19/07/2013
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Le cycle de la haine [DiGrassi - Lykaron

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Rhême véritable et éternelle perdure et se souvient.



L'Histoire avec un grand H dispose d'un sens de l'humour très particulier alliant régulièrement cynisme et ironie et permettant à des anomalies d'advenir régulièrement, d'authentiques ovnis, des êtres et des groupements qui s'élèvent ou chutent contre toute attentes, de grands conquérants établissant des empires millénaires s'effondrant contre un nain rusé, des royaumes en ruines sauvés in extremis par un concours de circonstances arrivant à relever la barre afin d'atteindre des sommets de prospérité insoupçonnés. Au coeur même de la Leucytalée, sur les côtes battus par les vents arides afaréens, lointaine colonie hellène devenue métropole de Rhême la Glorieuse, tombée en décrépitude face à des ambitions qu'elle ne pouvait souvenir et ressuscité miraculeusement suite à ce que certains considéreraient un pacte avec le diable. Mais qu'importe que le Malin ait bien des visages, les résultats étaient là, et contre toute attente, la Cité avait survécu contre vents et marées, contre usurpateurs et fourbes serpents complotant sa chute. Fière, prospère et puissante à nouveau en cette aube de vingt et unième siècle, Lykaron était tout simplement, elle existait et ce n'en déplaise à Théodisine.

La fin de l'époque moderne n'avait pas été clémente, mais la Sérénissime Fortuna auquel le destin de la ville avait été lié avait tenue ses promesses, protégés de ses ennemis, intégrée à l'un des plus vastes réseau commercial ayant jamais existé, profitant allègrement des investissements et flux humain allant et venant ce ne fut pourtant que vers les années 50 du siècle dernier que l'apogée fut atteinte, les crises au sommet dans la cité qui sombre permirent d'arracher et de reprendre une bonne part des concessions faites autrefois, quitte à en laisser pour comptes certaines. Qu'importe, la maison de Crysionos était satisfaite et avait pour ainsi dire triomphé sur tous les plans. Un triomphe qui se voyait encore aujourd'hui de surcroît dans tous les aspects de la ville.

Vieille et à la fois jeune, moderne autant qu'antique, conservatrice tout en avançant sans crainte vers le progrès. Un ensembles de contradictions systématiques qui l'on ne savait réellement comment n'empêchait nullement les rouages de bric et de broc de cette horlogerie de tourner à plein régime. Ainsi, les vieilles forteresses du moyen-âge et les palais de la renaissances côtoyaient les entrepôts et les demeures flambantes neuves mises sur pieds par les architectes de cette ère, les ordres de chevalerie croisées des siècles passées servaient encore aux côtés d'une légion réformée via les tactiques et doctrines à la pointe de la théorie militaire, les petits artisans et commerces familiaux centenaires occupaient des échoppes jouxtant les grandes chaînes de distributions et les industries majeures. Une authentique curiosité, mais qui contenait un constat aussi absolue que flagrant, Lykaron avait trouvée sa voie et avait embrassée la modernité sans pour autant renier ses racines, et en ce sens, via un chemin de compromis et de pragmatisme sans pour autant perdre de vue les valeurs et la finalité du chemin, s'était octroyée une place de choix pas uniquement au sein de la Sérénissime République mais aussi dans le monde, ou tout du moins dans la région du pourtour leucytaléen. Après tout, il était de notoriété commune que l'économie Lykaronienne était florissante, même sans compter ses privilèges et accès au marché mondial via Fortuna, des accords bilatéraux avec la Sitadie voisine impliquant autant des exportations de matière premières que des importation de produits d'industries, ce depuis quelques décennies désormais avaient permis à la ville et ses territoires de considérablement s'enrichir. Ce au nez et à la barbe des usurpateurs de Théodosine, quelques lieux plus loin par delà la mer qui ne cessaient de s'enfoncer dans la corruption et la décadence.

Mais aujourd'hui, en ce début de juin 2013, le regard du Trône mordoré, l'autre nom servant à désigner la Cité et surtout la lignée des prétendants au trône de Rhême des Crysionos, s'était tourné non pas vers l'est vers la cité de toutes les convoitises, mais vers l'ouest ou plutôt vers le Nord-ouest. L'histoire de Lykaron était longue très longues, et comptait indéniablement son lot de sombres passages et de non-dits des plus sinistres. D'aucun pouvait se demander toutefois ce que la Basilissa avait en tête lorsqu'elle avait dispensé des instructions visant in fine à inviter cordialement l'un des Triumvirs en guerre pour le contrôle de Velsna, ce jusqu'à une bonne partie de la cour même qui étaient au même titre que la plupart des officiels dans le noir pour ainsi dire et dans l'expectative. Les doyens toutefois, les gens de confiance, et surtout les plus proches du trône ayant un tant sois peu de notions d'histoire récente et lointaine en avaient pour leur part quelques idées qui à mesure que les ordres tombaient semblaient se confirmer. Les tords passés avaient la dent dure, et l'honneur ne pouvait rester éternellement entaché par le fiel et le venin disait-on lorsqu'on leur demandait des éclaircissement. Une réponse des plus nébuleuses qui permit toutefois aux plus vif de supposer que cela devait avoir quelque chose en rapport avec luttes d'influences au sein des alcôves du véritable pouvoir de la République Fortunéenne. Après tout, cela ne serait point saugrenue, l'unité de façade et l'union forcée derrière le système n'avait jamais permis d'achever définitivement les vieilles querelles, certaines multi-centenaires, et lorsque l'on réglait une affaire, trois nouvelles rivalités naissaient. Typique de l'homme en soit, la compétition était un exercice sain après tout lorsque cela se faisait avec modération, mais de modération il n'y en avait pas systématiquement.

Dans tous les cas, le Trône Mordoré, quelque soit ses raisons avait décidé d'avancer ses pions, de façon fort convéniante et sur un timing assez suspicieux qui plus est, si tant est que l'on pouvait se demander si il n'y avait pas d'autres acteurs partis prenante de l'affaire à la manoeuvre. Mais cela seul le temps le dirait. Toujours est-il que l'on attendait en ce jour l'arrivée de l'émissaire du Triumvir DiGrassi, sa fille et aide de camp Gina à laquelle l'on avait conférée comme le voulait la coutume et les protocoles tous les privilèges et honneurs dû à son paternel de par la transmission via représentation. Les petits plats avaient été mis dans les grands et une partie de l'aéroport et de ses locaux d'ordinaire emplie d'activité avait vu ces dernières être mises à l'arrêt partiellement ou reportés car l'on avait réservé une partie des lieux afin d'accueillir la délégation en provenance de Cerveterri.

Les bannières du Lys écarlate avaient été soigneusement disposés autour d'un tapis roue aux côtés de plusieurs exemplaires du Luminoion, le Gonfalon impérial, et le long de cette voie d'honneur, trois colonnes de légionnaires en formation cérémonielle emmenée par une poignée de gardes prétoriens impériaux, l'élite des forces impériales et les gardes du corps personnels de la maison "impériale". Curiosité que leurs uniformes qui si ils étaient assurément composés de pans pare-balles en Kevlar avaient été conçu pour mimiquer ceux des fantassins et officiers d'antan, ce tant et si bien que l'on aurait juré qu'ils arboraient d'authentique armures médiévales.

Au bout de cette véritable haie d'honneur, au fin fond de ce tapis écarlate, patientant afin d'accueillir les arrivants, le Maître des Cérémonies Asclépios Sil Ménéion, Comes de L'Orthénaï et le Centurio de la Garde Prétorienne, Alexios Sil Légo, Ducatus du Voltenorum. Deux des figures incontournables de la cour que l'on pouvait considérer à juste titre comme l'extension de la volonté de leur suzerain en dignes bras droit et gauche de cette dernière, témoignant sans équivoque pour ceux qui auraient encore eut des doutes de l'intérêt certains de la Basilissa pour l'audience prévue, et surtout pour que cette dernière se déroule sans accroc.
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L’air est sec, comme s’il n’avait pas plu sur ces rivages afaréens depuis des semaines. L’air charriait du sable qui venait se ficher dans la gorge des passagers. C’était une bien modeste embarcation qui cabotait péniblement depuis Cerveteri jusqu’à la Lykaron. Ordre avait été donné par le Triumvir DiGrassi de rester discret, comme si on se méfiait des cousins forturnées, justement parce qu’ils avaient ces habitudes qui ressemblaient à celles des velsniens, malgré des différences. La guerre ne se règle pas toujours sur le champ de bataille dans la cité sur l’eau, ce n’est souvent pas le plus talentueux ou le plus courageux qui l’emporte : l’assassinat et le subterfuge sont d’autant d’outils que les fortunéens savent se servir de réputation, et qui rappellent terriblement les tristes évènements qui ponctuent la vie politique de Velsna. Cette chaleur étouffante est un changement intéressant. Il y a encore quelques jours, Gina et les chasseurs de Strombola, qu’elle a intégré, respiraient encore l’air malsain de l’Achosie pluvieuse. Un air plus familier et rude, qui provoque la toux chez les plus forts, et qui empoisonne les poumons à petit feu.

