La mission qu’elle avait acceptée de la Gyasarr faisait froid dans le dos.
"Amener le Liberalintern à assurer un suivi écologique mondial, et à constituer des zones autonomes et des lignes d'échanges résilientes"
Traduction : le monde entier court un risque existentiel, protégeons ce que l'on peut, et préparons l'après. Rien n'allait. De bout en bout.
L'on pense tout de suite à l'évident.
L'on a l'habitude de parler de l'Eurysie comme d'une poudrière. Des dizaines de conflits localisés, personne ne s'entendent, les tentatives de conciliation échouent les unes après les autres, les gens abandonnent les un après les autres. Des équipes à Carnavale et à Albigärk sont en train de recenser l'armement des nations, de même que la Synaptique. Kaname dispose de photos satellites de centaines d'usines d'armement en construction, de partout. Le monde est en train de s'armer, industriellement, surtout l'Eurysie. L'armement constitue l'un des plus gros flux de valeur au monde actuellement. Kaname a des contacts aux Terres australes qui fouillent les réseaux sociaux eurysiens, et qui constatent une tension des relations internes, internationales, interethniques, intercommunautaires. Le monde se polarise, l'autoritarisme monte, les discours de colère se font de plus en plus guerriers. Les fausses informations et les campagnes de diffamations se multiplient, vérifier une fausse information devient plus difficile. Les deux zones de tension majeures d'où peuvent venir un conflit mondialisé sont l'Eurysie de l'Ouest aux pays puissants, en conflit, se menaçant mutuellement, et la Manche Blanche/Mer du Nord, que le Pharois veut contrôler, mais avec de nombreux pays qui veulent contester cette hégémonie. Tout laisse à penser à une escalade des tensions inévitable.Mais en réalité, c'était la partie émergée de l'Iceberg...
Des contacts ex-milouxitans/néo milois qui travaillent dans la finance expliquent que le système financier mondial est tellement dérégulé que d'énormes compagnies financières sont en train de prendre possession du marché financier primaire et secondaire d'une large partie des pays du monde en évinçant la concurrence par des manipulations de marchés. Cette consolidation de la finance mondiale dont la régulation a été laissée à la peu fiable main invisible s'accompagne de transactions douteuses en tous sens et d'inflation galopante sur des produits de première nécessité, des ressources, et surtout, l'énergie. Le pétrole est largement produit et disponible, mais artificiellement cher. Les inégalités de pouvoir mondiales explosent, l'on voit des populations s'appauvrir à vitesse grand V, et le suivi satellite des voies commerciales indiquent une croissance exponentielle du commerce maritime Althalj-Eurysie... Secret de polichinelle, mais c'est surtout de la drogue. Les gens s'en servent pour supporter la vie. La suite des événements est entre les mains d'un nombre réduit de gens, pas de ceux qu'on voudrait voir régner.Mais plus encore
Les océans sont massivement surpêchés. Une partie des zones de pêche importantes ont été pêchées jusqu'à épuisement. Au niveau de l'Eurysie, la pollution occasionnée par Carnavale et par la bataille navale au large du Kronos déstabilisent les écosystèmes marins au point que des écologistes de l'Aoume considèrent que la situation a atteint un point de non-retour dans la région. Les écosystèmes marins d'Eurysie de l'Ouest et d'Afarée du Nord-Ouest sont en train de péricliter dans une spirale inarrêtable. Les mesures d'urgence d'arrêt de la pêche et de reconstruction des écosystèmes ne seront jamais prises à temps, l'Ahak conjecture que la pêche mondiale devrait s'effondrer d'ici 2040. Et encore, l'on a pas parlé des problématiques d'eutrophisation, d'épuisement des sols, de fragmentation d'habitats à grande échelle. Les pénuries de nourriture, bois, énergie brute, métaux, habits, médicaments, devraient se multiplier dans un monde où les capacités logistiques se contractent, et les risques d'effondrement écosystémique régional, continental, voire intercontinental explosent à chaque mise à jour.Trois ensembles de risques existentiels qui s'alimentent mutuellement sans même ajouter les risques de pandémie qui eux aussi se multiplient et les problèmes d'archivage et de conservation de la mémoire.
