20/08/2016
07:05:33
Index du forum Continents Eurysie Carnavale

Activités étrangères au Carnavale - Page 3

Voir fiche pays Voir sur la carte
9237
Logo des services du renseignement alguareno

26 mars 2012 - CONFIDENTIEL - Chantage à l’arme de destruction massive, Carnavale dans le viseur des services de renseignement alguarenos.


Cellule d'investigation et du renseignement alguarena
Parmi les unités du renseignement alguareno, une cellule s’est récemment formée pour jeter son dévolu sur le cas de la Principauté de Carnaval.

Forte que de son seul stock d’armes de destruction massive, Carnavale finit d’amuser la première puissance mondiale qui en fait une cible prioritaire au travers de son service du renseignement.

“Le dernier à avoir menacé le monde libre de frappes balistiques était le Kronos, on sait comment ça s’est passé ensuite…” avait confié un responsable des opérations devant son auditoire d’agents spéciaux, missionnés pour la constitution d’une cellule du renseignement, faisant grand cas des élucubrations carnavalaises qui avaient cette fois eu l’impertinence de menacer l’intégrité physique des populations alguarenas. Sur un plan intellectuel, menacer l’intégrité d’une population d’inconnus en vue de faire fléchir un concurrent bancaire qui en a “strictement rien à foutre” du devenir desdites personnes n’était clairement pas le choix d'interlocuteurs le plus judicieux. Une raison donc d’autant plus valable, pour considérer le caractère irrationnel des autorités de la Principauté de Carnavale face à une fin de non-recevoir inéluctable des institutions bancaires et privées du Groupe Pasatiàs.

“Les institutions bancaires carnavalaises ont vocation à essuyer un net recul, sauf si elles prêtent aux rebus de la nouvelle notation bancaire mondiale, elles sont d’ores et déjà la deuxième banque mondiale” s’était permis d’insister le responsable aux opérations. “Dans ce contexte, il convient de les considérer comme un animal blessé, capable du pire pour s’offrir une visibilité qui ne sera plus permise par l’excellence…”

Un topo de la situation qui capte l’attention de chacun parmi l’assistance mais peine encore à tracer les principaux angles d’attaque. Une mise en bouche donc, qui poussa le responsable des opérations à poursuivre sur sa lancée, coupa les lumières des éclairages plafonniers pour illuminer plusieurs grands écrans sur lesquels une projection débutait.

Capitaine Carlos Garsillas : “Messieurs et mesdames, sur l’écran face à vous, se présente le bac à fange que nous ferons l’effort d’appeler Carnavale le temps de nos opérations. La Principauté de Carnavale, depuis la formulation de menaces terroristes contre le principal établissement bancaire de notre pays, s’est faite la cible prioritaire de nos services du renseignement qui vont présentement et vous l’avez compris, se composer de chacun d’entre vous, pour la région.

Les autorités carnavalaises ont menacé de l’emploi de frappes balistiques contre des populations alguarenas sur le sol fédéral, au titre qu’il existe des agences bancaires internationales de renom dans notre pays... Que le caractère irrationnel des revendications carnavalaises soient prouvées ou non, il est des menaces que la présidence nous somme de ne pas laisser sans réponse et celle-ci en fait partie.

Sur cette base, la direction aux opérations du renseignement alguareno m’a confié l’insigne honneur de porter votre équipe au plus près du centre névralgique carnavalais, pour ébranler l’autorité sur place et nous garantir une paix durable par le chaos. Une action préventive ou répressive, je laisserai à chacun le soin de s’en faire une opinion. Trouvez la raison qui vous fera avancer dans cette opération portée à l’échelle d’un pays assimilé à l’ennemi.


Désignation des cibles.

Pour porter atteinte à l’intégrité du territoire carnavalais et à l’autorité de ses gouvernants, nos services du renseignement souhaitent inscrire votre action dans le schéma usuel du renseignement et séquencé en quatre phases, avec premièrement la question de la désignation. C’est-à-dire à ce stade, une analyse estimative des dégâts qu’il nous sera permis de porter contre la structure gouvernementale carnavalaise pour désigner les cibles appropriées à notre entreprise… La détermination des cibles se passe ici, depuis cette salle. Vous allez potasser sur ce pays et consulter chaque article en ligne relatant la situation économique, politique et militaire carnavalaise des cinq dernières années… Ne vous morfondez pas, la presse carnavalaise est l'une des plus bavardes au monde et s’étale, au sens littéral, y compris sur le cas des chiens écrasés.

Ce travail préalable, nous permettra d’apprécier l’efficience d’une action clandestine contre cet état terroriste et de jauger quel impact sera pour lui le plus dommageable, eu égard à un nombre limité de moyens engagés de notre côté.

Identifier les personnes qui comptent, celles du premier cercle, du second, celles du second qui rêvent d’occuper une place dans le premier…

Écrivez des scénarios, chaque scénario abrité là-bas et mettez en perspective le chaos ambiant de ce bac à fange marqué par les mouvements populaires. Dalyoha, Castelage, Obéron, qu’ils s’entredévorent sur la bouée de sauvetage de glace qui les privait de la noyade jusqu’ici. Vous allez réchauffer la situation sur place et leur expliquer pourquoi un gouvernement détenteur d'autant de fonds refuse de les investir alors même que l’inflation y est absolument atroce, condamnant le pays à un inexorable décrochage économique, malgré une situation géographique avantageuse.


Infiltration du territoire.

Les cibles carnavalaises désignées, se posera ensuite la question de l’infiltration du territoire, puisque l’opération n’a pas vocation à être déléguée aux éléments factieux et autres électrons libres présents dans ce pays.

Ainsi donc, il nous appartient d’identifier les couvertures et les légendes à mettre en place, pour permettre le maintien sur place de nos agents, y compris dans le cadre d’un affrontement armé direct la Principauté de Carnavale. On doit anticiper la possibilité qu’avant le déclenchement des opérations, les tensions diplomatiques entre Carnavale et Alguarena soient telles, que le maintien de ressortissants identifiés comme étant de nationalité alguarena soit impossible car bien trop sûr.

Il se peut également que le gouvernement terroriste carnavalais mette à exécution ses menaces contre les populations alguarenas, en ce cas l'infiltration du territoire carnavalais ne sera plus opérée sous une approche conventionnelle mais une action clandestine, dirigée au travers d’itinéraires préalablement identifiés.


Consolidation des soutiens opérationnels locaux.

L’identification des voies d’infiltration possibles prend nécessairement en considération les éléments factieux du pays. La Principauté de Carnavale a cumulé les périodes de chaos et de destruction, obligeant à une superposition de couches d’urbanisme, découpées entre des familles mafieuses et des gangs à couteaux tirés. De cette historique complet et complexe, il doit être permis l’identification d’éléments cartographiés n’appartenant pas à ceux inscrits aux plans officiels, considérant la grande période de “reconstruction” dont Carnavale a pu bénéficier au travers des crises internes qui l’ont assailli.

La Principauté de Carnavale est une société inégalitaire, violente et castée, la vie politique et interne au pays connait par conséquent des situations très clivantes, à vous d’identifier lesquelles et quels alliés locaux peuvent en ressortir…

Malgré ce brouillon apparent, les mises en relation avec les éléments factieux opérant conjointement avec nos agents devront se faire selon des procédures ainsi que des protocoles de communication déterminés. Les protocoles de communication internes à l’agence et ceux mettant en relation l’agence avec les éléments factieux doivent différer. A ce titre, nos agents sur place communiqueront donc avec nous par le biais d’une adresse mail dont les identifiants de connexion seront partagées et notre unité et les opérationnels là-bas. Une boîte mail par agent depuis laquelle ils n'envoient strictement rien mais enregistrons des brouillons dont nous prendrons connaissance, avant de leur répondre sur la base d’un procédé identique.
Dans le cas des protocoles de mise en relation avec les éléments factieux locaux, la démarche est libre et personnalisable en fonction des moyens et des envies développés par nos hypothétiques soutiens sur place.


Porter l’action au cœur de l’ennemi.

Une fois qu’on aura les préalables précédemment cités, il nous appartiendra de piloter l’opération jusqu’à son terme. Vous l’aurez compris, ce n’est plus ici affaire de moyens mais de timing. Quand frapper? Quel niveau de coordination atteint entre nos alliés sur zone et nous? La réussite d’une mission est affaire d’équation, entre la cible, les moyens pour l’atteindre, et l’instant où l’opération est déclenchée. Vous avez toute latitude pour calibrer ça, merci de me communiquer prochainement des pistes avancées en matière de collecte du renseignement sur le sol carnavalais…”

Le briefing du responsable des opérations fut achevé par un bref instant de gravité, portée par les visages des agents désignés dans la constitution de cette cellule et qui semblaient mesurer les scenarii du pire pouvant retentir dans le cas d’un affrontement direct entre les deux états. Un chef opérationnel, installé à l’extrémité de la table de briefing, éleva la voix pour capter l’attention de chacun et développer une synergie appréciable dans ce qui se promet d’être un mission de longue haleine et terriblement périlleux pour la face du monde en Eurysie occidentale.

“Si l’on fait appel à nous… c’est que tout ne va pas si mal. Et qu’on ne veut pas savoir que la Fédération vise la tête des autorités carnavalaises…”
Avant d'enfoncer le clou à nouveau, marquant malgré tout les enjeux de la mission face à eux. “Si l’on fait appel à nous, c’est parce qu’on ait le dernier espoir d’une intervention chirurgicale destinée à éviter un affrontement direct et brutal sur le sol carnavalais. Soyons à la hauteur des enjeux et communiquons sous 7 jours nos avancées parmi nos investigations débutant ce jour…” Ainsi donc et alors qu’en surface, la principauté de Carnavale s'enorgueillit de posséder un important stock de missiles balistiques, les manœuvres de renseignement et d’espionnage alguarenos vers le Carnavale tendent à s’accélérer et à s’intéresser à l’intégrité des personnes de pouvoir présentes sur place."
1857
Tanska 42


La Banque Fédérale Tanskienne vient secourir la Banque Princière Castelage

Mal gérée, mal financée, corrompue, possiblement auto-sabordée, la Banque Princière Castelage, à l'image de son pays hôte, est dans un piteux état à la suite de l'effondrement interne du gouvernement Translave désormais incapable de solder ses dettes. Alors que les demandes de financement s'étaient multipliés par le gouvernement auprès des créditeurs du monde entier, seule la banque carnavalaise avait jugé bon - et évidemment de manière erroné - d'accorder une ligne de crédit importante à un Etat ayant pourtant pour programme d'abolir l'argent.

Suite, sans surprise, à la diplomatie calamiteuse d'un Etat translave dont la perte de raison ferait passer le dictateur loduarien pour un génie de la pensée rationnelle, et dont le gouvernement s'est décidé à précéder Carnavale dans l'essai balistique et radiologique en Loduarie, la Banque Princière Castelage a du cette fois-ci se tourner vers des investisseurs plus fiables pour renflouer ses caisses et éviter d'entraîner dans sa chute une partie de l'économie eurysienne. C'est ainsi un trou de plusieurs milliards qui serait apparu sur les comptes de la banque carnavalaise, incapable de s'en référer aux autorités nationales, si elles existent encore, pour combler ses propres dettes issues de ses propres erreurs de jugements. Ainsi, sur décision du procureur Général de la Banque Fédérale Tanskienne, une ligne de crédit de 3 000 chèques carnavalais a donc été accordé à la Banque Princière Castelage. Les modalités de remboursement n'ont pas été évoquées "il s'agit tout d'abord d'éviter une faillite" indiquait le Premier financier du pays, à l'air particulièrement et curieusement fatigué et épuisé. Lui pourtant jovial et habituellement en forme est donc apparu les yeux lourds après une brève réunion avec un conseiller ministériel sans que la raison de la réunion n'ait été partagé au grand public.

Les médias tanskiens parlent eux d'un sauvetage coordonné de la Banque Princière Castelage par plusieurs services financiers occidentaux et des principaux pays développés.
1127
https://www.zupimages.net/up/24/52/9yca.jpg


Et Ema Vol Drek dans tout cela ? On en a beaucoup entendu parler depuis le début de ce RP mais la reine Consort, présentée comme un membre d’une grande importance au Royaume de Polkême, régente, c’est-à-dire celle censée être, le temps de la minorité de son fils, la véritable cheffe de l’Etat, se fait absente. Evoquée ici et là, on la dit dans le Dek, une région à l’ouest du pays, connue pour sa richesse mais aussi son enclavement. Six mois de visite dans le Dek. Imagine-t-on Emmanuel Macron six mois en Alsace ? Quand bien même la Polkême soit un pays particulièrement préservé dans le temps, les avions, les voitures existent pour la classe dirigeante, Ema Vol Drek auriat pu faire un aller-retour pour saluer les Velsniens, plutôt que de laisser son frère, ses fils adolescents et tout un tas de rapaces politiques, barons carriéristes et en conflits, avoir l’honneur d’accueillir à Volvoda l’une des plus grandes puissances économique et militaire du siècle.

Mais non, Ema Vol Dek reste dans le Drek. Ou l’inverse.

Il y a anguille sous roche. Un coup du Grand-Duc ?

Peut-être, allons voir ça.



La vérité c’est qu’Ema Vol Drek ne se trouvait pas dans le Dek pendant ces six derniers mois. Elle se trouvait beaucoup plus à l’ouest, dans un autre pays, anonymement. Elle se trouvait à Carnavale.
10985
Soudards



Contes soulards, ragots et plaisanteries. Vu de loin, ce ne sont pas les mots que l'on prendrait en priorité pour décrire les individus que l'on trouve sur cette aire de terrasse isolée, loin des vibrations et des pollutions de la mégalopole tentaculaire de l'Eurysie de Carnavale. Quoi que...cette ville referme tant l'aléatoire et l'absurde que l'on pourrait presque dire que ces gens sont normaux. C'est tout simplement qu'ils sont...sacrément bruyants, et pas à leur place. La ville ne leur sied jusque maintenant, et elle leur rend bien. Depuis plusieurs jours, les habitants, pourtant habitués à l'étrange, voient s'attrouper des masses désorganisées de jeunes gens ayant un profil étonnamment similaire: extrêmement bruyants, à la limite de l’impolitesse, pour beaucoup avinés du soir au matin et qui n'ont pas l'air de s'adapter correctement aux codes de la ville. Déjà la veille, les riverains se sont plaints de désagréables porte à porte d'individus cherchant désespérément des informations sur "les clones de Lorenzo", une légende urbaine de plus en laquelle les personnes qui y croient sont surtout des gens qui n'habitent PAS à Carnavale. Le jour suivant, il a fallu appeler les services d'ordre pour évacuer deux de ces individus s'étant battus avec des carnavalais à l'entrée d'un restaurant, sous prétexte d'un quiproquo avec un client, sur base d'une dispute qui était intervenue après qu'ils l'aient harcelé l'homme accompagné de sa famille au sujet de l'ancienne attraction touristique du "Lorenzo Night's". Sans doute ceux ci avaient été déçus d'apprendre que le navire n'existait plus, ce qui avait conduit à une véritable scène de bataille dans ce point de restauration qui après coup, ressemblait davantage à un champ de bataille.