Avec elle, ces quelques membres de son régiment espéraient peut-être envahir l’Achosie à cet instant, et avoir une bonne base arrière dans la perspective de la chute de Scaela, plutôt que de s’adonner à quelque aventure dans le sud. Mais ce ne fut pas le cas. Son père en eut décidé autrement par un accord de circonstance. Ne pas se disperser, ne pas se distraire par les « délices » d’Achos, rien n’importait davantage que le Palais des Patrices. Ainsi, Gina se trouvait dans cette embarcation se rapprochant lentement des lueurs de Lykaron. Penchée en poupe de navire, elle est rejointe par un vieil homme rescapé des outrages de Scaela, durant cette triste journée du 2 mai. Vito Umarel était de cette vieille génération de sénateurs dont on se demandait d’où elle tirait une telle sagacité dans des domaines très précis, si c’était là une formation ou le résultat d’un hobby. Toujours est-il qu’Umarel était fin historien et connaisseur de ces lieux. Il se tenait légèrement en arrière de la passerelle, admirant les ombres que les immeubles de l’antique cité faisait planer sur le port. Il parla en ces mots :
- Vous ne verrez que très rarement un si bel endroit, et à l’Histoire si pesante, Gina. Leucytalée était autrefois la mer d’un seul Empire. Difficile d’imaginer une telle chose, n’est-ce pas, avec toutes ces nations qui se font et qui se défont. Mais il y a eu une époque où les rémiens existaient. Et ils ont donner des successeurs par légion, certains qui se pensent encore comme des rémiens : Théodosine, par exemple. Mais je ne saurais vous conseiller de ne pas évoquer ce nom ici. C’est une contrée remplie de vieilles histoires, et bien souvent ce sont les plus compliquées.
- Pratiquent-ils toujours la proskynèse comme on faisait dans l’ancien temps à Léandre ?
- Je l’ignore, mais nous recevrons de toute façon nos instructions protocolaires en arrivant. J’imagine. Faites cependant attention : les ruines du vieux monde sont le terrain de Dino Scaela. Il a beaucoup d’amis à Fortuna, alors je ne baisserais pas la garde à l’invitation de l’un de leurs protectorats, Gina.

- Je m’en souviendrai, excellence sénateur. – répondit-elle laconiquement –

On pouvait désormais percevoir la ville au-delà plus clairement : ses palais à plusieurs niveaux lesquels se mêlaient aux gratte-ciels ne lui donnaient pas des airs de relique du passé, bien loin de cela. La métropole était bien deux fois plus étendue que Velsna au bas mot, et que beaucoup de métropoles d’Eurysie du nord. Le vieil homme reprit ses mots, voyant la jeune femme captivée par ce spectacle :
- Contrairement à ce que l’on peut penser, cet endroit ressemble bien plus à Velsna qu’il n’y paraît. Et c’est plus nous qui leur ressemblons que l’inverse. Avant Velsna, avant Léandre, avant même Fortuna, il y avait des cités étincelantes comme celle-ci, et au sein de l’Empire Rémien, elles avaient toutes un Sénat, avec leurs magistratures propres, leurs identités propres, bien avant la chute de l’Empire et l’avènement de la féodalité, bien avant les états nations. Un monde de cités. Et Velsna n’a fait que copier une copie. Par bien des aspects, nous pouvons faire remonter nos institutions à cette période : notre Sénat et son fonctionnement sont des calques de calques, ce sont des témoignages et des reliques précieuses qu’il nous faut conserver, pour ne pas oublier à quoi ressemble le gouvernement parfait. Comprenez vous désormais pourquoi votre père se bat ?
- Pour venger l’oncle Fréderico ?
- Non…vous êtes trop terre à terre, comme votre père. En surface, c’est là ce que ce dernier veut, et vous aussi. Mais inconsciemment, vous défendez quelque chose qui vous dépasse et sur quoi je donne grand espoir. Vous défendez un ordre du monde que Scaela veut tordre à son profit, voilà ce que vous faites, sans même vous rendre compte. Vous vous fondez sur des règles judiciaires et d’honneur issue de Rème la grande, Scaela, lui, se fonde sur la force de sa propre barbarie. Nous ne nous battons pas uniquement pour vaincre Scaela, il faut replacer les aiguilles de l’horloge du monde à la bonne place. Et on dirait bien que Dame Fortune nous a appelé ici aujourd’hui.


Gina eu un silence agacé, et se tourna fermement vers son interlocuteur avant de lui répondre en le tutoyant :
- Est-ce que…est-ce que c’est mon père qui t’a demandé de me raconter tout ça, vieil homme ?
- Matteo ? Pfff. Son excellence Triumvir DiGrassi est un Homme doté de beaucoup de qualités certes, et il respecte la tradition. Mais il la respecte sans connaître l’Histoire. Cela ne l’intéresse pas. Pour lui, la tradition est un ciment social avec une utilité précise, je ne pense pas qu’il y ait chez lui un attachement charnel. Or, c’est ce que j’essaie de te montrer, « jeune femme ». Je fais tout ceci de mon propre chef. Je suis vieux, et je vois bien que tu ne t’intéresses pas par toi-même à ces choses-là. Mais ici, l’Histoire te sera utile, et c’est peut-être pour ça que son excellence ton père m’a demandé de t’accompagner. Aujourd’hui, tu es la dépositaire d’une tradition rémienne, et tu rencontres les dépositaires d’une autre de ces traditions. Montre du respect, mange et bois ce que l’on te propose, agenouille toi s’il le faut et embrasse ton interlocuteur comme un frère ou une sœur.

- Merci du conseil j’imagine… Amarrons, maintenant.

La petite délégation velsnienne se tenait parmi des soldats d’un autre temps, comme dans l’un des rêves de son père. La jeune femme était austère en comparaison à ces célébrations d’un âge qu’aucune nation moderne n’a connu. C’était comme regardait derrière soi, et que cette haie d’honneur n’était que le défilement de l’Histoire. Ce sont des fantômes qui regardaient la jeune femme habillée comme un chasseur de Strombola, et ce vieux sénateur, son guide parmi les antiquités. Le lys rouge était là, partout contre les murs. La patrie à l’estomac malade qui attendait les enfants de Fortuna et de Léandre, et qui envoyaient cette… « gamine » aux pieds d’un ancien colosse.
Gina vint au pieds du comes d’Orthenai et du Ducatus de Voltenorum, et s’agenouilla sans un mot, avant l’un de ses gardes ne l’annonce :
- Excellence. Le Triumvir de la Grande République, Amiral de la Marineria, Sénateur et vainqueur des achosiens Matteo DiGrassi, vous fait témoigner de la présence de l’aide de campet lieutenant du 1er régiment des chasseurs de Strombola, Gina DiGrassi.
Les gardes firent de même à la suite de Gina et mirent leurs deux genoux à terre suivant le rituel autrefois en vigueur chez les anciens rémiens. On aida le vieux sénateur à se baisser, puis à se relever dans la dignité malgré un âge qu’il ne lui permettait plus de le faire.

La proskynèse antique, pour la culture
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Lykaron était une ville en pleine effervescence, demeure ancestrale de désormais plus de huit millions d'âmes, elle s'imposait comme un joyau resplendissant à l'orée du coeur sablonneux de l'afarée, du coeur battant de la vieille ville émergeant depuis les abords du somptueux Solaris Palatium, antique demeure des maîtres des lieux, jusqu'aux interminables allées d'un autre temps des faubourgs, autrefois des villages à parts entières absorbés progressivement par la métropole à mesure qu'elle grandissait tel un ogre insatiable engloutissant sans limite tout ce qui arrivait à portée de sa main. Une métaphore disgracieuse mais qui n'était pas si loin de la vérité, notamment lorsque l'on savait que en dépit des innombrables références liturgiques et révérences diverses adressées en l'honneur de l'astre solaire et qui avaient persisté au passage du temps et à la christianisation des terres, les merveilles de Lykaron et son scintillement cachaient une part d'ombre égale à la taille de l'ensemble. D'aucuns diraient là que c'était là une des conséquences annexes et néfastes des liens avec la Sérénissime Fortuna que les cercles complotistes du monde aimaient à mettre au coeur de toutes les conspirations possibles et imaginables, d'autres soutiendraient que c'était un héritage en date de Rhême la Glorieuse du temps où les intrigues de Palais étaient monnaie courante chaque jour, une poignée encore évoqueraient la possibilité que c'était là une réminiscence des temps sombres des siècles passés, une vieille plaie qui n'avait jamais été totalement soignée.

