Posté le : 13 oct. 2022 à 15:28:15
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ENQUETE SUR LA PEINE DE MORT
INSTITUT DES HAUTES ETUDES CRIMINOLOGIQUES ET DE SECURITE INTERIEURE
Réponse à l'enquête par l'Institut National Statistique, Economique et Sociologique (INSES), République Directe de Banairah
L'INSS est l'organisme de recherche officiel de la République Directe de Banairah. Il est chargé par les autorités d'effectuer des rapports réguliers sur la situation sociale et sociétale du pays en prenant en compte différents axes cruciaux pour la compréhension des enjeux et défis auxquels fait face le pays. Ces rapports, ainsi que les études conduites pour leur écriture, sont rédigés par des équipes indépendantes afin d'éviter au possible tout conflit d'intérêt et de permettre aux citoyens et au gouvernement élu de proposer des solutions pertinentes aux problèmes rencontrés ou à l'inverse d'encourager les bonnes dynamiques. La collecte de données se fait grâce à la politique de transparence mise en place depuis les années 1970-1980 obligeant les différentes organisations gouvernementales à garantir un accès sur demande à toute information non confidentielle aux équipes de recherche. Une partie de ce données est elle-même accessible au grand public. Les publications de l'INSS sont disponibles sur leur site internet, ce afin encore une fois d'aider à la décision.
QUESTIONNAIRE
1 – Le statut de la peine de mort
La peine de mort est légale mais peu appliquée au Banairah. La peine de mort fait partie des plus sévères peines existant dans le code pénal, celle-ci figurant avec l'exil, les deux étant souvent accompagnées d'une perte de la citoyenneté ainsi que de la nationalité, les deux statuts étant différents (le premier donnant le droit de participer à la vie politique du pays, le deuxième permettant de bénéficier des services publiques ainsi que de la protection diplomatique : récupération d'otages, protection au sein d'une ambassade).
2 – Position de la société sur la peine de mort
La peine de mort est perçue comme une peine de dernier recours envers les individus ayant renié tout principe et ayant refusé de revenir dans le droit chemin. Là où certains pays préfèrent emprisonner les traîtres, les tueurs en série ou les criminels de guerre, la justice banairaise considère que ces coupables ne peuvent être conservés en vie sans présenter un danger intolérable. Ainsi, tout condamné ayant reçu une peine visant à le réhabiliter si cela est possible mais ayant récidivé d'une quelconque manière, et ce peu importe la gravité de l'acte, se verra condamné à mort. Pour le public, il s'agit d'une mesure de sécurité qui défend le bien du plus grand nombre, et qui aide à respecter les fondamentaux moraux et sociétaux. De plus, un dangereux criminel récidiviste est une charge pour la société et ne mérite pas de se voir alloué les ressources issues du travail de la communauté pour son emprisonnement. Il est donc perçu comme normal et souhaitable "d'en finir", une opinion choquante du point de vue de pays étrangers qui partagent une vision opposée. Autre argument en faveur de la peine de mort, la symbolique de l'exécution : le criminel ne s'étant pas résolu à revenir dans le droit chemin, il est exclu de la société, "effacé" à tout jamais. En ces cas de figure, deux options sont possibles : l'exil et la peine de mort, le premier étant réservé aux criminels de moindre importance et qui donc peuvent être envoyés au loin. A noter que tout exilé revenant dans l'espace maritime, terrestre ou aérien est passible d'une exécution sur place, ce afin de prévenir toute récidive sur le sol banairais, et que l'état n'acceptera pas de reprendre en charge ses ressortissants exilés puisqu'ils sont privés à leur condamnation de leur nationalité et de leur citoyenneté.
La peine de mort est également culturellement utilisée comme une humiliation du condamné, qui dans les cas les plus graves peut techniquement se voir privé d'une sépulture standard, remplacée par un monument condamnant ses actions et pleurant les victimes de ses méfaits. Pour les Banairais, qu'ils soient musulmans pratiquants ou non, la peine de mort symbolise l'inscription éternelle des méfaits de l'individu exécuté qui portera ses péchés jusque devant Dieu. Le Banairah, malgré sa politique anti-religieuse, reste fortement empreint par l'Islam, conservant de très nombreuses pratiques dans toute la société, notamment la justice qui revêt une fonction de régulation morale envers les devoirs de tout individu. Ces devoirs sont perçus comme des devoirs de citoyen ou de croyant, et proviennent directement de la religion.
