14/06/2013
21:24:03
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Le moustique du Volcan Manirnnayut, alias Sub zero production

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De grands projets pour les Plaines désolées


La grande majorité des volcans de l'Enclave se situent au sud du Fjörd des Ankallyt, mais deux volcans actifs font surface en son nord. L'un de ces volcans, le Manirnnayut, abrite également des réserves de charbons à coke tranquillement extraites et préparées selon les besoin d'acier et d'alliages carbonés de l'industrie shuhe. La zone est reliée à la côte par une piste compacte et une ligne de train, parfois, les rares moments où la météo le permet, des contacts par hélicoptère et dirigeable. La région est majoritairement peuplées de villages d'Ankallyt charbonniers, de tribus ankallytes nomades traitant parfois avec les charbonniers, de clans Ila implantant lentement quelques villages fortifiés au pied du glacier pour repérer des passages vers les Eglises Australes Unies, et de trois communes anarchistes, l'une communaliste, l'une tenant de l'anarchisme austral, et une autre techanarchiste, puis les personnes venues du Sud pour diverses raisons, notamment parler charbon avec les tribus de charbonniers. La région est tout sauf inhabité. Les Terres australes ont traditionnellement toujours été pauvres en ressources minérales, mais les quelques-unes disponibles peuvent être exploitées de bien des manières. Il se trouve qu'une société raskenoise à portée internationale basée à plus de 15000 kilomètres de ces terres cherche de nouveaux terrains de croissance économique pour ne pas s'effondrer sous son poids. Dans sa source effrénée aux hydrocarbures, Apex Energy a vu un potentiel gazier aux Terres australes que les populations locales n'auraient pas nécessairement eu en tête de chercher : extraire le grisou, en le remplaçant par du dioxyde de carbone liquide, capté au sein du volcan, en comptant sur le froid de la région pour le liquéfier avec moins d'énergie. Le but n'est pas tant d'extraire de grandes quantités de gaz, que de constituer des façons d'extraire du gaz de couche sur des gisements froids plus rentables. Il s'agit également de savoir s'il est plus cher de refroidir le CO2 ou de faire survivre une population dans un froid polaire. Là où le défi prend une ampleur d'autant plus importante, est que la production est censé durer jusqu'à la fin du siècle, et qu'Apex Energy vise donc également à s'assurer l'assentiment de la population locale. Avant même d'établir un contact toutefois, des repérages sont essentiels, et c'est ainsi qu'Apex Energy envoie une équipe d'employés et de mercenaires faire le repérage du site. Huit personnes dans deux pick-ups, chaque véhicule contenant une conducteurice, un météorologue, un traducteur (français ou ankallyt) et un tireur.


