13/07/2013
06:48:03
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Sommet de l'Internationale à Héraklithènes (Thessalèsse, Astérie)

SOMMET DE L'INTERNATIONALE
HERAKLITHENES, THESSALESSE, ASTERIE

L'entièreté des cinq membres du corps diplomatique confédéral étaient présents pour l'événement le plus grandiose que l'Union n'ait, à n'en pas douter, organiser. Ce n'était pas moins de 12 états, 13 en comptant l'Union, qui allaient se rencontrer ici, à Héraklithènes. Liatina, la capitale, avait sans doute été déçue de ne pas avoir été choisie. Mais la Diète apportait un soin tout particulier à ne pas délaisser les différentes régions autonomes composant la confédération. Les Héraklithénois, eux, étaient aux anges : ils se pressaient joyeusement sur les bords de l'avenue qui menait à la Chambre des Députés du Thessalèsse, réquisitionnée pour l'occasion. Par manque de place, certains avaient même choisis l'option des toits, voire même des fenêtres. Personne ne voulait rater un événement si important et si rare qu'ils étaient convaincus qu'il n'en reverrait pas un pareil durant leur vie.

Les drapeaux des différentes nations composant l'Internationale étaient exposés fièrement sur les abords de l'avenue, ainsi que devant la Chambre.

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Les nations invitées sont : le Grand Kah, le Zélandia, la Malévie, le Pharois Merirosvo, le Banairah, les Eglises Australes Unies, le Finnevalta, Kotios, le Shuharri, le Negara Strana, Albigark et et l'Astérie.

Les invités arrivèrent dans une fourchette de temps d'une demi-heure, chacun arrivant dans l'une des voiture blanche qui les attendait à l'aéroport d'Héraklithènes. Les cinq membres du corps diplomatique s'étaient répartis la tache d'accueillir les hôtes. Sationa et Fiorella attendaient patiemment dans la grande salle pour y recevoir les invités, tandis que Christoforos, Leontzio et Jéssica les recevaient directement devant la porte. Toute une organisation minutieuse. C'était rare que tous les membres de l'Internationale se réunissait ainsi... il ne s'agirait pas de gâcher cette occasion formidable.

Quand tout le monde fût assis, les boissons servies et de quoi se restaurer installé, Leontzio, le diplomate le plus âgé et expérimenté, se leva et prononça :

Chers alliés de l'Internationale, c'est un véritable plaisir de vous accueillir au coeur de l'Union. Nous avons fait le choix du Thessalèsse en place de Liatina, car nous avons coeur de montrer à la fois aux citoyens astériens et au monde et que l'Astérie est une Union qui ne se limite pas aux toits orangés de sa capitale. Je vous souhaite la bienvenue et ouvre officiellement cette réunion tant attendue !
Le Professeur Severi était resté en poste en raison de l'inertie des institutions et du relatif désintérêt des capitaines pirates pour les ambitions du Liberalintern. Lorsqu'il l'avait reçu dans sa cabine, le Grand Capitaine Gabriel avait été clair : faites ce que vous voulez, faites ce que vous pouvez, assurez vous que nos alliés entreront en guerre pour nous et au maximum évitez nous d'entrer en guerre pour eux.
Le Professeur Severi avait simplement dit qu'il ferait de son mieux et ensuite ils avaient discuté de musique et but du rhum. Le mal de crâne qu'il s'était collé le lendemain et même le surlendemain lui rappelait douloureusement que, jour après jour, il prenait de l'âge. Mais il ne se plaignait pas. Il était assez heureux comme ça de pouvoir conserver ses privilèges, sa petite maison douillette dans la banlieue de Kanavaportti, son appartement de fonction à Raxington où se trouvait le Haut Bureau pour les Liaisons et surtout, surtout, que personne n'aille fouiller dans ses documents et se rendre compte à quel point il avait été la créature de Mainio et d'Ilmarinen. Le professeur Severi n'avait jamais été un aventurier, plutôt un espion de salon, il ne tenait pas à refaire sa vie en exil, ni à ce qu'on verse de la ciguë dans son verre d'eau. Il avait un job, et comptait l'exercer jusqu'à sa mort, ou au moins jusqu'à la retraite.

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Sa canne de dandy battant le pavé de l'avenue menant à la Chambre des Députés du Thessalèsse, il s'y laissa guider en bavardant avec ceux de ses pairs qu'il connaissait déjà, et ceux qu'il lui tardait de connaitre. Le professeur avait déjà foulé le sol de l'Aleucie à plusieurs occasions, mais jamais dans sa partie occidentale, malgré la présence non loin des enclaves kah-tanaises. L'architecture au style colonial et le beau temps d'automne lui firent frétiller la moustache.

- Plaisir partagé assurément. Il était plus que temps de nous rencontrer, le Liberalintern nous fait trop souvent l'impression d'une famille éclatée, se retrouvant à quelques occasions rares mais précieuses.

Il eut un hochement de tête entendu.

- Il ne tient j'imagine qu'à nous d'y remédier. Ou d'assumer la distante tolérance qui nous réunie.
Heraklithènes? Sam y voyait des vacances. Officiellement, les EAU envoyaient un représentant tout ce qu'il y a de plus sérieux à une réunion potentiellement capitale pour les relations avec ses nouveaux alliés. Officieusement, c'était à la fois beaucoup plus simple et beaucoup plus compliqué. Il se planquait. Simple. Il avait embarqué in extremis dans le mauvais avion, ce qui à la place de le conduire dans le convoi Rose, le fit atterrir à Heraklithènes avec des instructions en catastrophe de Molly Harris sur les bases de la diplomatie et sur la première rencontre internationale du pays depuis un bail en route, cette histoire commençant par une partie amicale de cartes lors de la fête du solstice et finissant par une guerre rituelle ouverte entre clans comme les EAU savaient si bien le produire. Compliqué. Heureusement, il n'était pas le premier péquin venu, et loin de se laisser dérouter par la nouveauté et les trente-quatre options de lavage du jet privé qui le conduisait à destination, il avait enlevé le sang, repassé, séché et impeccablement remis le costume d'oil-boy distingué qu'il aimait tant pour le combat. Il avait ciré ses chaussures, enlevé 4 couches de vêtements, travaillé sa moustache et son expression amicale. De plus, il avait stratégisé avec Harris pendant leur court échange de debriefing. Elle le connaissait déjà, visiblement, et avait été étonnée de le voir proposer la diplomatie du silence. Et oui, il valait généralement mieux ne rien dire que de passer pour un con à répétition.

