Posté le : 04 mars 2024 à 11:21:53
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Chapitre 1 :
Guan était rentré par la petite porte en bambou de son potager afin de s’y réfugier. L’endroit appartenait à son père, un petit paysan travaillant dans les rizières de la ville voisine en journée. Le soir, quand il rentrait, il aimait passer du temps avec son fils dans ce potager, maintenant stérile, pour y cultiver des légumes en complément du riz. Sa mère disposait d’un talent inné pour la cuisine, elle se faisait donc une joie de préparer le fruit des récoltes. Dans leur situation précaire, la mère ne gâchait jamais la nourriture et la réutilisait d’une façon ou d’une autre dans un de ses fameux plats. C’est d’ailleurs ça qui l’a rendue célèbre dans tout le village de Ban-Knom, sa réputation d’excellente cuisinière suscitait l’attention et elle le savait. Le père, lui, se faisait plus discret dans sa manière de vivre. Il était très timide et ne parlait à personne d’autre que sa famille. Guan était son opposé au niveau moral, mais il lui ressemblait beaucoup physiquement. Il avait des yeux verts en amande avec une lueur espiègle dans l’iris qui semblait s’allumer à chaque fois qu’il passait devant le magasin de sucreries. Il était habillé de haillons et il ne portait jamais de chaussures. Cependant, malgré cette apparence de gueux en prime abord, il avait au poignet une montre dont la trotteuse ne bougeait plus d’une seconde. Guan la garde car il soutient sa propre théorie : une montre fait homme d’affaire, j’aurais peut être l’air moins pauvre avec. Il volait des fruits dans le jardin voisin et s’il se faisait prendre, il montrait sa montre d’un air fier en espérant que son voisin soit impressionné. Bien sûr, n’a jamais fonctionné et Guan s’en est toujours tiré avec une fessée. Bien sûr, une simple fessée ne lui a jamais fait peur, pas comme le séminaire d’ascèse bouddhiste à 15 ans. « Passer une semaine sans manger ? Je survivrais jamais ! » se disait-il à chaque fois qu’on l’évoquait en famille, pendant le repas en général. Il s’agissait là d’une vie de garçon Khmon banale, il séchait les cours de la vieille dame qui faisait office de maîtresse pour les enfants du village.
C’est d’ailleurs lors d’un jour d’école buissonnière que les événements décris précédemment prirent lieu. Il faisait son tour habituel du quartier, passant par chez la couturière et l’épicerie, jusqu’au magasin de sucreries. Il montra de son pouce le magasin à ses amis avec un air de défi et il y entra. Le vieux Bei, le vendeur, était un vieil homme plié sur lui-même à cause de dizaines d’années d’entretien des rizières. Il connaissait bien le père de Guan, l’ayant pris sous son aile pour lui apprendre le dur métier d’agriculteur. Après s’être tué à la tâche pendant des années, il ouvra un magasin de friandises Khmones, comme les bonbons au lait Miklita ou encore des bonbons à la mangue ou à la noix de coco, afin de faire plaisir aux enfants de son quartier. Hélas, son avis sur les enfants changea du tout au tout quand il rencontra le fils de son ancien élève. Guan restait pendant des heures avec ses amis dans la boutique miteuse, jouant avec des animaux en bois rudimentaires. Ils n’hésitaient pas à se servir parmi les douceurs, oubliant même de payer certaines fois. Le vieux Bei devenait de plus en plus vigilant, jusqu’à ce jour fatidique où Guan s’est fait prendre la main dans le sac. Ce jour qui lui sera sûrement fatal.