Lorsque commence l'histoire qui vous sera rapporté, l'équipe a passé la frontière et sont sortis à l'Est d'Okkaluin pour atteindre un port.
Sur le bord de la piste en terre battue, deux pickups sont arrêtés, possiblement les premiers à avoir jamais roulé sur cette piste. Alors que les Raskenois désamorcent le conflit pour le moment... Une sterne arctique se pose sur la ligne électrique qui longe la piste. Une vent froid souffle alors que quelques flocons de neige tombent du ciel nuageux strié de traits lumineux : le jour polaire austral est proche. Vers le Nord, le chemin longe une falaise qui monte lentement depuis la ville. La mer se trouve déjà dix mètres en contrebas, et elle est agitée, et, Ruslan le sait, elle l'est la plupart du temps, jusqu'à son gel à l'hiver. Des mouettes luttent contre le vent pour pêcher dans les mers, ce qui semble être une labbe antarctique vole également non loin, la sterne garde l’œil bien ouvert. Différentes embarcations parcourent la mer, souvent toute voile dehors - ici, la navigation à voile reste majoritaire, on trouve du vent aux Terres australes -, certaines sont de grands navires en bois avec différents bâtiments sur le pont - les bateaux-villages. Au loin, près de l'horizon, à peine perceptible, ce dresse l'autre côté, les plaines désolées et surtout, le mur de glace. Vers le Sud, s'étend les plantes grasses de la steppe, qui s'étend dans des couleurs brunes, cuivrées, jaunes, pourpres, noires, des fois, un pin ou un épicéa en dépasse. A environs 60 mètres de la piste, traversent les rails, un train de marchandises passe dont on entend à peine le son par dessus le souffle du vent. Si l'on temps un peu l'oreille, l'on peut même entendre les sons mêlés de la lutte sociale qui s'engage depuis des semaines dans la grappe de serre proche, que l'on peut observer vers le Sud-Est. Les grands moulins à vent de la zone sont majoritairement en fonctionnement. Les steppes sont par endroit recouvertes de plaques de neige, en d'autres de grands complexes de roches, et en quelques endroits (en plus des serres), de la fumée s'en échappent, des fumerolles. Plus loin au Sud, s'étend la difficilement franchissable Chaîne de Tsaagan, dont les sommets s'élancent vers le ciel en portant une mosaïque de roche noire et de neige blanche. L'une de ces montagnes a des chances d'exploser un jour. Alors que la terre se secoue légèrement d'un petit séisme, un groupes de marcheurs et un yack chargé de sacs dépassent tranquillement les deux pick-up en discutant dans ce qui semble être plusieurs langues. A l'Ouest, la ville et ses fumées se voient comme un mur de d'immeubles de pierre, de bois, d'acier et de verre généralement d'une dizaine d'étage contrastant avec les légères ondulations de la plaine côtière. Les villes ici ne connaissent pas de banlieue, les quelques habitations qui ponctuent la plaine côtière et la côte sont principalement des villages. L'air transporte des odeurs d'iode, de roche, de poussière, de cendre, de quelque chose plus difficilement reconnaissable qui semble émerger de la steppe. Sous le vent, la sterne, un peu épuisée nettoie ses plumes, se prépare à retourner pêcher une dernière fois avant de retourner à la colonie.

Ces steppes sont des écosystèmes et signifient beaucoup de choses pour les différentes populations du coin, notamment qu'on y trouve des zones à cultiver ou des pâturages. La côte Nord du Fjord ne ressemble pas du tout à ça
La cassette déroulait tranquillement sa bande dans le baladeur, et Xara-xïs tapotait du pied en rythme

Depuis quelques semaines, l'ambiance était en train de se tendre sur un peu toutes les Terres australes. Il semblerait que les Protecteurs, en voulant écraser les grèves, les avaient fait exploser des milliers de spores de grèves qui trouvaient un terrain fertile à travers les peuples et les professions. Les cultivateurices kharins s'y étaient mis et des milliers de Thuranni marchaient sur Braha. Chuluun et Ilmarde connaissaient également des grèves. Les Icres, les Gaydaha, même les Ozbegs pourtant parmi les peuples les plus isolés de la région... Des cultures très différentes, mais toujours des raisons d'êtres en colère. Le monde implosait un peu, Xara-xïs et Keelut exultaient. Le train passaient au-dessus des rues d'Okaluin, entre des ensembles complexes d'immeubles de bois, d'acier, de verre, de briques, de pierre, certaines fenêtres étaient reliés par des tissus portant le logo de syndicats du coin et des phrases politiques en langue shue qu'aucune des deux ne savaient lire. Le train s'arrêta à la grande gare du port qui étageait ses quais sur plusieurs niveaux, pour prendre moins de place au sol, alors que les niveaux inférieurs à la gare étaient entourés de bureaux et d'entrepôt, le port apparaissait entre deux blocs d'immeubles. La verticalité des constructions urbaines était toujours étonnante. La seule ville qui s'étalait un peu à leur connaissance, était Ilmarde, Chuluun étant un peu moins dense également. Les quais étaient remplis de gens de toute la région, et même de quelques étrangers. Une bonne partie des passagers descendaient et montaient là, dans un brouhaha continu. Le réseau de train constituait l'un des plus grands projets de coopération interethnique à ce jour. Il n'avait l'air pas très impressionnant ce train, si on ne tenait pas compte des conditions dans lesquelles circulait. L'on avait étendu des ballasts, des voies de chemin de fer, des ponts et des tunnels dans des endroits à priori inaccessible. On faisait exploser des zones montagnardes pour y percer des tunnels alors que quelques milliers de mètre au-dessus des travailleureuses, des couches de neige peu stables risquaient de glisser. La solution : rajouter de l'acier sur le tunnel devenant un pont, enjambent un gouffres fumant dont les fougères arborescentes et les tourbières parsemaient le fond. Passer la Chaine de Tsaagan en train, ça en avait marqué plus d'un.

