, et ne s’y rendait pas, ou mal, ou sans le rendre tangible. De même, les grands cours de rhétorique n’arrivaient pas à faire oublier que les accointances de la Communaterra tendaient à contredire son discours. Encore un contraste entre les mots et la matière, la pensée intangible et les choses qui nous heurtaient véritablement. Il y avait par exemple ce désir de s’éloigner des puissances libertaires, et cette étrange proximité avec la Loduarie, qui s’était érigée en une décennies pour devenir le totem absolu des révolutions dégénérées. Il n’y avait, en Loduarie, pas de salut sinon par une nouvelle révolution. L’éradication brutale de toute sa classe politique et la recomposition de son pays. C’était un camp de concentration géant. Un pays qui brillait à la hauteur de son napalm, largué sans distinction sur des peuples révoltés pour leurs droits. Un pays qui distribuait ses missiles comme autant de pamphlets et dont les réalisations sociales ne valaient en somme pas beaucoup plus de celles accordées aux travailleurs de Samara pour assurer la paix sociale.

Pourquoi, donc, la Communaterra se retrouvait à traiter avec ces gens là ? Y avait-il réellement quelque chose à en tirer ? Devait-on se souiller en restant à leurs côtés ? Rien n’était moins sûr, amis c’était pourtant la décision prise par les leaders populistes du pays. Peut-être en fait qu’ils rêvaient un peu d’être à leur tour des Lorenzo. Et pourquoi pas après tout ? Le pouvoir que lui avait par la loi, eux l’avaient par la rue. Une rue violente et tenue en ordre de bataille par quelques zélés violents. N’y avait-il pas plus de proximité entre les populistes et leur coqueluche eurysienne qu’entre eux et les kah-tanais, ensemble de commissions dont les visages brillaient par leur technocratisme froid et leurs méthodes transparentes ? C’était une véritable question de modèle, et toute vocation libertaire de la communaterra ne pouvait exister sans provoquer de nombreux débats chez celles et ceux pour qui la nature du régime loduarien n’était pas invisible. Et malgré toute la bienveillance que l’on pouvait avoir pour un régime se réclamant du socialisme, il fallait aussi reconnaître que la Loduarie n’était pas en odeur de sainteté chez les libertaires, et que chez les plus aveugles des autres, il y avait tout de même, à l’occasion, quelques questions légitimes à se poser.

Bien entendu on pouvait croire à la citadelle assiégée : que la Loduarie était un régime pur et parfait, que tout ce qui se disait sur elle n’était que pure propagande d’État dégénérés. Cette appel à la folie, cette volonté de négation des faits, ce regard pudique que l’on jetait dans le lointain, loin des faits, du tangible, pouvait aussi être utilisé pour nier, purement et simplement, la nature du Grand Kah. Effacer le réel, oui. Et ainsi vivre en paix avec la perspective d’une guerre fratricide qui devenait, par ce truchement du réel, révolutionnaire au possible. Mais si certains devaient bien penser d la sorte, quelle imagine donnaient-ils aux autres, qui essayaient tant que possible de ne pas se mentir, d’observer les choses et de les voir réellement ? Ne donnaient-ils pas à penser qu’il y avait, définitivement, quelque chose de pourri dans ce mouvement ?
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