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Sam Matter, toujours sur le fil.

Il arriva sans trop faire de vagues sur la moto de fonction qui lui avait été attribuée sur place, présenta le badge qu'on lui avait donné à l'aéroport, confia le Desaix 1964 qui lui permettait de mettre dans le mille à 100 mètres, peu utile en terrain diplomatique, puis prit le temps d'ajuster le nouveau badge aux couleurs des EAU qu'on lui avait donné. Puis l'Astérien qui lui faisait face n'en crut pas ses yeux: il changea de posture et de regard, et dégagea instantanément l'aura d'un notable, d'un père de famille venant de roter après sa troisième cuisse de poulet, digne, fier, imposant. Sa démarche était régulière, il se tenait bien droit, le regard ferme mais moins menaçant, se retenait de rouler les épaules, puis entra dans la pièce comme s'il était suprêmement justifié qu'il se trouve là, que ceux dans la pièce étaient ses pairs et enfin s'assit à la place aimablement préparée par les astériens alors que les EAU se montraient rarement à leurs alliés. Alors bien sûr, ses habits étaient propres et pas flambants neufs. Évidemment, la rougeur de ses joues trahissait l'alcool fort de la veille et des trente-sept dernières années. Certainement, les couleurs du drapeau glisois juraient avec le reste de son uniforme. Naturellement, il transpirait à cause de l'immense différence de température ressentie entre Raxington et Héraklithènes. Mais les EAU étaient représentés à l'étranger pour la première fois depuis un moment, et ce simple changement d'habitude serait forcément apprécié, s'il ne passait pas inaperçu.
Lorsque l'invitation à se rendre au sommet de l'Internationale Libertaire, organisée au sein de la cité d'Héraklithènes, en Afarée Astérienne, était parvenue jusqu'aux Secrétaires Fédéraux, un fait leur était alors parvenu d'une façon tout aussi brutale que lorsqu'un fumeur d'opium ou de cannabis "redescend" à la réalité : la Fédération n'avait pas envoyé de représentant à Raxington, et ce, pendant un an.

Heureusement, les dirigeants Zélandiens ont l'habitude des prises de décisions de dernières minutes et, sans trop se presser, se sont dit que finalement, ce sommet du LiberalIntern serait en fait une bonne idée pour —enfin— présenter un Ambassadeur à l'Organisation.


C'est dans ce contexte que parti en direction de l'Afarée du Nord le représentant Zélandien à l'Internationale. Un dénommé Lodewijk Wijten. Ce dernier est l'archétype Zélandien par excellence. Taillant dans le mètre quatre-vingts (1 m & 82 cm pour être exact), les cheveux très blonds, presque blancs, que Lodewijk porte dans une raie partant vers la droite, des yeux bleus tout aussi clairs et une peau... Disons qu'il n'est pas rare que l'on lui demande s'il n'est pas albinos.

Descends ainsi de l'avion diplomatique affrété pour l'occasion un homme dans un costume trois pièce bleu marine avec une cravate orangée (à savoir les couleurs de la Fédération). Ce dernier monte ensuite dans l'une des voitures mises à disposition par l'Astérie, et se laisse amener à la chambre des députés du Thessalèsse. À l'entrée, arrivant sur le perron de la bâtisse, Lodewijk salue trois des membres du corps diplomatique Astérien, avant de rentrer, où il salut les deux représentants Astériens restant, saluant au passage les représentants des autres États membres du LibéralIntern déjà présent.

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La mission qu’elle avait acceptée de la Gyasarr faisait froid dans le dos.
"Amener le Liberalintern à assurer un suivi écologique mondial, et à constituer des zones autonomes et des lignes d'échanges résilientes"
Traduction : le monde entier court un risque existentiel, protégeons ce que l'on peut, et préparons l'après. Rien n'allait. De bout en bout.

L'on pense tout de suite à l'évident.
L'on a l'habitude de parler de l'Eurysie comme d'une poudrière. Des dizaines de conflits localisés, personne ne s'entendent, les tentatives de conciliation échouent les unes après les autres, les gens abandonnent les un après les autres. Des équipes à Carnavale et à Albigärk sont en train de recenser l'armement des nations, de même que la Synaptique. Kaname dispose de photos satellites de centaines d'usines d'armement en construction, de partout. Le monde est en train de s'armer, industriellement, surtout l'Eurysie. L'armement constitue l'un des plus gros flux de valeur au monde actuellement. Kaname a des contacts aux Terres australes qui fouillent les réseaux sociaux eurysiens, et qui constatent une tension des relations internes, internationales, interethniques, intercommunautaires. Le monde se polarise, l'autoritarisme monte, les discours de colère se font de plus en plus guerriers. Les fausses informations et les campagnes de diffamations se multiplient, vérifier une fausse information devient plus difficile. Les deux zones de tension majeures d'où peuvent venir un conflit mondialisé sont l'Eurysie de l'Ouest aux pays puissants, en conflit, se menaçant mutuellement, et la Manche Blanche/Mer du Nord, que le Pharois veut contrôler, mais avec de nombreux pays qui veulent contester cette hégémonie. Tout laisse à penser à une escalade des tensions inévitable.

Mais en réalité, c'était la partie émergée de l'Iceberg...
Des contacts ex-milouxitans/néo milois qui travaillent dans la finance expliquent que le système financier mondial est tellement dérégulé que d'énormes compagnies financières sont en train de prendre possession du marché financier primaire et secondaire d'une large partie des pays du monde en évinçant la concurrence par des manipulations de marchés. Cette consolidation de la finance mondiale dont la régulation a été laissée à la peu fiable main invisible s'accompagne de transactions douteuses en tous sens et d'inflation galopante sur des produits de première nécessité, des ressources, et surtout, l'énergie. Le pétrole est largement produit et disponible, mais artificiellement cher. Les inégalités de pouvoir mondiales explosent, l'on voit des populations s'appauvrir à vitesse grand V, et le suivi satellite des voies commerciales indiquent une croissance exponentielle du commerce maritime Althalj-Eurysie... Secret de polichinelle, mais c'est surtout de la drogue. Les gens s'en servent pour supporter la vie. La suite des événements est entre les mains d'un nombre réduit de gens, pas de ceux qu'on voudrait voir régner.