"Sais-tu quand il est prévu que le navire partes ?"

"Vers, euh, Indus 1-11,5, un truc comme ça"

"11,5, iels étaient fâchés avec les chiffres ronds ?"

"Iels ont donné des horaires eurysiens pour les Raskenois-es qui vont faire la traversée, et iels ne connaissent pas du tout le calendrier industriel standard"

"Oh, c'est aujourd'hui"

"Oui, et, euh, devines qui est leur traducteur !"

"J'y avais pas pensé, mais maintenant que tu le dis, assez facilement, des Ankallyts à Rasken, il n'y en a pas autant que de flocons sur le glacier... Ça va pour toi ?"

"Franchement, mieux. Je lui en ai voulu à Ruslan, un certain temps, mais je me suis assez politisée depuis. Ce n'est plus à Ruslan que j'en veux, c'est Rasken qui me terrifie. Plus je me renseigne sur ce pays, et plus je me dis, évidemment que pour lui, je ne serais jamais de la même famille !"

"La famille, ça a toujours été politique ! Qu'est-ce que la famille raskenoise a de tant effrayant ?"

"C'est pas juste la famille. Le papa Raskenois, il en a toujours voulu à Maman Aujak quand il s'est rendu compte qu'elle s'était mariée à une tribu. Il y a tout un truc eurysien où le mariage, c'est avec une seule personne et aussi longtemps que nous ou le partenaire n'est pas mort, et que c'est mal de faire autrement. Pourtant, Aujak me l'a bien dit, il ne lui a jamais demandé, et elle aurait refusé de toute façon, mais la question n'a pas été abordé. Le problème, c'est surtout qu'à Rasken, il est même pas envisagé, ou du moins pas pendant longtemps, que la monogamie puisse ne pas être importante pour tout le monde. Il n'y avait même pas de mot pour exprimer la compersion à Rasken pendant longtemps, et même aujourd'hui, ça reste clairement marginal. C'est même pas un truc qu'un Raskenois imagine qu'un humain puisse ressentir"

"Et du coup, Ruslan, il se place où dedans ?"

"Il ne me verrai jamais comme son... Sa sœur, ni sa cousine. Il n'arrive juste pas à conscientiser une famille ankallyte de plusieurs dizaine de gens, dans une tribu. Pour lui, une famille, c'est un papa, une maman, unis par les lien sacrés d'une vision de l'amour qu'ils sont les seuls à comprendre. Et pourtant, il est venu ici plusieurs fois. Il ne se sens jamais un peu chez lui, et je comprends. Il a toujours proposé à Aujak de s'installer avec lui à Rasken, ce qu'elle a toujours refusé, et je pense qu'il en est encore à se demander pourquoi"

"Les liens interculturels, c'est toujours le bordel ! Notre commune doit gérer des conflits entre les Shus et les Thuranni toutes les semaines, et pourtant, on s'entend sur énormément de choses et on vient toustes des Terres australes, sauf pour une hohhothaïenne, et elle est très calme. J'imagine à peine pour un couple qui a grandi à des milliers de kilomètres de là dans un climat différent avec pas les mêmes religions, idées politiques, langue, système économique, organisations sociales..."

"Oui, crois-moi, j'ai eu largement l'occasion de m'en rendre compte. On a même eu plusieurs problèmes du genre dans le balisage du glacier. Mais, et si je te parlais de la vision que Rasken a de la culture ?"

