Envoie d'un émissaire Sylvoi en Antegrad pour la création d'une futur ambassade

Robert Lemarchand arriva sans encombre à Montegrad. C'était un jeune, même très jeune représentant selon les standards de Sylva. Il avait tout juste trente ans, et c'était sa première occasion d'assumer une véritable mission diplomatique. Son inexpérience était conséquemment prononcé, visible notamment dans de légers tics sur son visage quand il s'exprimait. C'est sans surprise que son ton était outrancièrement formel, non pas dans le sens d'une communication officielle, mais plutôt d'une manière mécanique, froide, qui ne s'adapte pas bien à l'environnement.

-Bonjour, je vous exprime au nom de Sylva toute notre reconnaissance pour cette invitation, témoignant de votre bonne volonté à entreprendre des rapprochements. Les échanges économiques et culturels sont évidemment bienvenus, tandis que l'ouverture d'ambassade serait justifiée même sans. Sylva est en effet encline à élargir son réseau diplomatique, formalisé avec ce genre de dispositifs.
Je me dois toutefois d'exprimer la surprise du Duché : est-ce qu'il y a une raison particulière à ce que Antegrad ne se rapproche d'un pays outre-océan, ou s'agit-il seulement d'une évidence, l'expression du dialogue comme raison à part entière pour mettre en place de telles infrastructures ?
Par ailleurs, vous évoquez des coopérations militaires. Le Duché de Sylva est très scrupuleux sur la question et estime que nos relations sont bien trop précoces pour entretenir de tels exercices. Cela nécessite proximité, confiance, et intérêts convergents, aucun de ces trois éléments n'étant mis en évidence à l'heure actuelle.

Robert resta silencieux de longues secondes, avant de reprendre subitement. D'un geste vif, il tira de sa mallette un dossier.

-Fort intéressant. Justement, j'ai eu l'occasion de me renseigner sur votre beau pays durant le voyage, et les intérêts pour Sylva d'approuver ces échanges sont en réalité plutôt nombreux.

Il feuilleta le dossier tout en parlant.

-Vous disposez d'un potentiel certain, mais peut-être pas encore le savoir-faire pour l'exploiter ? (Il referma d'un geste sec le dossier.) Nous pourrions vous aider à cette fin. Sylva est dans une politique d'investissements étrangers qui se concilient très bien avec cette approche.
Le premier point que j'ai pu voir concerne le secteur primaire en Antegrad : hydrocarbures, uranium, agriculture, minerais divers, il s'agit là de nombreuses ressources naturelles fort intéressantes mais parfois difficiles à valoriser. L'uranium notamment est un élément notable. Brute, sa valeur est limitée, mais une fois enrichi à un degré suffisant pour l'industrie nucléaire, sa valeur monte rapidement... à condition de maitriser les étapes chimiques et le processus de séparation dans les centrifugeuses. Est à portée de vos ingénieurs ? Sylva dispose déjà d'une solide institution dans le domaine, en pleine prise de vitesse et là, je peux déjà vous proposer quelques choses : nous pourrions investir dans votre industrie nucléaire en apportant des experts qualifiés et du matériel de pointe inaccessible pour le moment ici, de façon à accompagner les anteriens dans cette industrie. En contrepartie, nous profiterons des bénéfices à hauteur de nos investissements et auront un droit de décision sur l'usage de nos capitaux mis à disposition.

Il réajusta ses lunettes tout en poursuivant.

-Par ailleurs et en vue des besoins grandissant d'uranium en Sylva, nous avons même une proposition très intéressante à vous faire. Nous pourrions vous payer une licence d'exclusivité, contre laquelle Antegrad s'engagerait à vendre son uranium uniquement à Sylva. Nous comptons déjà nous fournir en énormes quantités auprès de vous, recevoir un supplément avec cet accord serait d'un intérêt notable pour vous. Imaginez-vous ? Recevoir des machines et experts pour développer le secteur, vous faire acheter en quantité de l'uranium, et en plus être payé pour ?
Bien évidemment, cela est dans l'intérêt de Sylva : celui de répondre à ses besoins en combustible nucléaire.

Il continua tout en ouvrant à nouveau son dossier, consultant les notes suivantes.

-Sylva aurait la même approche sur les questions des hydrocarbures et métaux, notamment platinoïdes. Notre industrie en demande en quantité, leur valeur est limitée à l'état brut, et nous pourrions investir en nature chez vous pour en permettre le raffinage et une augmentation de vos marges. Contre avantages, nous serions très disposés à vous assister dans ces étapes de valorisations, qui font du simple baril de pétrole brut un composite polymère à haute valeur ajouté. Ce serait dans l'intérêt du développement économique et industriel du pays. S'il y a d'autres secteurs dans lesquels vous souhaiteriez collaborer avec Sylva, nous sommes après tout solidement dotés d'organismes académiques et techniques pour constituer une expertise remarquable, nous serons à l'écoute et prêt à nous investir.