Mais plus encore
Les océans sont massivement surpêchés. Une partie des zones de pêche importantes ont été pêchées jusqu'à épuisement. Au niveau de l'Eurysie, la pollution occasionnée par Carnavale et par la bataille navale au large du Kronos déstabilisent les écosystèmes marins au point que des écologistes de l'Aoume considèrent que la situation a atteint un point de non-retour dans la région. Les écosystèmes marins d'Eurysie de l'Ouest et d'Afarée du Nord-Ouest sont en train de péricliter dans une spirale inarrêtable. Les mesures d'urgence d'arrêt de la pêche et de reconstruction des écosystèmes ne seront jamais prises à temps, l'Ahak conjecture que la pêche mondiale devrait s'effondrer d'ici 2040. Et encore, l'on a pas parlé des problématiques d'eutrophisation, d'épuisement des sols, de fragmentation d'habitats à grande échelle. Les pénuries de nourriture, bois, énergie brute, métaux, habits, médicaments, devraient se multiplier dans un monde où les capacités logistiques se contractent, et les risques d'effondrement écosystémique régional, continental, voire intercontinental explosent à chaque mise à jour.

Trois ensembles de risques existentiels qui s'alimentent mutuellement sans même ajouter les risques de pandémie qui eux aussi se multiplient et les problèmes d'archivage et de conservation de la mémoire.

Franchement, Kaname, une fois seule, elle déprime, assez souvent. Elle prend les problèmes les uns les autres en tentant de ne pas être trop impassible, de montrer de l’enthousiasme avec les autres. Mais dans sa tête, elle garde toujours en tête la probabilité qu’elle ne tienne plus. Elle ne sait pas ce qu’elle ferait dans ce cas. Elle s’effondrerait, probablement. Pelagia Stavralli, une exfiltrée valhémienne, a jeté un œil aux dossiers, avant de laisser, elle ne se sentait pas de continuer, elle prend ce qu'elle peut gérer, et continue sur sa lancée. Il reviendra à Kaname de résumer. Yalyane, une arpenteuse des glaces qui lui sert de garde du corps, prends plus garde à Kaname qu'aux alentours : elle craint plus le désespoir que les assauts. Elles ont discuté un soir. Yalyane, elle n’a pas eu une vie facile. Elle a connu des maltraitances, des catastrophes, elle a vu son abri s'effondrer autour d'elle, a connu les sédentarisations, le travail en serre, la discrimination des nomades, elle s'avère alterner des phases de désespoir profond et d'enthousiasme excessif (à Hohhothaï, on l'aurait probablement diagnostiqué bipolaire), et un cancer ronge lentement son corps et la tuera un jour. Elle dit qu'elle imagine toujours le pire, pour réunir la force de le surmonter, pour que même dans ses pires moments, elle garde espoir.

Le monde est crépusculaire. L'ancien monde ne veut pas mourir et est en train de pourrir sur place. Le nouveau monde manquant d'espace peine à naitre. La nuit vient, le lendemain est incertain, et dans cette transition, l'on voit apparaître des signes, des symptômes, des signaux.

Kaname et Yalyane se sont prêté serment de se protéger l'une et l'autre. De prendre soin l'une de l'autre. Le bureau a compris que s'il était question d'affecter un garde du corps à Kaname, ça devait être Yalyane. Si l'une tient le coup, c'est grâce à l'autre.

Kaname Chang, représentante shuhe de Hohhothaï, issue d'une famille de techniciens Kah-Tano-Burujoise, lors d'une rencontre diplomatique. Elle travaille au bureau des liaisons du Liberalintern, et c'est retrouvé là après avoir été un visage de la lutte pour la vie privée à Hohhothaï

Dessin de Yalyane une tenue civile dans une rue de Héraklithènes

Pelagia Stavralli, commerçante de produits d'importation à Aphalstème exfiltrée à Hohhothaï pour ses liens avec des réseaux de logistique valhémiennes (elle était aussi poursuivi pour travail du sexe par ailleurs)

Kaname, Yalyane, et Pelagia sont assises à une table, dans un petit restaurant à moussaka dans un quartier populaire d'Héraklithènes. Elle prennent leur temps pour consulter le menu en discutant en Français. La lumière diffuse du crépuscule où les fenêtres ne donnent pas sur le soleil éclaire la pièce d'une lueur un peu sombre. Quelques personnes passent au-dehors, Yalyane observe une personne promenant son chien, se demandant si elle ne l'a pas déjà croisé un peu plus tôt (non, heureusement). Les trois personnes ont éteint leur téléphones, et portent le genre de tenues que trois amies de la diaspora kah-tanaise du coin pourraient porter (ce qui a demandé un peu de repérage). La quatrième personne arrive vingt minutes en retard, mais elle arrive.

Un Saint-Marquois qui répond au nom de Léo Truchon. Un pomawsuwin, un peu nerveux, Kaname l'invite à voix basse à se détendre.

"Vous pensez avoir été suivi ?"
"Je pense pas, bon, je ne sais pas, j'ai fait attention à vérifier ça, mes excuses pour le retard"
"Tu as plutôt bien fait. On sent que c'est pas une première"
"Oui, je resterais évasif sur le sujet"
"Ça nous convient"

Alors que les quatre personnes commandent leur moussaka, et que la nuit s'impose, Kaname observe Léo. Il regarde l'heure sur son téléphone. Les trois autres l'on laissé dans la chambre, mais lui n'y a pas pensé visiblement. Quand la serveuse repart passer la commande, Kaname pose son ordinateur sur la table et l'ouvre.