Franchement, Kaname, une fois seule, elle déprime, assez souvent. Elle prend les problèmes les uns les autres en tentant de ne pas être trop impassible, de montrer de l’enthousiasme avec les autres. Mais dans sa tête, elle garde toujours en tête la probabilité qu’elle ne tienne plus. Elle ne sait pas ce qu’elle ferait dans ce cas. Elle s’effondrerait, probablement. Pelagia Stavralli, une exfiltrée valhémienne, a jeté un œil aux dossiers, avant de laisser, elle ne se sentait pas de continuer, elle prend ce qu'elle peut gérer, et continue sur sa lancée. Il reviendra à Kaname de résumer. Yalyane, une arpenteuse des glaces qui lui sert de garde du corps, prends plus garde à Kaname qu'aux alentours : elle craint plus le désespoir que les assauts. Elles ont discuté un soir. Yalyane, elle n’a pas eu une vie facile. Elle a connu des maltraitances, des catastrophes, elle a vu son abri s'effondrer autour d'elle, a connu les sédentarisations, le travail en serre, la discrimination des nomades, elle s'avère alterner des phases de désespoir profond et d'enthousiasme excessif (à Hohhothaï, on l'aurait probablement diagnostiqué bipolaire), et un cancer ronge lentement son corps et la tuera un jour. Elle dit qu'elle imagine toujours le pire, pour réunir la force de le surmonter, pour que même dans ses pires moments, elle garde espoir.
Le monde est crépusculaire. L'ancien monde ne veut pas mourir et est en train de pourrir sur place. Le nouveau monde manquant d'espace peine à naitre. La nuit vient, le lendemain est incertain, et dans cette transition, l'on voit apparaître des signes, des symptômes, des signaux.Kaname et Yalyane se sont prêté serment de se protéger l'une et l'autre. De prendre soin l'une de l'autre. Le bureau a compris que s'il était question d'affecter un garde du corps à Kaname, ça devait être Yalyane. Si l'une tient le coup, c'est grâce à l'autre.
Kaname, Yalyane, et Pelagia sont assises à une table, dans un petit restaurant à moussaka dans un quartier populaire d'Héraklithènes. Elle prennent leur temps pour consulter le menu en discutant en Français. La lumière diffuse du crépuscule où les fenêtres ne donnent pas sur le soleil éclaire la pièce d'une lueur un peu sombre. Quelques personnes passent au-dehors, Yalyane observe une personne promenant son chien, se demandant si elle ne l'a pas déjà croisé un peu plus tôt (non, heureusement). Les trois personnes ont éteint leur téléphones, et portent le genre de tenues que trois amies de la diaspora kah-tanaise du coin pourraient porter (ce qui a demandé un peu de repérage). La quatrième personne arrive vingt minutes en retard, mais elle arrive.
Un Saint-Marquois qui répond au nom de Léo Truchon. Un pomawsuwin, un peu nerveux, Kaname l'invite à voix basse à se détendre.
"Vous pensez avoir été suivi ?"
"Je pense pas, bon, je ne sais pas, j'ai fait attention à vérifier ça, mes excuses pour le retard"
"Tu as plutôt bien fait. On sent que c'est pas une première"
"Oui, je resterais évasif sur le sujet"
"Ça nous convient"
Alors que les quatre personnes commandent leur moussaka, et que la nuit s'impose, Kaname observe Léo. Il regarde l'heure sur son téléphone. Les trois autres l'on laissé dans la chambre, mais lui n'y a pas pensé visiblement. Quand la serveuse repart passer la commande, Kaname pose son ordinateur sur la table et l'ouvre.
"Tu as amené ton téléphone avec toi ?" demande Kaname
"Euh, oui" bredouille Léo, en se rendant compte qu'il a peut-être fait une bourde
"Ça arrive, on sait qu'espion n'est pas ton métier, on a prévu ce cas de figure, tu veux bien me passer ton téléphone"
Léo est très hésitant, c'est Yalyane qui intervient :
"Tu devrais le lui passer. C'est l'une des meilleures pirates informatiques que je connaisse, si elle a voulu t'espionner, crois-moi qu'elle l'a déjà fait, je te conseille fortement de lui passer"
Après une dizaine de secondes, Léo accepte de passer le téléphone.
Kaname sort un câble quelle connecte à son ordinateur. Elle ouvre une invite de commande appelle un logiciel et lance une analyse. L'ordinateur mouline environ 30 secondes avant de donner un résultat positif.