3 – Histoire de la peine de mort
La peine de mort a toujours été appliquée au Banairah ainsi qu'aux états et tribus qui l'ont précédé. D'abord appliquée envers les infidèles, les pêcheurs, les déserteurs et les traîtres, elle servait à renforcer le pouvoir tribal nomade et à fédérer les sujets autour d'un même ensemble de valeurs. La colonisation novi des territoires côtiers tribaux a apporté son lot de condamnés, et ce quelque-soit le camp. Les Novi exécutaient les chefs de révolte et appliquaient leur propre loi en leurs nouvelles terres. Les tribus indigènes quant à elles condamnaient à mort les traîtres et collaborateurs qu'elles réussissaient à capturer, et n'hésitaient pas à massacrer les convois novi qu'elles embusquaient. A la reconquête et la libération des terres tribales du nord, de grands procès publiques ont été tenus pour condamner les collaborateurs, traîtres et étrangers qui n'ont pas pu échapper lors de la mise à sac des colonies novi. Lors des périodes de paix, la peine de mort était bien moins appliquée et souvent réservée aux meurtriers et aux traîtres, ainsi qu'aux grands blasphémateurs. En effet, la Ben Bahè, nom donné aux vastes terres natales des peuples tribaux unifiés de ces temps reculés (400-1000), était gouverné par une junte militaire menée par un Calife-seigneur de guerre chargé de faire respecter la loi religieuse et faire régner la paix et la concordance entre les peuplades unifiées. La période des Grands Progrès débutant au début du premier millénaire a apporté plusieurs textes fondateurs de l'esprit national banairais que l'on connaît aujourd'hui. Est née à cette époque une idée qui prit peu à peu son importance au sein de la société, celle de la mission réhabilitatrice de la Justice. Les philosophes religieux, notamment chrétiens, ont aidé à transmettre la notion de repentance. En premier lieu, cette approche était donc religieuse et visait à aider les âmes perdues à se redresser et à recevoir le pardon de Dieu, d'Allah. Ainsi, certains condamnés apportés à la cour des gouverneurs locaux ou du Caliphe (qui exercaient un rôle de médiateur et de protecteur de la foi et de la morale, complétant ainsi le rôle des premières assemblées populaires locales décidant d'une partie des lois et actions régionales) lui-même pouvaient bénéficier de la protection de religieux bienveillants ayant confiance en l'humanité du coupable. Les condamnés se voyaient donc envoyés en prison et enseignés les préceptes fondamentaux. Les corps religieux en charge de ces "hôpitaux de l'âme" portaient la lourde mission de réintégrer à la société leurs prisonniers qui souvent en cas de réussite intégraient des groupes de pratiquants aidant les pauvres et les miséreux. Les réhabilités finissaient souvent par mourir de maladie lors de leur service médical, et ce malgré les avancées fulgurantes quant à la prévention des maladies (c'est en cette période que naissent les plus prestigieux centres médicaux du monde médiéval, avec des technologies de pointe et une connaissance étonnamment précise pour l'époque, allant de la chirurgie oculaire au traitement de maladie des os). Néanmoins, leur destin était perçu comme tout à fait enviable, car ils avaient pu être pardonnés par Dieu et servir sa cause. Mais si le carrefour culturel novi-rémio-banairais avaient apporté des idées novatrices pour l'époque et tiré le meilleur de l'intellect banairais, il a également apporté des tensions religieuses croissantes avec l'arrivée de communautés religieuses différentes (en majorité chrétiennes) qui gonflèrent jusqu'à exploser en guerres de religion, menaçant l'harmonie autrefois présente. La peine de mort se voit utilisée de plus en plus souvent dans l'espoir de mater la résistance et de faire fuir les infidèles qui refusaient de vivre en paix avec les musulmans. Cette pratique poussée à son paroxysme ne fit qu'exacerber les tensions et radicaliser chaque camp, menant plusieurs décennies après la fin des guerres religieuses à l'interdiction de la pratique publique de la religion, quelle qu'elle soit, une décision très fortement contestée mais qui finit par passer avec la baisse de la foi suite aux crimes de grande ampleur dont le peuple venait d'être témoin. Avec la baisse de la ferveur religieuse, la peine de mort fut de moins en moins appliquée pour les crimes de religion, de peur de raviver la haine inter-religieuse qui avait embrasé la religion pendant plusieurs années. La période des Grandes Guerres Mongoles