"Tu as amené ton téléphone avec toi ?" demande Kaname
"Euh, oui" bredouille Léo, en se rendant compte qu'il a peut-être fait une bourde
"Ça arrive, on sait qu'espion n'est pas ton métier, on a prévu ce cas de figure, tu veux bien me passer ton téléphone"
Léo est très hésitant, c'est Yalyane qui intervient :
"Tu devrais le lui passer. C'est l'une des meilleures pirates informatiques que je connaisse, si elle a voulu t'espionner, crois-moi qu'elle l'a déjà fait, je te conseille fortement de lui passer"
Après une dizaine de secondes, Léo accepte de passer le téléphone.
Kaname sort un câble quelle connecte à son ordinateur. Elle ouvre une invite de commande appelle un logiciel et lance une analyse. L'ordinateur mouline environ 30 secondes avant de donner un résultat positif.
Kaname déconnecte le téléphone, ouvre l’arrière, retire la batterie et la carte SIM, et éteint également son ordinateur et en retire également la batterie pour le glisser dans sa housse. Kaname note mentalement de nettoyer le PC plus tard.
"A quand remonte la dernière fois où tu n'as pas surveillé ton téléphone ?"
"Dans l'avion je pense j'ai dormi"
"Je pense que ça vient d’avant et que tu es la cible, mais ton téléphone a un logiciel espion d’installé, je le connais assez bien, c’est le logiciel Phoenix, qui en gros peut récupérer tes emails, tes conversations, tes SMS, ton historique de navigation Internet des métadonnées ta localisation présente et passée ou même les coordonnées de paiement par téléphone… Ou accéder au micro et à la caméra."
"Léo prend quelques secondes à digérer l'information puis commence à devenir plus nerveux"
"On peut vraiment faire ça demande t-il étonné"
"Ils exploitent plusieurs failles zero-day pour ça. C'est du piratage de haut niveau mais ça se fait. Des gens qui utilisent le logiciel Phoenix sont plutôt des multinationales ou des acteurs étatiques."
"Mais où j’ai bien pu prendre ça ?"
"Vraiment, n’importe où. C’est opéré à distance"
A ce moment-là, la serveuse revient à la table avec des moussaka fumantes, Kaname prend le téléphone à la main sous la table et fait mine d’envoyer un texto dessus. La serveuse retourne à la cuisine en chercher d’autres, puis une carafe d’eau.
"Je vous souhaite bonne appétit et espère que vous apprécierez votre repas"
"Je vous remercie, répond Pelagia"

Léo reprend
"Une question : comment vous avez détecté le logiciel espion"
"Souvent, l’antivirus suffit, mais pas pour ce genre d’opération. L’on peut essayer de trouver le logiciel Lydia, qui permet de débrider le téléphone pour faire fonctionner les logiciels espions, s’il est installé, et que ce n’est pas de vous, il y a probablement un logiciel espion, mais Phoenix, n’en a pas besoin. En fait, c’est un logiciel assez récent, la Boîte à Outils d’Analyse Informatique et Mobile (BOAIM), un truc fait au départ pour les journaux internationaux et qui permet de chercher des logiciels espions connus. Normalement il est disponible en libre-accès, ça fonctionne bien pour chercher des logiciels connus, mais si Phoenix avait été mise à jour récemment et pas BOAIM, on ne l'aurait, je pense, pas détecté, idem dans le cas d’un logiciel artisanal codé pour l'occasion. Normalement, une recherche par antivirus/Lydia/BOAIM devrait vous trouver la plupart des logiciels espions, si vous pensez à le vérifier !"
"Je vais en parler aux camarades, je pense qu’on va faire une petite mise à jour sur la sécurité informatique"
Alors que Léo récupère sa carte SIM, visage se rembrunit, Kaname empoche le téléphone et la batterie pour le temps de la rencontre. Il lance d’une voix plus assurée qu’avant :
"Bon, alors il est d’autant plus important que l’on en parle. Vous savez que Saint-Marquise comptait rejoindre le nouveau pacte antibochévique ?
Ils ne se sont pas retirés ?"
"Normalement, si, enfin officiellement. Mais c’est pas terminé. L’élection de Josh Caleb signifie possiblement de gros renforcements militaires. La Coopération Aleucienne des Nations inclut beaucoup d’états anticommunistes et clairement, la raison pour laquelle la CAN ne tient pas officiellement une position anticommuniste est l’Astérie. Et l’ONC va pousser pour ça. Pour la faire simple on est pas sûr et on n'a aucune preuve mais on a quand même un faisceau d'indices qui nous laisse à penser que l’Aleucie toute entière pourrait prochainement connaître une période de répression du socialisme à ce moment-là. Et vu leur finesse, ils feront pas la distinction entre libertaires et étatistes. Il se trouve qu’à Saint-Marquise les socialistes depuis quelques années sont en bonne partie autochtones, donc en si l’on se prend une répression politique, il y a des chances qu’elle revête un caractère ethnique. C’est le pire des scénarios, mais il faut l’envisager"
Le silence tombe sur la table quelques secondes. L’attaque de Port Hafen n’est pas si éloignée dans les mémoires, et l’idée qu’une vague de violences post-coloniales puisse tomber dans un pays, voire à l’échelle continentale apparaît tout à fait crédible.
"Globalement, les Chasseurs comme les trois-nations et un certain nombre de bandes sont d’accord que si l’on a l’Aleucie contre nous, on ne tiendra pas seuls. Même le soutien shuharr ne sera pas suffisant. On aura besoin du soutien du Liberalintern."
"Que l’on protège les socialistes saint-marquois ?"
"Que l’on forme une internationale, comme les capitalistes forment la leur"

Il fouille quelques secondes dans son sac de voyage et en sort un livre, Io, de Johannes Spockmeyer. Il le glisse sur la table.
"Les contacts sont dedans, page 320 se trouve en annotation le pseudo de la personne qui vous passera la clé de décryptage, j’imagine que vous saurez le contacter"
Kaname feuillette le livre jusqu'à la page 320 et regarde sur l’annotation en bas de page, ou au stylo, est écrit "PrinceofSuna". Elle hoche la tête, met le livre dans son sac à main.
"Pour le reste feuilletez le livre et repérez des mots soulignés en rouge. Les premières lettres indiquent le contact et ses coordonnées de manière codée. Il y a 21 contacts dans la liste. Un mot entouré indique une frontière entre deux contacts. Bonne lecture."
"Merci !"
"On voudrait commencer à former une internationale autochtone socialiste pan-aleucienne, et si un soutien shuharr nous servirait, on espère des actions de la part du Liberalintern pour contrer une potentielle vague de répression. On appréciera si vous abordez l’Aleucie dans vos prochaines rencontres au Liberalintern"
"C’est noté"
Kaname pose le téléphone et la batterie sur la table que Léo récupère, il entreprend brièvement de remettre la carte SIM avant de se raviser et d’empocher le téléphone.
Les 4 personnes continuent de discuter en français pendant une bonne vingtaine de minutes pour s’échanger des conseils touristiques sur la ville tout en mangeant leur moussaka, avant de payer l’addition et de sortir ensemble. Elles marchent quelques rues ensemble, et en se séparant, Léo lance une dernière phrase :
"Entre nous, je pense qu’on ne sauvera pas nos cultures, c’est trop tard pour ça, on se bat pour pas devenir tous les mêmes maintenant, c’est donc votre combat autant que le nôtre"
Il dit au-revoir d’un signe de la main que les trois femmes lui-retournent, puis se retourne et repart en marchant tranquillement dans la rue, il ne reste que les trois Kah-Tanaises. Kaname souffle un peu, jette un œil à Yalyane, et Pelagia, puis elles rentrent à l’hôtel.