Kaname déconnecte le téléphone, ouvre l’arrière, retire la batterie et la carte SIM, et éteint également son ordinateur et en retire également la batterie pour le glisser dans sa housse. Kaname note mentalement de nettoyer le PC plus tard.
"A quand remonte la dernière fois où tu n'as pas surveillé ton téléphone ?"
"Dans l'avion je pense j'ai dormi"
"Je pense que ça vient d’avant et que tu es la cible, mais ton téléphone a un logiciel espion d’installé, je le connais assez bien, c’est le logiciel Phoenix, qui en gros peut récupérer tes emails, tes conversations, tes SMS, ton historique de navigation Internet des métadonnées ta localisation présente et passée ou même les coordonnées de paiement par téléphone… Ou accéder au micro et à la caméra."
"Léo prend quelques secondes à digérer l'information puis commence à devenir plus nerveux"
"On peut vraiment faire ça demande t-il étonné"
"Ils exploitent plusieurs failles zero-day pour ça. C'est du piratage de haut niveau mais ça se fait. Des gens qui utilisent le logiciel Phoenix sont plutôt des multinationales ou des acteurs étatiques."
"Mais où j’ai bien pu prendre ça ?"
"Vraiment, n’importe où. C’est opéré à distance"
A ce moment-là, la serveuse revient à la table avec des moussaka fumantes, Kaname prend le téléphone à la main sous la table et fait mine d’envoyer un texto dessus. La serveuse retourne à la cuisine en chercher d’autres, puis une carafe d’eau.
"Je vous souhaite bonne appétit et espère que vous apprécierez votre repas"
"Je vous remercie, répond Pelagia"
Léo reprend
"Une question : comment vous avez détecté le logiciel espion"
"Souvent, l’antivirus suffit, mais pas pour ce genre d’opération. L’on peut essayer de trouver le logiciel Lydia, qui permet de débrider le téléphone pour faire fonctionner les logiciels espions, s’il est installé, et que ce n’est pas de vous, il y a probablement un logiciel espion, mais Phoenix, n’en a pas besoin. En fait, c’est un logiciel assez récent, la Boîte à Outils d’Analyse Informatique et Mobile (BOAIM), un truc fait au départ pour les journaux internationaux et qui permet de chercher des logiciels espions connus. Normalement il est disponible en libre-accès, ça fonctionne bien pour chercher des logiciels connus, mais si Phoenix avait été mise à jour récemment et pas BOAIM, on ne l'aurait, je pense, pas détecté, idem dans le cas d’un logiciel artisanal codé pour l'occasion. Normalement, une recherche par antivirus/Lydia/BOAIM devrait vous trouver la plupart des logiciels espions, si vous pensez à le vérifier !"
"Je vais en parler aux camarades, je pense qu’on va faire une petite mise à jour sur la sécurité informatique"
Alors que Léo récupère sa carte SIM, visage se rembrunit, Kaname empoche le téléphone et la batterie pour le temps de la rencontre. Il lance d’une voix plus assurée qu’avant :
"Bon, alors il est d’autant plus important que l’on en parle. Vous savez que Saint-Marquise comptait rejoindre le nouveau pacte antibochévique ?
Ils ne se sont pas retirés ?"
"Normalement, si, enfin officiellement. Mais c’est pas terminé. L’élection de Josh Caleb signifie possiblement de gros renforcements militaires. La Coopération Aleucienne des Nations inclut beaucoup d’états anticommunistes et clairement, la raison pour laquelle la CAN ne tient pas officiellement une position anticommuniste est l’Astérie. Et l’ONC va pousser pour ça. Pour la faire simple on est pas sûr et on n'a aucune preuve mais on a quand même un faisceau d'indices qui nous laisse à penser que l’Aleucie toute entière pourrait prochainement connaître une période de répression du socialisme à ce moment-là. Et vu leur finesse, ils feront pas la distinction entre libertaires et étatistes. Il se trouve qu’à Saint-Marquise les socialistes depuis quelques années sont en bonne partie autochtones, donc en si l’on se prend une répression politique, il y a des chances qu’elle revête un caractère ethnique. C’est le pire des scénarios, mais il faut l’envisager"
Le silence tombe sur la table quelques secondes. L’attaque de Port Hafen n’est pas si éloignée dans les mémoires, et l’idée qu’une vague de violences post-coloniales puisse tomber dans un pays, voire à l’échelle continentale apparaît tout à fait crédible.