changea la donne, la religion redevenant un facteur d'union face à l'envahisseur et étant utilisé par les communautés religieuses dans la propagande pour motiver les troupes et enrôler des renforts. La durée du conflit ne fit qu'augmenter le gain que représentait cette peine : en temps de guerre, l'état n'avait aucune ressource, surtout alimentaire, à allouer à des prisonniers sans valeur. Le nombre d'exécution reste cependant difficile à évaluer, les traces écrites étant éparses et peu souvent créées : beaucoup d'exécutions se passaient en dehors du cadre légale, effectuées par l'armée elle-même qui n'avait pas de temps ou de papier à utiliser pour une tâche si peu utile en temps de guerre. La reconquête ne se fit que pour une partie des terres, le Banairah étant à la même époque traversée par une crise de séparatisme. Les peuples fidèles à l'union fédérale rétablirent la paix dans leurs territoires et prirent le temps de remettre à jour leur corpus légal suite au départ de plusieurs peuples régionaux de la république. La peine de mort fit partie des peines "mises à jour" et il fut décidé qu'aucun citoyen ne puisse être condamné à mort pour sa religion tant qu'il restait fidèle à son pays, à savoir ses lois, sa culture et ses intérêts, et au peuple qui l'avait intégré dans ses rangs. C'est à cette époque que fut mis sur la table l'idée d'un processus légal de naturalisation qui fut remis à plus tard en attendant la stabilisation du territoire. Ce changement de vision déplaça le motif religieux dans l'esprit de la loi pénale, qui renforça son aspect moral et religieux et le pérennisa. Ce transfert permit de faire accepter le code pénal banairais aux nouveaux peuples subjugués à l'autorité du Khasserat, nouvelle entité "caliphale" spirituelle qui désormais n'était plus à proprement dite religieuse. Ces peuples n'étaient autre que les Basmates et les Destanes, deux peuples fort pratiquants. Depuis cette époque (XVème siècle), malgré les importants changements ayant bouleversé la société banairaise en cinq siècles, la peine de mort a guère évolué et reste à ce jour une peine appliquée au sein du Banairah, que ce soit pour ses (anciens) ressortissants que pour des ressortissants étrangers en cas d'accord de la justice nationale correspondante ou en situation exceptionnelle (crimes dits "inhumains" ou de masse qu'il serait amoral de le laisser impuni ou rabaissé à une condamnation digne d'un délit).
4 – La peine de mort automatique
La peine de mort automatique est légale et s'applique pour les hautes trahisons, les actes terroristes et les criminels de sang souffrant de maladies incurables étant à l'origine de leurs crimes. Pour ces derniers, des dispositions particulières sont mises en place pour que les familles puissent faire le deuil et pour que le condamné soit respecté, n'étant pas coupable de sa propre condition. Ces dispositions font hurler d'indignation les deux camps tranchés sur la question : certains défenseurs de la peine de mort sur ces condamnés assènent qu'elles bafouent la mémoire des victimes, tandis que d'autres défenseurs trouvent ces dispositions justes car adaptées au respect de la dignité humaine et des familles qui voient l'origine de leurs malheurs disparaître et que les partisans de l'abolition de cette peine argumentent qu'il faut attendre d'être certain de ne pas pouvoir trouver un traitement adapté aux malades avant d'appliquer une peine sans retour en arrière. La peine de mort automatique a également lieu pour les récidivistes meurtriers après tentative de réhabilitation.
5 – Méthode d’exécution de la peine
Les crimes traditionnellement (dont du point de vue de la religion) considérés comme gravement immoraux (à savoir les crimes de masse, les crimes de sang agravés, le trafic d'êtres humains ou d'organes) sont punis de lapidation ou d'écorchement. Ces méthodes sont délibérément violentes, lentes, douloureuses et peu humiliantes pour venger les victimes. D'un point de vue culturel, ces exécutions font figure d'expiation des pêchés et de punition divine dans le monde terrestre, ce traditionnellement et donc dans l'inconscient collectif. Elles permettent de faciliter la condamnation à l'oubli éternel après la mort et au bafouement de la sépulture du condamné. Ceci est de toute évidence considéré comme barbare par plusieurs peuples étrangers et par une minorité de la population banairaise. Elles restent toutefois très largement acceptées et appréciées par la population.