Il y avait certainement un peu de vrai dans toutes ses suppositions, mais rien d'unique ni d'absolu, c'était simplement là la nature humaine qui était à l'oeuvre, le cynisme de l'histoire et d'un Dieu faisant la sourde oreille, ainsi que les conséquences des ambitions passés et des vieilles rancunes qui induisaient toujours plus de paranoïa dans une société louvoyant entre les usages et la nouveauté. Là où les Doges Fortunéens avaient opté pour un contrôle plus subtil, moins direct et bien plus doux, les Empereurs de Lykaron avaient profité des grandes réformes et de la démocratisation de l'ensemble de la République Maritime afin de regagner privilèges et raffermir leur pouvoir comme au temps des tyrans jadis. Un mal nécessaire, contrebalancé partiellement par des institutions n'étant en réalité qu'un théâtre de marionnette en bonne partie à la solde des Basileus et Basilissa successif servant à s'assurer que les petites gens aient leur pain et leurs jeux afin d'être contentés. Une satisfaction offert en échange de simples principes, le respect de l'autorité, de la hiérarchie décidée par les hommes comme Dieu, mais aussi et surtout, la loyauté absolue. Car en ce bas monde, nul n'était plus simple qu'un Monarque prétendant au trône de Rhême et dépositaire de plus d'un millénaire d'histoire et d'héritages, assailli de toutes parts par les traitres, les incapables, les flagorneurs et plus généralement toute une flopée de détestables animaux n'ayant attraits qu'au pouvoir et aux privilèges conférés par libéralité par le Trône ou cherchant à s'emparer de ses biens. Mais le pire de tous ce safari était certainement la plus vile bête ayant à jamais existée, un Traitre dans toute sa vilénie fut loyal un jour à jour à celui à qui il a planté son surin dans le dos, un incapable n'a point été doté par le Seigneur des moyens de ses ambitions, et un flagorneur n'a d'usage que de sa langue car c'est ce qu'il sait faire le mieux. Alors que les espions, méprisables petits rats qui s'insinuent dans les demeures à la solde d'un autre qui n'arborent que malice à l'égard de ceux qu'ils contemplent avec un sourire faux, attendant le bon moment afin de s'emparer du moindre secret, de dévoiler jusqu'à la petite information ou même d'ouvrir littéralement les portes à des ennemis déclarés. Il n'y avait pas pire engeance en ces bas monde, et étaient la hantise de la Gens de Crysionos. Ce depuis des années.

Toute famille puissante avec des ennemis, des rivaux, et il en était de même pour les maîtres de Lykaron, car sous le soleil d'Afarée à la lumière des doux vents emplis de chaleur, au large de la prospère Leucytalée, le sang avait coulé plus que l'on ne pouvait compter. L'ombre qui courait dans la ville était immense, intemporelle. Assassinats, empoisonnements, meurtres et autres galanteries en provenance d'un tiers parties, il n'y avait aucun tabou et tous les outils étaient bon pour causer du tord à son ennemie. Des attaques, des incursions dans ce qui aurait du être un sanctuaire, encore et sans cesse, au fil des mois, des années durant, une génération après l'autre. Une extension naturelle du Grand Jeu de la Sérénissime, sanglante mais tolérée tant qu'elle ne dépassait pas certaines limites, les pions sacrifiés étaient acceptables et les dommages matériels négligeables en comparaison des innombrables richesses engrangées par les marionnettistes sous leurs masques. Ce qui permettait de prendre des coups, mais le cas échant d'en rendre. A l'image d'autres métropoles de la Sérénissime, Lykaron avait ses règles, ses us, que même les cours supérieurs emmenées par le Conseil des Dix ne pouvaient réellement réfréner, car il n'y avait qu'une finalité. La parole du tenant ou de la tenante du titre impérial, la personne siégeant sur le trône mordorée, cella la même avait le mot final sur tout et sa volonté était celle des hommes comme du divin.

Aussi, et car les rats étaient systématiquement en nombre chaque jour, il était impensable que ceux ci viennent à présenter ne serait-ce que l'ombre de leur horrible museau en ce jour. Cette audience, ces invités, étaient sacrées, et devaient demeurer hors de portée de la malveillance et de la malice courant sous les scintillements. Ainsi, alors que la délégation Velsnienne accostait, au même moment, un vaste dispositif se déployait silencieusement à travers les rues animées de la cité. Les passants n'y prêtaient guère attention, le caractère autoritaire de la Monarchie était un fait certains et reconnu auquel l'on était habitué depuis des décennies. C'était ainsi et la plupart du temps cela ne changeait guère la vie de chacun, après tout les exigences du trône étaient simples et adéquates, rien de réellement fantasque. Qui plus est, les jugements et la moindre décision n'étaient jamais motivé par le simple intérêt personnel ou par un coup de tête, mais étaient la conséquence d'une réflexion minutieuse, l'incarnation de la justice même. Car après tout, quiconque fâchait le Trône méritait son châtiment, c'était ainsi.

Les véhicules blindés de la Tagma étaient partie intégrante du paysage, aussi l'on ne s'offusqua guère à les voir se déplacer en convois. Toutefois, en voir autant en une même journée souleva des interrogations bien vites dissipés car s'intéresser à ce genre d'histoire, de détails, cela n'était jamais bon pour le commun. Le trône avait ses raisons. Dans tous les cas, certains pans de la ville purent entendre s'élever au loin le bruit des bottes, suivis par la suite du craquement sourd du bois des portes enfoncés, des hurlements des accusés cibles des séides de la Basilissa, parfois même des coups de feu visant ceux osant résister ou cherchant à fuir leur destin et finalement dans plusieurs lieu, des volutes épaisses de fumée s'élevant vers les cieux alors que les lances à la gueule béante reliée à des réservoirs emplis des entrailles infernales vomissaient mille et une flamme à l'intérieur des tanières de la vermine. Ce sous le regard impuissant et des protestations ignorées de passants choqués par cet énième épisode d'un cycle perpétuel de la violence courant encore après des siècles, et des réquisitions balayés d'un revers de mains par les officiers en charge qu'émettaient les services de pompiers que l'on avait autorisé sur site uniquement afin d'empêcher les incendies de se répandre au delà des tanières.

Au même moment, la délégation du Lys écarlate, déjà arrivée en tant que tel depuis quelques minutes s'exerçaient à l'ancien art de la proskynèse, l'une des coutumes les plus anciennes de Rhême que d'autres avaient repris sans vergogne à travers les âges, mais qui était toujours en vigueur dans le cadre de certaines procédures cérémoniales locales entretenues par l'Office du Comes de l'Orthénaï. Pour autant, il n'était pas coutumier de voir des étrangers s'adonner à celle ci, ou plus exactement ce n'était pas un des prérequis de l'étiquette contemporaine pour des raisons de dignité, une des évolutions notables des trois dernières décennies que l'on avait mises sur pieds afin de fluidifier les échanges avec des entités étrangères et notamment celle de la Sitadie, une décision qui s'était avérée payante et avisée car tous ne prenaient pas bien qu'on exige d'eux ces "marques de respects". Quoi qu'il en soit, le Ducatus ne broncha pas, conservant une expression stoïque tout en se fendant d'un salut militaire réglementaire avant de déporter son attention partiellement vers les échos émergeant d'une radio siégeant non loin de son épaule. Ce fut le Maître des cérémonies, qui avait vu son expression de surprise se muer en une satisfaction certaine à la vue de cette procédure ancienne habilement exécutée, qui aller se charger d'accueillir les invités de l'impératrice.


Asclépios Sil Ménion - Salve descendante de l'Amiral Triomphant, éternel vainqueur des Barbaroï, Lykaron la prospère, huitième fille de Rhême la Glorieuse t'accueille en son sein avec bienveillance et gratitude de par ton respect dument exprimé par tes actes. Relève fièrement la tête et marche donc aux côtés des enfants de l'Empire en tant que soeur toi qui reconnais nos coutumes et te les ait appropriée.

Et tandis que l'on laisse se relever la délégation de l'Amiral DiGrassi, les légionnaires en écho aux paroles du Comes opèrent d'un geste magistralement et minutieusement exécutée cette passe d'arme cérémonielle visant à faire passer leurs armes cérémoniellement d'un bras à l'autre, libérant ainsi l'un d'eux pour chacun qui vient se poser avec force, poing serré à l'emplacement supposé du coeur.

"Adelfi ! Adelfos !" crient-t-il d'une seule voie dans la digne continuité de l'esprit de corps.

Soeur. Frère. Dans un grec parfait, témoignage de cette dichotomie tant ironique de ce double héritage émergeant autant du monde des Hellène que de celui de Rhême. A la fois Latin, à la fois Hellénique. Fils de deux mondes semblables et pourtant si différents, ayant marqués le monde et l'histoire dans la continuité l'un de l'autre. Le Ducatus lève finalement le bras, signifiant à chacun de faire silence avant que le Comes reprenne.

