L'Histoire avec un grand H dispose d'un sens de l'humour très particulier alliant régulièrement cynisme et ironie et permettant à des anomalies d'advenir régulièrement, d'authentiques ovnis, des êtres et des groupements qui s'élèvent ou chutent contre toute attentes, de grands conquérants établissant des empires millénaires s'effondrant contre un nain rusé, des royaumes en ruines sauvés in extremis par un concours de circonstances arrivant à relever la barre afin d'atteindre des sommets de prospérité insoupçonnés. Au coeur même de la Leucytalée, sur les côtes battus par les vents arides afaréens, lointaine colonie hellène devenue métropole de Rhême la Glorieuse, tombée en décrépitude face à des ambitions qu'elle ne pouvait souvenir et ressuscité miraculeusement suite à ce que certains considéreraient un pacte avec le diable. Mais qu'importe que le Malin ait bien des visages, les résultats étaient là, et contre toute attente, la Cité avait survécu contre vents et marées, contre usurpateurs et fourbes serpents complotant sa chute. Fière, prospère et puissante à nouveau en cette aube de vingt et unième siècle, Lykaron était tout simplement, elle existait et ce n'en déplaise à Théodisine.
La fin de l'époque moderne n'avait pas été clémente, mais la Sérénissime Fortuna auquel le destin de la ville avait été lié avait tenue ses promesses, protégés de ses ennemis, intégrée à l'un des plus vastes réseau commercial ayant jamais existé, profitant allègrement des investissements et flux humain allant et venant ce ne fut pourtant que vers les années 50 du siècle dernier que l'apogée fut atteinte, les crises au sommet dans la cité qui sombre permirent d'arracher et de reprendre une bonne part des concessions faites autrefois, quitte à en laisser pour comptes certaines. Qu'importe, la maison de Crysionos était satisfaite et avait pour ainsi dire triomphé sur tous les plans. Un triomphe qui se voyait encore aujourd'hui de surcroît dans tous les aspects de la ville.
Vieille et à la fois jeune, moderne autant qu'antique, conservatrice tout en avançant sans crainte vers le progrès. Un ensembles de contradictions systématiques qui l'on ne savait réellement comment n'empêchait nullement les rouages de bric et de broc de cette horlogerie de tourner à plein régime. Ainsi, les vieilles forteresses du moyen-âge et les palais de la renaissances côtoyaient les entrepôts et les demeures flambantes neuves mises sur pieds par les architectes de cette ère, les ordres de chevalerie croisées des siècles passées servaient encore aux côtés d'une légion réformée via les tactiques et doctrines à la pointe de la théorie militaire, les petits artisans et commerces familiaux centenaires occupaient des échoppes jouxtant les grandes chaînes de distributions et les industries majeures. Une authentique curiosité, mais qui contenait un constat aussi absolue que flagrant, Lykaron avait trouvée sa voie et avait embrassée la modernité sans pour autant renier ses racines, et en ce sens, via un chemin de compromis et de pragmatisme sans pour autant perdre de vue les valeurs et la finalité du chemin, s'était octroyée une place de choix pas uniquement au sein de la Sérénissime République mais aussi dans le monde, ou tout du moins dans la région du pourtour leucytaléen. Après tout, il était de notoriété commune que l'économie Lykaronienne était florissante, même sans compter ses privilèges et accès au marché mondial via Fortuna, des accords bilatéraux avec la Sitadie voisine impliquant autant des exportations de matière premières que des importation de produits d'industries, ce depuis quelques décennies désormais avaient permis à la ville et ses territoires de considérablement s'enrichir. Ce au nez et à la barbe des usurpateurs de Théodosine, quelques lieux plus loin par delà la mer qui ne cessaient de s'enfoncer dans la corruption et la décadence.