Les carnavalais venaient de se voir infligés la visite de l'un des groupes que l'on aurait peine à imaginer à un repas de mariage, indéniablement. Arrogants, querelleurs et violents, nous avions là affaire à des spécimens parmi les plus "représentatifs" de ce que l'île celtique pouvait offrir...au grand malheur du reste du monde. Carnavale venait de faire la rencontre d'une troupe de "chasseurs", mais chasseurs de quoi ? Ceux-ci vous répondront probablement sous l'effet de l'alcool: "chasseurs de ta grosse mère.", mais ne prenons pas en compte leurs observations aiguisées et l'idée qu'ils se font d'eux même lorsqu'ils ne sont pas sobres. Plus objectivement, le rassemblement venait là d'atteindre les cinquante individus, majoritairement des hommes du bel âge, ce qui n'empêchait pas d'y trouver des femmes, dont le comportement était un étrange mimétisme de leur environnement, et quelques anciens, qui avaient l'air de diriger l'ensemble vers ces mauvais comportements. Une troupe au comportement relativement uniforme finalement, qui provenait probablement de milieux très similaires, et collectivement dirigés par une attirance pour une vie dangereuse et loin de chez soi. Et tout portait à croire que beaucoup d'individus de cette troupe se connaissaient déjà, et avaient une similaire expérience de la vie. Malgré leurs jurons et leurs provocations, et aussi étonnant que cela puisse paraître, beaucoup d'entre eux était de naissance honorable, voire issue d'une forme d'élite, aussi rustique et fruste soit elle. "Élite" ne signifie pas forcément "courtoisie", loin de là dans le cas qui nous intéresse. Non seulement ces gens étaient arrogants et pensaient faire partie d'une forme de "sommet de la société" qui leur octroyait des droits particuliers, mais ils n'avaient pas la bienséance qui sied à des individus réclamant ce genre de traitement. C'était là l'élite provinciale des cités libres velsniennes perdues en Achosie du nord. Moqueurs, ils bousculaient chaque serveur leur apportant à boire, dans ce débit de boisson, le seul qui ne les avait pas encore expulsé de force de leurs locaux, sans doute par peur de voir les locaux êtres entièrement saccagés, comme l'avaient été les autres. Oui, les carnavalais venaient de rencontrer leurs premiers "chasseurs strombolains".

Velsniens ? Pas vraiment...enfin, juste à moitié peut-être... Nous avions là les échantillons parfaits de la descendance malheureuse d'une aristocratie, souvent terrienne et rurale, bien souvent désargentée et laissée de côté par le nouveau monde, et dont les deux seuls moyens d’enrichissement étaient la propriété foncière, dont ils ne disposaient plus pour beaucoup, et la guerre, qui elle en revanche, ne manquait pas, du moins jusqu'à il y a peu. Il y en avait toujours un pour hurler plus fort que les autres, pour raconter les histoires mieux que les autres, et pour captiver une audience qui parlait le même langage. Un entre-soi rustique de braillards. Dans ce groupe, indéniablement, le vieux et à la bouille bien rouge "Patrese", "capitaine-condottière" autoproclamé, allait d'exposé en exposé, racontant chacun des épisodes d'une longue vie d'affaires peu honnêtes, mais qui paradoxalement, gonflait l'orgueil de cette bande. Chaque exploit était un peu plus de légitimation auprès du reste du groupe, et chaque récit était une bouteille de vin de plus sur la table. Et les têtes se penchaient à chaque toujours vers Patrese, cet affreux soudard à qui manquait l'œil gauche:

" Vous vous souvenez de l'histoire du recrutement du p'tit Giovanni ?"

" Ah ouais...c'était pas..."


Une bonne partie du groupe semble acquiescer, sauf l'intéressé qui est en bout de table.

"...Tais toi abruti ! C'est moi qui raconte ! Donc, on était à Hippo Reggia, et on était entrés les premiers dans la ville. On m'ordonne de de prendre dix types avec moi, les meilleurs de la Tribune, pour nettoyer les bâtiments qu'on est en train de déborder. On fouille les maisons une par une, au passage j'autorise les gars à s'arrondir leurs fins de mois et je leur dit de retrouver le reste du groupe au bout de l'avenue, quand on aura fait la vérification de tout le pâté de maisons. L'ordre passe bien, on se disperse, on passe la rue au peigne fin, on ramasse un peu de bijoux, un peu de jolie vaisselle. Le quart d'heure se passe bien, aucun scaelien à l'horizon, ils avaient tous déguerpi à l'autre bout du centre ville, et s'étaient tous barricadés au même endroit. Bref. On se retrouve, et je fais le compte. Un, deux, trois, quatre etc...et il arrive un moment où je compte...onze ? J'avais eu du recrutement entre les deux ou quoi ! Je me penche un peu, et un peu caché derrière la troupe, devinez qui je vois...Giovanni. Un petit gamin de rien du tout avec son uniforme de garde civique d'Hippo Reggia et du sang plein les mains. Sergio se retourne et il sursaute. Il commence à hurler: "T'es qui toi bordel !". Le p"tit Giovanni a un peu la tremblote, il a bien cru qu'il allait se faire executer sur le champ, mais voilà qu'il me tend une main. Je lui demande ce qu'il peut bien branler avec une main coupée dans le sac, il me répond juste " C'est mon certificat de recrutement !". Ce petit pouilleux avait buté son capitaine en guise de CV ! "

L'audience rit aux éclats sans attendre la fin de la phrase, sans doute l'avaient t-elle déjà entendu des dizaines de fois, sauf le jeune Giovanni, toujours aussi gêné que la première fois. Les serveurs et le restaurateur sont probablement trop terrifiés par ces individus pour se plaindre d'eux en personne. Mais il se trouve qu'à Carnavale, les chasseurs strombolains ne sont pas les seuls à la recherche d'une source d'alcool, et il se pouvait bien que le boucan n'ait fait qu'attirer d'autres troubles-fêtes. Alors que Patrese était sur le point de continuer son interminable litanie d'anecdotes de la guerre civile velsnienne, la barrière battante de la terrasse se déroba bruyamment, et le bruit de bottes interrompit certainement une autre entrée en matière tonitruante de l'animateur de cette soirée. Se retournant sur leurs chaises, on pouvait les voir. Leur uniforme était différent, mais reconnaissable par les strombolains, qui savaient distinguer les différents uniformes parmi cette "faune étrange" qu'était l'île celtique. Ce n'était pas ceux de Caratradais, bien trop propres sur eux pour se permettre d'arborer des treillis qui n'étaient pas impeccables et repassés trois fois d'affilée. Ce n'était pas non plus des achosiens, ils n'en arboraient pas le kilt. Non...ces airs de brutes quelque peu distinguées, davantage que leurs voisins du nord, cela ne pouvait être que des menkeltiens. L'un d'entre eux commença à se pencher vers son commandant, baragouinant l'incompréhensible pour les velsniens, mais que l'on pourrait résumer à: "Alors ce sont eux, les chasseurs strombolains ?". Une interrogation qui pourrait souligner le décalage que les menkeltiens se sont faits d'une unité célèbre de combattants dont ils ont peut-être tant entendu parler, de par leur rôle dans la lutte perpétuelle entre les strombolains et le groupe de l'AIAN, et lors de la guerre civile velsnienne. Les chasseurs strombolains étaient-ils vraiment cette joyeuse bande d'amateurs dont aucun ne devait avoir racketté moins de cinq pintes à ce restaurateur apeuré derrière son comptoir ? Ces gens défendaient-ils vraiment l'Achosie velsnienne ?

Difficile à croire, certes. Mais ces hommes avinés étaient bien une unité dite "d'élite". Il était difficile pour d'autres pays de croire que les strombolains ne soient la plupart du temps que des "militaires à mi-temps", car comme les trois quarts de l'armée velsnienne, ils étaient avant tout des "levées". Patrese est un simple propriétaire terrien dans la vie de tous les jours, le jeune Giovanni est garçon de course. Et la jeune femme discrète au fond de la pièce...qui prenait des notes dans son coin, cette Gina Di Grassi était une autre histoire...mais passons. Ces gens partaient faire la guerre à la demande de leurs cités respectives comme on part en vacances entre amis, que l'on retrouve une fois de temps en temps, avant de reprendre le cours de leurs vies. Débraillés ils l'étaient, peu sérieux et disciplinés, ils l'étaient...mauvais ? Non, juste différents, juste une approche de la guerre, non pas vue comme un métier, mais comme une activité "saisonnière". Les cités de Strombola et de Velathri envoyaient volontiers les jeunes hommes et femmes en mercenariat à l'étranger, si cela pouvait faire baisser momentanément les chiffres du chômage et constituer une autre source de revenus pour ses habitants. Surtout en ces temps de calme à Velsna, la paix n'étant jamais bien rentable pour eux.

Première phrase, premier quiproquo linguistique: aucun menkeltien parle velsnien, aucun velsnien ne parle menkeltien. Les premiers échanges ne sont donc qu'un ensemble incohérent d'insultes quelconques, mêlé à des montées de ton intimant à chacun de laisser la place et bien daigner repartir la queue entre les jambes. Mais par chance, la troupe de strombolains bénéficiait de la présence d'un achosophone dans leurs rangs, en la personne d'un certain MacMurfy, dont la langue, sans être identique au menkeltien, restait proche, presque inter-compréhensible. Les insultes laissent place à un défi lancé à la volée par ce dernier: "Vous voulez boire ? Alors touchez cette bouteille...mais pas avec vos mains.". Il fit rouler le fruit sur la table, et il posa à côté son propre revolver, qui glissa jusqu'à l'un des menkeltiens. Des poings battent sur la table et les railleries fusent, atmosphère presque tribale. Mais au moment où le menkeltien se saisit de l'arme, la main de Patrese vint se presser sur son poignet: "Tut tut tut...c'est trop facile....Grégorio ! Viens là, tu vas tenir la bouteille !". De plus belle, les poings s'abattent sur une table craquelant de toutes parts et les cris bestiaux raisonnent sur la terrasse. Grégorio n'était qu'un auxiliaire de la troupe, un jeune homme tout juste sorti de l'adolescence dont c'était sa première levée. La main tremblante, on lui fit agripper la bouteille, à une bonne distance du tireur. Et puis...le silence.

L’œil se ferme, la respiration se coupe: on attend le geste de la détente les yeux grand ouverts, la bouche haletante, les dents découvertes... et la détonation raisonne dans toute la pièce. Puis, une bouteille qui explose, et un cri terriblement aigu, suivi du jeune conscrit qui s'effondre à terre: la balle avait traversé sa main. Un instant, on aurait pu croire que le silence qui a suivi signifiait le début des hostilités entre le groupe de strombolains et les mercenaires de Menkelt. Et puis...un sourire de Patrese, puis un ricanement, un fou rire...et puis enfin une hilarité générale alors même que le jeune homme se tordait de douleur par terre. Incrédules, le rire avait fini par contaminer les menkeltiens. Ce soir là, les deux groupes acceptèrent de se partager lé débit de boisson, et de le ravager ensemble. Dans son coin, Gina Di Grassi, imperturbable, continuait de prendre ses notes, encore et toujours.

"Bravaches, arrogants, querelleurs...mais courageux."
3245
Parce que nos yeux sont partout.
Regarde. Des Velsniens.

Et ? J'en ait rien à foutre putain ! On est en pause !

Voldan vida son verre avant de le poser brutalement sur la table. Pas comme si quelqu'un allait le remarquer dans le bazar ambiant qu'offrait le lieu où il prenait un verre avec son collègue, profitant d'une pause bien méritée après une dure journée de travail. Et une sacrée journée ! Car nos deux agents étaient au DEL, chargés de surveiller quelques puissants de Carnavale. Tout les deux infiltrés en tant qu'agents de sécurité au sein d'une boîte de fonctionnaires haut placés. Heureusement, ceux-ci étaient à peu près normaux, et dépit de leur implants étranges et des manies de certains à ne manger que de la viande avariée ("ça a plus de goût"). Nos agents étaient tranquilles la journée et tranquilles aussi, la plupart du temps, le soir. Dans les cas d'urgence, ils étaient armés, et se déplaçaient toujours à deux. Jamais rester seul à Carnavale.

Ouais mais regarde quand même. Tu les trouve pas étranges ?

Absolument pas, maintenant ferme ta gueule et laisse moi profiter de ma dernière bouteille, OK, Albert ?

Si tu veux, sale poivrot.

Merci bien !

Albert restait pensif, de son côté. Ces Velsniens. Ils lui rappelaient quelque chose. Visiblement tous étaient des combattants. C'était ça qui le titillait. Qui donc lui rappelait des Velsniens comme cela... Cela lui explosa dans l'esprit, et il se souvint. Du jour où il avait participé aux opérations à Velsna. Les mêmes type de soldats. Même accent, même gabarit, même manières. Les chasseurs.
Albert, lui à Velsna, n'avait pas véritablement prit part aux combats. C'était un agent de reconnaissance et d'acquisition d'informations, pas un combattant. Mais il se souvenait ce que les camarades de l'armée disaient des chasseurs. Des guerriers, certes, mais arriérés dans le passé. Des combattants brutes pour rien. Les Forces Spéciales Loduariennes qui avaient prit part aux combat, même si si elles respectaient les chasseurs pour leur combat honorable, ne les portaient pas dans leur cœur, et c'était ce que Albert avait retenu des chasseurs. Ainsi c'était eux. Intéressant. Que faisaient-ils ici, à Carnavale ? Peut-être donnaient-ils de leurs services en échange d'un beau paquet d'argent. Ici même à Carnavale, le marché des mercenaires était bon. Il fallait voir ce que eux même ils étaient payés en tant que simples agents de sécurité privés.
Albert regarda plus attentivement. Visiblement, il n'y avait pas que des Velsniens. D'autres hommes se distinguaient du lot. À leur apparence, des Menkletiens. Ah. Ceux-ci, ils étaient cordialement détestés par la Loduarie. Ne serait-ce que après leur dernière performance musicale à Antares. Il fallait donc garder un œil sur eux aussi. Il regarda les Velsniens, rapidement, avant d'en voir un pointer son arme sur un autre. Avant même que Albert réagisse en sortant la sienne, la balle était déjà partie.

Non de merde la putain de mère !

Voldan, de son côté, avait été réveillé de sa transe alcoolique, et avait déjà sorti son arme.
Albert se pencha vers lui, s'assurant que personne ne l'écoutait.

Pas la peine. On sort d'ici, maintenant.

Voldan ne chercha pas à protester. Son arme en main, tout comme Albert, il se leva, et se dirigea vers la sortie. De leur côté, les Velsniens et les Menkletiens se tordaient de rire, au dessus du pauvre gars qui pissait le sang.
Voldan ouvrait la marche vers la porte, jouant des coudes, Albert quand à lui, fut stoppé net. Un éclat métallique, mystérieux. Comme un regard. Il fouilla la pièce des yeux, et il la vit. Cachée dans un coin, vaquant à ses occupations. Gina DiGrassi. Là, il sur, d'expérience, que ce n'était pas une seule petite sortie pour un taff à Carnavale. Quelque chose se préparait.

Albert sorti rapidement du bâtiment, Voldan devant, avec le savoir qu'un gros rapport devrait être écrit sitôt rentré.
1090
La Stanislade


Dans les quartiers et les bas fonds de Carnavale, dans les bars les plus malfamés, on entend de plus en plus régulièrement. On dirait bien, que les mercenaires d'Achosie du Nord ont commencé à contaminer de plus en plus de locaux et d'autres mercenaires par une étrange mélodie....

Ainsi que v'la le roi des margoulins, incomparable Stanislav,
Du mal à dormir, se retourne dans son lit avec son oreiller waifu,
Grand pensif parmi les penseurs, rumine avec visage grave,
"Et si je faisais le plus beau des canons, avec les plus gros obus !"

C'est ainsi que v'la parmi ses ministres le roi des margoulins,
"Regardez donc mes amis, l'idée qui m'est venue de beau matin
Le plus beau et lustré des canons, 400 mm de calibre"
Conquérant et turgescent, l'empereur était en roue libre !

Ainsi s'explique le roi des margoulins, gestes de bas en haut,
"Ce sera la plus belles des lance, glorieuse perche tendue vers le ciel,
Fière et garde à vous dans toute sa longueur, prête à l'assaut !"
Paré à vaincre l'Hotsaline, prêt à fonder l'Empire universel,

Ainsi v'la qu'avec ce discours se termine la chanson,
Conseillers applaudissant devant l'étendue de ses talents,
Chantant son nom en louanges, une voix toutefois lui demandant,
"Siérait-il à sa majesté de remonter son pantalon !?"
13707
Un cas social :


Yaël ouvrit les yeux, il n'était plus dans le bar avec ses compagnons mercenaires. Le jeune homme était allongé par terre, dans une rue crasseuse. La première chose que le mercenaire vit fut cependant une poule qui était en train de picoter sa jambe. Il chassa la poule en levant son genou avant de se lever. Le mercenaire avait un mal de crâne énorme. Un regret amer se glissa dans son âme, il n'aurait clairement pas du boire autant, parce-que maintenant le jeune homme était tout seul, dans une ville où tout pouvait arriver, à des années lumières de son foyer.... On a vu mieux comme lendemain de soirée. Malgré son mal de crâne, notre jeune Menkien commença à marcher lentement, mais sûrement, en dehors de la rue crasse ou il avait visiblement passé la nuit.