"J’hésite, mais vas-y"

"L'état raskenois, il fabrique une culture raskenoise, fait des livres d'histoire pour dire qu'elle a toujours existé, puis organise une politique coordonnée d'assimilation culturelle. Si ici, ça fonctionnait comme Rasken, d'ici 2030, l'idéal serait que la culture ankallyte n'existe plus, tous les nomades soient sédentarisés, et surtout, que l'on apprenne toustes dès l'enfance, à être fiers de notre si beau et bon pays. L'école pensée pour nous apprendre à aimer le pouvoir, et surtout à faire en sorte que l'on n'aille pas imaginer un monde en-dehors de cet état unitaire, de ce peuple qui a toujours existé. Là-bas, c'est le gouvernement qui tient la plume de l'histoire, et qui décide de sa narration et de son style d'écriture. En fait, l'état-nation, c'est une immense entreprise d'écrasement de la dissidence, qui s'assure qu'elle ne soit jamais pensée, et ils veulent envoyer leurs entreprises dans tous les recoins du monde. Je comprends que les conservateurs ne veulent rien avoir affaire avec elleux, je ne suis pas d'accord avec leurs idée, mais je partage leurs craintes. Je m'en fais un peu pour Ruslan en fait"

"Oui, en effet, c'est plus les discussions à la je t'aime moi non plus avec Ruslan. Tu m'avais dit que tu t'étais un peu politisé, mais je ne m'attendais pas à ce point. Tu as déjà envisagé de rejoindre une commune ?"

"Franchement, j'y ai pensé, mais je ne me vois pas quitter ma tribu pour le moment. J'aurais beaucoup à dire sur la famille ou la tribu Ankallyt, mais je suis toujours attachée à elleux"

Le train avait repris son chemin continuait vers l'Est par la zone industrielle qui transformait de la matière près des côtes. Le flanc entier d'une papeterie était recouvert d'un tissus rouge avec plusieurs symboles de syndicats qui annonçaient l'usine tenue par les grévistes. La société s'était embrasée en seulement quelques semaines. D'autres usines continuaient à tourner, transformant des métaux en moteurs, de la biomasse en polymères, du sable et de l'étain en composés électroniques, des composés électroniques et pièces mécaniques en outils médicaux, de l'énergie en mémoire informatique et bande passante Internet, du charbon en composés de filtrage, du cuivre en fils électriques, des plantes en tissus, du tissu en vêtements et en bandages... L'Enclave volcanique avait connu l'agriculture et l'industrie en un siècle, que l'Union ne se soit pas effondrée sous le poids des changements sociaux que ça occasionnait tenait du miracle. Que l'explosion de la révolte sociale se limite à des grèves était réellement une bonne nouvelle pour les personnes au pouvoir. La technocratie qui tenait cette ville ne s'en rendait pas compte. Alors que le train émergeait de la zone industrielle et prenait un aiguillage pour continuer le long de la côte et redescendre au niveau du sol à côté de la piste, Xara-xïs et Keelut restaient le nez collé à la fenêtre, à regarder la mer qui s'agitait en contrebas des falaises.

"Je compte retourner sur le balisage avant l'hiver, tu viens aussi ?", lança Keelut

"En fait, régulièrement, il y a quelque chose de fascinant dans l'instabilité de ce glacier. On a probablement oublié un ou deux volcans actifs dans le coin"

"Ils disaient quoi les relevés de Dahiinissa"

"Il a fait la série temporelle près des points Nertornatok, Atikaanikun, et Aglatki. Il y a bien des courants d'eau souterrain, mais ils changent au fil des jours, et assez chaotiquement. Il y a un truc qu'on sait pas"

"Pourtant, ça devrait pas, on parle de tonnes et de tonnes de glace"

"Il semblerait, très, très étonnamment, que l'eau chaude et la glace, ce ne fasse pas un ensemble stable, même quand tu as beaucoup de poids impliqué ! Mais on parle de changements de réseaux de fissures parfois très rapides ! On ne pourrait même pas s'en servir pour prédire les crevasses qu'elles vont provoquer"

"Du coup, pour faire passer des Églises..."