Asclépios Sil Ménion - Honorables invités, nous espérons que vous avez fait bon voyage et que la mer ainsi que les vents vous ont été cléments. Par la présente veuillez recevoir nos condoléances pour vos pertes quand aux sinistres évènement étant advenus le mois dernier... Le Trône et la cour ont été profondément choquée à l'annonce de la chose, une telle fourberie suivie d'une violence animale sans pareille n'est pas sans remémorer de douloureux souvenirs en ces terres battus par les rayons implacables du soleil.

Le Comes laissa échapper par mégarde une quinte de toux, symptôme évident du trop plein de sable voyageant dans l'air, damnée poussière à laquelle venait semble-t-il se mêler quelques cendres poussées par le vent aussi loin de ces foyers d'incendies que l'on voyait s'élever au loin désormais de façon claire et visible. Constatant cela le Maître des cérémonies laissa échapper un soupir de frustration, il était parfaitement au fait de ce qu'il se tramait et avait déjà signifié sa désapprobation de rendre les choses aussi visibles, cela allait inquiéter inutilement leurs invités en plus d'attirer des regards malvenues. Le Ducatus toutefois après s'être exprimé en latin ancien à sa radio en était revenue à l'assemblée et avait décidé de prendre les devants afin de "clarifier" les choses.



Alexios Sil Légo -
Le climat local n'est jamais clément en cette période l'année, aube de l'été, les pics de chaleur réguliers provoquent régulièrement des incendies dans certains quartiers modestes où de menues erreurs ou incidents d'ordinaires mineures dégénèrent bien trop vite, transformant des flammèches innocentes en brasiers incandescents rasant parfois des quartiers entiers lors des canicules et des sécheresses les plus sévères. Comme vous pouvez le voir au loin, ledit climat a encore fait des siennes et accable les bonnes gens de Lykaron. Même si force de constater qu'il est parfois utile afin d'exterminer des colonies de rongeurs particulièrement nuisibles.

Asclépios Sil Ménion -
Bien évidemment nos forces de lutte contre les incendies sont déjà à pied d'oeuvre pour mettre un terme à ces derniers et limiter les dégats. Quoi qu'il en soit l'itinéraire vers le Solaris Palatium où vous recevra notre monarque n'est nullement concerné par ces caprices de la nature qui sont forts éloignés de ce dernier. Ah, avant toute chose il convient toutefois que vous soyez au fait de quelques formes. Entre autres, lorsque vous vous tiendrez devant notre souveraine, vous serez tenue de lui adresser la parole uniquement lorsqu'elle vous autorisera à le faire après lui avoir rendu hommage. Il est aussi attendu que vous utilisiez les termes "Votre Majesté Impériale" ou "Basilissa Autokrator" en vous adressant à elle. Et... Cela devrait suffire. Dans sa glorieuse bénévolence sa Majesté Impériale a daignée vous octroyer le privilèges de bénéficier d'une procédure... Allégée si l'on puis dire. N'hésitez toutefois pas à réitérer votre démonstration de proskynèse, celle ci était parfaitement exécutée et saura conquérir le coeur de la cour avec certitude autant qu'elle mettra de bonne humeur notre souveraine.

Alexios Sil Légo -
La Basilissa entend octroyer non pas une simple audience, mais converser à coeur ouverts de sujets sensibles et potentiellement clivants. Les coutumes et le protocole ont été le cas échéant exceptionnellement mis sur le banc de touche en bonne partie afin d'aller droit au but. Mais ne vous y trompez guère, respect demeure le maître mot et si des écarts peuvent être tolérés, aucune insulte caractérisée ne saurait être entendue. Enfin, l'heure tourne et le trône attend.


Asclépios Sil Ménion - Si vous avez des interrogations ou questions particulières pressantes n'hésitez pas à les énoncer céans. Sinon, un convois attends à la sortie des lieux afin de vous mener au Palais.
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La délégation velsnienne se tenait là, face à l’étranger sous sa forme la plus pure. Le vieux Vito pouvait bien répéter à foison que Velsna était dans le lointain héritage de Rème, nul doute que le temps avait séparé bien des coutumes. La proskynèse…à Velsna, nul patricien n’était tenu de d’agenouiller devant qui que ce soit, et jamais leurs yeux ne touchaient le sol. Ils se tenaient fiers et droits face à n’importe qui, qu’il fut Maître de l’Arsenal ou Patrice. C’était là une tradition républicaine qui s’était peut-être perdue avec les siècles dans l’orient lointain. On dit de Théodosine qu’elle avait des coutumes proches de Lykaron, malgré une haine commune. Il n’y avait pas en ces lieux le modèle d’une République d’égaux mais celui du maître et du serviteur, Dominus et servus, qui était devenu une norme à la fin de l’Empire Rémien, cédant la place à la fiction d’une République. Outre ce décalage des coutumes, il y avait devant leurs yeux un rituel aux mécaniques anciennes et précises qui se jouait devant eux. Tâche à eux de ne pas le perturber et de se laisser porter par celui-ci.

Gina, le vieux sénateur et les chasseurs de Strombola s’inclinèrent légèrement à l’annonce de la fille de DiGrassi, avant de s’élancer de nouveau parmi les légionnaires. Vito Umarel paya à Ménion le luxe de répondre à son adresse de condoléances en grec ancien, du moins en partie :
- Je vous remercie de cette attention excellence. La guerre a ses lois, mais certaines sont plus cruelles que d’autres. J’ai 83 ans, excellence, j’ai eu l’occasion de voir beaucoup de la misère du monde démarrant pour l’envie d’un peu de pouvoir. Certains hommes sont naturellement corrompus et le cachent assez longtemps pour ne pas être remarqués, ou être pris pour des agneaux. Malheureusement, c’était le cas de l’un de nos triumvirs. Gina, ici présente, en fait les leçons chaque jour. N’est-ce pas ? – son dernier mot d’adressait à elle, en velsnien et non en grec, comme pour la raccrocher à la conversation, se faisant plus insistant –
- En effet. Nous avons tous été surpris, mais je dirais que nous ne nous en sommes pas mal tirés. Le Triumvir Scaela est un bon joueur de cartes, mais il a sans nul doute utilisé sa meilleure à notre encontre, et il ne pourra pas la jouer deux fois. Ce voyage a été éreintant, mais cet endroit vaut toutes les peines du monde pour le rallier, excellence. C’est magnifique, vraiment.

Une fois la marche entamée, et son excellence Alexios prenant la relève, les velsniens le prirent au mot de toutes ses instructions. Les coutumes de Lykaron valent pour les leurs et doivent être respectées, comme celles d’un étranger qui vous inviterait dans sa demeure, malgré l’indication de relâchement. « Basilissa »…là encore, un titre que nul ne pourrait se voir affublé à Velsna sous peine d’être traité en tyran. Mais quoiqu’il en soit, les velsniens viennent rarement en missionnaires armés pour prêcher une forme de gouvernement supposément parfaite.

La délégation entra dans le sillage du convoi impérial, là où beaucoup d’Hommes illustres ont sans doute fait de même. Gina était entrée dans une forme de mutisme contemplatif : il y avait devant ses yeux, bien trop à observer et à comprendre pour ouvrir la bouche. Chaque pas du rituel, chaque tapisserie et œuvre d’art sur ce chemin sacré signifiait quelque chose, et grande erreur serait de ne pas comprendre choses capitales. Il y avait un Lykaron comme un miroir de Velsna : c’était une vieille cité, tout comme elle, mais les coutumes avaient évolué vers une forme de sacralité du pouvoir qui exigeait le silence et le respect, là où Velsna était une pièce de théâtre bruyante où celui qui perlait le plus fort était récompensé, en suivant les règles, bien évidemment.

Le sénateur Umarel était peu surpris de l’annonce de son excellence Alexios concernant la « raison spéciale » à l’origine de la rencontre, mais celui-ci tilta quelque peu lorsqu’on lui annonça une entorse au protocole, qui n’était pas une habitude courante. Qu’y avait-il de si important à dire à Velsna qui valait la peine d’outrepasser de tels symboles ? Et que pouvait donc gagner cette cité antique de Lykaron, à de telles tractations ? Les velsniens poursuivirent leur chemin et se laissèrent guider par leurs hôtes illustres.
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Le Maître des cérémonies sembla faire peu de cas des précisions apportés par les invités Velsniens quand à leur situation ou plus exactement il était difficile de déduire le fond de sa pensée à cet instant précis dans la mesure où celui ci s'était débarrassée de toute expression superflue ou bien authentiques, témoignage édifiant de son expérience à louvoyer au sein d'intrigues de cour certainement plus importantes que lui et les siens. C'était là ce que l'on attendait de quelqu'un de son rang, c'était là ce que sa Dame exigeait. Loyauté cerclée de mystères plus opaques que l'expression d'une statue à jamais figée dans le marbre. L'homme n'était pas là pour juger, ni pour émettre des avis quelconque mais bien pour exécuter et assister, c'était là son rôle, ce pourquoi il avait su gagner les faveurs et demeurer hissé au sommet de la pyramide sans déborder pour autant d'ambitions.