Tournant une page, il afficha un sourire en coin et continua.

-Un autre point, concernant les échanges culturels. Sylva serait ravie d'y contribuer de deux façons : en ouvrant des lignes touristiques entre Antegrad et Sylva, et en permettant la libre diffusion d'œuvres. Films, livres, tout doit pouvoir être partager entre nos pays. Il n'y a pas de raisons que les classiques sylvois restent en Sylva et réciproquement. Hmm... question délicate, excusez l'absence de pincettes que je prends pour la poser, mais quelle est la liberté médiatique en Antegrad ? Nous accordons en Sylva beaucoup d'importance à ce qu'un large panel de sujets puissent être traités dans nos œuvres. Est-ce qu'il y a des tabous ici sur la question ? Cela serait honnêtement dommageable dans les deux sens, bridant d'une part les travaux sylvois dans votre pays, et faisant réciproquement une mauvaise publicité en Sylva de votre juridiction et, hélas, de vos œuvres. Je ne parles pas d'autoriser la diffusion d'appels à la violence bien sûr, mais sur la religion, société, politique, qu'en est il ?
D'ailleurs, il est fort probable que les artistes sylvois s'intéressent à la culture même d'Antegrad. Elle est particulièrement inspirante et permettrait la création d'œuvres remarquables et uniques, conciliant votre identité à la vision artistique sylvoise. Ce sera intéressant, les studios et maisons d'éditions devraient avoir l'autorisation d'opérer sur ce point.

Il referma son dossier et croisa ses deux mains derrière lui, droit comme un I, avec toujours une éloquence parfaitement maitrisée, avec un rythme dynamique et un discours clair.

-Nous avons également entendu parler du programme spatial, Nova 17. C'est... captivant. Il s'agit d'une initiative collective de ce que j'ai compris ? Je veux dire, elle n'a pas l'air financée par l'état, mais uniquement des contributeurs bénévoles. L'Antegrad a déjà des acquis dans le domaine ? Faire un missile en reprenant un feu d'artifice est facile... mais ne répond pas aux objectifs d'une fusée. C'est une maitrise complexe et longue à acquérir... maitrise que Sylva acquiert à bon rythme en collaboration avec plusieurs partenaires : le Royaume de Teyla, la République du Miridian et l'Empire du Nord. Nous travaillons activement à développer conjointement des composants, satellites, lanceurs, et peut-être même à l'avenir des sondes, rovers et modules orbitaux habités.
Nous serions ravis d'élargir, de mettre à profit nos résultats. Je ne parle pas d'intégrer Antegrad dans cette collaboration, non. Une candidature ne tient pas que du choix de Sylva, et nécessite un certain travail en amont pour établir un niveau de confiance suffisant. Or je peux justement vous proposer le nécessaire pour effectuer les premiers pas pour obtenir cette confiance.
Voyez vous, nous pourrions contribuer au projet Nova 17, non pas financièrement, mais matériellement : propulsion, système de commandes de vol, senseurs, charge utile, voir même fusée intégrale. Notre collaboration pourrait apporter tout le nécessaire au projet.
Mais évidemment, ce serait un processus couteux pour nous, et nos chers ingénieurs ne peuvent vivre d'eau fraiche et d'amour uniquement. Mais aucune inquiétude ! Nova 17 aura forcément des retombés économiques, que ce soit via des commandes de groupes privés d'Antegrad pour mettre en orbite des éléments, ou par l'intermédiaire du capital culturel et des œuvres qui en seront inspirées. Dès lors, il suffirait de garantir notre rémunération via ses points et voila nous pourrions financer le nécessaire pour aboutir vos objectifs.

Il se racla la gorge. Cela faisait un moment qu'il parlait, et il se dépêchait de terminer pour laisser son laconique interlocuteur s'exprimer.

-Pour en revenir aux coopérations militaires. La question ne sera pas complètement exclue par Sylva, notamment quand se profile en Afarée la menace croissante de l'instabilité face à la prolifération du terrorisme. Coopération de lutte contre les rebelles, échanges de matériels, pactes de défense mutuelle, formation de troupes à diverses doctrines de combat, il y a une large gamme de domaines dans lesquels nous pourrions collaborer.
Mais comme dit, on ne s'engage pas sur un sujet aussi sensible sans aucun scrupule, pas en Sylva. Mais, soyez rassurés, les propositions initiales que j'ai opérées constituent déjà des gages de confiance, surtout s'ils venaient à assurer nos intérêts (petit rire sincère). Vous vous doutez bien que si les terroristes s'attaquaient à un centre d'enrichissement d'uranium dans lequel des acteurs sylvois avaient investi, nous serions particulièrement enclins à vous assister pour assurer votre intégrité, et celle de nos intérêts.