Si on devait décrire le mercenaire Menkien que nous sommes en train de suivre, celui-ci avait un physique très propre à sa terre d'origine. Des cheveux bruns très clairs, des yeux d'un bleu profond, si on omettait le fait qu'il avait des énormes balafres autour de ses lèvres, on aurait presque pu penser qu'il était parfaitement normal. L'origine de ces cicatrices sur son visage est assez cruelle, Yaël avait subi ce qu'on appelait un ''sourire de Glasscow'', du nom de la ville de Glasscow en Hyperalba, cette cicatrice en forme de sourire est causée par l'élargissement au couteau de la bouche de la victime jusqu'aux oreilles. Yaël fut victime de cette pratique barbare il y a quelques années, ce dernier avait en effet pendant son service en tant que milicien pendant la guerre civile, le jour de ses 18 ans, subit une violente agression de la part d'un groupuscule sataniste (oui) qui l'avait capturé et désarmé, en plein milieu de Glasscow. L'un d'entre eux avait sorti un couteau et l'avait torturé pendant une bonne dizaine de minutes. Le pire souvenir qu'il ait vécu pendant la guerre civile Menkienne, on pouvait même dire sans sourciller que ce fut le pire souvenir de sa vie. Fort heureusement, les abrutis qui le torturaient l'avaient fait en pleine rue, une rue à l'écart et sombre, mais une rue ou patrouiller à ce moment-là un autre groupe de milicien. Les satanistes l'avaient alors payé très cher et les miliciens qui avaient sauvé Yaël lui laissa avoir l'immense plaisir d'en exécuter un à la fin de l'affrontement qui avait été capturé. Cet acte sauvage et barbare, point digne d'une vie sainte et pieuse ou on tend l'autre joue comme aurait aimé son père, fut alors son premier meurtre. Yaël s'était engagé dans le mercenariat pour découvrir d'autres pays, partir à l'aventure. Loin des légers soucis qu'il eu au sein de sa patrie.

En se baladant dans les rues de Carnavale, le mercenaire eut le déplaisir de ne pas savoir où il se situait exactement. Pire encore, le jeune homme était désarmé, sans son téléphone et plus généralement sans quoi que ce soit d'utile sur lui. Yaël se mit à courir de rue en rue sans s'arrêter dans une mégalopole aussi bordélique que la chambre d'un collégien. Sa rapidité, heureusement, paya, il fut soulagé en voyant au loin des frères d'armes dans un véhicule de transport. Yaël les appela et il fut soulagé en voyant que le véhicule s'arrêta, le pilote du véhicule l'air complètement choqué en le voyant.

''Ser... Sergent ??? Mais qu'est-ce que vous foutez là ???'' Disait avec stupéfaction le conducteur.

De plus, Yaël remarque qu'un de ses très bons amis se trouver parmi la patrouille. Il entra avec rapidité et en sueur dans le véhicule à côté des autres miliciens stupéfié de la situation. Ces derniers tombaient vraiment bien en tout cas, vu qu'ils rentraient tous au campement ou une partie des mercenaires Menkiens se trouvaient.
Un silence étrange s'installa, son ami Uriel le brisa en éclatant de rire.

''Mon très cher Yaël, tu as été absolument légendaire hier soir !'' S'esclaffa avec assurance son ami mercenaire ''Franchement, ça ne fait même pas 2 jours qu'on est là et tu as déjà la palme d'or des futurs anecdotes de la Brigade à Carnavale !''

L'air hébété, le Bretonnien fixa pendant quelques secondes un Uriel totalement hilare. Ce dernier continua sa tirade avec une pointe de curiosité

''Juste l'ami, c'est quoi la dernière chose dont tu te souviens précisément ?''

Yaël réfléchit un court instant avant de répondre, confus.

''Je dirais que mes derniers souvenirs, c'était de boire un verre avec vous et des chasseurs Velsniens, après avoir tiré sur un des leurs et ensuite... ensuite....''

Il réalisa son blackout.

''Oh merde. Qu'est ce qu'il s'est passé après que j'ai fumé la main du gars ???''

La patrouille se lança des regards amusés, l'un des camarades à la droite d'Uriel tapa dans ses mains tout en étant visiblement mort de rire. Uriel, de manière caricaturalement théâtrale, lui récita alors les différentes péripéties accomplies pendant cette soirée jugée comme déjà légendaire, comme si c'était une saga nordique narrant les péripéties d'un jeune héros.

''Bon... Comment t'expliquer... Après avoir fusillé glorieusement la main de ce pauvre Velsnien qui ne t'avait absolument rien demandé, tu as commencé à boire de l'alcool, mais pas n'importe lequel. De l'absinthe, pour être plus précis. Tu en a bu un peu, puis beaucoup, avec une certaine passion. Un Strombolain a alors même proposée que tu boives deux gros shots d'affilé de ce nectar digne des dieux. Encore une fois, par pure fierté menkienne, tu n'as pas pu résister à ce défi et triomphalement, tu réussis à boire le breuvage, un peu trop bien même. Un moment, le major qui était avec nous était en train de rappeler les ordres du commandant qui ne fallait surtout pas créer de relations intimes avec la population locale de Carnavale pour des raisons éviden...

Yaël lui coupa la parole.

''Oui c'est normal ça, quel est le problème avec moi ? Je suis le plus respectueux des règles en plus dans ce camion, j'en suis certain.''

Cette affirmation était partiellement vraie, ça lui arrivait quand même de faire quelques bêtises dans le dos des supérieurs, mais ce qui était vrai c'est que Yaël avait les hauts-gradés dans la poche, ces derniers pensèrent que c'était un soldat irréprochable. Sa technique pour avoir cette réputation auprès de ses supérieurs ? Tout simplement, ne pas se faire attraper en train de faire la bêtise en question, et ne pas être bête aussi.

''C'est rigolo parce que hier soir, t'en avais visiblement rien à foutre mon grand. Tu as regardé droit dans les yeux de l'adjudant quand il a rappelé qu'il ne vaut mieux pas trop sympathiser avec la population locale, et tu lui as dit ''Chiche ?'' , immédiatement après tu es allé voir une des serveuses du bar et tu as commencé à la draguer dans le plus grand des calmes devant lui. Je te jure, l'adjudant avait les yeux ronds, je crois qu'il était en train d'halluciner devant ton culot monstre. Il a failli te casser la gueule à cause de ça.''

''Ah ? C'est tout'' se demanda Yaël un peu déçu.

''Si ce n'était que ça, tu étais tellement ivre et à fond que soudainement tu t'es mis à te mettre sur la table où on t'a servit, tu t'es mis ensuite à chanter le Bro gozh ma zadoù pour bien attirer l'attention de tout le bar.''

Uriel marqua une légère pause de deux secondes, Yaël craignit à ce moment-là, le pire.

''On a filmé, tu t'en doutes.''

Pitié non...

''Tu t'es ensuite mis à danser frénétiquement des danses traditionnelles menkiennes sur les différentes tables du bar, auquel tu t'amusais d'ailleurs à sauter de par et autres. Étrangement, tu dansais super bien et je ne sais pas si Dyonisos t'a béni hier soir, mais tu n'es pas tombé, félicitations mon sergent ! Ah ! Aussi, tu t'amusais avec tes pieds à tirer et faire des rebonds avec les différents verres de bières des Velsniens sans aucune once de vergogne, ce qui a failli déclencher une bagarre d'ailleurs, mais tout le monde était tellement mort de rire que la situation s'est heureusement vite calmé. Vu qu'on est aussi bête que toi, les membres de la brigade se sont mis autour de ta petite personne en cercle et on a commencé à chanter et danser avec toi, donnant une chorégraphie somptueuse, agréable et magnifiquement Menkien. Bon, je pense que les Velsniens étaient à côté complètement plié de rire face au burlesque de la scène, mais qu'est-ce que cela en valait la peine. À la fin de ta petite danse, tu as mis les deux mains sur ton cœur et tu t'es laissé tomber en arrière en criant ''JE M'EN FOU ! VIVE LA MORT'', bien edgy notre sergent vous trouvez pas ? Après t'être cassé la gueule, tu t'es posé sur une chaise et tu n'as plus parlé ou bougé, tu étais seulement en train de regarder le sol.

Bon ça, c'était plus gênant qu'autre chose, mais rien de méchant.

''Pourquoi j'ai fais ça ?''

''Ah ça j'en sais rien mon frère en Christ, ce qui se passe dans ta tête je peux pas le deviner. Bref... Le moment vraiment drôle intervient une demi heure plus tard. Il y a l'un des nôtres, MacDonald, qui fait un coma éthylique. Il était vraiment pas bien le boug' et il nous demande d'l'emmener chez l'médecin, sauf que nous, on faisait pas vraaaaaiment attention, limite on s'en foutait. Toi, comme un héros, tu sors de ta dépression nerveuse, tu débarques et tu nous ordonnes directement de le porter et de l'amener dans un de nos véhicules. Sauf qu'on était garé à, aller quoi, disons, 700-800 mètres plus loin. Tu as alors démonté la porte des chiottes pour hommes du bar, tu l'as posé par terre en gueulant ''METTEZ CE GROS PORC SUR LA PORTE ! ON L'EMMÈNE A L'HÔPITAL !''. Dès que tu as gueulé cette phrase, il y a le Teylais qui s'est engagé avec nous, Thomas j'crois qui s'appelle, qui est intervenu directement. Ce foutu Teylais a soulevé MacDonald avec moi, Georges et un Velsnien qui passait par ici. On l'a mis sur la porte et on est sorti du bar pour l'emmener chez le médecin le plus proche. Sur une porte seigneur ! (Inspiré d'une histoire vraie)

La patrouille était morte de rire dans le véhicule, Yaël ne savait plus ou se mettre, mais il se mit néanmoins à rigoler avec ses camarades face aux faits. Le Menkien était encore aujourd'hui étonné que Thomas, le Teylais, était présent dans cette expédition avec eux, des Menkiens. Il y avait en effet 2-3 Teylais présents dans leur brigade de mercenaires, ce n'était ni des miliciens *à l'origine*, ni des Bagadou Menez, mais des anciens de l'armée Royale de Teyla, assez déçu de la tournure politique que prenaient leur Royaume, trop à gauche pour eux. Ils s'étaient donc engagés pour se battre en ce qui croyait être une noble cause. Cela se traduisit par un engagement dans des milices Menkiennes plutôt d'extrême droite pendant la guerre civile du Saint-Empire Menkelt pour lutter contre le communisme et le satanisme. Après la fin de la ''guerre Occulte'' en 2008, la majorité de ces volontaires Teylais retournèrent logiquement dans le Royaume de Teyla, le Saint-Empire Menkelt ne donnant pas la citoyenneté impériale à aucun étranger, malgré leur service rendu. Les Menkiens ne croyaient qu'au sang. Cependant, certains restèrent en terre Menkienne et restèrent toujours dans les milices du Saint-Empire. Ces individus n'avaient pas la citoyenneté, mais le gouvernement impérial leur avait accordé un statut spécial pour leur service qu'ils rendaient. Ces Teylais ne deviendraient jamais des Menkiens et ne pouvaient pratiquer aucun autre métier autre qu'être milicien à temps plein. En revanche, ils obtenaient de grands avantages économiques, comme une rente plutôt conséquente qu'ils recevaient chaque mois. Ce n'était pas bien cher pour l'état impérial, en effet, ces Teylais avaient été recensés dans les statistiques ethniques du Saint-Empire. Ils étaient au total 150 hommes à habiter au sein de Menkelt.

Thomas faisait partie de ces 150 individus au destin si particulier. Il habitait au sein de la capitale impériale, dans un petit quartier spécialement conçu pour ces 150 miliciens d'origine Teylaise. Thomas avait une femme et des enfants Menkiens. Ces derniers auraient d'ailleurs le droit à leur majorité d'obtenir la citoyenneté impériale. Si Thomas a décidé, à plus de 38 ans, d'être mercenaire chez les Menkiens, c'était par pur sentiment anti-communiste. Il avait alors rejoint la troupe de mercenaires avec deux amis Teylais pour défendre les intérêts de Aegir dans une île paumé à des milliers de km de l'Eurysie, tout ça par haine du socialisme.
Bon ok, c'était peut-être aussi plus pour le goût de l'aventure que Thomas était présent. Reprenons notre histoire, Uriel ne finissait toujours pas de déblatérer la petite mésaventure de hier soir.

''Attend, c'est pas fini ! C'est pas fini mon sergent ! Juste après qu'on est réussi par je ne sais quel miracle à l'amener au véhicule, Thomas et Georges sont partis à l'hôpital et le reste n'est que de l'histoire. Je te rassure, MacDonald va bien. On était plus que 3, avec le Velsnien, à rentrer tranquillement, mais évidemment, étant donné que monsieur est toujours en manque d'attention tu as recommencé à chanter bien fort, mais pas des chants patriotes. Vu que des images valent plus que mile mots, regarde.

Uriel sort son téléphone et montra la vidéo avec le son à fond. On voyait alors clairement sur le téléphone, Yaël, bouteille d'absinthe à la main et... une poule vivante dans l'autre ? Cette dernière se laisser étrangement faire, on le voyait crier d'une voix forte complètement ivre mort :

''ON EST LA ! ON EST LA !
MEME SI LORENZO LE VEUT PAS, NOUS ON EST LA !
POUR L'HONNEUR DES EURYSIENS ET POUR UN GOÏDA MEILLEUR !
MEME SI LOLO LE VEUT PAS, NOUS ON EST LA !''

Bon.
On avait vu bien plus glorieux chez un soldat Menkien.
Attend une seconde.

''Elle sort d'où la poule bordel ???''

''Ah ça ? Avec le Velsnien, on a négocié dans la rue à un passant la poule contre la porte des chiottes. On te l'a refilé parce qu'on pensait que ça serait marrant, laisse tomber.''

''Mais... Mais... Comment j'ai pu me perdre tout seul ?''

''Alors... J'y viens. Tu vois, ton chant a visiblement attirer un gars, sûrement un local. Ce dernier savait parler notre langue, je ne sais pas trop par quelle sorcellerie. L'air menaçant, il nous a juste dit un ''Ça vient d'où ?''. Ta réaction fut très négative, ça t'as pas trop plus, tellement pas que tu as jeté ta bouteille d'absinthe par terre et tu as gueulé ''QUOI ÇA VIENT D'OÙ ???'' et après avoir dit ces mots, le gars s'est visiblement chié dessus vu qu'il s'est enfuit et tu as.... commencer à le poursuivre.

Silence pesant.

''C'est à ce moment-là qu'on t'a perdu, on n'a pas eu le temps de réagir que toi et l'autre connard était à plus de 100 mètres de nous. On était tellement sur le cul moi et le Velsnien que les informations ne sont pas parvenues à nous directement, on a compris 5 secondes après. Je me suis pincé pour voir si je ne rêvais pas carrément, le Velsnien m'a regardé et m'a dit une phrase que je n'ai pas trop compris, mais je crois qu'il te traitait d'abruti. En rentrant au bar, je me suis dit que tu te démerderais, mais ce fut une pensée très merdique de ma part, l'adjudant m'a engueulé et puni, chiant ça.

Son ami rajouta une couche.

''D'ailleurs Yaël, mes félicitations ! Tu es le seul qui a réussi sur 500 à te perdre comme un idiot dans cette énorme ville ! Dieu merci, il y a pas un espion loduarien bizarre qui t'a capturé ou des locaux un peu trop énervé qui t'aient lynché. Cela n'empêchera cependant pas que le commandant et l'adjudant vont te passer un sacré savons tout à l'heure ! Mais bon te voilà maintenant ! Tout est réglé !''

Le jeune mercenaire était en train de mourir de honte, il était rouge comme une tomate.

''Attends... Sur 500 tu as dit ? Les Bagadou Menez n'ont pas fait de soirée ?''