"Avant poste, 200 kilomètres au Nord, c'est non seulement stable, mais plat, il nous reviendrait simplement de faire notre moitié du chemin"

"Même sans les contraintes des Églises, j'imagine déjà les ingénieurs se casser la tête à trouver un mode de transport qui passe le glacier sans cramer tout notre carburant"

"Ça va se finir en grande ère du dirigeable ça"

"Je pense, l'on commence déjà par voir toute une industrie du dirigeable apparaître pour pleins de raisons. Ce ne sera pas des voies de transport stables ici, mais on pourra relier les EAU par les terres"

"Enfin, on spécule énormément ! D'ici à ce qu'on définisse le prochain passage vers les EAU"

"Les Glisois-es sont très demandeureuses, crois-moi que quelque chose finira par apparaître !"

Les deux échangèrent un regard en-dessous des yeux, Keelut accola le visage de Xara-xïs au sien [les deux se prennent le visage à l'arrière du menton et rapprochent leur visage jusqu'à se toucher mutuellement le front, geste connoté assez romantiquement chez les Altans, que certaines contre-culture des, Terres australes ont repris à leur compte pour signaler aussi bien des relations romantiques que des amitiés fortes].

"Xara-xïs... Je tiens à toi. Prends soin de toi et reste en vie, d'accord ? Ne laisse pas le glacier te prendre, les esprits peuvent bien attendre quelques décennies pour venir te guider, d'accord ?"

"J'y compte bien, toi de même", souffla Xara-xïs

Alors que les mondes commencent à s'interrelier

La voix du train annonçait "Estimés passagers, nous arrivons en gare de Yiitilgaruoi, nous resterons [cinq minutes] à quai"

Keelut et Xara-xïs se levèrent, et commençaient à descendre leur sac, c'était leur arrêt. La gare se trouvait au cœur de l'ancien village Ashuan de Yiitigaruoi, le train en avait franchi les fortifications moins d'une minute auparavant. Elle était directement reliée à la zone de réception des marchandises, qui reliait le port en contrebas par un ensemble de grues et de monte-charges. La partie supérieure de la gare était une rue où se mêlait les structures du port et du village, si bien que des immeubles accueillaient des entrepôts ou des bureaux administratifs en-dessous et des zones d'habitation au-dessus. Les deux comparses descendèrent sur un quai très calme, quelques villageois-es passaient là pour travailler ou faire quelques course à Okkaluin ou Qikiqtaniitsoq, mais ce n'était pas un endroit de transit très important. Le port restait avant tout un port de pêche. Keelut prit une inspiration, et entre dans le local des logiscticien-nes du port pour leur demander si le Kangilin était prêt à les accueillir. La travailleuse qui tenait les enregistrements des traversées soupira un peu d'un air exaspéré en annonçant que : ça a été reculé vers Indus 2-4 car les Raskenois-es qui sont sensés faire la traversée sur le bateau ont trouvé le moyen de salement amocher l'un des leurs avant même d'avoir atteint le port, et qu'ils avaient besoin de quelqu'un pour les soigner rapidement et pour vérifier qu'il n'y avait pas de dégâts graves, voire de besoin de chirurgie (ce qui impliquerait un passage ultérieur entre les mains d'une équipe médicale mieux équipée), ce qui a mobilisé une des trois médecins du port et impliqué le report de la traversée (qui serait du coup un peu plus mouvementée vu qu'on prédisait une mer plutôt houleuse dans la soirée), mais au vu des quelques heures qu'elle avait devant elle, il y avait quelques endroits très sympas dans le village, notamment le chemin historique vers le port qui restait le plus utilisé par les habitants : un escalier de pierre couvert par une structure de bois ouverte du côté de la pierre comme de la mer, taillée au flanc de la falaise selon les aspérités qui le permettaient, la vue était superbe. Elle ressortit du local en sortant un "c'est reporté", Xara-xïs lui répondit par un hochement de tête, les deux montèrent la passerelle vers la rue pour prendre un peu l'air dans la rue. La neige tombait un peu plus drue, la rue était beaucoup plus occupée que le quai, par des passants, des travailleureuses qui coupaient du bois, des enfants qui jouaient dans la neige, un groupe d'anciens qui se réunissaient pour discuter, et... Des Eurysiens écoutant de la musique dans... Des petits camions massifs à remorque ouverte, les "pick-ups".