Elles se posent sur leurs lits, Kaname entreprend de nettoyer son ordinateur pour s’assurer qu’aucun logiciel espion ou virus n’ai été chargé par le téléphone pendant que Yalyane se douche et que Pelagia allume la télé pour suivre les infos. Une chaîne d’infos en continu en grec enchaîne des images de chars et de bâtiments en ruines : le Prodnov. Pelagia essaie de voir l’information comme n’importe quel téléspectateur qui la recevrait, pas comme si elle avait accès à un rapport de l’Ahak qui avait justifié la mission de constituer des "zones autonomes et des lignes d'échanges résilientes".
Oh, les pauvres Prodnoviens, pris dans les ravages de la guerre, je suis triste pour eux !
On peut y faire quelque chose, on doit y faire quelque chose, ça nous concerne en tant qu’être humain qui avons plus de chance à des milliers de kilomètres de là. Je ne sais pas quoi, mais il y a bien un truc qu’on peut faire !
Kaname, elle n’est pas sûre de pouvoir dire tout ce qu’elle aura à dire demain, elle a déjà du mal à se représenter globalement tout. Plus elle y pense, et plus elle se dit qu’il faudrait quelques centaines de personnes pour mener cette discussion.

Le bus entame un tournant, Kaname attrape une barre juste avant de tomber. Un gars du coin a l’air de s’être aussi fait surprendre par le changement soudain de gravité et tombe à la reverse en jurant en grec. Le soleil d’hiver est bien monté dans le ciel, et le vent fait tourbillonner des volutes de poussière. Yalyane est un peu épuisée par les dizaines de stimulation de la grande ville d’Héraklithènes et la chaleur sèche méditerranéenne, qui même en hiver passe rarement en-dessous de 10 °C. Pelagia y est autrement plus accoutumée, et apprécie de retrouver un lieu à l’ambiance un tant soit peu familière. Les trois représentantes de l’équipe diplomatique descendent du bus pour être surprises par une bourrasque fraîche. Kaname regarde les indications qu’on lui avait donné pour trouver les voitures blanches prévues pour elles, pour voir que c’était le tarmac accueillant les jets privés, et donc, les délégations étrangères. Elle se présente à l’accueil pour demander l’accès au tarmac, l’agent d’accueil appelle quelqu’un, qui semble prendre le temps d’appeler quelqu’un d’autre pour répondre pour que finalement, un agent de sécurité arrive en proposant aux Shuhes de le suivre. Le groupe passe une multitude de couloirs et de salles, et un poste de sécurité, avant d’atteindre un hangar où sont rangés des jets privés. L’agent échange quelques phrases au talkie-walkie avant de tourner près d’un avion pour voir, garée, une voiture blanche avec, entre autres, la conductrice qui se tient là. Elle se présente : Natassa Pipoti, et bienvenue à Héraklithènes. Pelagia la remercie et présente le groupe, Yalyane lui remet son révolver et son lance-dard. Natassa invite les passagères à s’assoir, et c’est le début de la rencontre.

Depuis une voiture diplomatique, la perspective sur la ville change, ce n’est plus la ville dans laquelle vous logez, mais la ville que vous traversez. Les bâtiments, les rues, les gens, paraissent plus distants. C’est un monde isolé du reste. Kaname prend le livre de Spockmeyer, et commence à le feuilleter. A essayer de repérer les marques, et peut-être même d’en lire quelques paragraphes. Page 222, se trouvent deux photos. L’une montre une forêt vue par drone, avec des annotations, des lignes et des légendes, qui indiquent l’emplacement d’une future base militaire, avec en annotation des coordonnées qui la place au Sud de Saint-Marquise, sur la deuxième photo, une usine aéronautique vue du ciel, avec un dessin de la disposition de la ligne d’assemblage probable sous le toit, ce qui permettrait d’en deviner une productivité. Ce n’est pas précis, mais dans tous les cas, c’est beaucoup. Il semblerait que l’usine fonctionne entre 60 et 100 % de ses capacités en permanence depuis des mois et produit des avions de chasse. Derrière l’image, une annotation : pour tenir tête à quelle armée de l’air ? La Listonie ? Il n’y aurait pas besoin de tant. L’Alguarena peut-être ? Pourquoi ?

Le centre-ville dense laisse place à une grande zone ouverte : la Chambre des Députés. La voiture s’engage dans une avenue autour de la route, pleins de curieux regardent passer la délégation dans une humeur un peu festive, avant de s’arrêter devant l’imposant bâtiment blanc au milieu de jardins à l’eurysienne aux buissons soigneusement taillés et aux pelouses soigneusement coupées. Natassa invite les passagères à descendre du véhicule, alors qu’un garde ouvre la porte. L’odeur d’herbe coupée tranche radicalement avec la poussière de l’aéroport, le bâtiment est d’une propreté extrême et devant, claque les drapeaux de différents états du Liberalintern. Les trois représentantes font la pose une vingtaine de seconde pour donner son lot de spectacle au public pendant que le garde récupère les affaires dans la voiture qui part ensuite se garer. Pelagia et Yalyane n’arrivent pas nécessairement à se montrer très à l’aise à l’exercice, fournir le décorum qu’implique la fabrication d’une nation, ce n’est pas leur spécialité. Même Kaname, codeuse au départ, et qui a fait quelques années de prison à Hohhothaï, a un peu appris ce protocole à la dure. Bon, ça a l’air satisfaisant, mais elle imagine déjà les analystes rhétoriques se demander pourquoi Yalyane reste bras-ballant aux côtés de Kaname. Le garde les invite à le suivre, à travers un entrelac de couloirs jusqu’à une grande salle de réception. Alors que certains représentants sont déjà en train de parler. Il y a quelques nouvelles têtes, à qui les trois shuhes se présentent, et des visages plus connus, notamment le Professeur Severi, avec qui elles échangent sur comment s’est passé le voyage, et de s’enquérir de son goût pour les dystopies.