Asclépios SIl Ménion - Je ne peux que relativiser, moi même du haut de mes bientôt 74 hivers j'ai pu assister à mon lot de malheurs, constater maintes tragédies et voir se jouer tantôt en tant que spectateur silencieux, parfois en tant que main exécutante d'innombrables farces teintés de tragédies et balades ensanglantée par les affres du malheur et les caprices de la Fortuna.

LA Fortuna, aussi nommée en Latin comme la destinée, personnifiée comme Dame Fortune, la source de la fondation d'un monde nouveau qui jamais n'avait coupée les ponts avec l'ancien et qui demeurait encore et aujourd'hui l'un de ces maîtres mots à qui l'on accordait bien des sens, lequel l'on pouvait tourner sous bien des angles.

Alexios Sil Légo -
Mais en fin de compte, le dénouement demeure le même. Les vainqueurs écriront l'histoire et les perdants seront accablés de la honte de la défaite pour les siècles à venir sans compter l'infamie que l'on associera à leurs noms, fut-elle crée de toutes pièces. C'est là le lot des lois de la guerre.

Ces commentaires étant fait, et aucune question n'émergeant pour l'heure, la procession des hôtes se fendit d'une gestuelle invitant les Velsniens à embrayer le pas vers les véhicules patientant non loin, mis à disposition afin de traverser prestement la ville afin de gagner la Palatium Solaris. Pour l'occasion, la plupart des allées et grandes rues ayant été introduite dans let trajet conçu par l'office cérémoniale avaient été de moitié vidés, l'on avait en effet fait en sortes de déployer les unités des Fylakes, les forces de polices impériales dédiés à l'ordre civil qui avaient barrés certaines voies et restreint la plupart rassemblements de tel manière à ce que le chemin dans son ensemble soit praticable sans interruption réelle. Quelques exceptions semblaient toutefois de mises si l'on omettait les riverains et les passants autorisés en nombres moins important, une unique et imposante procession semblait avoir lieu aux abords d'un des sites clés sur la voie. Aux abords du vieux forum rhêmien en plein coeur de la ville, de longues colonnes de ce qui semblait être des fidèles arborant pour certains la croix catholane et d'autres celle de l'Orthodoxie s'étendaient sur plusieurs mètres et de toute évidence semblaient partir d'un monument d'une importance toutes particulière pour les locaux. Deux imposantes statues en marbre extrêmement bien entretenues s'élevaient fièrement, représentants respectivement ce que des connaisseurs pouvaient aisément identifier d'une part comme celle de Saint Michel encastré dans une armure hellène traditionnelle de l'aube du moyen-âge et brandissant une lance, tandis que à ses côtés, lui faisant face, Saint Jean dans une bure arborant la croix des ordres croisés opposait une bible et un crucifix Catholan. Si l'aperçu de ce paysage ne dura guère longtemps, il fut cependant suffisant pour apercevoir que toute cette foule adressant prières et clameur dirigeaient celle ci autant à l'attention desdites statues que à celles d'un pope et d'un évêque visiblement en plein débat théologique. Ni le Comes ni le Ducatus ne firent commentaire, mais se fendirent tout deux d'un signe de croix et d'une supplique presque silencieuse à l'adresse des cieux, en dignes témoignages bien vivants de la foi toujours forte qui animait Lykaron, alimentant ce surnom peut être pas si usurpé que ça de "Sainte Cité".

Au delà de cette scène de vie atypique locale, l'on évita soigneusement les "zones sensibles" à savoir celles frappés par les incendies "terrible malheur" infligé par le climat soit disant, l'on fila sans détour à travers les antiques allées et les nouvelles rues jusqu'à atteindre le début de la montée qui marquait le commencement de l'enceinte du Palais impérial construit sur plusieurs étages autour et sur une position surélevée de tel manière à pouvoir dominer le reste de la ville en étant perché sur des hauteurs. L'imposant corps de garde médiéval renforcé par des techniques d'ingénierie et matériaux modernes contrôlant ladite montée vit ses portes s'ouvrir afin de laisser s'engouffrer le convois qui après quelques instant à suivre une ligne droite tournant autour des hauteurs arrivant au sein d'une vaste cour intérieur de l'étage le plus bas du complexe. Les factionnaires en place saluèrent comme d'un seul homme les invités de l'Impératrice comme les deux Grands, l'officier en charge de ladite cour indiquant toutefois au Ducatus que la Basilissa avait opéré un changement de dernière minute de l'audience qui devait finalement se tenir au sein des jardins des terrasses supérieures bordant la chapelle privée de la maison impériale et non plus la salle du trône. Lorsque le Comes émis une interrogation quand aux raisons de ceci, on lui donna pour seul réponse qu'une infestation de rongeurs avait été mis à nue dans certaines ailes du Palatium et que l'on s'afférait à nettoyer tout ça, aussi il serait disgracieux de faire subir une telle vision aux invités. Sil Légo et Sil Ménion se regardèrent quelques secondes, et s'offrirent mutuellement un regard entendu bien que le vieux Comes ajouta à cela un léger soupir de lassitude.

Reprenant immédiatement sa contenance, le maître des cérémonies invita les Velsniens à suivre en empruntant l'un des escaliers bordant la cour, cet accès étant le plus direct afin de gagner les jardins, et qui laissait aussi l'occasion de contempler la vue tout bonne magnifique de la cité vue du dessus ainsi que du soleil couchant au dessus de l'océan. Fait curieux toutefois, les bonnes âmes présentes s'engageant à la suite des serviteurs de l'Impératrice auraient pu jurer entendre des cries et des hurlements étouffés joints à du chahut comme si quelque chose se brisait, des sons lointains et éparses laissant plus penser à une hallucination mais qui semblaient provenir de l'autre bout du Palais. Pourtant, personne ne fit mention de la chose, tout au plus si l'on posait la question le Ducatus soutenait qu'il n'avait rien entendu et il en était de même pour ses suivants. Le Comes sembla même presque dévier toute éventuelle discussion en présentant les diverses gravures et autres décorations que l'on avait soigneusement disposés lors de la construction de l'édifice, agrémentant de petites anecdotes historiques dilués dans de vrais détails de conceptions afin de distraire tout ce beau monde le long du chemin. Finalement, après quelques pans d'escaliers et segments de promenade plus haut, l'on émergea à un carrefour, en face se poursuivait un chemin de ronde, à gauche l'intérieur du Palais et à droite après quelques arches et colonnes, les murailles florales et haies végétales des jardins impériaux se laissaient apercevoir, avec par delà l'horizon et ces derniers, l'ombre de la chapelle impériale qui faisait plus penser à dire vrai de par sa taille à une basilique de moindre importance qu'une réelle annexe restreinte dédiée à la prière.


Asclépios Sil Ménion - Si vos Excellence Représentante de l'Amiral et Sénateur veulent bien se donner la peine. Sa Majesté Impériale est prête à vous recevoir au coeur du Belvédère. Cette audience étant à huit clos, la garde se devra de rester en dehors des jardins et je me retirerais après vous avoir annoncé.

Les membres de la Tagma et la Garde Prétorienne n'avaient point attendu l'annonce, déjà au fait du protocole ces derniers s'étaient disposés ci et là tantôt aux abords des jardins, ou bien vers l'entrée de l'intérieur du Palatium, ce sur les instructions du Ducatus avant que ce dernier ne délègue la direction à un officier subalterne avant de se retirer, vraisemblablement appelé à se rendre dans une autre aile des lieux. Le maître des cérémonies, ouvrit alors la marche à travers les jardins, tête haute et posture digne, traversant les allées florales et les parterres végétaux, traversant un bref pont par là enjambant un cours d'eau artificiel, ce jusqu'à émerger au sein du "Belvédère" qui dans les faits était les abords d'une imposante terrasse marbrée sur le côté occidental le plus externe des jardins, jouxtant par la même occasion une voie d'honneur menant à la chapelle. Surmontée d'un pavillon ouvert fait de bois et d'étoffe n'étant pas sans rappeler la mode antique, les lieux s'achevaient de par la présence d'une longue rambarde de pierre surplombant les hauteurs et offrant une vue encore plus plongeante sur la cité que celle aperçu durant la montée. Enfin, au coeur du dispositif, une table en cercle à pied unique en son centre sur celle ci par dessus une nappe en soie pourpre aux augustes motifs brodés, un assortiment de rafraichissements et de gâteries comportant autant du thé Jashurien que de l'Hypocras local en passant par des pâtisseries et autres délicatesses.