"Globalement, les Chasseurs comme les trois-nations et un certain nombre de bandes sont d’accord que si l’on a l’Aleucie contre nous, on ne tiendra pas seuls. Même le soutien shuharr ne sera pas suffisant. On aura besoin du soutien du Liberalintern."
"Que l’on protège les socialistes saint-marquois ?"
"Que l’on forme une internationale, comme les capitalistes forment la leur"
Il fouille quelques secondes dans son sac de voyage et en sort un livre, Io, de Johannes Spockmeyer. Il le glisse sur la table.
"Les contacts sont dedans, page 320 se trouve en annotation le pseudo de la personne qui vous passera la clé de décryptage, j’imagine que vous saurez le contacter"
Kaname feuillette le livre jusqu'à la page 320 et regarde sur l’annotation en bas de page, ou au stylo, est écrit "PrinceofSuna". Elle hoche la tête, met le livre dans son sac à main.
"Pour le reste feuilletez le livre et repérez des mots soulignés en rouge. Les premières lettres indiquent le contact et ses coordonnées de manière codée. Il y a 21 contacts dans la liste. Un mot entouré indique une frontière entre deux contacts. Bonne lecture."
"Merci !"
"On voudrait commencer à former une internationale autochtone socialiste pan-aleucienne, et si un soutien shuharr nous servirait, on espère des actions de la part du Liberalintern pour contrer une potentielle vague de répression. On appréciera si vous abordez l’Aleucie dans vos prochaines rencontres au Liberalintern"
"C’est noté"
Kaname pose le téléphone et la batterie sur la table que Léo récupère, il entreprend brièvement de remettre la carte SIM avant de se raviser et d’empocher le téléphone.
Les 4 personnes continuent de discuter en français pendant une bonne vingtaine de minutes pour s’échanger des conseils touristiques sur la ville tout en mangeant leur moussaka, avant de payer l’addition et de sortir ensemble. Elles marchent quelques rues ensemble, et en se séparant, Léo lance une dernière phrase :
"Entre nous, je pense qu’on ne sauvera pas nos cultures, c’est trop tard pour ça, on se bat pour pas devenir tous les mêmes maintenant, c’est donc votre combat autant que le nôtre"
Il dit au-revoir d’un signe de la main que les trois femmes lui-retournent, puis se retourne et repart en marchant tranquillement dans la rue, il ne reste que les trois Kah-Tanaises. Kaname souffle un peu, jette un œil à Yalyane, et Pelagia, puis elles rentrent à l’hôtel.
Elles se posent sur leurs lits, Kaname entreprend de nettoyer son ordinateur pour s’assurer qu’aucun logiciel espion ou virus n’ai été chargé par le téléphone pendant que Yalyane se douche et que Pelagia allume la télé pour suivre les infos. Une chaîne d’infos en continu en grec enchaîne des images de chars et de bâtiments en ruines : le Prodnov. Pelagia essaie de voir l’information comme n’importe quel téléspectateur qui la recevrait, pas comme si elle avait accès à un rapport de l’Ahak qui avait justifié la mission de constituer des "zones autonomes et des lignes d'échanges résilientes".
Oh, les pauvres Prodnoviens, pris dans les ravages de la guerre, je suis triste pour eux !On peut y faire quelque chose, on doit y faire quelque chose, ça nous concerne en tant qu’être humain qui avons plus de chance à des milliers de kilomètres de là. Je ne sais pas quoi, mais il y a bien un truc qu’on peut faire !Kaname, elle n’est pas sûre de pouvoir dire tout ce qu’elle aura à dire demain, elle a déjà du mal à se représenter globalement tout. Plus elle y pense, et plus elle se dit qu’il faudrait quelques centaines de personnes pour mener cette discussion.