Uriel haussa les épaules.

''Ils ont refusé de venir ou d'en faire quand on leur a proposé. Les Bagadou Menez sont l'anti-fun incarné. Je crois n'avoir jamais vu des hommes aussi aigris de la vie, même l'adjudant est plus souriant. Bon, au moins, ces enfoirés se préparent à merveille pour la suite, j'ai envie de dire qu'ils restent concentrés.''

A la toute fin de la phrase, le camion de transport arriva sur le campement Menkien. La première chose que Yaël vit fut des miliciens en train de s'entraîner à la lutte menkienne, le Gouren. Le sport le plus pratiqué dans le Saint-Empire Menkelt, même l'armée impériale rendait obligatoire sa pratique à ses soldats. Les mercenaires menkiens aussi en conséquence. La seconde chose que le sergent vit fut son commandant en chef, rouge de colère qui se dirigea vers lui en criant.

''TOI ! CROIS MOI, TU VAS NETTOYER TOUTES LES CHIOTTES PENDANT TOUTE L'EXPEDITION MINIMUM !''
2470
Déprimé ? Envie d'en finir avec cette vie d'un ennui mortel et peu avenante ? Ou simplement hâte de vous retrouver aux côté du Seigneur ? Ou mieux encore, vous voulez prendre les devants devant l'incertitude mondiale et l'imminence de conflits géopolitiques à venir ?

La Thylacine Corporation a la solution pour les citoyens Carnavalais pour qui la perspective de la mort paraît bien plus enviable que la vie sur cette terre corrompue et putride d'Eurysie !


Avec le tout nouveau kit de suicide "Emmène moi vers l'infini et l'au- delà", spécialement conçu pour toute personne souhaitant passer de vie à trépas avec rapidité, efficacité, et dignité. Avec un taux de réussite de 100%, ce kit a été testé sur des volontaires du Drovolski, avec des résultats incroyables !

Il contient tout le nécessaire pour mettre fin à sa vie dans les meilleures conditions qui soient et contient :

    1) Des gélules au composé unique constitué d'arsenic à haute dose, d'un puissant somnifère de type tétrazépam, et d'un arôme vanille naturelle.
    2) Un petit livret explicatif sur la mort et les mécanismes biologiques entraînant le décès. Beaucoup d'images également afin de vous indiquez la meilleure position pour mourir avec dignité afin que votre cadavre soit photogénique. Des conseils cosmétiques et de maquillages également afin de vous rendre présentable lors de la découverte du corps. Car même dans la mort, on a bien le droit de rester fashion, non ?
    3) Du papier ignifugé et résistant à l'eau, ainsi qu'un stylo à l'encre indélébile pour coucher vos dernières volontés si nécessaires
    4) Un formulaire testamentaire si éventuellement vous souhaitez léguer votre fortune à la Thylacine Corporation. Vos proches recevront un bon promotionnel sur notre gamme de produits anti-dépresseurs.
    5) Une autorisation de prélèvement de tous vos organes
    6) Et dans le cas très peu probable où subitement vous changeriez d'avis dans un dernier accès de conscience et de regret, mais franchement faudrait en vouloir, une fiole de sirop d'ipéca 900mg, un très puissant purgatif qui vous fera régurgitez en quelques secondes le contenu de votre estomac.
    7) Une flasque de Vodka à 55°, parce que oui, dans ses derniers instants, qui mieux que l'alcool pour vous portez compagnie ?

Posologie :
  • 1 gélule, et la mort vous emportera en 60 secondes.
  • 2 gélules et la mort est quasi instantanée.

Ce kit convient aux personnes adultes, mais pas de soucis, nous avons également le kit de suicide spécial enfants que nous avons appelé "Douce Nuit", avec une formulation adaptée aux individus de moins de 16 ans, entraînant le décès en 2 minutes, laissant largement le temps de réagir si besoin d'annuler le processus.

Thylacine Publicité

Vous avez peut être tout raté dans votre vie, mais au moins, vous pouvez réussir votre mort ! Avec nos kits, suicidez vous avec classe avant qu'il ne soit trop tard ! Franchement n'attendez plus !
1924

Déclaration officielle
***
SITUATION INTERNATIONALE :
Soutien à l'Empire du Nord & Inquiétudes quant aux actions du Pravoslavnyy


Cette déclaration officielle est donnée, dans sa version écrite, aux autorités étrangères concernées et demeure publiquement consultable en ligne, sur le site internet du Ministère des Relations Internationales de la République de Poëtoscovie.


Retrouvez ci-dessous la déclaration prononcée par Monsieur le Ministre des Relations Internationales, Piotr Vassia.


Mesdames, Messieurs,

Estimée population de l'Empire du Nord,

Estimées minorités de Pravoslavnyy,

Estimées familles des victimes, et avec elles leurs proches et l'ensemble des personnes que les récents événements ont pu heurter.


En premier lieu, je souhaite exprimer, au nom de la République de Poëtoscovie, ma sincère tristesse quant aux événements ayant touché l'Empire du Nord. Je présente alors, premier diplomatique poëtoscovien, mes condoléances aux familles, aux proches et à la population des victimes. En tout, la Poëtoscovie est prête à aider l'Empire du Nord afin de lui apporter un soutien financier, diplomatique ou militaire qui semble aujourd'hui indispensable pour montrer la cohésion internationale entre les États du globe, sans considération de leur localisation ni de leur proximité idéologique.

La Poëtoscovie, par diverses tentatives, s'est illustrée toujours comme défenseure d'un respect strict du droit international. Le respect territorial s'y inscrit pleinement comme norme relevant d'une conventionnalité que chaque puissance admet dans un souci de stabilité géopolitique. Le fait d'outrepasser de tels fondamentaux n'est alors pas une atteinte à l'un des États, mais à l'ensemble de la communauté internationale. Je souhaite alors dire, avec la plus grande fermeté, que la République de Poëtoscovie condamne fermement les frappes balistiques orchestrées par Carnavale sur le sol de l'Empire du Nord.

Si des mesures, telles que des déclarations diplomatiques communes, des sanctions économiques internationales ou des interventions militaires, devaient voir le jour, la République de Poëtoscovie empruntera alors pleinement le chemin de la défense du droit international ainsi que de tous les peuples.


En second lieu, la Poëtoscovie souhaite exprimer sa sincère préoccupation au Pravoslavnyy, lesquelles se veulent de plus en plus hostiles. Par le passé, la Poëtoscovie fut à l'origine d'un pont aérien entre cette puissance étrangère et le territoire national, permettant aux membres des communautés minoritaires le souhaitant – quoique la presse jashurienne parle abusivement de "déportation" et de "collaboration" – de se rendre en lieu sûr. Nous n'avions alors qu'entamé un dialogue sur un pied d'égalité et permettant de répondre aux grands enjeux du moment.

Nous pensions que la bienveillance diplomatique nous préserverait d'un tel déclin dans le respect des droits humains et diplomatiques les plus fondamentaux. Avec une stupeur que je ne saurais caractériser, nous observons alors le Pravoslavnyy ne pas faire profil bas, mais bien brandir son régime dictatorial comme immonde étendard d'une hostilité géopolitique notable. Abandonnant la pédagogie pour des rapports plus en phase avec la situation actuelle, nous sommons les autorités du Pravoslavnyy de cesser toute provocation et d'entretenir un dialogue avec la République de Poëtoscovie incessamment. Nous prions un représentant de cet État de bien vouloir se présenter sous 24h auprès de Monsieur le Ministre des Relations Internationales.

En outre, nous souhaitons que l'État du Pravoslavnyy ouvre un dossier au Tribunal International où les véritables responsables des drames humanitaires seraient jugés par l'ensemble de la communauté internationale. Nous tenons également à ce que les autorités du Pravoslavnyy puissent confirmer qu'aucun diplomate étranger ne sera retenu sur le territoire du Pravoslavnyy, ni qu'aucun ne subira des atteintes à sa sécurité ou à sa vie.

Nous invitons le Pravoslavnyy au bon sens et à la coopération avec les puissances étrangères ayant un discours allant dans le même sens que le nôtre. Nous saluons en outre les initiatives prometteuses portées par la Grande République de Velsna, la République Fédérale de Tanska, le Royaume de Caratrad et le Jashuria, tant en matière de dialogue que de condamnation.


Recevez, frères et soeurs victimes de la situation internationale de ces derniers temps, l'expression de toute l'affection venue de la Nation Littéraire.
Monsieur Piotr Vassia,
Ministre des Relations Internationales,
République de Poëtoscovie.


À Hernani-centre, le 12 juin 2016.
8067
Opération Avsien
[EXT] Empoisonnement des cultures de Carnavale

Source : Ministère de la Sécurité d'État - Confidentiel

Note : La présente opération n'est pas revendiquée par les autorités poëtoscoviennes et n'a pas vocation à l'être.

Alors que le monde entier retient son souffle après l'envoi d'un missile balistique par Carnavale sur l'Empire du Nord, il est à ne pas douter qu'une opération de "vengeance" se prépare. Doutant d'y être associé, la Poëtoscovie souhaite tout de même, pour la postérité, participer à sa manière aux efforts visant à démontrer son attachement au droit international. Le fait d'implanter un champignon par la Poëtoscovie sur un territoire étranger est une première, servant presque d'expérimentation. Ainsi, l'opération Avsien a pour premier objectif de déstabiliser la région carnavalaise afin de faciliter les éventuelles interventions à venir de la part de la communauté internationale. Peut-être cela permettra-t-il à la Poëtoscovie de retenir historiquement la Poëtoscovie du côté des gentils, à l'instant du désarchivage des documents confidentiels de la Sécurité d'État de Poëtoscovie.

Au-delà du renseignement humain dans lequel excelle la Sécurité d’État de Poëtoscovie (SEP), celle-ci possède également de vastes laboratoires de recherche où sont inventés différents composés, chimiques et organiques, ayant vocation à déstabiliser toute puissance étrangère dans les intérêts poëtoscoviens. Ces recherches, menées directement par la SEP, sont menées dans le plus grand secret et sous le regard attentif du contre-espionnage de la nation littéraire. C’est avec une immense certitude que celui-ci peut se permettre d’assurer qu’aucun service étranger n’est informé des inventions destructrices commandées par l’État de Poëtoscovie. C’est précisément dans l’un de ces laboratoires que la SEP a mis au point un champignon dont l’unique objectif est de détruire littéralement toutes les cultures de tout pays ciblé. Les champignons développés s’attaquent aux feuilles, mais aussi aux racines de l’être infecté et se transmettent via des spores ultra-volatiles qui s’engouffrent dans la moindre ouverture et se fixent même aux vêtements, infiltrant alors les serres et lieux dont la protection sanitaire était déjà renforcée. Toutefois, la SEP s’est bien assurée que le champignon ne s’attaque en aucun cas aux cellules animales, dont aux humains.

Consciente qu’elle ne pourrait pas les faire se déployer sur tout le continent à base d’un seul champignon, la SEP a développé différents organismes correspondant aux types de climats que l’on retrouve sur le globe. Le champignon « créé » par les services secrets poëtoscoviens peut alors se rendre en tout milieu, à l’exception des déserts et des glaciers. Cela pourrait par exemple lui permettre d’être exporté facilement en dehors du territoire ciblé pour atteindre un continent tout entier, devenant alors une attaque biologique d’ampleur contre l’agroalimentaire, secteur indispensable à beaucoup d’États et de populations. Cependant, le champignon ne résiste pas aux températures extrêmes telles que celles hivernales, saison qu’il n’est pas en mesure de dépasser notamment compte tenu de la plupart des végétaux pouvant être ciblés. Cela s’explique par le fait que les arbres et les herbes ne soient pas touchés par le champignon, seuls les fruits et les racines nourricières étant victimes de cet organisme parasitaire.

Toutefois, la Poëtoscovie conserve un moyen de contrôler son arme par la confection d’un remède dont elle seule connaît la composition et qui a nécessité des années de recherche. S’il serait impossible de trouver en peu de temps l’antidote pour un pays touché pour la première fois sans moyens exceptionnels mis à disposition, la fabrication en chaîne du composé serait facile et rapide, permettant en cas de dérives d’endiguer promptement l’épidémie fongique.

Comme tout produit utilisé sur le terrain, le champignon concerné ici a évidemment fait l’objet de tests préalables avant de sortir du laboratoire. Sur une phase de deux ans, celui-ci a été testé à de multiples reprises afin de s’assurer du bon déroulement des opérations qui l’emploieraient. Au commencement, les tests n’étaient pas concluants. Il a donc fallu perfectionner le mycète pour qu’il convienne parfaitement à l’usage qui en est fait actuellement, et réussir à procéder à dix tests concluants successifs pour accepter son emploi sur cible réelle. Pression, température, présence de différents antifongiques : de multiples facteurs ont été testés et permettent de dire que ce champignon est difficile, si ce n’est impossible, à enlever pour un État ne connaissant pas le remède de celui-ci. Quoi qu’il en soit, les facteurs présents d’ordinaire sur un sol quelconque n’empêcheront pas la diffusion du champignon. Toutefois, il n’est pas impossible qu’un produit très puissant et inconnu des autorités poëtoscoviennes vienne à bout de l’organisme sorti tout droit des laboratoires de la Sécurité d’État.

Afin de camoufler au mieux tout lien pouvant relier la Poëtoscovie et le champignon infectant les cultures de Carnavale, la SEP a organisé tout un mode opératoire ayant pour objectif de ne pas pouvoir remonter jusqu’à elle. Le champignon sera donc introduit sur le territoire national de Carnavale à travers une importation de fruits contaminés dans une caisse hermétique livrée en transitant par un pays tiers où toute trace d’expédition depuis la Poëtoscovie est retirée. L’ensemble des agents impliqués dans l’affaire est étroitement surveillé par la SEP, empêchant par ailleurs tout espionnage au sein des services secrets dans le cadre de cette opération ou toute tentative de vente des renseignements concernant l’opération.

De manière très claire, il s’agit pour la Poëtoscovie de déstabiliser Carnavale dans des intérêts individualistes et dans le cadre d’une politique se voulant interventionniste à outrance. La SEP, premier service secret au monde, s’illustre une nouvelle fois, quoique sans que personne ne le sache, par une attaque d’ampleur et par des moyens détournés et peu surveillés. L’exploitation d’une telle faille n’est pas un cas isolé, puisque d’autres opérations ont permis à la Poëtoscovie d’exercer une pression sur des États tels que le Fujiwa, la Vélèsie ou encore Stérus. L’impact d’une telle opération est encore plus grand du fait d’une vaste couverture, aux échelles nationale et internationale, et la crise agricole entraîne alors des problématiques sociales et économiques importantes pour Carnavale. L’angoisse suscitée par ce genre d’attaque biologique nuit gravement à la stabilité de l’État ciblé, et accentue donc les conséquences positives de l’opération pour la Poëtoscovie.


Image

HRP – Résolution de l’opérationJe propose au joueur de s’entendre avec moi à l’amiable afin de résoudre cette opération. Je reste ouvert à toute proposition, du joueur concerné comme des modérateurs s’ils estiment que mes propositions contreviennent aux règles de GK. Mes MP restent évidemment ouverts à tous.

Je suggère de régler cela sur un terrain neutre et à l’amiable. Ainsi, le joueur de Carnavale et moi pourrons jouer à la bataille navale sur splix.io . Pourquoi ? C’est un jeu court, face auquel tous ont les mêmes chances et sur lequel il est impossible de tricher.

Je propose de faire deux parties :
• Si le joueur de Carnavale connaît deux échecs, alors ses cultures sont intégralement dévastées sur un an (stade par défaut si le joueur ne me recontacte pas en MP).
• Si le joueur de Carnavale connaît un échec, alors ses laboratoires trouvent un antidote qui permet des pertes minimes et l’arrivée du champignon passe pour un événement naturel.
• Si le joueur de Carnavale ne connaît aucun échec, il possède des preuves permettant d’émettre l’hypothèse d’une attaque commise par la Poëtoscovie.