Les condamnés à mort pour haute trahison connaissent un destin différent selon leur trahison. La longueur de l'exécution dépend de la gravité de l'acte et de ses conséquences, et le moyen d'exécution de la méthode ou du domaine que le criminel a choisi pour sévir. Un traître ayant transmis des informations à l'ennemi se voit décapité et éventuellement coupé la langue auparavant. Un traître ayant combattu pour l'ennemi se verra fusillé, et un membre de coup d'état sera alternativement pendu en place publique ou planté dans un pieu. Encore une fois, ces pratiques sont parfois considérées comme barbares et sont donc par conséquent appliquées qu'en cas de crimes graves. Il est à préciser que les hautes trahisons ne peuvent faire l'objet d'une réhabilitation, néanmoins les trahisons de plus faible importance conduisent à l'emprisonnement et non à l'exil pour des raisons évidentes de sécurité étatique.
Les condamnés à mort ayant été diagnostiqués d'une maladie mentale incurable (CMM) dont on a prouvé qu'elle constituait l'origine du ou des crimes du condamné sont condamnés à l'injection létale. Celle-ci est conçue pour provoquer une mort rapide et sans souffrances.
Les criminels de sang récidivistes sont condamnés dans les limites du possible de la même manière qu'ils ont tué leur victime. Un meurtre par empoisonnement sera puni par une exécution à la siguë par exemple, tandis qu'une éventration sera punie d'une éventration. Une défenestration sera par contre punie par défaut par une pendaison par chute.
6 – Les conditions de détention avant exécution
Il ne peut y avoir de temps d'attente avant l'exécution, ce afin d'éviter toute fuite du condamné ou toute perturbation de sa détention avant condamnation. Les condamnés CMM font figure d'exception et peuvent être visités par leur famille. Tous les autres criminels ne peuvent bénéficier d'une visite et sont exécutés sur-le-champ. La famille peut toutefois demander à assister à l'exécution, même si cela est déconseillé et dans le cas où le condamné n'a pas été condamné pour haute trahison, ce afin de préserver au mieux la sécurité nationale.
7 – Les crimes capitaux, les crimes passibles de peine de mort : théorie et pratique
Les crimes capitaux sont les crimes de haute trahison, de terrorisme, de trafic d'êtres humains ou d'organes et les crimes de récidive. Les coupables de crime de sang et de pédophilie ayant récidivé après leur peine de réhabilitation sont donc condamnés à mort. En pratique, l'efficacité de la justice réhabilitatrice banairaise permet de maintenir un nombre d'exécutions faible.
8 – Conditions éventuelles concernant les personnes mineures, les femmes enceintes, les personnes âgées et autres particularités
Les mineurs bénéficient de peines de réhabilitation plus importantes pour garantir leur redressement. Il est interdit de condamner un mineur à la peine de mort, peu importe sa condition. Les mineurs sont emprisonnés, si nécessaire, au lieu d'être exécutés, et placés sous haute surveillance si le coupable est suffisamment dangereux pour justifier des précautions supplémentaires.
Les femmes enceintes sont gardées en bonne condition jusqu'à leur accouchement, et des dispositions sont mises en place pour garantir un environnement psychologique et matériel stable à l'enfant qui sera confié à un orphelinat et mis sous tutelle d'un médecin spécialisé si l'enfant n'a pas de famille à même de prendre soin de lui. Les personnes âgées ne bénéficient d'aucune condition particulière.
Les crimes les plus graves (meurtres en série, meurtres agravés, torture, ...) abolissent le droit du condamné à se recueillir sous surveillance avant son exécution. Dans certains cas précis et dans un cadre sécuritaire rigoureux, il est possible pour les victimes ou famille de victime de lancer des cailloux sur la tête du condamné lors d'une exécution par lapidation. Cette disposition n'est pas appliquable pour les crimes de haute trahison pour des impératifs de sécurité étatique.
9 – Statistiques de la peine de mort
Durant 2006, 10 procès ont conduit à l'exécution de l'accusé. Durant 2007, on compte 11 exécutions, un nombre qui semble relativement stable au cours du temps (Source : Ministère de la Justice, Cour Pénale).