Les discussions avaient duré longtemps au sein du commissariat aux affaires étrangères, pour savoir s’il fallait ou non accueillir la délégation de l’Esmea. Pas que l’on ne souhaitait pas recevoir celles et ceux qui se présentaient déjà comme d’importants partenaires Afaréens : ce continent avait toute l’appréciation de l’Union et ses régimes les moins réactionnaires apparaissaient tous sous une lumière particulièrement positive aux yeux des modérés de la confédération. Seulement il était toujours difficile d’accueillir des monarques étrangers à Axis Mundis, ville rebaptisée dans le sang de nobles et vouée à la fin de leur « race ». On pouvait évidemment recevoir l’Esmea dans une autre ville que le centre des administrations kah-tanaise. Dans Lac-Rouge, qui entourait la commune spéciale, encore que c’eut été revenir au même, ou ailleurs sur le territoire. On envisagea aussi brièvement de déplacer la rencontre pour la faire directement sur le territoire du Royaume Stargray Islamique. Symboliquement certains tenaient cependant à ce que l’ensemble se fasse sur un territoire communal.
La solution vint finalement du commissariat aux affaires exclaves, lequel proposa que l’on organise cette rencontre en Afarée, oui, mais au Grand Kah. Et tous durent admettre que faire cela à Gokiary était une excellente idée.
Sur le plan institutionnel cela ne changeait rien – le Grand Kah se targuait d’être parfaitement horizontal – et quelques explications suffiraient à convaincre les invités qu’ils n’étaient pas tant privés d’accès à la capitale kah-tanaise que partout en son sein sur le territoire de l’Union. De plus, c’était environ sept mille kilomètres de moins à parcourir pour eux, ce qui arrangeait tout le monde.
L’avion esmeain se posa sur la piste de l’aéroport international de la ville après un bref survol ayant révélé à ses passagers l’aspect proprement vernaculaire de l’architecture locale. Ce qui avait été un port libre avait protégé ses spécificités – syncrétisme emprunt des différentes cultures locales – du colonialisme et du capitalisme. La ville semblait entièrement conçue autour de places et d’esplanades entourant différents monuments. Historiquement, ces lieux servaient à accueillir des marchés éphémères, mais aussi des tentes appartenant à différents clans nomades ou guildes marchandes le louant à la municipalité. Cette division en secteur participait aussi à la richesse architecturale des lieux, chaque zone ayant subit l’influence de ses propriétaires au fils des siècles. Le communalisme avait certes aplani les choses, mais les droits traditionnels n’avaient pas tant été abolis que progressivement réformés. La ville restait marquée par son histoire.
Conformément aux protocoles en vigueur, l’avion fut accueilli par un groupe de gardes d’honneur en uniforme traditionnel de la commune de Gokiary et deux représentants de l’Union : la citoyenne Actée Iccauhtli, asiatique sévère à la pointe de l'élégance technocratique, et la citoyenne Asong Sopo, quarantenaire afaréenne au visage couvert de piercings traditionnels qui représentait la commune. Après les salutations d’usage avec honneurs militaires, un orchestre joua l’hymne de l’Esmea, durant lequel un navire militaire situé au large de la ville tira 21 coups de canons, puis du Grand Kah. Les formalités diplomatiques effectuées, les membres des deux délégations embarquèrent dans des berlines électriques et s’engagèrent à travers les routes droites qui reliaient les grandes places de la ville entre elles. Actée Iccauhtli, enfin, se permit un sourire.
– J’espère que tout est à votre goût.
Sa voisine acquiesça.
– Gokiary n’a pas reçue de délégation de cette importance depuis longtemps ! Mais c'est un vrai honneur, évidemment.
La solution vint finalement du commissariat aux affaires exclaves, lequel proposa que l’on organise cette rencontre en Afarée, oui, mais au Grand Kah. Et tous durent admettre que faire cela à Gokiary était une excellente idée.
Sur le plan institutionnel cela ne changeait rien – le Grand Kah se targuait d’être parfaitement horizontal – et quelques explications suffiraient à convaincre les invités qu’ils n’étaient pas tant privés d’accès à la capitale kah-tanaise que partout en son sein sur le territoire de l’Union. De plus, c’était environ sept mille kilomètres de moins à parcourir pour eux, ce qui arrangeait tout le monde.
L’avion esmeain se posa sur la piste de l’aéroport international de la ville après un bref survol ayant révélé à ses passagers l’aspect proprement vernaculaire de l’architecture locale. Ce qui avait été un port libre avait protégé ses spécificités – syncrétisme emprunt des différentes cultures locales – du colonialisme et du capitalisme. La ville semblait entièrement conçue autour de places et d’esplanades entourant différents monuments. Historiquement, ces lieux servaient à accueillir des marchés éphémères, mais aussi des tentes appartenant à différents clans nomades ou guildes marchandes le louant à la municipalité. Cette division en secteur participait aussi à la richesse architecturale des lieux, chaque zone ayant subit l’influence de ses propriétaires au fils des siècles. Le communalisme avait certes aplani les choses, mais les droits traditionnels n’avaient pas tant été abolis que progressivement réformés. La ville restait marquée par son histoire.
Conformément aux protocoles en vigueur, l’avion fut accueilli par un groupe de gardes d’honneur en uniforme traditionnel de la commune de Gokiary et deux représentants de l’Union : la citoyenne Actée Iccauhtli, asiatique sévère à la pointe de l'élégance technocratique, et la citoyenne Asong Sopo, quarantenaire afaréenne au visage couvert de piercings traditionnels qui représentait la commune. Après les salutations d’usage avec honneurs militaires, un orchestre joua l’hymne de l’Esmea, durant lequel un navire militaire situé au large de la ville tira 21 coups de canons, puis du Grand Kah. Les formalités diplomatiques effectuées, les membres des deux délégations embarquèrent dans des berlines électriques et s’engagèrent à travers les routes droites qui reliaient les grandes places de la ville entre elles. Actée Iccauhtli, enfin, se permit un sourire.
– J’espère que tout est à votre goût.
Sa voisine acquiesça.
– Gokiary n’a pas reçue de délégation de cette importance depuis longtemps ! Mais c'est un vrai honneur, évidemment.