Il me semble qu’un tel arbitrage rendrait les choses amusantes, faisant jouer le hasard et rendant les deux joueurs concernés égaux quant à la réussite de l’opération. Si le joueur préfère un lancé de dés, je propose de le faire en partage d'écran ou par un modérateur.
Le cas échéant, je considérerai :
1 - Réussite totale : L'ensemble des cultures de Carnavale sont décîmées. L'incident passe pour un fait naturel.
2 - Réussite (presque) totale : La plupart des cultures de Carnavale sont décîmées. L'invident passe pour un fait naturel.
3 - Réussite partielle : L'ensemble des cultures de Carnavale sont décîmées. L'invident ne passe pas pour naturel, mais aucun lien ne peut être fait avec la Poëtoscovie.
4 - Échec partiel : L'ensemble des cultures de Carnavale sont décîmées. Le lien est supposé avec la Poëtoscovie.
5 - Échec (presque total) : La plupart des cultures de Carnavale ne sont pas décîmées car Carnavale trouve un remède. L'incident passe pour un fait naturel.
6 - Échec total : La plupart des cultures de Carnavale ne sont pas décîmées car Carnavale trouve un remède. Le lien est supposé avec la Poëtoscovie.

J’attends donc d’être contacté par MP. D'ici une semaine IRL, je pense pouvoir considérer qu'aucune contestation du plan initial n'a été apportée par le joueur en question. Le premier scénrio (double échec du joueur) est donc retenu.
2399
Résolution 2003 du Conseil Général de l'Organisation des Nations DémocratiquesManticore, le 17 mai 2016, à 12H00
CG-RU..............................
CONCL..............................


RÉSOLUTION
Origine : ............ Secrétariat général du Conseil
Destinataire : .....Délégations ; Presse
Objet : ............... Réunion extraordinaire des Conseils (17 mai 2016) - Résolution adoptée


___________________


Le Conseil Général de l'Organisation des Nations Démocratiques demande la cessation immédiate de toutes hostilités contre l’Empire du Nord et l’ouverture immédiate de négociations par le régime Carnavalais .


*
* *

Le Conseil Général de l'Organisation des Nations Démocratiques,
Rappelant et réaffirmant son engagement en faveur des droits humains, de la démocratie et de la paix,
Choqué par l’agression injustifiée perpétrée contre la population civile d’un de ses membres,
Ayant à l'esprit les devoirs et les responsabilités que la Charte des Nations Démocratiques lui assigne pour ce qui est de veiller au maintien et à la préservation de la paix et de la sécurité internationale ainsi qu'à protéger et défendre les populations civiles et les communautés religieuses,
Résolu à faire pleinement respecter le droit à l’auto-défense de l’Empire du Nord,
Résolu à faire pleinement respecter la souveraineté de l’Empire du Nord,
Agissant en application du Chapitre III de la Charte des Nations Démocratiques,
Agissant également en application des articles 5 et 9 de la Charte Défensive des Nations Démocratiques,

1. Exige que la Principauté de Carnavale se conforme pleinement aux demandes suivantes :
La Principauté de Carnavale ne doit plus mener aucune action hostile contre l’Empire du Nord ou tout autre état membre de l’Organisation des Nations Démocratiques,
La Principauté de Carnavale doit entamer sous deux mois des pourparlers avec l’Empire du Nord, en s’engageant par avance à verser des réparations financières aux familles des victimes et à l’État concerné,
La Principauté de Carnavale devra coopérer entièrement et pleinement à une enquête qui identifiera les coupables du massacre de Laagerfort et les transférera à une autorité compétente déterminée ultérieurement pour être jugés,
La Principauté de Carnavale devra entamer sous deux mois le retrait de toutes ses forces et moyens militaires des îles situées dans l’Océan d’Espérance,
La Principauté de Carnavale s’engagera à ouvrir des discussions sur le démantèlement partiel ou complet de son arsenal balistique.

2. Autorise les Etats Membres de l'Organisation des Nations démocratique, si au 17 juillet 2016 à 12H00 Carnavale n'a pas pleinement appliquée la présente résolution conformément au paragraphe 1 ci-dessus, à user de tous les moyens nécessaires pour faire respecter et appliquer la présente résolution et toutes les résolutions pertinentes adoptées ultérieurement pour rétablir la paix et la sécurité internationale.



34266
https://i.pinimg.com/736x/2d/19/ec/2d19ece06748f64b083863fcfa3fdb96.jpg

Quitter la ville.

Résumé disponible en fin de poste.

Dans l'alvéole capitonnée de son appartement du Palais des Brumes, – cette verrue architecturale où Carnavale semblait avoir expectoré le pus de ses ambitions déçues –, Ernest Bario Vidal, dernier duc d'un empire que l'Histoire, cette Parque gouailleuse, avait déjà relégué au magasin des accessoires funèbres, contemplait, non sans une lassitude exquise confinant à la volupté, le lent naufrage du siècle. Les tentures de velours grenat, lourdes comme des secrets d'État et aussi élimées que la patience des dieux, buvaient la lumière incertaine d'un jour qui, à Carnavale, ne se distinguait de la nuit que par une nuance plus ténue de grisaille ; un crépuscule perpétuel, propice, il est vrai, à la méditation des âmes dont la seule patrie restante était le dégoût.

Sur le bureau d'acajou massif, souvenir pondéreux d'un pillage orchestré par son aïeul lors d'une quelconque révolution avortée et dont la surface, naguère miroir des vanités ministérielles, n'offrait plus désormais qu'un reflet brouillé par la poussière des illusions perdues, s'amoncelaient, en un désordre savamment entretenu, les instruments de sa déréliction choisie : volumes aux reliures craquelées exhalant le parfum ranci des bibliothèques oubliées – Schopenhauer côtoyant saint Augustin, Machiavel dialoguant en silence avec les mystiques kaulthes –, liasses de correspondances jaunies, témoignages des intrigues falotes d'une diaspora kah-tanaise réduite à l'état de conclave de spectres, et, trônant au milieu de ce mausolée de papier, un unique verre de cristal taillé, où tremblait encore le dernier soupir d'un alcool ambré, compagnon mutique de ses veilles désabusées.

Il songeait, – car que faire d'autre, lorsque l'action n'est plus qu'une gesticulation grotesque sur la scène d'un théâtre en flammes ? –, à cette farce monumentale qu'était devenue la politique des hommes. Son père, le Duc, figure naguère imposante dans les antichambres de la Junte impériale, avait usé sa faconde et son élégance à tenter de donner un visage présentable à une tyrannie dont la seule logique, rétrospectivement, semblait avoir été celle de l'autodestruction méthodique. Échec patent, bien entendu ; la diplomatie, cet art de vêtir la force brute des oripeaux de la bienséance, ne pouvait rien contre la stupidité congénitale des Césars improvisés ou la voracité des hyènes qui leur succédaient toujours. Lui, Ernest, avait retenu la leçon : le monde n'était qu'un vaste échiquier où des joueurs déments déplaçaient des pièces truquées, dans l'illusion d'une stratégie dont la finalité ultime n'était jamais que le Néant, ricanant dans les coulisses.

De sa fenêtre, – judicieusement orientée non vers la mer, trop prompte aux métaphores faciles sur l'infini et le départ, mais vers le lacis fétide des bas-fonds de Carnavale –, il percevait, plus qu'il ne la voyait, la pulsation morbide de la cité. Ce n'était point la rumeur vivante d'une métropole, mais le gargouillis obscène d'un organisme en putréfaction avancée, où les effluves capiteux des parfums hors de prix, suintant des hôtels particuliers aux façades lepreuses, se mêlaient, dans une harmonie révoltante pour l'odorat et pour l'esprit, aux relents de marée basse et de charogne que les canaux verdâtres, véritables cloaques à ciel ouvert, charriaient paresseusement vers une mer indifférente. Carnavale, pensait-il souvent, n'était pas tant une ville qu'un état d'âme collectif, une allégorie de la Chute où le grotesque avait fini par dévorer le tragique.

Le Palais des Brumes lui-même, ce dédale absurde de couloirs borgnes et de salons grandioses dont l'ameublement disparate témoignait des fortunes successives et des goûts douteux de ses propriétaires éphémères, constituait le microcosme parfait de cette décadence. Ici, dans cette enclave extraterritoriale du désespoir mondain, se réfugiaient les derniers tenants d'une réaction kah-tanaise plus fantomatique que réellement menaçante ; vieillards cacochymes ressassant des gloires imaginaires, jeunes gens aux regards fiévreux confondant l'extrémisme idéologique avec une posture esthétique, et cette tourbe d'intrigants de bas étage, toujours prêts à monnayer leur loyauté chancelante contre une invitation à dîner ou la promesse vague d'une restauration improbable. Ernest les observait, parfois, lors des rares réceptions auxquelles il daignait encore se montrer, avec la curiosité froide d'un entomologiste penché sur une colonie d'insectes particulièrement répugnants mais, il fallait bien l'admettre, obstinément vivaces dans leur inanité. Il y avait là matière à une comédie humaine, certes, mais d'une tristesse si abyssale qu'elle en devenait presque sublime.

Aujourd'hui, cependant, une torpeur particulière l'engourdissait, un ennui plus dense, plus lourd que de coutume. Les dépêches du matin, crachées par le téléscripteur avec leur litanie de catastrophes prévisibles et de mensonges officiels, n'avaient réussi qu'à épaissir le brouillard de son dédain. L'Empire du Nord, cette monarchie glaciale et vermoulue, échangeait des amabilités balistiques avec Carnavale ; l'OND, cette Organisation des Nations pour rire, brandissait ses foudres en carton-pâte ; et quelque part, un Cardinal, sans doute aussi corrompu que ses ambitions étaient vastes, avait vu sa candidature à la Papauté s'éteindre dans le cratère d'un missile. Grand bien lui fasse. Tout cela n'était que la continuation du même drame sordide, joué avec des acteurs différents mais suivant un scénario immuable : celui de la vanité humaine s'efforçant de donner un sens grandiose à sa propre et inéluctable pourriture. Ernest Bario Vidal soupira, repoussa d'une main lasse un volume épais qui menaçait de choir, et se versa un autre doigt de cet alcool qui, à défaut de dissiper les ténèbres, permettait du moins de les contempler avec une acuité plus douloureuse, et donc, paradoxalement, plus vivante.

Le fracas inaugural, celui du projectile carnavalesque éventrant quelque palais cardinalice dans les brumes empourprées de l’Empire du Nord, lui était parvenu, non comme une détonation physique – Carnavale, dans sa sagace couardise, savait amortir les échos de ses propres turpitudes –, mais comme une vibration subtile dans la trame déjà pourrie des connivences internationales, un hoquet dans le grand concert des mensonges diplomatiques. Un Cardinal donc, postulant paraît-il au trône de Saint-Pierre, – comme si le Ciel lui-même ne croulait pas sous le poids des simonies et des ambitions terrestres –, avait vu sa trajectoire vers la tiare brutalement interrompue par un engin dont l'origine, bien que pudiquement voilée par les gazettes officielles, ne laissait guère de doute à quiconque possédait une once de flair pour les basses manœuvres. Ernest, humectant ses lèvres du liquide ambré, y décelait moins l'audace d'une faction politique que la routine sordide des règlements de comptes entre puissances occultes ; quelque officine ténébreuse, nichée au cœur même de la Curie ou dans les arcanes d'un ordre chevaleresque en déliquescence, avait sans doute jugé l'ascension dudit prélat contraire à ses inavouables desseins, et Carnavale, cette catin internationale toujours prompte à louer ses charmes empoisonnés au plus offrant, avait obligeamment fourni le bras – ou plutôt, l'ogive – séculier. Ou peut-être, songeait-il avec un rictus intérieur qui ne parvenait pas à atteindre la surface glacée de ses lèvres, était-ce Carnavale elle-même, dans un sursaut de cette folie mégalomane qui la saisissait parfois entre deux crises de foie collectives, qui avait cru bon de rappeler son existence au monde par ce pétard coûteux, espérant, par ce geste de pyromane impuissant, s'immiscer dans la succession pontificale pour y placer quelque créature à sa dévotion. Hypothèse grotesque, certes, mais la grotesque n'était-elle pas la signature même de cette époque finissante ?

La riposte de l'Empire du Nord, – car il fallait bien que la dignité outragée de cette monarchie de bigots et de soudards trouvât à s'exprimer autrement que par des anathèmes et des neuvaines publiques –, fut d'une prévisibilité navrante. Trois engins, non pas sur le Palais où résidait la source nominale du pouvoir carnavalesque, – on ne touche pas impunément aux coffres-forts où les tyrans eux-mêmes déposent le fruit de leurs rapines –, mais sur des cibles périphériques, des entrepôts désaffectés, une raffinerie à l'agonie, des pas de missiles minables, histoire de marquer le coup sans trop froisser les susceptibilités des bailleurs de fonds. Ernest sourit à cette démonstration d'impuissance calculée. Quelle majesté dans ces frappes qui prenaient soin d'épargner l'essentiel ! Les défenses de Carnavale, cette passoire technologique dont l'inefficacité n'avait d'égale que la prétention de ses stratèges de salon, n'avaient intercepté aucun des projectiles, et encore, par un hasard qui tenait plus du miracle statistique que de la compétence martiale. La cité-État avait tremblé, non de peur, mais de cette excitation malsaine que procurent les catastrophes évitées de justesse, celles qui permettent ensuite de se draper dans la posture de la victime héroïque.

Et puis, la contre-réplique. Trois autres missiles, offert cette fois de Carnavale vers l'infortuné Empire du Nord, comme si la première bévue n'avait pas suffi à illustrer l'inanité de toute cette agitation. Qui, à Carnavale, avait pu ordonner pareille folie ? Quel quarteron d'affairistes éméchés, de capitaines d'industrie du vice ou de condottieres de la finance interlope avait pu croire qu'une telle escalade servirait leurs intérêts ? Ernest secoua la tête, une lueur de pur amusement intellectuel – cette forme supérieure du désespoir – brillant un instant dans ses prunelles sombres. C'était cela, le monde moderne : une succession de provocations imbéciles et de ripostes disproportionnées, un dialogue de sourds armés jusqu'aux dents, où la logique avait depuis longtemps cédé le pas à l'orgueil froissé et à la pulsion de mort. Les chancelleries, bien sûr, s'agiteraient ; on convoquerait des conseils de sécurité extraordinaires où des diplomates au verbe onctueux et à la conscience élastique liraient des déclarations creuses condamnant la violence "d'où qu'elle vienne", tout en négociant en sous-main de nouveaux contrats d'armement. Le sang des innocents, toujours, comme lubrifiant de la grande machine géopolitique.

Il ouvrit une nouvelle liasse de dépêches, les parcourant d'un œil rapide et expert, y cherchant moins l'information brute – toujours suspecte – que les non-dits, les silences révélateurs, les euphémismes coupables. L'OND, cette auguste assemblée de pharisiens internationaux, bruissait déjà de rumeurs d'intervention. « Stabiliser la région », tel était le mot d'ordre, le mantra ressassé par les apôtres de ce nouvel ordre mondial qui n'était, en réalité, que le masque grimaçant du chaos permanent. Ernest connaissait la chanson. On enverrait des observateurs impuissants, on voterait des résolutions inapplicables, on dépêcherait peut-être même quelques bataillons sous-équipés, composés de soldats issus de nations obscures et sacrifiables, pour servir de cibles mouvantes entre les factions. Et pendant ce temps, dans l'ombre, les véritables maîtres du jeu – les conglomérats militaro-industriels, les banques d'affaires apatrides, les services secrets aux ramifications infinies – continueraient de tirer les ficelles, d'alimenter les conflits, de récolter les dividendes de la désolation. Son propre père, le Duc, n'avait-il pas été, en son temps, le jouet élégant de semblables officines, croyant servir un Empire alors qu'il n'était qu'un pion chamarré sur leur échiquier ? L'amertume, saveur familière, lui monta à la gorge, plus âcre encore que le tord-boyaux qu'il venait d'ingurgiter. Misérable humanité, toujours prompte à rejouer les mêmes tragédies avec un sérieux qui frisait le sublime dans l'abjection. Il se demanda, un instant fugace, si même le Néant, à force de contempler ce spectacle, ne finissait pas par bâiller d'ennui.