Mais aujourd'hui, en ce début de juin 2013, le regard du Trône mordoré, l'autre nom servant à désigner la Cité et surtout la lignée des prétendants au trône de Rhême des Crysionos, s'était tourné non pas vers l'est vers la cité de toutes les convoitises, mais vers l'ouest ou plutôt vers le Nord-ouest. L'histoire de Lykaron était longue très longues, et comptait indéniablement son lot de sombres passages et de non-dits des plus sinistres. D'aucun pouvait se demander toutefois ce que la Basilissa avait en tête lorsqu'elle avait dispensé des instructions visant in fine à inviter cordialement l'un des Triumvirs en guerre pour le contrôle de Velsna, ce jusqu'à une bonne partie de la cour même qui étaient au même titre que la plupart des officiels dans le noir pour ainsi dire et dans l'expectative. Les doyens toutefois, les gens de confiance, et surtout les plus proches du trône ayant un tant sois peu de notions d'histoire récente et lointaine en avaient pour leur part quelques idées qui à mesure que les ordres tombaient semblaient se confirmer. Les tords passés avaient la dent dure, et l'honneur ne pouvait rester éternellement entaché par le fiel et le venin disait-on lorsqu'on leur demandait des éclaircissement. Une réponse des plus nébuleuses qui permit toutefois aux plus vif de supposer que cela devait avoir quelque chose en rapport avec luttes d'influences au sein des alcôves du véritable pouvoir de la République Fortunéenne. Après tout, cela ne serait point saugrenue, l'unité de façade et l'union forcée derrière le système n'avait jamais permis d'achever définitivement les vieilles querelles, certaines multi-centenaires, et lorsque l'on réglait une affaire, trois nouvelles rivalités naissaient. Typique de l'homme en soit, la compétition était un exercice sain après tout lorsque cela se faisait avec modération, mais de modération il n'y en avait pas systématiquement.
Dans tous les cas, le Trône Mordoré, quelque soit ses raisons avait décidé d'avancer ses pions, de façon fort convéniante et sur un timing assez suspicieux qui plus est, si tant est que l'on pouvait se demander si il n'y avait pas d'autres acteurs partis prenante de l'affaire à la manoeuvre. Mais cela seul le temps le dirait. Toujours est-il que l'on attendait en ce jour l'arrivée de l'émissaire du Triumvir DiGrassi, sa fille et aide de camp Gina à laquelle l'on avait conférée comme le voulait la coutume et les protocoles tous les privilèges et honneurs dû à son paternel de par la transmission via représentation. Les petits plats avaient été mis dans les grands et une partie de l'aéroport et de ses locaux d'ordinaire emplie d'activité avait vu ces dernières être mises à l'arrêt partiellement ou reportés car l'on avait réservé une partie des lieux afin d'accueillir la délégation en provenance de Cerveterri.
Les bannières du Lys écarlate avaient été soigneusement disposés autour d'un tapis roue aux côtés de plusieurs exemplaires du Luminoion, le Gonfalon impérial, et le long de cette voie d'honneur, trois colonnes de légionnaires en formation cérémonielle emmenée par une poignée de gardes prétoriens impériaux, l'élite des forces impériales et les gardes du corps personnels de la maison "impériale". Curiosité que leurs uniformes qui si ils étaient assurément composés de pans pare-balles en Kevlar avaient été conçu pour mimiquer ceux des fantassins et officiers d'antan, ce tant et si bien que l'on aurait juré qu'ils arboraient d'authentique armures médiévales.
Au bout de cette véritable haie d'honneur, au fin fond de ce tapis écarlate, patientant afin d'accueillir les arrivants, le Maître des Cérémonies Asclépios Sil Ménéion, Comes de L'Orthénaï et le Centurio de la Garde Prétorienne, Alexios Sil Légo, Ducatus du Voltenorum. Deux des figures incontournables de la cour que l'on pouvait considérer à juste titre comme l'extension de la volonté de leur suzerain en dignes bras droit et gauche de cette dernière, témoignant sans équivoque pour ceux qui auraient encore eut des doutes de l'intérêt certains de la Basilissa pour l'audience prévue, et surtout pour que cette dernière se déroule sans accroc.