Et, siégeant sur un imposant siège se voulant quasi-trône, engoncée dans ce dernier, une main portant un impérieux menton, et l'autre pianotant sur l'accoudoir, la maîtresse des lieux, arborant vraisemblablement une banderole pourpre disposée en diagonale surmontant ce qui semblait être une armure cérémonielle de l'époque moderne remise à noeuve à grands efforts mais qui trahissait toutefois par endroits les ajustements de protections contemporains pour un oeil avisé. Par ailleurs, le fourreau garni d'un glaive antique se trouvait au niveau de la ceinture, la poignée de celle ci étant ornée du symbole d'un aigle surplombant un assortiment de laurier. Et surtout, non pas des moindres détails, sur le crâne de la monarque et surmontant cette tignasse blonde habilement tressée et resplendissante tel le soleil, la Couronne Impériale en Or massif garnie de joyaux accaparait tout l'espace qu'elle pouvait afin de s'élever dans toute sa splendeur et la symbolique que l'on pouvait y associer.


Asclépios SIl Ménion - Votre Majesté Impériale, se présentent devant votre auguste personne, son Excellence Gina de la Gens di Grassi, Lieutenant du premier régiment des chasseurs de Strombola, aide de camp ainsi que descendante de l'Amiral Suprême Matteo Di Grassi, Triumvir de la Grande République de Velsna et vainqueur éternel des Barbaroï d'Achos, sa représentante pour l'audience de ce jour. A ses côtés de sa suite, l'honorable Sénateur du sénat des Mille de Velsna, Vito de la Gens Umarel qui selon la coutume se verra accorder le privilège d'assister à cette audience et d'en être acteur, mais plus encore témoins.

La Dame de Lykaron, entendant ces mots se redressa sans pour autant quitter le confort de son siège, cessant de pianoter de sa main libre et ramenant sa seconde sur le second accoudoir, amenant un regard inquisiteur sur les Velsniens et permettant à ces derniers de contempler les traits fermés d'un visage sévère qui s'il n'était pas une émanation d'amabilité n'était pas pour autant vecteur d'hostilité, tout au plus était-il impérieux avec une touche de contrariété venant certainement de quelques nouvelles désagréables portés à la connaissance de la souveraine il y avait peu.


Asclépios SIl Ménion -
Honorables invités, vous vous tenez devant sa Majesté Impériale Irène IV de la Gens Crysionos, Basilissa Autokrator du Basileía Lykharonion, Héritière de Rhêmus l'originel et Impératrice légitime de toutes les Rhêmes, Despote et protectrice de l'Ascalonie, Grande ordonnatrice des saints ordres de chevalerie de Saint Jean de Kaspary et Saint Michael du Couchant, Tribun suprême des Légions servant sous le gonfalon du Luminoion, Représentante du Christ sur Terre par la volonté de l'Orthodoxie, Pourfendeuse des traitres et félons de Léandra la rasée et Théodosine l'usurpatrice.

Une fois sa déclamation faites, le Comes se tourna et s'inclina devant sa suzeraine qui lui rendit un hochement de tête se voulant pour acquiescer à sa performance, s'accompagnant dans la foulée d'un geste de main.

Irène Crysionos -
Cela suffira Maître des Cérémonies. Considérons cette audience comme commencée. Allez donc exécuter ma volonté et aller réclamer des comptes de l'avancée des choses au Maître des Balances quand à l'extermination du nid de rongeur dans l'aile orientale. Vous pouvez vous retirer.

Sil Ménion se fendit d'une révérence protocolaire tout en reculant habilement avant de se retourner complètement une fois à l'angle d'une allée florale, disparaissant prestement et en silence dans ces dernières afin de s'exécuter selon la volonté impériale. Ceci étant fait, l'impératrice déporta à nouveau son regard vers les Velsniens, étendant son bras droit de tel manière à inviter par la gestuelle ces derniers à s'approcher à prendre place sur deux sièges bien moins imposants que le sien disposé autour de la table.


Irène Crysionos - Si leurs excellences veulent bien prendre place, il serait inconvenant de vous laisser patienter comme des piquets alors que l'occasion est inédite en son genre. Personne ne voudrait vous voir vous effondrer suite à une insolation faites sous les coups répétés de ce lourd climat afaréen.

Point intéressant pour les yeux avisés encore, au sein des délicatesses et boissons, disposés de manière stratégique proche des sièges vacants se trouver des pains vraisemblablement frais accompagnés de petits bols comportant des grains cristallins d'albâtre, ni plus ni moins que du sel, un fait loin d'être hasardeux.
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Les paroles de Légo raisonnaient dans l’esprit de Gina comme un tambour. A Velsna, les historiens étaient les sénateurs. Ce sont eux qui transmettaient la mémoire de leurs anciens confrères, et ils étaient parfois durs, ils calomniaient et maudissaient allègrement. Le Sénat lui-même pouvait interdire que l’on prononce le nom d’un ancien parlementaire ayant commis une infamie. Alors oui, cet homme de de palais voyait juste et ses paroles furent accueillies avec clairvoyance. Gina lui répondit simplement :
- N’ayez crainte, excellence. Nous refusons d’être les achosiens de quelqu’un d’autre.

En voyant ces foules s’amasser dans les splendides rues de Lykaron, le vieux Umarel fut intrigué par les signes arborés par cette dernière. Il y avait là une telle expression de la foi et du dévouement à cette dernière. Il était chose peu commune pour les eurysiens de l’ouest d’associer l’Etat à la religion, du moins à Velsna, ce n’était plus le cas depuis un demi-siècle. Bien que les velsniens fussent en grande majorité fidèles de l’Eglise de Catholagne, ce spectacle était tout à fait inédit pour ces derniers, et la religion n’était à Velsna plus l’affaire de la voie publique. Et même en Catholagne, il était difficile de trouver une telle ferveur. Le vieil homme posa la question à Ménion :
- Excellence. J’aurais une question. Je vois là beaucoup de signes religieux, et divers qui plus est. Quel rapport entretient votre altesse impériale avec la religion de manière générale ? Je suis curieux, car non seulement je vois les signes de l’Orthodoxie mais aussi beaucoup plus familiers de l’Eglise de Catholagne. La Basilissa est-elle garante d’une forme de paix religieuse ? Participe-t-elle aux débats théologiques qui marquent l’Eglise comme le faisaient les anciens empereurs ?

Umarel reconnu dans la cité que le convoi parcourait, un plan urbain familier. Lui qui avait déjà dans sa jeunesse parcouru les rues de Catholagne et de Théodosine. Certes, le forum avait des dimensions immenses comparés à d’autres, mais ce type de place se retrouvait sur tout le pourtour de Leucytalée, du moins dans toutes les villes en ayant conservé un, ou plusieurs. La statue de Saint Michel lui rappelait en revanche un souvenir plus proche : l’image de San Stefano, le saint protecteur traditionnel de Velsna, dont la basilique trône face au Palais des Patrices. L’évangélisateur légendaire venant de Catholagne, et qui convertit les barbares occitans, avant de mener dans son sillage les premiers colons du sud sur le territoire actuel de Velsna. Son culte s’était confondu avec celui, plus ancien, de Dame Fortune, et on dit qu’autrefois, les marins partant se battre contre les pirates zélandiens et achosiens organisaient une procession devant la basilique, qui ressemblait quelque peu à celle que les émissaires velsniens ont actuellement sous leurs yeux. Cet endroit, c’était comme si on retournait en arrière de quelques siècles finalement, la technologie en plus.

Umarel invita Gina à suivre docilement leurs hôtes, faisant totale abstraction de toute distraction possible, comme ce détour impromptu afin d’éviter le passage dans un endroit sinistré de la ville, ou bien ces cris que le vieil homme cru bien avoir entendu à son arrivée au complexe palatial. Umarel fut davantage séduit que Gina dans la démonstration des qualités des artistes de Lykaron. Bien que respectueuse et à l’écoute de ses hôtes, serrée dans son uniforme de régiment, elle se montrait insensible au fait artistique. Ce n’était pas là spécifique à Lykaron, car même les gargouilles de la Basilique San Stefano n’avaient pas le don de décrocher sa curiosité. Umarel pensait, peut-être à raison, qu’elle ressemblait trop au Triumvir DiGrassi pour que son esprit, formaté par ce dernier, soit assez pointu pour apprécier la beauté des statues et de l’Histoire. Aussi, elle fit semblant et pensait déjà à la suite des évènements.


Son attention se recentra à l’annonce de Ménion. S’il était attendu qu’en ces circonstances protocolaires, les strombolains qui accompagnaient l’escorte velsnienne devaient se retirer, Gina était toujours dans l’inconfort à l’idée que ses compagnons d’armes devaient se plier à ce genre de règlement. Les chasseurs de Strombola était un régiment qui parmi certains, avaient combattu les achosiens aux côtés de Matteo DiGrassi. Ce dernier les appelait volontiers par leurs prénoms, et les hommes du rang osaient, eux aussi faire de même, chose que le Triumvir ne permettait à personne d’autre, pas même aux autres sénateurs. Il était courant de l’entendre parler d’eux en ces termes : « Mes achosiens. », comme s’ils étaient les membres d’une famille élargie à l’Histoire longue et tortueuse. Toujours est-il qau’il fallu se plier aux règles de l’hôte comme chacun doit le faire.