Le bus entame un tournant, Kaname attrape une barre juste avant de tomber. Un gars du coin a l’air de s’être aussi fait surprendre par le changement soudain de gravité et tombe à la reverse en jurant en grec. Le soleil d’hiver est bien monté dans le ciel, et le vent fait tourbillonner des volutes de poussière. Yalyane est un peu épuisée par les dizaines de stimulation de la grande ville d’Héraklithènes et la chaleur sèche méditerranéenne, qui même en hiver passe rarement en-dessous de 10 °C. Pelagia y est autrement plus accoutumée, et apprécie de retrouver un lieu à l’ambiance un tant soit peu familière. Les trois représentantes de l’équipe diplomatique descendent du bus pour être surprises par une bourrasque fraîche. Kaname regarde les indications qu’on lui avait donné pour trouver les voitures blanches prévues pour elles, pour voir que c’était le tarmac accueillant les jets privés, et donc, les délégations étrangères. Elle se présente à l’accueil pour demander l’accès au tarmac, l’agent d’accueil appelle quelqu’un, qui semble prendre le temps d’appeler quelqu’un d’autre pour répondre pour que finalement, un agent de sécurité arrive en proposant aux Shuhes de le suivre. Le groupe passe une multitude de couloirs et de salles, et un poste de sécurité, avant d’atteindre un hangar où sont rangés des jets privés. L’agent échange quelques phrases au talkie-walkie avant de tourner près d’un avion pour voir, garée, une voiture blanche avec, entre autres, la conductrice qui se tient là. Elle se présente : Natassa Pipoti, et bienvenue à Héraklithènes. Pelagia la remercie et présente le groupe, Yalyane lui remet son révolver et son lance-dard. Natassa invite les passagères à s’assoir, et c’est le début de la rencontre.
Depuis une voiture diplomatique, la perspective sur la ville change, ce n’est plus la ville dans laquelle vous logez, mais la ville que vous traversez. Les bâtiments, les rues, les gens, paraissent plus distants. C’est un monde isolé du reste. Kaname prend le livre de Spockmeyer, et commence à le feuilleter. A essayer de repérer les marques, et peut-être même d’en lire quelques paragraphes. Page 222, se trouvent deux photos. L’une montre une forêt vue par drone, avec des annotations, des lignes et des légendes, qui indiquent l’emplacement d’une future base militaire, avec en annotation des coordonnées qui la place au Sud de Saint-Marquise, sur la deuxième photo, une usine aéronautique vue du ciel, avec un dessin de la disposition de la ligne d’assemblage probable sous le toit, ce qui permettrait d’en deviner une productivité. Ce n’est pas précis, mais dans tous les cas, c’est beaucoup. Il semblerait que l’usine fonctionne entre 60 et 100 % de ses capacités en permanence depuis des mois et produit des avions de chasse. Derrière l’image, une annotation : pour tenir tête à quelle armée de l’air ? La Listonie ? Il n’y aurait pas besoin de tant. L’Alguarena peut-être ? Pourquoi ?
Le centre-ville dense laisse place à une grande zone ouverte : la Chambre des Députés. La voiture s’engage dans une avenue autour de la route, pleins de curieux regardent passer la délégation dans une humeur un peu festive, avant de s’arrêter devant l’imposant bâtiment blanc au milieu de jardins à l’eurysienne aux buissons soigneusement taillés et aux pelouses soigneusement coupées. Natassa invite les passagères à descendre du véhicule, alors qu’un garde ouvre la porte. L’odeur d’herbe coupée tranche radicalement avec la poussière de l’aéroport, le bâtiment est d’une propreté extrême et devant, claque les drapeaux de différents états du Liberalintern. Les trois représentantes font la pose une vingtaine de seconde pour donner son lot de spectacle au public pendant que le garde récupère les affaires dans la voiture qui part ensuite se garer. Pelagia et Yalyane n’arrivent pas nécessairement à se montrer très à l’aise à l’exercice, fournir le décorum qu’implique la fabrication d’une nation, ce n’est pas leur spécialité. Même Kaname, codeuse au départ, et qui a fait quelques années de prison à Hohhothaï, a un peu appris ce protocole à la dure. Bon, ça a l’air satisfaisant, mais elle imagine déjà les analystes rhétoriques se demander pourquoi Yalyane reste bras-ballant aux côtés de Kaname. Le garde les invite à le suivre, à travers un entrelac de couloirs jusqu’à une grande salle de réception. Alors que certains représentants sont déjà en train de parler. Il y a quelques nouvelles têtes, à qui les trois shuhes se présentent, et des visages plus connus, notamment le Professeur Severi, avec qui elles échangent sur comment s’est passé le voyage, et de s’enquérir de son goût pour les dystopies.
Les représentants arrivent, tout le monde s’installe, les repas sont servis, Leontzio prends la parole.