"Les Raskenoi-es ?"

"Elleux-même !"

Xara-xïs regarde pensivement les pick-ups, comme quelques personnes dans la rue, tentant de comprendre à quel genre d'expédition s'attendre
"A quoi leur sert ces engins ? Vous ne leur aviez pas dit qu'iels auraient accès à des mushers pour leur exploration ?"

"On leur a dit, mais ce n'est pas la question. Ces camions ont surtout un rôle psychologique !"

"Un truc auquel iels sont attachés ?"

"Plus précis ! Pour te donner une idée Ulva par exemple, a éduqué Kuk'uq, un chien courageux, et toute la tribu reconnaît à quel point il est courageux, et Ulva en est fier, il est pris au sérieux alors qu'il ne l'a pas toujours été. Il est du coup assez difficile à démoraliser et quand il a fallu aller chercher Biisaiyowaq qui était un peu dans une mauvaise passe, c'est Kuk'uq et Ulva qui y sont allés car Ulva savait qu'ils en étaient capables. Bon, les pick-ups raskenois, c'est un peu grossièrement l'équivalent de Kuk'uq pour des Raskenois, mais avec une vision très eurysienne de la masculinité qui s'oppose à la féminité, et qui reste un mystère pour moi même avec beaucoup de doc. Dans le même genre, iels ont préféré apporter deux tireurs plutôt que des mécanicien-es, non pas qu'il y ait grand chose à tirer au fusil sur les Plaines Désolées, mais, c'est aussi un moyen de se distinguer des femmes raskenoises"

"J'ai l'impression que la virilité raskenoise consomme beaucoup de carburant !"

"Oui, je confirme. Je ne serais pas étonnée que leur expédition consomme en trois jour notre consommation du mois. Leur trouver du carburant, ça a été... Sensible"

"Heureusement que vous êtes là, je dirais ! J'ai pas l'impression qu'iels survivraient longtemps pas elleux-mêmes"

"Pas leur faute. Iels s'en sortent même plutôt bien au vu de ce qu'on leur a mis sur l'épaule. C'est le groupe pour qui iels travaillent qui ne sait juste pas organiser une expédition. Iels se disent que travailler dans le froid à des milliers de kilomètres de leur pays, c'est un peu comme travailler dans leurs montagne à un jour de leur famille et quelques heures du prochain hôpital, et du coup, c'est Ruslan qui gère le truc en voyant avec Maman Aujak comment il va bien être possible de trouver le carburant ! Iels ont passé ensemble des heures et des heures d'échange radio, et je ne pense même pas qu'il ait raconté aux autres les efforts que ça lui a demandé, il est un peu fier, à l'eurysienne, il met un point d'honneur à ne pas se plaindre"

"D'ailleurs, il est probablement pas loin lui. Tu veux le voir, ou tu préfère qu'on s'éloigne avant qu'il ne te voie ?"

"Honnêtement, j'ai moyennement envie de prendre contact. On aura largement l'occasion de le faire une fois qu'on sera réunis. Sinon pas de presse. La dernière fois qu'on s'est vu, c'était avant la transition. Il n'est pas du tout au courant, donc avec un peu de chance, il ne me reconnaitra pas. J'aimerais autant passer quelques heures de plus avec toi sans m'en inquiéter"

Un son qui change le monde qui nous entoure, où la façon dont on le perçoit si vous croyez en la distinction entre les deux

Xara-xïs et Keelut sont descendues sur la plage proche du port, et pour admirer les vagues, puis Xara-xïs a fouillé dans ses cassettes, en a mis une dans son baladeur, et a passé le casque à Keelut. Les deux se sont alors improvisé un jeu : fouiller dans les cassettes, danser sur la musique, l'autre doit deviner quelle musique est dansée, et venir joindre la danse en imaginant la musique. Au bout d'un moment, l'autre partage le casque et les deux dansent au rythme d'une musique à la fois enregistrée et imaginaire, altérée par la reconstruction mémorielle et les différences d'information des deux partenaires, imprimant une marque sur la plage et le ciel le entourant, une emprunte sur la façon dont la plage devenait une réalité.
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