Les représentants arrivent, tout le monde s’installe, les repas sont servis, Leontzio prends la parole.
Leontzio, du haut de ses 57 ans, était le plus âgé des membres du Corps diplomatique confédéral. Il n'avait pas fallu longtemps pour qu'il soit désigné pour ouvrir une rencontre qui attendait depuis bien longtemps de se dérouler...
Malgré toutes ses années d'expérience dans le domaine diplomatique (dire que, quand il avait commencer, l'Union ne comptait que 11 des 13 régions autonomes actuelles), Leontzio était particulièrement nerveux : il n'avait jamais présidé (faute de meilleurs termes) une réunion aussi grandiose.

Mettant sa nervosité en arrière-plan, il entama, une fois tout le monde installé, de quoi boire et se restaurer sur la table installés, son discours.

Chers amis du Liberalintern, c'est avec un immense plaisir que l'Union et le Thessalèsse vous accueillent pour parler de sujets on ne peut plus importants. Je ne vais pas vous mentir, j'ai bien essayer de passer plusieurs heures à préparer un discours digne de nom, mais décidément quand on est pas doué pour quelque chose, on ne l'est pas.

Un léger rire parcouru l'assemblée.

Je vais donc aller droit au but. Il y a plusieurs sujets que nous aimerions évoquer aujourd'hui. Bon, l'Union n'est qu'un membre très récent, c'est pourquoi je vais être bref et laisser au plus vite la parole à ceux qui composent le Liberalintern depuis plus longtemps. Mais nous aimerions parler de l'OND et des problèmes posés par cette organisation, sans vouloir vexer nos amis zélandiens. De plus, il faut parler de la CAN. L'Union en est membre, mais malheureusement, avec le Lun, il semblerait bien que l'organisation pourrait vite tourner en une ONC-bis, anti-socialiste et pro-capitaliste, ce qui serait un désastre bien entendu. Mais je pensais, alors que plusieurs pays ont rejoint l'Internationale récemment, à savoir nous-mêmes, ou encore nos amis stranéens, maléviens et zélandiens, de mettre au point notre stratégie et surtout, comment allons-nous utiliser l'Internationale au service de la cause que nous servons normalement tous, à savoir péter le feu aux capitalistes... bon, pour le dire moins vulgairement, la révolution. Je laisse la parole a qui a soif de parler !
Le professeur Severi se caressa l'une des cornes de sa barbe, d'un air pensif.

- J'ignorai à dire vrai que l'OND ou la CAN posaient problème, mais sans doute monsieur Leontzio allez vous nous dire pourquoi ?

Si leur hôte avait fait le choix de la franchise pour donner le ton, Severi ne voyait pas de problèmes à en faire autant. Les Pharois pouvaient se montrer aussi coulant que le miel, et aussi dur que les récifs, selon les besoins. Ici, on avait visiblement choisi de parler vrai, et la vérité avait quelque chose de tranchant.

- Vous dites vouloir "péter le feu aux capitalistes", le Pharois et la Zélandia doivent-ils s'inquiéter monsieur Leontzio ? L'idée était amusante, et les mots sans reproches, la confusion était compréhensible mais puisque le professeur Severi parlait ici au nom de la Merirosvo, charge lui revenait d'en défendre les intérêts. La question du devenir du Liberalintern mérite toutefois d'être posée. Peut-être moins comme l'engin de propagation de la révolution mondiale, comme certain l'espèrent, mais au moins dans les moyens de ses ambitions originelles : notre défense mutuelle, et celle de toutes les expériences politiques libertaires et émancipatrices qui formuleront la demande de se placer sous notre protection.
Pour ce sommet de l'Internationale, la ville d'Héraklithènes (Thessalèsse, Astérie) avait été choisie. Premier sommet depuis leur adhésion au Liberalintern, les stranéens ont peu l'occasion de s'aventurer en Afarée. Il fallait dire que la chaleur combinée à l'air bien plus sec d'ici n'était pas déplaisant. Rien à voir avec la lourde humidité du Nazum. Envoyée par le Negara Strana, la petite délégation était menée par Vanesa Diwa, récemment nommée représentante de la République Socialiste du Negara Strana à l'Internationale Libertaire.

Comme bon nombre des diplomates stranéens, Vanesa était avant tout une universitaire. Formée à la Grande Ecole des Sciences Economiques et Juridiques (Pradipta), elle produit une remarquable thèse en droit international public. Rapidement, elle intègre le corps diplomatique stranéen. Bien que ses talents en la matière soient reconnus au sein de sa hiérarchie, il est toujours étonnant de savoir que Vanesa Diwa est diplomate. Personnage haut en couleurs, ne machant pas ses mots et arborant une coiffure toujours plus extravagante que la précédente, la stranéenne ne manque pas de surprendre. Cependant, c'était bien elle que Siska Widiastuti, actuelle Commissaire aux Affaires Etrangères stranéenne, avait conseillée à la Première Commissaire du Peuple.


Vanesa Diwa, représentante du Negara Strana au Liberalintern

Pendant que Leontzio s'appliqua difficilement à la tâche d'ouverture du Sommet, Vanesa Diwa remettait son rouge à lèvres, lesquelles semblaient briller moins que dans l'avion. Restant attentive à ce qu'il se passait autour d'elle, elle ferma soudainement son mirroir, jetta son chewing-gum à la fraise puis pris la parole à la suite du Professeur Severi.