Robert afficha un sourire radieux, répondant point par point :

-Bien, nous sommes d'accords pour l'uranium. Nous formaliserons tout cela dans un accord officiel. Pour ce qui est de la certaine discrétion que vous tenez sur le sujet, c'est normal et nous respecterons cette demande.
Concernant les infrastructures que vous évoquez pour les hydrocarbures et métaux, nous pouvons toujours étudier le développement de secteurs plus avancés. Raffiner du pétrole et du métal est déjà une bonne avancée, mais quid de la production d'alliages et polymères complexes ? Le kevlar, aramide ou fibre de carbone sont des matériaux de pointe à haute valeur ajoutée, peut-être reste-t-il un marché pour les acteurs sylvois sur ce point. Mais si malgré tout, vous ne tenez pas à ce que nous soyons impliqués dans ce domaine pour le moment, nous respecterons cette décision.
Côté platinoïdes, je peux vous proposer une offre qui correspondrait à vos intérêts : si Antegrad ne souhaite pas s'investir pour le moment ni assumer la moindre responsabilité dans ce domaine, elle pourrait simplement louer les droits d'exploitation des gisements miniers. Ainsi, les sociétés sylvoises paieront au gouvernement ce droit, puis assureront elles même la prospection, extraction et raffinage. Votre pays n'aura pas à débourser quoique ce soit, au contraire, il sera payé pour que nous, sylvois, nous occupions du travail.

Il n'aborda pas immédiatement la suite des sujets, pour éviter de maintenir une discussion trop dispersée, et se concentrer sur chaque point l'un après l'autre.

-Bien, c'est parfait alors, et oui, l'uranium est un métal. Concernant la diffusion d'œuvres artistiques, il n'y a pas grand-chose à ajouter. Elles seront autorisées à circuler, et des réalisateurs sylvois s'intéresseront probablement à faire des films et histoires en Antegrad, des studios viendront peut-être s'intéresser. Je reviendrais après sur le projet spatial pour revenir sur la question du terrorisme. Est-ce que l'on a déjà des informations précises ?
En l'état, le Duché ne pourra fournir une aide adaptée que s'il a conscience des effectifs, matériel et objectifs de ces terroristes. Nous pouvons d'ailleurs à cette fin proposer au Moron une mise en relation avec nos services de renseignement pour enquêter et étudier leur présence.

-Bien, vous me voyez rassuré. Toutefois si les intérêts sylvois ne seront pas directement menacés par cette menace, nous estimons qu'elle ne doit pas être négligée. Si le Duché n'est pas prêt à s'engager dans une coopération militaire approfondie, nous pourrions malgré tout faire parvenir des troupes en Antegrad pour former les votres à des méthodes de contre insurrection. Bien évidemment, nos engagements n'iront pas plus loin jusqu'à nouvel ordre, il s'agit simplement de fournir à votre nation les compétences requises face aux menaces planant en Afarée.
Si nous n'avons rien à ajouter sur ce plan-là, nous pourrons nous recentrer sur la question des échanges culturels.

-Bien, donc vous ne serez pas opposé à l'envoi de formateurs sylvois en Antegrad à l'avenir ? Je demande juste pour transmettre votre réponse au Duché une fois terminée cette rencontre.
Pour ce qui est des échanges culturels, c'est parfait. Nous pourrons nous accorder sur les formalités d'échanges, la coopération pour les services de traduction (et doublage pour tout ce qui concerne les films) et de distribution. Il faudra également établir les protocoles pour les artistes d'un pays souhaitant travailler auprès de l'autre. Nombre de compositeurs, écrivains, dessinateurs et réalisateurs sylvois voudront surement faire de la musique, tourner des films, écrire des romans ou réaliser des bandes dessinées en coopération avec des artistes d'Antegrad, en récupérant des codes et références culturelles locales.
Cela permettra la réalisation d'une large gamme d'œuvres artistiques ou de divertissement, distribuée en Antegrad pour contenter les citoyens.

-Bien. Concernant le projet spatial, je n'ai pas plus à ajouter. Vous serez libre de faire appel à la coopération entre Sylva, l'Empire du Nord, Teyla et le Miridian, pour vous fournir des composants, voir des lanceurs entiers si nécessaire. Mais en vue de vos avancées et ambitions, je vous laisse l'initiative de demander.
Bon, concernant l'ouverture de l'ambassade, elle est également approuvée. Pour résumer nos accords, nous pouvons mettre en place le traité suivant :


-Je vous laisse signer ce document, à moins que vous ne souhaitiez ajouter ou rectifier certains points.