Il y avait dans ce « Belvédère » davantage d’or que rarement autant de pierres précieuses furent entreposées au même endroit. L’expression du pouvoir se faisait ici comme partout, par le luxe et la complexité protocolaire. A la présentation de Ménion, Gina s’avança légèrement par rapport au vieux sénateur, qui se mit en retrait. Elle écouta tout autant que la Basilissa la longue, trop longue à son goût, présentation du serviteur de cour à son maître. Elle n’avait jamais aimé cette forme de cour et ces titulatures. Cela ne cadrait pas avec la mentalité des familles sénatoriales velsniennes. Non pas qu’elles y rechignaient, mais quiconque parmi eux s’arrogeant le titre « d’Amiral Suprême » aurait tôt fait de finir avec poignard dans le dos, tant on le taxerait aussitôt de tyrannie. Il n’y avait que des teylais sous les latitudes velsniennes, pour tenir fait d’autant de prétention. C’était là, encore une fois, l’expression de la séparation progressive des différentes parties de l’ancien Empire des rhêmiens, sans doute. Les titres de l’impératrice étaient là plus encore nombreux. Au-delà de la prétention d’incarner quelque chose de plus grand que n’importe que descendant des rhêmiens, il y avait là la légitimité apportée par l’Histoire, un outil puissant, et Gina comprenait maintenant mieux les laïus de Vito Umarel sur la question durant tout leur trajet.
A l’annonce ces titres, les velsniens s’inclinèrent une première fois dans un silence religieux, il n’y a eu pas mot à cet instant. « Maître des Balances ? » pensa Gina, une fonction en vigueur à Velsna, même si il fut tenue par un voyou de la pire espèce encore récemment.

Assis sur leurs sièges, les délégués velsniens prirent place, et le vieux Umarel observa la table, et fut le premier à demander à son hôte :
- Votre Majesté impériale. C’est un honneur pour nous, d’être reçu à Lykaron. Il y a bien des années que je ne m’y étais pas rendu, et cet endroit est toujours aussi beau qu’autrefois. Bien davantage que Théodosine si je puis me permettre. L’air est sec et sain pour mes poumons, contrairement à nos latitudes qui fatiguent les articulations. Doit-on briser le pain tout de suite, votre Majesté Basilissa ? C’est une pratique devenue injustement désuète dans notre cité, et qui figure dans la longue liste de ce qui devrait être restauré.

Le vieil homme se contenta de politesses, ne voulant en aucun cas s’intéresser à ce « problème de rongeurs », quoi que cela puisse signifier. Ne jamais être envahissant ou insistant, l’invité connait sa place.
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Asclépios Sil Ménion - La religion est un sujet aussi complexe que crucial en cette cité excellence. Elle est au bas mot une part même de l'âme de celle ci. La Basilissa est la représentante du Divin en cette terre et officie comme cheffesse de l'Orthodoxie en cette terre bien que dans les faits la plupart des tâches séculaires et propres au pouvoir spirituel en lui même soient dévolues au Patriarche. Les médisants dénoncent sans cesse la chose, clamant qu'il s'agit d'une sujétion absurde frayant avec la tyrannie et l'impie, dégénérés communistes et fascistes dévolues de toute forme de pensée rationnelle, représentants d'un monde Orthodoxe en crise et en pertes de repères, ni plus ni moins.

Amertume et bile se faisaient clairement ressentir dans les paroles du Comes qui ne cachait pas son dédain quand à toutes formes de critiques vis à vis du régime, plus encore vis à vis du Culte, témoignant d'une croyance sincère dans quelque chose de plus grand.

Alexios Sil Légo - Sa Généreuse Majesté Impériale n'est que l'humble protectrice de l'ordre divin et assure l'intégrité de ses servants, de leur paroles et de leurs biens. Les bêtes écervelés n'y entendront jamais rien car elles sont dépourvues de ce qui fait l'âme, victime d'un vide spirituel qui ne sera jamais comblé malgré tous les efforts imaginables pouvant être accomplis.

Le Comes émit une quinte de toux que l'on eut du mal à définir comme volontaire ou accidentelle.

Asclépios Sil Ménion - Il n'en demeure que en dépit de sa relation privilégiée envers l'Orthodoxie, sa Majesté Impériale est aussi en vertu des anciens codex législatifs de Rhême dont elle est l'héritière, réaffirmé par le Concordat d'union de Santa Léone avec la Sérénissime Fortuna, garante de l'harmonie religieuse au sein de l'Empire. Certes tous les cultes ne sont pas sur un pied d'égalité, mais tant qu'ils ne contreviennent pas à la loi et à l'ordre moral, ceux ci sont tolérés, vous trouverez en ces terres de nombreuses confession, des fils d'Abraham aux adeptes du Prophète du Couchant en passant par des cultes que l'on aurait cru oubliés. La diversité religieuse est une réalité, aujourd'hui comme autrefois. Toutefois...

Il marqua une pause afin de reprendre légèrement son souffle.

Asclépios Sil Ménion - Le Christianisme Catholan est un cas à part et dispose d'un statut spécifique lui reconnaissant des privilèges de... Prosélytisme et d'expression manifeste pourrait-on dire. L'Histoire de l'Ascalonie est intimement lié à l'ère des croisades, et de très nombreux vestige de celle ci ont subsisté et se sont adaptés en conséquences. Si vous avez un jour le temps et l'envie de courir les campagnes montagneuses de cette péninsule, vous pourrez contempler les Forteresses des Ordres Croisés encore en activité, le plus imposant à ce jour étant celui de Saint Jean de Kaspary dont les quartiers les plus importants se situent sur l'île du même nom au nord et qu'ils administrent même au nom du Trône comme des féodaux d'antan.

Alexios Sil Légo - Les croisés reconnaissent l'autorité du Trône en échange de privilèges conséquents, mais d'aussi loin que l'on se souvienne contrairement aux vils podestats et aux Strategos perfides, ont toujours fait preuve de loyauté et tenu leur parole.


Asclépios Sil Ménion - En effet, en dernier point, sa Majesté Impériale ne s'ingère pas dans les débats d'ordre théologique d'ordinaire, elle délaisse ces affaires là aux ecclésiastique et n'intervient directement que lorsque des... Troubles religieux adviennent, chose rare ceci dit.

Rare de par l'omniprésence et la toute puissance de la Tagma, secondée par les ordres militaires de l'Orthodoxie ainsi que les croisées qui n'hésitaient pas à rappeler aux minorités mécontentes que la tolérance ne signifiait pas acceptation de leurs fois païennes et / ou hérétiques. Une énième de ces ironiques contradiction voulant que les branches Catholanes et Orthodoxes se considéraient elles mêmes respectivement comme hérétiques, ce qui de toute évidence était une chose plutôt théorique en ces lieux où les vestiges du passé avaient décidés de mettre leurs différents de côté afin de faire front commun contre les ennemis de la nouvelle ère.

***

Si il apparaissait comme évident que l'Impératrice devait se situer quelque part entre la trentaine et la quarantaine de par les traits de son faciès pour la plupart encore de première jeunesse, son expression si elle était évidement sévère, trahissait aussi allègrement une touche de fatigue et de lassitude, comme si l'intéressée avait pris quelques années en plus voir même une décennie entière d'âge mentalement, quand à savoir si cela était dû à la charge de travail de son rang ou à autre chose, le mystère était entier. Toujours est-il que n'en déplaise à la fourberie de son propre corps, elle n'en donnait pas moins le change et n'en laissait ainsi rien paraître au niveau de sa posture, dignité impériale oblige. Lorsque le Sénateur, une fois les Velsniens ayant pris place, se décida à prendre les devants, ouvrant les choses avec une bardée de platitudes polies d'usage, amenant toutefois in fine la chose sur le cas du pain. Cette réalisation que le détail n'était pas passé inaperçu arracha un bref sourire de coin l'espace d'un instant à la souveraine avant que son visage ne s'en retourne à son expression d'origine. En réponse, elle étendit son bras vers le pain, ouvrant la paume de sa main, intérieur tourné vers le cil.

Irène Crysionos - Si fait. Les traditions sont l'âme d'une terre et incarnent les liens les plus sacrés qui soient après le sang et la foi. Celui ci est sorti du four il y a peu, cuit à même le charbon selon des procédés transmis de générations en générations via le bouche à oreille. Quelque chose de simple, fait avec la passion, imprégné de l'âme de son concepteur. Il fallait au moins cela pour marquer l'occasion.

La Basilissa marqua une pause, déportant un instant son regard vers l'horizon, vers les colonnes de fumée s'élevant encore vers les cieux, témoignant de la ténacité des flammes encore en train de sévir ci et là. Aucune émotion particulière n'émergea de la monarque qui se contenta de froncer un peu plus en avant les sourcils.