Vanesa Diwa: "Cher monsieur Leontzio, je rejoins d'abord notre ami le Professeur Severi et j'aimerais en savoir plus sur ces organisations. Cependant, de ce que j'ai pu voir du dossier, l'OND a l'air de se militariser assez rapidement. De son côté, la CAN a l'air assez fidèle à l'esprit global de l'Aleucie, étant composé d'Etat croquant le capitalisme à pleines dents. Peut être avez vous plus d'informations depuis l'Astérie. [toujours autant maniérée, elle feuillette rapidement son dossier avant de reprendre]. En ce qui concerne le devenir de l'organisation, je ne pense pas que le Negara Strana est en mesure d'imposée sa vision des choses, vous le savez sûrement autant que moi. Néanmoins, par cette tribune qui m'est donnée, je me permets d'évoquer la position du Negara Strana vis-à-vis de l'Internationale. L'organisation doit permettre la diffusion du modèle libertaire et socialiste avant tout. La bataille que nous menons est idéologique et elle doit être, à terme, transmise au monde entier. Et cette remarque s'applique dans notre propre pays, le Negara Strana, qui fait des efforts pour évoluer davantage vers une forme de socialisme libertaire que nous avons toujours pas attends, bien que nous sommes loin de l'autoritarisme. Une fois ce cadre installé, nous pouvons réfléchir aux coopérations pouvant être développées entre nos Etats. Enfin la question de notre défense est effectivement importante. Il est de notre mission de déterminer les menaces pesant sur nous afin de nous y préparer au mieux."

Elle baisse le micro, puis se rassoit théâtralement, comme à son habitude.
Relisant ses notes et dossiers pendant que ses homologues parlaient, Lodewijk remercia intérieurement Leontzio pour sa prise de parole. C'est que notre diplomate Zélandien est surnommé "l'avocat du diable" par ses collègues et proches, et l'Astérien en face de lui venait de lui donner les munitions dont il avait besoin.

C'est ainsi qu'il prit la parole à la suite de l'ambassadrice Stranéenne.

Lodewijk Wijten a écrit :
Mesdames et messieurs, représentants de vos États respectifs. Tout d'abord merci à nos camarades-députés du Thessalèsse de nous laisser leur parlement pour cette petite "fête privée". Mais bref, passons aux choses sérieuses [il se recule dans son siège et réajuste ses lunettes de soleil]. Tout d'abord, concernant la CAN, je laisse à la discrétion de nos camarades Astériens le soin de nous en dire plus à propos de cette organisation, et en quoi elle serait une menace. Après tout, la CAN n'en est encore qu'à ses balbutiements.

Ensuite, concernant l'OND, pouvez-vous nous dire, Mr. Leontzio, en quoi pose-t-elle problème ? En quoi pose-t-elle problème, alors que pendant que l'Astérie restait bien planquée dans la paix de l'Aleucie, l'OND à contrario déployait tout les à moyens à sa disposition dans l'objectif de venir en aide aux citoyens Valkonïens, assiégés dans la ville de Kønstantinópolis lors de la guerre civile (toujours en cour) du Valkoïnenland [il se tourne ensuite vers la représentante Stranéenne]. Mme. Diwa, si cela peut répondre aux faits que vous avancez sur la militarisation de l'OND, sachez que ce n'est pas l'organisation en soi qui se militarise. Cette dernière n'est qu'un outil permettant à ses États membres de s'harmoniser sur plusieurs sujets sensibles de leur politique. Par contre, je mentirai en disant que lesdits États membres eux, ne se militarisent pas. Cependant, comment voulez-vous défendre vos citoyens, vos intérêts, la démocratie et surtout la liberté si vous ne vous donnez pas les moyens de vos ambitions ? [puis s'adressant à toute l'assistance] Concernant un ordre du jour pour ce sommet, je rejoins le Pr. Severi quant à parler du devenir du LiberalIntern. D'après mon confrère Pier Sondermann, qui avait représenté il y a un an de cela, la Fédération au sommet d'intégration de celle-ci à l'Alliance et qui avait été organisé au sein de la commune de Kotios, et comme vient de le dire le Pr. Severi, il me semble que l'Internationale Libertaire est avant tout une alliance défensive, et c'est là la vision qu'en a Zélandia. Le fait de vouloir diffuser nos idéaux au reste du monde nous fera indéniablement passer pour des Loduaries bis, ce qui serait incontestablement une mauvaise chose pour l'image de l'Alliance... En plus de dissiper loin nos budgets de défense de ce qui fait l'essence même de cette organisation.
Christophoros, l'un des cinq membres du corps diplomatiques, connaissait bien cette salle : c'est ici qu'il avait exercé en tant que député du Thessalèsse pendant dix ans. Il se leva sereinement en pensant que Leontzio ne lui avait pas facilité la tâche :

Ce que Leontzio voulait dire, au sujet de l'OND, est que nous manquons d'informations. Nous considérons pour la plupart l'ONC comme une ennemie au libertarisme, ou du moins ses membres les plus influents, et il est vrai que chez nous l'OND se dessine de plus en plus comme une image de celle-ci. Il est fort possible que nous nous trompions... Cela dit, notre camarade stranéenne a entièrement raison : beaucoup d'états de l'OND se militarise... Bon, ce n'est pas un problème en soi, chacun chez soi, mais Leontzio voulait juste dire qu'il s'agit de surveiller cela. Mais je pense que les Zélandiens sauront dissiper nos doutes.

Pour la CAN, malgré sa récente formation, son fort ressentiment envers le socialisme a de quoi nous faire peur. Nous sommes à vrai le seul état, avec le Lun, à être véritablement de gauche dans cette institution. Mais malheureusement, des états comme l'Empire du Nord, le Miridian, et encore pire, le Lofoten, qui sont à l'heure d'aujourd'hui plus influents que l'Union, pourrait bien faire renverser définitivement l'Aleucie dans le joug capitaliste... C'est pourquoi, Mr. Severi, cette expansion capitaliste a de quoi faire peur. En Astérie, nous sommes encore assez faibles et malheureusement assez isolés, et nous avons peur de plus que cette forte présence d'états fondamentalement anti-socialiste puisse être irrémédiable... C'est d'ailleurs la seule raison pour avoir adhérer à la CAN, essayer de maintenir un semblant d'équilibre, bien faible, entre nous et eux...