Et comme il sied à toute conflagration d'une certaine ampleur, – si tant est que cette pyrotechnie bilieuse entre un Empire du Nord aux abois et une Carnavale plus soucieuse de ses bilans comptables que de son honneur terni pût prétendre à une telle épithète –, l'Organisation des Nations Démocratiques, ce Léviathan anémique et cacochyme, commença, depuis ses officines (le lieu importait peu, seule comptait la consternante uniformité du verbiage), à émettre ses rots protocolaires. Des rumeurs, savamment distillées par des attachés de presse à la mine contrite et au portefeuille bien garni, bruissaient d'une "intervention imminente", d'une "force de stabilisation" destinée, selon la liturgie consacrée, à "prévenir une escalade aux conséquences incalculables" et à "protéger les populations civiles innocentes" – cette dernière catégorie, songeait Ernest avec un rictus intérieur où le mépris luttait contre une insondable fatigue, servant depuis la nuit des temps de caution morale aux entreprises de brigandage les plus éhontées.

Il avait déjà vu, au cours de sa trop longue (quoique encore inachevée, hélas) existence, défiler ces cortèges de bonnes intentions pavant la route des charniers. L'OND, cette chimère bureaucratique enfantée par la mauvaise conscience des vainqueurs d'hier et l'appétit insatiable des puissances d'aujourd'hui, n'était, à ses yeux de patricien déchu mais à l'intellect encore acéré, qu'un paravent commode, une sorte de Sganarelle international dont les admonestations vertueuses et les résolutions grandiloquentes – toujours votées à l'issue de tractations sordides dans des antichambres empuanties par l'odeur du cigare et de la trahison – ne servaient qu'à masquer la voracité des uns, l'impuissance des autres, et la couardise de tous. L'on se souviendrait, ou l'on feindrait d'oublier, avec quelle componction les instances ancêtres avaient observé, non sans une secrète et malsaine délectation pour certains de ses membres les plus influents, l'agonie de l'Empire Kah-tanais, attendant que l'abcès de la Junte de Sukaretto III eût suffisamment mûri pour justifier ensuite une "assistance" qui ne fut, en réalité, qu'une curée discrète des dépouilles. Et le Grand Kah lui-même, cette entité politique au nom si pompeux pour une réalité si fragmentée, n'avait-il pas, après sa prétendue "libération", sombré dans des querelles intestines que le monde s'était bien gardée d'arbitrer, trop occupée à recompter ses zones d'influence ?

Ernest visualisait déjà le ballet grotesque : les experts en "résolution de conflits" débarquant avec leurs mallettes bourrées de concepts creux et leurs frais de mission exorbitants ; les casques bleus, – souvent issus de nations dont la principale exportation était la chair à canon bon marché –, errant, désemparés et sous-équipés, entre des lignes de front mouvantes, devenant eux-mêmes, par une ironie dont l'Histoire avait le secret, les otages ou les victimes des factions qu'ils étaient censés pacifier. Il imaginait les communiqués lénifiants, déplorant "les violations persistantes du droit humanitaire" tout en évitant soigneusement de nommer les coupables, de peur de froisser quelque allié stratégique ou quelque créancier indispensable. La "communauté internationale", ce vocable obscène qui désignait en réalité une poignée de nations prédatrices drapées dans les oripeaux de la morale universelle, se contenterait d'observer, de condamner mollement, puis, lorsque le chaos aurait atteint un degré de saturation suffisant, d'envoyer ses vautours – banquiers, sociétés de reconstruction, experts en "bonne gouvernance" – pour picorer les restes.

Il songeait, par une association d'idées dont la bizarrerie ne lui échappait point, à cette lointaine Fédération Maximiliane, dont les échos de sa singulière "course au trône" lui parvenaient parfois, dilués et déformés, à travers les gazettes d'Aleucie ou les conversations des exilés les moins obtus. Là-bas aussi, après une histoire tourmentée de colonisation, de dictatures sanglantes – ce Sertiani Samir, par exemple, dont les méthodes n'avaient rien à envier, dans leur brutalité rustique, à celles d'un Célice –, on avait tenté d'instaurer un semblant d'ordre constitutionnel, une monarchie fédérale cherchant un souverain par voie de plébiscite populaire ou d'articles de presse interposés. Quelle bouffonnerie ! Et pourtant, même cette nation aux antipodes de ses préoccupations immédiates, avec ses relents de portugais et ses idiomes indigènes, semblait posséder une conscience plus aiguë de sa souveraineté que ces vieilles nations d'Eurysie ou ces parvenus d'Aleucie du Nord, toujours prêtes à s'agenouiller devant le veau d'or de la "sécurité collective" ou les ukases de l'OND. Maximus, au moins, cherchait son roi ; les autres, elles, ne cherchaient plus qu'à gérer leur déclin en distribuant des leçons de morale au reste du globe.

L'intervention de l'OND, si elle devait avoir lieu entre l'Empire du Nord et Carnavale, ne serait donc qu'une nouvelle illustration de cette loi d'airain : les forts imposent ce qu'ils peuvent, les faibles subissent ce qu'ils doivent, et les institutions internationales sont là pour donner à cette réalité brutale l'apparence d'un processus juridique. Il se demanda, avec une pointe de curiosité morbide, quels intérêts spécifiques se cachaient derrière cette agitation soudaine. L'Empire du Nord cherchait-il à attirer l'OND dans un guêpier pour détourner l'attention de ses propres faiblesses internes ? Carnavale espérait-elle, par ce biais, obtenir une forme de protection internationale qui lui permettrait de continuer ses trafics en toute impunité, sous le couvert d'une "crise humanitaire" ? Ou bien quelque puissance tierce, tapie dans l'ombre, voyait-elle dans ce conflit localisé l'occasion d'affaiblir simultanément deux acteurs régionaux gênants ? Les supputations étaient infinies, et toutes aussi vaines les unes que les autres. La seule certitude, pour Ernest, était que le sang continuerait de couler, que les discours hypocrites continueraient de fleurir, et que lui, depuis son observatoire carnavalesque, continuerait de contempler la comédie humaine avec ce mélange de dégoût et de fascination qui était devenu sa seconde nature. Il n'attendait rien de l'OND, sinon la confirmation de sa propre et lucide misanthropie.

Le café matutinal, – breuvage fétide et hors de prix que les établissements les plus cotés de Carnavale s'obstinaient à servir dans des tasses de porcelaine ébréchée, comme un ultime hommage ironique à une civilisation du goût depuis longtemps défunte –, Ernest Bario Vidal le consommait ce jour-là avec une lenteur cérémonieuse, presque liturgique, sur la terrasse du "Sérail Décadent", bouge interlope où se pressait le rebut doré de la diplomatie de l'espionnage à la petite semaine. Le crachin carnavalesque, cette bruine grasse et tenace qui semblait vouloir dissoudre jusqu'aux contours mêmes de la réalité, emperlait la toile élimée du parasol sous lequel il s'était réfugié, conférant à la scène une atmosphère d'aquarelle délavée, d'une tristesse infinie et pourtant, à sa manière perverse, étrangement apaisante pour une âme telle que la sienne, saturée de la laideur universelle.

Il avait étalé devant lui, sur la table de fer forgé où subsistaient encore les stigmates liquides du passage d'un précédent consommateur sans doute aussi désabusé que lui, les feuilles volantes d'un quotidien international dont la typographie agressive et les manchettes sensationnalistes lui inspiraient habituellement un mépris souverain. Ce matin, cependant, il s'y attardait, non par intérêt pour les nouvelles du monde, – ces hoquets convulsifs d'une agonie planétaire qui n'en finissait plus de finir –, mais plutôt par une sorte de curiosité clinique, l'attrait qu'exerce le difforme sur l'esprit blasé, la contemplation d'une difformité qui, à force d'être outrancière, finissait par atteindre une sorte de perfection dans l'horreur. Les missiles avaient cessé, pour l'heure, leur danse macabre entre l'Empire du Nord et la république princière de Carnavale ; l'OND, fidèle à sa réputation de paralytique grandiloquent, ergotait sur la composition d'une énième "commission d'enquête" dont les conclusions, il le savait d'avance, seraient aussi vides que les promesses des politiciens. Tout rentrait dans l'ordre, c'est-à-dire dans le désordre habituel, dans cette comédie humaine où les mêmes ficelles éculées tiraient les mêmes marionnettes grimaçantes vers les mêmes abîmes prévisibles.

Ce fut au détour d'une colonne intérieure, entre une publicité pour quelque élixir de jouvence frauduleux et l'annonce nécrologique d'un quelconque nabab de l'industrie du divertissement frelaté, que son regard, habituellement si prompt à survoler avec une égale indifférence les grandeurs et les misères du monde, fut accroché, presque malgré lui, par une entrefilet discret, un de ces faits divers que les typographes pressés relèguent dans les marges obscures du journal, là où l'œil du lecteur pressé ne s'aventure que par inadvertance. Quelques lignes seulement, imprimées dans un corps de caractère plus petit, comme pour en minimiser l'importance ou en atténuer le choc. "Archipel des Marquises", lut-il d'abord, et une moue de désintérêt commença à se dessiner sur ses lèvres fines, car que pouvait-il bien advenir d'intéressant dans ce confetti d'îles perdues aux confins de l'influence maritime de Grand Kah et dont l'existence même relevait pour lui du concept exotique plus que de la réalité géopolitique ? Puis, son œil, parcourant la suite, s'arrêta net, figé sur un nom. Un nom qui, pareil à une incantation maléfique, avait le pouvoir de ramener à la surface de sa conscience les miasmes d'un passé qu'il croyait avoir, sinon oublié, du moins anesthésié par des années de cynisme méthodique.

Baron Célice.

Le nom était là, noir sur blanc, brutal dans sa simplicité, dépouillé de toute l'aura de terreur et de mystère qui l'avait enveloppé durant les années de la Junte Impériale Kah-tanaise. Le journal, dans sa prose administrative et laconique, rapportait la découverte de son cadavre sur une île isolée, mort violente, enquête en cours. Et, comme une post-scriptum sordide à cette nécrologie inattendue, la présence sur les lieux d'une certaine Antigone Ornan-Munch, "journaliste controversée", précisait l'article avec une prudence qui trahissait soit l'ignorance, soit une forme de complicité tacite avec les puissants.

Ernest sentit un froid singulier lui glacer les veines, une sensation qu'il n'avait plus éprouvée depuis les jours fiévreux de la chute d'Axis Mundis, lorsque l'odeur de la défaite et de la mort imminente flottait dans les couloirs du palais paternel. Célice. Le Baron. L'éminence grise de Sukaretto III, l'architecte méticuleux de la "Section de Sécurité", cet instrument de terreur dont le nom seul suffisait encore à faire blêmir les survivants. L'homme dont les yeux, d'un bleu arctique et dépourvus de toute lueur humaine, semblaient sonder les âmes pour y déceler non pas la culpabilité, mais la simple potentialité de la dissidence. L'incarnation même d'une certaine forme de mal, non pas le mal grandiloquent et théâtral des tyrans de mélodrame, mais un mal froid, bureaucratique, efficace, le mal d'un fonctionnaire de l'abjection qui aurait appliqué les protocoles de l'enfer avec la même rigueur méthodique qu'un greffier rédigeant un acte notarié. Son père, le Duc, avait parfois eu affaire à lui, lors de ces conseils impériaux où l'on décidait du sort de milliers d'anonymes entre deux coupes de champagne frelaté ; il en était revenu chaque fois plus pâle, plus silencieux, comme s'il avait entrevu, derrière le masque de courtoisie glaciale du Baron, la face même du néant organisé.

Et cet homme-là, ce spectre qui avait hanté les coulisses du pouvoir impérial, cette araignée tapie au centre d'une toile invisible de délation et de disparition, était mort. Non pas dans son lit, entouré de médecins complaisants, ni même au combat, dans un dernier baroud d'honneur grotesque, mais sur une île perdue, dans des circonstances troubles, en compagnie d'une folliculaire exaltée dont le nom évoquait pour Ernest les bas-fonds du nationalisme revanchard et de l'ésotérisme de pacotille. La chose était si incongrue, si dérisoire dans sa finalité, qu'elle en devenait presque comique, d'un comique noir, grinçant, celui des fins de règne où les monstres sacrés finissent leur carrière en paillasses de foire.

Il relut l'article, lentement cette fois, chaque mot s'imprimant dans son esprit avec une netteté douloureuse. Mort violente. Antigone Ornan-Munch. Enquête. La mécanique de son intelligence, habituellement si prompte à disséquer les événements avec une objectivité chirurgicale, semblait enrayée. Un sentiment étrange, indéfinissable, le submergeait. Ce n'était pas de la tristesse, – comment aurait-il pu pleurer Célice ? –, ni même de la surprise, – après tout, dans ce monde où tout n'était que chaos et déliquescence, la mort violente était la plus logique des conclusions. Non, c'était autre chose. Une sorte de vertige. Comme si la disparition de cette figure emblématique du mal, aussi haïssable fût-elle, laissait un vide, une béance dans le paysage mental de sa génération. Célice avait été l'un des piliers, certes pourri jusqu'à la moelle, de cet ordre ancien dont Ernest lui-même était issu, même s'il s'en était détaché avec l'amertume du fils déçu. Sa mort n'était pas seulement la fin d'un criminel ; c'était un pan entier de son propre passé, de sa propre identité d'exilé et de survivant d'un monde défunt, qui s'effondrait. Les monstres aussi, songea-t-il, ont leur place dans l'équilibre précaire des souvenirs ; leur disparition, même souhaitée, laisse parfois un silence plus assourdissant que leurs cris.

Et puis, il y avait Ornan-Munch. Cette pasionaria de l'ultra-nationalisme, cette égérie des groupuscules fascisants dont Ernest avait parfois croisé les écrits enflammés et confus dans les revues confidentielles de l'extrême-droite internationale. Qu'allait-elle faire dans cette galère ? Cherchait-elle le frisson du reportage interdit, l'interview exclusive du monstre dans sa tanière ? Ou bien était-elle plus intimement liée à Célice qu'il ne l'eût supposé ? L'idée qu'elle pût être une victime, retenue contre son gré, blessée, lui parut soudain moins absurde. La brutalité de Célice était une constante, sa paranoïa une seconde nature. Que cette femme, aussi agaçante fût-elle dans ses convictions outrancières, eût pu servir de jouet ou de bouclier au Baron dans ses derniers jours de clandestinité, cela n'avait rien d'inconcevable. Et cette pensée, curieusement, le troubla. Non par sympathie pour Ornan-Munch, – il la tenait pour une écervelée dangereuse –, mais parce que son sort, quel qu'il fût, soulignait l'arbitraire absolu, la loterie macabre qui régissait désormais les destinées dans ce monde à la dérive. N'importe qui pouvait se retrouver, du jour au lendemain, pris dans l'engrenage, broyé par des forces qui le dépassaient. Lui-même, malgré son nom, sa fortune résiduelle, son intelligence qu'il se plaisait à croire supérieure, n'était à l'abri de rien.

Il laissa choir le journal sur la table. Le café avait refroidi, laissant une pellicule huileuse à la surface. Le crachin persistait, plus insidieux encore. Ernest Bario Vidal se sentit soudain vieux, las, et, pour la première fois depuis bien longtemps, étrangement vulnérable. Le monde, ce matin-là, avait perdu un de ses repères les plus monstrueux ; et dans ce vide nouveau, quelque chose d'inconnu et d'inquiétant semblait vouloir prendre forme.