Irène Crysionos -
"Et celui qui sous mon toit partagera le pain et le sel se verra accorder les privilèges de l'hospitalité et se verra astreint de tout maux pouvant l'atteindre là où ceux rejetant les mets ne recevront que mépris, haine et un juste châtiment car seul un être abject emprunt de malveillance se refuserait à accepter la générosité de son Hôte.".

Clama-t-elle, récitant là une citation d'un de ces auteurs antiques rapportant pour les générations contemporaines de l'époque et celles à venir des états de faits et des lois se voulant universelles bien que tacites et orales. L'hospitalité était un concept ayant une signification très particulière dans l'antique Rhême, l'ordre du social, les festivités et les relations étant une part importante de cette société, l'on avait porté leur manifestation au rang d'art, jusqu'à l'instrumentaliser en politique. De fait, il n'était pas rare autrefois que dans le cadre de rivalités, conflits et vendetta diverses entres individus, l'un en mal aille se réfugier chez un tiers parti en quémandant hospitalité, ce qui lui accorderait par la même occasion la protection inconditionnelle de son hôte. Combien de Gens et autres individus s'étaient retrouvés fort dépourvues au cours de l'histoire pour s'être essayer à outrepasser ou braver les lois de l'hospitalité ? Bien trop à dire vrai. La Symbolique était forte, puissante, et bien plus significative que des paroles afin de faire connaître ses intentions.


Irène Crysionos - Ceci étant dit, je suppose que mes conseillers ont déjà dû transmettre la chose, mais laissez moi vous présenter à nouveau mes condoléances pour vos pertes. Bien que ce résultat tragique ne m'ait guère surpris lorsque les nouvelles arrivèrent à mes oreilles. Après tout la fourberie de ceux qui se revendiquent fièrement tel des coqs comme du sang vicié de Léandra est connue comme l'on connait un méfait de Caratrad jusqu'à Beiyfon. Vos Scaela n'ont rien à envier aux nôtres en cela, si ce n'est peut être que leurs cousins leucytaliens ne cherchent pas à mimiquer des baleines obèses sans aucune finesse ni bon sens.

Fait amusant, l'on pouvait apercevoir ce qui s'apparentait en un sens à un tic dès que l'impératrice évoquait ne serait-ce qu'indirectement Léandra et ses descendants, sous la forme d'un grincement caractérisée comme si un goût immonde subsistait dans la bouche de l'intéressée après avoir énoncé les termes. De toute évidence, le Trône de Lykaron avait des Griefs, et si ce dernier ne semblait pas vouloir exposer encore clairement le tout, à commencer par les raisons de cette invitation, cette approche pour le moins détournée via le lever de voile sur des détails cruciaux, pouvait dans les faits apporter un semblant de lumière sur les innombrables fils entremêlés à Velsna et dont certains remontaient vraisemblablement jusqu'à Fortuna. Si l'on avait certes encore de nombreuses questions et doutes, peut être certains seraient-ils dissipés à l'issue de cette audience. Dans tous les cas, de par le niveau de dédain adressée à l'égard des Scaela, la situation d'ensemble était de toute évidence plus complexe qu'il n'y paraissait.
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Le vieux sénateur n’avait qu’un souvenir fugace du degré d’implication du pouvoir impérial dans les questions religieuses. Théodosine, qu’il eut connu plus en détail possédait des pratiques proches. Il y avait encore des contrées dans ce monde où la foi revêtait d’une importance politique et ces eurysiens de l’ouest avaient tendance à vite l’oublier. Toujours est-il qu’il valait mieux éviter les sujets que l’on ne maîtrise pas totalement. Aussi, le vieux sénateur laissé couler la conversation, comme s’il s’agissait d’un sujet comme un autre sur lequel on pouvait bondir jusqu’à un autre.

Au cœur du Belvédère où tous les acteurs de cette pièce avaient prit place, si Umarel avait inauguré cette conversation avec des politesses communes et des flatteries conformes à l’usage, Gina était moins disposée à ne évoquer des sujets que ce dernier n’a dans un premier temps pas voulu aborder. Depuis le Belvédère, cette dernière pouvait observer avec plus d’aisance l’étendue de l’incendie ayant frappé la ville et que le convoi avait évité. Aussi, elle ne pu s’empêcher de parler à l’endroit où portant, le vieux sénateur l’a intimé à la prudence :
- Cette vue est splendide. Chez nous, il n’y que la flèche de la Basilique San Stefano qui permet d’avoir un tel panorama. Puis-je vous adresser mon attention et ma compassion pour le fait de ce feu, qui ne ternit cependant en rien le lustre de cette cité. Il faudrait plusieurs tremblements de terre de suite pour se faire.

La jeune femme avait l’impression de faire tache dans ce décor d’apparat et de joyaux. Elle qui était dans cet uniforme militaire de convenance était comme un point sombre au milieu d’un visage. Elle entendait bien, au moins, sortir d’une certaine ignorance en questionnant à son hôte la signification de certaines allusions dont elle ne comprenait pas l’origine ou le sens. En brisant le pain à son tour, elle demanda à la Basilissa :
- Votre Majesté impériale, pardonnez-moi si je vous parais inculte ou peu au fait de l’Histoire. Il y a-t-il une raison historique précise de l’aversion que vous portez à l’endroit de Léandre ? Je suis peu au fait de ce genre de choses, mais si vous haïssez autant cette cité, ne devriez vous pas haïr Velsna tout autant ? Ce n’est pas exactement la même chose, certes, mais il y a fort à parier que les trois quarts du Sénat de Velsna cherche à prouver une origine généalogique reliée à Léandra pour se parfaire en plus de l’argent. La famille de ma mère elle-même est d’origine landrine, à défaut que mon père le sache avec certitude pour lui, d’autant qu’il y paraît totalement indifférent. Une partie de nos institutions et de notre langue est inspirée en partie de cette patrie, dans les éventualités où ce n’est pas le cas de Fortuna. Aussi, si cela paraît dérangeant pour vous de traiter avec nous, je tenais juste à vous prévenir de cet état de fait, que l’on ne puisse pas nous accuser de tromperie ou de duplicité. Ce point abordé, je me dois de vous rassurer également : je ne suis pas plus intéressé par les vieilles histories de Léandra que mon père ne l’est. Et nous sommes davantage réputés pour avoir le caractère stoïque de strombolains que de landrins.
Je vous remercie de votre sollicitude pour nos pertes. Mon oncle était un homme bien, et je suis certain qu’il vous aurait fait part des mêmes flatteries que nous avons émis à l’adresse de Lykaron s’il avait vu cette ville de ses yeux. Sans aucun doute la trahison est une carte puissante dans un jeu, mais comme je l’ai déjà dit, Scaela ne pourra la jouer d’une seule fois. Et il nous tarde à tous de réparer cette injustice.


Le vieux sénateur tenta de changer le sujet de Léandra et du deuil pour d’autres raisons impérieuses, mais la fille du Triumvir avait pris le contrôle de la conversation pour sûr, et ce fut bien elle qui se chargea de cette besogne. De son paternel, elle était proche en caractère et en attitude. Aussi, elle ne tolérait qu’un temps relativement restreint les longueurs dans la parole et les conversations de « boucleurs », comme on disait si bien en Paltoterra. Les palabres sénatoriales n’étaient pas de son goût, et elle le fit savoir par les mots :
- Nous apprécions d’avoir été placés sous votre protection, et nous prenons plaisir à briser le pain. Et il nous plaît d’entendre vos descriptions on ne peut plus vrai de Scaela. Mais qu’en est-il de la raison de notre venue à vos côtés ? Cette affaire devrait être lointaine pour vous, rien de plus que des intrigues dans une obscure cité d’Eurysie occidentale qui jusqu’ici, n’avait eu que peu de contacts avec sa majesté impériale de Lykaron. D’où ma curiosité de me retrouver ici aujourd’hui. Qu’a donc à gagner le trône impérial à s’intéresser à cette guerre ? Y-a-t-il un lien avec le fait que notre adversaire, amoureux des landrins a fait sa tournée de l’Eurysie du sud il y a peu, et s’est encore couvert d’une vertu en faisant le tour des sites historiques de Léandra à Fortuna et en Manche Silice ? Cet endroit est magnifique votre majesté impériale, mais ma curiosité est avant tout attirée par la surprise que vous nous réservez.

Le vieil Umarel avait renoncé à intervenir. S’il manquait encore le tact à la jeune femme, elle ne s’en était pas si mal sortie à son goût. Peut-être y avait-il encore un espoir de faire d’elle une oratrice plus patiente que son père, qui avait davantage sa place dans un camp une nuit d’hiver que sur les bancs du Sénat. Un diamant brut, mais qu'il fallait sans aucun doute beaucoup tailler.
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