Et nous serions bien déçus si l'Internationale ne se réduisait plus qu'à une alliance défensive. Dans l'imaginaire collectif, nous sommes vraiment les vecteurs du libertarisme et du socialisme... Évidement, je ne parle pas d'intervenir tous les quatre matins comme Lorenzo, juste que nous pourrions fortement être capables de pencher un peu plus sur le balance mondiale. L'ONC ne s'en prive pas que sache ?
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Après un temps de réflexion, ce fut au tour de la citoyenne Meredith, ici pour représenter la parole de l'Union, de prendre la parole. Elle goûtait assez peu aux charmes méridionaux de Thessalèsse qui s'accordait assez mal à son air vaguement austère. Quand elle parla, pourtant, ce fut d'un ton léger, agréable.

"L'OND représente un type d'impérialisme différent et plus subtile que celui de l'ONC, n'en doutons pas une seule seconde." Elle lança un regard appuyé aux représentants Zélandiens avant de reprendre d'un ton égal. "Nous avons au sein de ce groupement un pays membre de l'ONC, ce qui ne nous a jamais empêché de vertement critiquer cette organisation dont la principale œuvre tangible à l'internationale a été l'organisation de guerres, d'invasions et de coups, sans que cela ne lui retire tout l'attrait de ses accords pour ses pays plus modérés. Tout est chez nous question de légitimité et ce qui nous dérange dans l’action de l’ONC s’est sa tendance à imposer des régimes lui étant soumis dans des régions fragiles, et sa conception strictement néolibérale du monde provoquant de fait une politique étrangère vouée à l’assujettissement des hommes et femmes des régions concernées.

Ce qui nous dérange, aussi, c’est la ligne radicalement anti-démocratique de certaines de ses puissances, telles que l’Alguarena, et la droitisation progressive du débat public dans ses pays les plus influents, tels que Novigrad – depuis déclassée économiquement – ou le Lofoten, tout deux passés aux mains de mouvements néo-fascistes.

L’OND, pour en revenir au sujet initial, ne représente pas un risque militaire. Pas encore, si j’ose dire. Le Grand Kah, pour sa part, a d’excellentes relations avec plusieurs des nations moteurs de cette organisations et nous pensons que la démocratie représentative de ces pays, si elle est tout à fait imparfaite, oligarchique, et propre aux dérives que nous détestons tant, n’en font pas des ennemis naturels de notre organisation. L’OND essaye au contraire de se dresser en troisième pôle, ce qui veut aussi dire que nous devons nous habituer à voir ses membres intervenir dans de plus en plus de situation ne les concernant pas, et geindre à l’occasion lorsque cela n’est pas possible. Rappelons à cette fin que certains passages des traités de l’organisation et éléments de la loi de certains de ses pays membre rend ainsi possible des interventions « humanitaires » militarisées dans des pays en représentant le besoin. Plus prosaïquement cette organisation essaye de prendre la priorité du LiberalIntern concernant ses relations diplomatiques avec les pays non-alignés, et tente aussi d’imposer un ordre légal néolibéral au monde par la création d’institutions légales dont la vocation finale est de s’imposer auprès des pays non-membres de l’organisation.

Que l’on considère cette politique utile et exploitable ou problématique, nous devons reconnaître qu’elle change l’équilibre des forces, ce pourquoi nous devons effectivement discuter de la raison d’être de cette Internationale.

Si elle a été créée comme un organisme de défense face à une ONC brutale et directe, elle doit maintenant permettre, plus que la préservation, le renforcement de nos modèles alternatifs. La vérité c’est que la normalisation néolibérale voulut par l’ONC comme l’OND, selon des modalités différentes et plus ou moins antagonistes, menacent les nations communalistes, anarchistes, libertaires, tribales, claniques, confédérales en proposant un carcan mondial inadapté à leurs modalités de gouvernances. Indépendamment de notre sympathie pour l'OND, qui forme des partenaires utiles avec lesquels il est tout à fait possible de coopérer, nous devons reconnaître que nous avançons dans des directions proches, mais différentes, nous imposant effectivement de réfléchir aux modalités exactes de coopérations avec cette organisation.

Nous considérons pour notre part utile d’organiser une plus grande coopération de nos mouvements autours d’un programme non-contraignant d’action conjoindre.

Premièrement : nous considérons nécessaire de permettre la création d’une coopération universitaire, scientifique et culturelle à l’échelle de l’organisation, coopération visant à assurer le transfert et la création de connaissances et d’œuvres au sein du pôle libertaire.

Secondement : nous considérons nécessaire de renforcer nos liens économiques dans le but de permettre un renforcement de nos industries respectives et la solidité de notre modèle face à un marché qui risque de s’organiser, lui aussi, selon des modalités nous étant profondément antagonistes. Je propose ainsi la création d’un prémisse d’organisation de planification participative d’une part de l’économie visant à analyser les besoins des différents pays pour permettre aux autres pays membres d’y répondre selon des modalités plus favorables que celles du marché financier international.

Troisièmement : nous considérons utiles d’organiser, enfin, la coordination de nos industries militaires autour d’un certain nombre de questions : extension de la normalisation des types de munitions et procédures militaires utilisées, extension de la normalisation des pièces détachées et mécaniques utilisées, déploiement d’officiers formateurs au sein des armées de membres de l’Internationale ne disposant pas d’expérience militaire récente, grands exercices communs et démonstrations de force.

Quatrièmement : remettre l’accent sur la politique et les partis. Nous devons analyser la présence de partis d’extrême gauche ou d’aspiration libertaire à travers de monde et organiser leur financement, la formation de leurs cadres, et déterminer les pays au sein desquels une victoire de ces partis peut être rendue possible par un mécanisme de soutien plus avancé.

Cinquièmement : remettre l’accent sur les pays non-alignés en organisant conjointement d’importants efforts diplomatiques auprès des pays non alignés voisins à nos puissances respectives visant à tisser des liens diplomatiques solides pouvant à terme amener à une amélioration de l’image de l’Internationale et de l’ensemble de ses membres.

Sixièmement et dernièrement : nous mettre d’accord sur un dispositif permettant la pure et simple libre circulation des citoyens de pays membre de l’organisation ou membre de partis ou mouvements ayant rejoint l’organisation au sein de ses frontières, afin de souder un peu plus nos peuples.

Ce programme, que nous savons très ambitieux et ample, doit nous permettre de donner à l’Internationale le dynamisme dont elle a besoin en ces temps de changement rapide de l'ordre mondial.
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