La nuit s'était abattue sur Carnavale comme une chape de suie jetée sur un brasier mal éteint, avivant les fumerolles toxiques de ses vices et les phosphorescences blafardes de sa débauche endémique. Au Palais des Brumes, cette verrue architecturale où les ambitions déçues de la réaction kah-tanaise venaient s'échouer en un ressac putride, la nouvelle de la trépas du Baron Célice, loin de susciter quelque componction ou même une réflexion stratégique, n'avait servi que de prétexte à une bacchanale plus frénétique encore, une sorte de veillée funèbre inversée où l'on célébrait, non la mémoire du défunt, mais l'oubli de soi dans une frénésie d'anéantissement. Les portes cochères, habituellement gardées par des cerbères à la mine patibulaire et à la loyauté tarifée, s'étaient ouvertes à tous les vents, laissant s'engouffrer, pêle-mêle, les derniers débris de la noblesse d'épée rouillée, les catins sur le retour aux fards craquelés comme des fresques pompéiennes, les idéologues éthyliques dont les systèmes du monde se dissolvaient dans le fond des verres, les espions à la petite semaine cherchant quelque secret éventé à monnayer contre une dose d'ersatz de nirvana, et cette faune interlope de parasites et de désœuvrés magnifiques qui, à Carnavale, trouvait toujours quelque cadavre encore chaud autour duquel bourdonner.

Ernest Bario Vidal, l'âme encore meurtrie par l'onde de choc de cette mort qui n'aurait dû être qu'un fait divers dans la chronique nécrologique du Mal, s'était laissé entraîner dans ce maelström, moins par désir de participation que par une sorte de fascination morbide, l'attrait du gouffre pour celui qui se sait déjà condamné. Il traversait les salons en enfilade, – dont les dorures passées et les tapisseries lacérées par l'incurie et les griffes de quelque félin domestique échappé d'un boudoir clandestin, exhalaient une odeur aigrelette de poussière séculaire et de désespoir fardé –, comme un Dante moderne explorant les cercles d'un enfer particulièrement médiocre et mal éclairé. La musique, cacophonie assourdissante où les accords stridents d'un jazz dégénéré se heurtaient aux lamentations synthétiques d'une musique venue de quelque lointaine structure nazuméenne , lacérait l'air déjà vicié par les fumées de cigarettes bas de gamme et les effluves entêtants de parfums bon marché cherchant à masquer la sueur et l'angoisse.

Des couples improbables se formaient et se défaisaient dans les alcôves obscures, silhouettes furtives s'adonnant à des étreintes mécaniques et désolées ; des vieillards au teint cireux, sanglés dans des uniformes d'opérette dont les galons ternis ne trompaient plus personne, pontifiaient devant un auditoire clairsemé et narcoleptique sur la grandeur perdue de l'Empire ou la trahison des élites ; des jeunes gens, aux prunelles dilatées par quelque substance prohibée ou simplement par la vacuité insondable de leur existence, poussaient des cris d'animaux en rut, renversant les guéridons chargés de verres à moitié vides et de canapés rances. Le Colonel Kaname, ce parangon de la bêtise militaire élevée au rang de vertu cardinale, tentait, avec une dignité d'outre-tombe, d'expliquer à une créature siliconée et visiblement sourde les subtilités tactiques de la dernière junte impériale, tandis que les synarchistes Barbet et Ange, toujours interchangeables dans leur médiocrité endimanchée, conspiraient à voix basse dans un coin, sans doute pour la prise de contrôle de la buvette ou la nomination d'un nouveau grand maître à quelque loge maçonnique fantôme. Crevier, s'il eût été là, se fût sans doute délecté de ce spectacle de décomposition avancée, y trouvant matière à quelque pamphlet incendiaire sur la faillite de la race ou l'inanité de la chair. Mais Crevier, le prophète de l'anéantissement, s'était lui-même anéanti, ou du moins dérobé au regard, laissant le champ libre à cette pantomime macabre.

Surplombant cette kermesse de la fin du monde, depuis le balcon intérieur du grand salon d'honneur, – ce même balcon d'où, jadis, des régents plus illustres avaient daigné haranguer des foules moins avinées –, trônait, ou plutôt s'affaissait, la figure quasi hiératique d'Aldous Sukaretto. Le Régent en exil, sanglé dans une robe de chambre de soie élimée dont les broderies d'or terni évoquaient un soleil couchant sur un champ de ruines, assistait à la scène depuis son fauteuil roulant, telle une idole impotente et vermoulue à laquelle plus personne ne songeait à rendre un culte. Son visage, parchemin où les rides traçaient la carte d'un désespoir millénaire, était d'une pâleur cadavérique, seulement animé par le tremblement sénile de ses mains posées sur les accoudoirs et le reflet fiévreux, dans ses yeux mi-clos, des lustres aux pampilles manquantes qui dispensaient une lumière jaunâtre et chiche sur la débauche en contrebas. Il ne parlait pas, ne bougeait presque pas, se contentant de dominer l'assemblée par sa seule présence spectrale, tel un Christ dérisoire et impotent présidant, depuis le Golgotha de son exil, à une messe noire où les fidèles, ivres de leur propre néant, avaient oublié jusqu'au nom du dieu qu'ils étaient censés adorer ou maudire.

À ses côtés, frêle silhouette perdue dans l'ombre du fauteuil impérial, se tenait un enfant. Onze ans, peut-être douze, à juger par sa taille menue et la gravité précoce de son regard, trop vaste et trop sombre pour un visage encore imberbe. C'était lui, le nouveau miracle, le "don" tardif du Grand Hôpital de Carnavale aux ambitions dynastiques des exilés kah-tanais : le Prince impérial, fruit d'une génétique sans doute aussi douteuse que les motivations de ses commanditaires, clone ou succédané, conçu pour perpétuer une lignée dont le sang, à force de se tarir, avait dû recourir aux artifices d'une science sans conscience. L'enfant, vêtu d'un costume de velours noir trop grand pour lui, ne disait mot, fixant la cohue avec une intensité muette, ses petites mains serrées sur une copie miniature du Livre des Mutations. Quelle initiation à la royauté que ce spectacle de déliquescence ! Quelle leçon de pouvoir que cette assemblée de fantoches s'agitant sous le regard vide de leur Régent moribond ! Ernest, en l'apercevant, sentit une nouvelle vague de dégoût, plus âcre encore, lui soulever le cœur : ils en étaient donc là, à épingler leurs espoirs dérisoires sur la frêle existence d'un enfant-fantôme, d'un héritier fabriqué pour un trône qui n'était plus qu'une chimère.

Il détourna les yeux, incapable de soutenir plus longtemps la vue de cette parodie macabre de la continuité dynastique. Il chercha Ornan-Munch du regard, mais la journaliste, si elle était présente, se fondait habilement dans la cohue ou avait déjà déserté cette nef des fous. L'atmosphère devenait irrespirable, saturée non seulement des relents d'alcool et de tabac froid, mais d'une sorte de désespoir palpable, la certitude collective d'une fin imminente que chacun s'efforçait de conjurer par une agitation plus frénétique, une débauche plus outrancière. Les rires se faisaient plus aigus, les étreintes plus brutales, les danses plus convulsives. Un jeune homme, au visage d'éphèbe blafard et aux yeux cernés de khôl, entreprit de déclamer, d'une voix chevrotante mais exaltée, des vers enflammés d'un poète décadent oublié, tandis qu'une ancienne cantatrice impériale, dont la voix n'était plus qu'un filet rauque, tentait d'entonner un air martial qui se perdit dans les huées et les quolibets. Un groupe d'anciens officiers, visiblement ivres morts, avait entrepris de reconstituer, avec des bouteilles vides en guise de soldats et des assiettes ébréchées pour figurer les bastions, quelque fameuse bataille perdue de la Junte, leurs imprécations se mêlant aux glapissements d'une demi-mondaine qui avait décidé de se dévêtir sur une table basse au milieu du salon.

La violence, d'abord larvée, symbolique, commença à sourdre plus explicitement. Une querelle éclata entre deux factions rivales de monarchistes quant à la préséance protocolaire lors d'une future et hautement hypothétique restauration ; des verres furent brisés, des insultes fusèrent, et il fallut l'intervention musclée de quelques gorilles à la solde d'un trafiquant d'armes reconverti en mécène culturel pour séparer les belligérants avant que le sang ne coule sur les tapis élimés. Plus loin, un idéologue au crâne rasé, dont les yeux roulaient de fureur sainte, tentait de convaincre à grands coups de poing sur la table une jeune femme à moitié nue et visiblement ailleurs, de la supériorité intrinsèque de la race kah-tanaise – ou de ce qu'il en restait après des siècles de métissages et de déchéances. L'absurdité atteignait des sommets himalayens.

Ernest se sentit pris d'un haut-le-cœur. Ce n'était plus une fête, c'était un vomissement collectif, l'exutoire fétide d'une angoisse existentielle que rien ne pouvait plus contenir. Il songea à Célice, à sa mort solitaire sur une île perdue. Peut-être, finalement, le Baron avait-il eu plus de dignité dans sa fin sordide que tous ces pantins s'agitant dans leur cage dorée. Lui, au moins, avait affronté son néant seul, sans le secours illusoire de la foule ou de l'ivresse.

Il leva à nouveau les yeux vers le balcon. Aldous Sukaretto n'était plus là. Le fauteuil roulant était vide, abandonné comme un trône dérisoire. L'enfant non plus n'y était plus. S'étaient-ils retirés discrètement, lassés du spectacle ou rappelés par quelque urgence sénile ? Ou bien, songea Ernest avec un frisson soudain, avaient-ils été, eux aussi, absorbés par le chaos, victimes d'une faction plus enragée que les autres, d'un coup de folie ultime dans cette nuit où tout semblait possible, même l'autodestruction la plus grotesque ? Il ne le saurait sans doute jamais. Et à vrai dire, cela lui importait peu. Ce qui lui importait, c'était cette nausée qui lui tordait les entrailles, cette certitude glaciale que ce monde-là, le sien, celui des exilés et des restaurations impossibles, était non seulement mort, mais qu'il s'acharnait à empester l'air de ses miasmes délétères.

Il fallait partir. Quitter ce tombeau. Trouver autre chose. Même si cet autre chose devait être pire encore. L'idée d'Ornan-Munch, cette furie idéaliste mais au moins vivante, lui revint avec une acuité nouvelle. Elle était au Grand Kah, disait le journal. En mauvaise posture, sans doute. Peu importait. Elle représentait un ailleurs, une possibilité d'action, aussi vaine fût-elle. Il se fraya un chemin à travers la cohue puante, bousculant sans ménagement les corps avachis et les ambitions éructantes, vers la sortie, vers l'air vicié mais au moins extérieur de Carnavale, avec une seule idée en tête : retrouver cette femme, et fuir. Fuir loin de cette nécropole festive, avant que la contagion de la mort ne l'atteigne lui aussi.

TL;DRErnest Bario Vidal, duc exilé et cynique observateur des turpitudes du monde, mène une existence désabusée dans son appartement du Palais des Brumes. Il analyse l'escalade du conflit de missiles entre l'Empire du Nord et Carnavale, y voyant une farce géopolitique et la confirmation de l'inefficacité des alliances internationales comme l'OND. Sa routine est brusquement interrompue lorsqu'il apprend par la presse la mort violente du Baron Célice, ancien chef de la police politique de la Junte Kah-tanaise (régime auquel son propre père avait participé), et la présence sur les lieux de la journaliste extrémiste Antigone Ornan-Munch. Troublé par cette nouvelle qui ravive des souvenirs douloureux et souligne la vacuité de son existence, Ernest assiste ensuite à une fête orgiastique au Palais des Brumes, où la déchéance des exilés réactionnaires, présidée par un Régent Aldous Sukaretto sénile et un jeune prince impérial cloné, atteint son paroxysme. Écœuré, il quitte la fête, sa décision de rompre avec cette vie stérile étant désormais prise.
32341
https://i.pinimg.com/736x/db/f0/ca/dbf0cae38c6f70e389359e7ca1fc13ac.jpg

Résumé disponible en fin de poste.

Le Palais des Brumes, enfin, l'avait vomi. Ou peut-être était-ce lui, Ernest Bario Vidal, qui, dans un ultime sursaut de décence gastrique ou d'instinct de conservation spirituelle, s'était extirpé de ce cloaque où les ambitions défuntes et les vices séniles macéraient en une promiscuité fétide. Il se retrouva sur le parvis désert, sous un ciel de Carnavale qui hésitait, comme à son habitude, entre la fin d'une nuit poisseuse et le début d'un jour qui n'oserait jamais véritablement poindre. L'air, ici, n'était guère plus respirable qu'à l'intérieur de cette nécropole festive ; il charriait les relents aigres de l'alcool renversé sur les pavés disjoints, la puanteur rance des poubelles éventrées par quelque meute de chiens faméliques – ces autres citoyens méprisés de la cité lacustre –, et cette odeur indéfinissable, mélange de sel marin corrompu et de décomposition organique lente, qui était la signature même de Carnavale, son haleine de catin syphilitique.

Il n'avait nul plan, nulle destination. Ses jambes le portaient, mues par une impulsion obscure, un besoin viscéral de s'éloigner du lieu de la bacchanale, comme si la simple distance physique pouvait suffire à le laver de la souillure collective dont il se sentait, malgré lui, imprégné jusqu'à la moelle. Il errait, automate élégant et dépareillé dans ce décor de fin du monde, ses souliers de cuir fin crissant sur les détritus qui jonchaient les trottoirs, sa silhouette sombre se découpant sur les façades lépreuses des hôtels particuliers où des lumières blafardes, derrière des rideaux tirés, trahissaient encore la persistance de quelque agonie festive ou d'un désespoir solitaire.

Les rues, à cette heure incertaine où l'aube n'était qu'une promesse menteuse, commençaient à peine à s'animer d'une vie larvaire. Des ombres furtives se glissaient le long des murs suintants : livreurs de lait à la mine patibulaire, éboueurs philosophes discourant à voix basse sur la vanité des ordures, quelques noctambules au teint cireux cherchant, avec l'obstination des damnés, un dernier verre ou un oubli tarifé. Des volets métalliques se levaient avec des grincements de suppliciés, révélant l'intérieur sordide de gargotes où déjà s'affairaient des tenanciers à l'œil rougi, préparant pour une clientèle d'ombres le café amer et les pâtisseries rances qui constitueraient leur viatique pour affronter une nouvelle journée d'inanité. Ernest observait ce spectacle avec une lucidité froide, chaque détail s'ajoutant à son dégoût universel. La mort de Célice, nouvelle encore fraîche et lancinante, avait opéré en lui une sorte de désenchantement radical, une mise à nu de la mécanique absurde du monde. Si même les monstres, les ordonnateurs du mal, finissaient ainsi, dans l'anonymat sordide d'une île perdue, à quoi bon les ambitions, les titres, les constructions idéologiques ? Tout n'était que poussière, et la seule différence entre le saint et le bourreau résidait peut-être dans la qualité de l'épitaphe que l'Histoire, cette prostituée sans mémoire, daignerait leur accorder – ou leur refuser.

Il songeait à son père, le Duc, à ses efforts pathétiques pour maintenir une façade de dignité impériale alors que tout s'effondrait. Lui-même, Ernest, n'avait-il pas passé sa vie à commenter, à analyser, à disséquer la pourriture avec une complaisance d'esthète, sans jamais oser véritablement plonger les mains dans le cambouis de l'existence ? Son cynisme, cette armure qu'il avait cru impénétrable, lui apparaissait soudain comme une forme de couardise sophistiquée, le refuge d'une âme terrifiée par le vide et incapable d'embrasser une autre foi que celle de sa propre et stérile intelligence. Il n'avait jamais été qu'un spectateur, un dilettante de l'abjection, un commentateur sarcastique des nécrologies. Et maintenant ? Maintenant que le dernier acte de la farce impériale semblait s'être joué avec la disparition des figures tutélaires du Mal – Célice mort, Crevier évanoui, Kaname muet, Yikada pendue –, que restait-il ? Un vide encore plus grand, une absence de repères, même négatifs, qui le laissait nu face à sa propre et vertigineuse inutilité.

Ses pas l'avaient mené, sans qu'il en eût conscience, vers les quartiers du port, là où Carnavale, dépouillée de ses oripeaux mondains, révélait son visage le plus brutal, celui d'une plaque tournante de tous les trafics, d'un carrefour de toutes les misères. L'odeur y était plus prégnante encore, un mélange suffocant de poissonnerie avariée, de goudron chaud, de sel ranci et de ce relent indéfinissable d'humanité en souffrance qui émane des lieux où la vie se réduit à sa plus simple et cruelle expression : la survie. Les entrepôts aux murs aveugles, tagués de graffitis obscènes ou de sigles cabalistiques, s'alignaient le long des quais où des navires ventrus et rouillés, battant des pavillons de complaisance exotiques, attendaient de déverser ou d'embarquer leurs cargaisons suspectes. Des grues immobiles, silhouettes décharnées se découpant sur le ciel plombé, ressemblaient à des gibets attendant leurs suppliciés. C'était un paysage de désolation industrielle, un purgatoire des marchandises où l'âme, si elle existait, n'avait certainement pas sa place. Ernest éprouva, étrangement, une sorte de soulagement pervers à se trouver là. Au moins, ici, la laideur était franche, sans fard, sans les hypocrisies des salons du Palais des Brumes. C'était la vérité nue du monde, sa trame sordide et immuable.

Il n'errait plus, désormais ; il marchait avec une cette détermination lasse, il suivait une piste invisible, un appel muet. Peut-être cherchait-il, inconsciemment, un degré de déchéance qui pût enfin égaler la sienne propre, un miroir où contempler sans fard la ruine de ses dernières illusions. Ou peut-être, plus simplement, ses pas de noctambule désabusé le menaient-ils vers le seul lieu de Carnavale où l'on pût encore espérer trouver, à cette heure matinale, un café passable et une indifférence garantie.

Ce fut à l'extrémité d'un quai désolé, là où la pierre moussue du môle s'effritait au contact salin d'une eau stagnante aux reflets huileux, que la silhouette d'Ernest Bario Vidal, toujours errante, fut happée par une vision d'une incongruité si pathétique qu'elle parvint, un instant, à percer la carapace de son ennui séculaire. Accotée à une pile de caisses éventrées d'où s'échappait une odeur indéfinissable de denrées en décomposition et de cordage moisi, une forme humaine gisait, ou plutôt s'affaissait, dans une posture d'abandon si totale qu'elle évoquait moins le sommeil que la capitulation définitive de l'être face à l'adversité du monde. Les oripeaux qui la couvraient, – vestiges d'un uniforme militaire d'apparat, celui, reconnut-il non sans un frisson de répulsion rétrospective, des Brigades Celtiques de Damannie, souillé de boue, de vomissure et peut-être de sang séché –, laissaient deviner une féminité malmenée, une structure osseuse anguleuse sous la maigreur d'une chair visiblement privée de subsistance récente. La chevelure courte, autrefois sans doute coiffée avec une superbe martiale, collait en mèches sales sur un front bas et obstiné, et le visage, lorsqu'un mouvement las le tourna à demi vers la lumière incertaine de l'aube carnavalesque, se révéla à Ernest avec la brutalité d'une reconnaissance tardive et importune : Antigone Ornan-Munch.

La pasionaria du verbe haut, l'égérie des nationalismes déçus, la chroniqueuse infatigable des fronts perdus et des causes sans espoir, n'était plus ici qu'une épave échouée sur les rives de la désolation, un débris humain ballotté par des courants dont elle avait, de toute évidence, perdu la maîtrise. Son regard, – ces prunelles autrefois animées d'une flamme fanatique qui avait pu séduire les auditoires crédules ou irriter les esprits plus fins –, était désormais d'une opacité laiteuse, fixant sans le voir quelque point invisible dans le vide grisâtre, comme si l'horreur récemment vécue sur cette île marquisienne en compagnie du trépassé Baron Célice avait éteint jusqu'à la dernière lueur de conscience ou de volonté. Elle semblait avoir dérivé là, au hasard de ses pas erratiques, cherchant peut-être instinctivement le chemin du Palais des Brumes, ce dernier refuge des illusions réactionnaires, mais s'étant effondrée en chemin, vaincue par l'épuisement, le traumatisme ou la simple incapacité à formuler une décision cohérente dans le chaos de son esprit dévasté.

Ernest s'approcha, avec cette curiosité froide et presque clinique qui était sa marque, observant cette déchéance sans y lire, pour l'heure, autre chose qu'une nouvelle illustration de la fragilité des idoles et de la versatilité des destins. Il y avait, dans ce spectacle d'une ambition brisée, d'un fanatisme réduit à l'état de loque grelottante, une sorte de justice immanente qui n'était pas pour lui déplaire, même si une once de ce qui pouvait s'apparenter à une compassion – ou peut-être n'était-ce que le dégoût de soi-même projeté sur autrui – commençait à poindre dans les replis les plus obscurs de son âme blasée. Il songea, non sans une ironie amère, que cette femme, qui avait tant prêché la force, la pureté, la volonté indomptable, offrait à présent le spectacle le plus achevé de la faiblesse et de la souillure.

Il se pencha, non pour la secourir, – la charité n'avait jamais fait partie de son répertoire –, mais pour s'assurer qu'elle respirait encore, et peut-être aussi, par une impulsion de collectionneur d'expériences rares, pour observer de plus près les ravages du réel sur un visage autrefois tendu par la certitude idéologique. Un murmure rauque, à peine audible, s'échappa des lèvres craquelées d'Ornan-Munch. Elle ne l'avait pas vu, ou ne le reconnaissait pas. Elle semblait dialoguer avec des fantômes, revivre en boucle quelque scène d'horreur dont les échos déformés affleuraient à la surface de sa conscience délabrée. Des mots sans suite, entrecoupés de sanglots secs, de spasmes qui agitaient son corps frêle.

Ernest considéra un instant l'opportunité de la laisser là, à son sort, épave parmi les épaves de ce port des damnés. Après tout, qu'avait-il à faire d'une prophétesse déchue, d'une idéologue en état de choc post-traumatique ? Mais quelque chose le retint. Peut-être la conscience que cette femme, dans sa détresse même, incarnait une forme de vérité brute, une confrontation avec le réel que lui, l'esthète du retrait, avait toujours soigneusement évitée. Ou peut-être, plus prosaïquement, l'intuition qu'un témoin direct des derniers jours de Célice, même dans un état aussi pitoyable, pouvait détenir des informations, des clés, qui sait, pour comprendre les ultimes convulsions de ce monde qu'il avait cru connaître et qui lui échappait de plus en plus.

Il lui adressa la parole, d'une voix neutre, s'enquérant de son état, non par sollicitude, mais comme un enquêteur procédant à un constat liminaire. Elle sursauta, ses yeux cherchant à faire le point sur cette apparition inattendue. La reconnaissance fut lente, laborieuse. Puis, dans ce regard vide, une lueur vacillante, un reste de cette intelligence aiguë qui avait fait sa réputation, parut s'allumer. Elle aurait articulé, avec une difficulté palpable, quelques phrases décousues, confirmant son identité, évoquant une fuite, une peur panique, le souvenir confus d'une confrontation avec Célice où la menace et la violence auraient atteint un paroxysme. Elle aurait parlé du Baron comme d'un dément lucide, d'un ordonnateur de sa propre fin, la retenant captive non par calcul, mais par une sorte de besoin pervers de compagnie dans sa déchéance ultime. La version qu'elle livrait, fragmentaire, hachée par les tremblements et les silences, était celle d'une victime cherchant à justifier sa survie, mais aussi, peut-être, celle d'une âme enfiévrée tentant de donner un sens rétrospectif à l'horreur pure. Elle aurait exprimé, entre deux râles, un dégoût infini, non seulement pour Célice, mais pour tout ce panthéon de figures réactionnaires qu'elle avait encensées, pour la puanteur de leurs idéaux qui n'étaient, au fond, que des masques posés sur des ambitions sordides ou des névroses incurables. Ce n'était plus la guerrière, c'était une conscience écorchée vive, vomissant des années d'aveuglement volontaire.

Ernest écouta, sans interrompre, son esprit enregistrant chaque inflexion, chaque silence, chaque contradiction apparente. Il n'y avait, dans son attitude, ni jugement ni compassion, mais cette attention soutenue d'un esprit qui, face à ce déballage d'une âme en ruine, y trouvait peut-être, paradoxalement, une matière à réflexion plus substantielle que dans tous les traités de philosophie politique qu'il avait pu compulser.

L'aube, cette promesse blafarde et toujours déçue que Carnavale offrait à ses insomniaques et à ses réprouvés, commençait à peine à diluer l'encre épaisse de la nuit lorsque Ernest Bario Vidal, par un mouvement dont l'automatisme le surprit lui-même, – comme si une vieille habitude de caste, celle de ne point laisser une créature de son rang, même déchue, agoniser sur le pavé, avait repris le dessus sur son dédain universel –, aida Antigone Ornan-Munch à se hisser sur ses jambes tremblantes. Il la guida, sans un mot, à travers le dédale puant des ruelles portuaires, jusqu'à l'un de ces estaminets borgnes, ouverts à toute heure pour la clientèle interlope des marins en déshérence et des trafiquants de bas étage, où l'odeur de café brûlé et d'alcool frelaté luttait sans grand succès contre les miasmes persistants de la marée basse et de la misère humaine. Là, dans la pénombre d'une arrière-salle où des tables boiteuses et des chaises dépareillées semblaient avoir été repêchées après quelque naufrage, il lui fit servir un breuvage chaud et indéfinissable qui avait au moins le mérite de n'être pas immédiatement toxique.

L'échange qui s'ensuivit, – si l'on peut qualifier ainsi cette juxtaposition de monologues fragmentaires, de silences lourds et de confessions à demi articulées –, ne ressembla en rien aux joutes oratoires ou aux subtiles passes d'armes diplomatiques dont Ernest avait autrefois fait son ordinaire. C'était plutôt une autopsie à deux voix, celle de deux mondes en décomposition : le sien, celui d'une aristocratie exilée dont les titres n'étaient plus que des oripeaux dérisoires flottant sur le vide ; et celui d'Antigone, celui d'un idéalisme fanatique qui venait de se fracasser avec une violence inouïe contre le mur du réel le plus sordide. Elle parla encore, par saccades, de Célice, non plus avec la terreur panique des premiers instants, mais avec une sorte de lucidité amère, décrivant un vieillard paranoïaque et cruel, jouissant de son impunité insulaire pour mettre en scène les derniers actes d'une tyrannie devenue purement domestique, un Moloch miniature se nourrissant de la peur de sa dernière captive. Elle évoqua, avec un dégoût qui semblait la purifier de ses anciennes ferveurs, la vacuité des cercles réactionnaires qu'elle avait tant fréquentés, ces cénacles de vieillards acariâtres et de jeunes écervelés pérorant sur la restauration d'empires fantômes alors qu'ils étaient incapables de gérer leur propre décrépitude. C'était, pour Ernest, comme entendre l'écho de ses propres pensées, mais formulé avec une crudité, une absence de fard, qu'il n'aurait jamais osé s'autoriser.

Lui, en retour, ne lui offrit ni consolation ni absolution. Il se contenta de ponctuer ses récits de quelques observations laconiques, d'une ironie si subtile qu'elle pouvait passer pour de l'indifférence, sur la nature humaine, la versatilité des fidélités politiques, et l'éternel retour des mêmes erreurs sous des masques différents. Il parla de la Junte kah-tanaise, non comme d'une entreprise politique, mais comme d'une pathologie collective, un délire de puissance qui avait fini par dévorer ses propres enfants. Il évoqua la futilité des missiles qui, au même instant, continuaient peut-être de zébrer le ciel entre l'Empire du Nord et cette Carnavale où ils se trouvaient piégés, symboles dérisoires d'une souveraineté qui n'était plus que la capacité de détruire sans discernement. C'était une convergence des désespoirs, une reconnaissance mutuelle de faillite, non pas formulée comme un aveu, mais comme un constat clinique, presque apaisé dans son nihilisme.

Ils étaient là, deux épaves intellectuelles et politiques, dans ce bouge puant, tandis que Carnavale, dehors, commençait sa journée avec son habituelle et tapageuse indifférence à toute forme de drame individuel ou collectif. Que faire ? Où aller ? Retourner au Palais des Brumes, pour Antigone, c'était replonger dans le cauchemar qu'elle venait à peine de fuir, affronter les regards soupçonneux ou concupiscents de cette cour de charognards. Pour Ernest, y demeurer, c'était consentir à sa propre et lente pétrification. Les anciennes patries, les anciens engagements, tout cela n'était plus que cendres.

Ce fut Ernest qui, le premier, articula l'idée, non comme un plan mûrement réfléchi, mais comme une boutade lancée dans le vide, une de ces provocations intellectuelles dont il avait le secret, pour sonder peut-être la capacité de réaction de sa compagne d'infortune, ou simplement pour rompre le silence oppressant qui s'était installé. Il aurait mentionné, sur un ton d'ironie glaciale, cette lointaine Fédération Maximiliane, dont les péripéties dynastiques lui étaient revenues à l'esprit, telle une anecdote grotesque au milieu du drame universel. Un pays, aurait-il dit, si désespérément en quête d'une figure tutélaire qu'il organisait une sorte de concours public pour se trouver un monarque, un souverain de pacotille pour un trône de carton-pâte. Quelle meilleure illustration de l'absurdité des temps ?

Antigone, d'abord, n'aurait pas réagi, son esprit encore embrumé par le traumatisme et la fatigue. Puis, lentement, comme une flamme vacillante reprenant vigueur, une étincelle aurait paru dans ses yeux éteints. Maximus. Elle en avait entendu parler, oui. Quelques échos dans la presse interlope qu'elle fréquentait pour ses reportages sur les marges du monde. Un pays neuf, ou du moins se voulant tel, avec une histoire coloniale complexe, des factions indigènes remuantes, une instabilité politique chronique… Un chaos primordial, en somme. Une terre vierge, ou presque, pour qui saurait y imprimer sa marque. L'idée, aussi démente fût-elle, commençait à faire son chemin. Fuir Carnavale, certes. Mais pour aller où ? Les vieilles nations d'Eurysie la vomiraient ou l'instrumentaliseraient. Les dictatures d'Afarée ou du lointain Nazum ne lui offriraient qu'un rôle subalterne. Mais Maximus… Maximus était une équation à plusieurs inconnues, un terrain de jeu potentiellement ouvert, une page blanche où, peut-être, il était encore possible d'écrire quelque chose. Même une nouvelle tragédie.

Ernest, observant le changement subtil sur le visage d'Ornan-Munch, la lueur de calcul qui commençait à remplacer l'hébétude, aurait poussé son avantage, non par conviction, mais par une sorte de défi lancé à l'univers. Un pays qui cherchait un roi, n'était-ce pas là une invitation ? Et lui, Ernest Bario Vidal, duc sans duché, aristocrate sans cour, ne possédait-il pas, malgré tout, les attributs nécessaires ? Un nom, certes entaché par l'échec paternel, mais encore nimbé d'une certaine aura impériale. Une intelligence politique affûtée par des années d'observation cynique des turpitudes humaines. Une fortune résiduelle, suffisante pour financer une première mise. Et désormais, une compagne d'aventure inattendue, cette Antigone Ornan-Munch, qui, si elle parvenait à surmonter son traumatisme, pourrait redevenir la propagandiste zélée, la plume acérée, l'organisatrice infatigable qu'elle avait été, mais cette fois au service d'une cause moins collective, plus… Personnelle.

La chimère maximilienne, née de la rencontre de deux désespoirs et d'une ironie partagée, commençait à prendre corps. Ce n'était pas un projet rationnel, encore moins un idéal. C'était une fuite en avant, une tentative désespérée d'échapper à la déréliction en s'inventant un rôle, un destin, aussi improbable fût-il. Dans la puanteur de cet estaminet portuaire, sous le regard indifférent du tenancier qui épongerait bientôt leur table sans même se souvenir de leurs visages, se nouait une alliance aussi improbable que potentiellement dévastatrice. Le dernier Duc et la Prophétesse déchue regardaient vers un horizon inconnu, non avec espoir, mais avec la résignation active de ceux qui, n'ayant plus rien à perdre, sont prêts à tout risquer.

L'aube suivante ne trouva point Ernest Bario Vidal ni sa nouvelle et improbable acolyte Antigone Ornan-Munch attablés à quelque terrasse philosophant sur la vanité du monde. L'idée maximilienne, cette semence absurde jetée dans le terreau de leur désespoir commun, avait germé avec la rapidité fulgurante des plantes vénéneuses ou des résolutions prises au seuil du néant. Le temps n'était plus à la contemplation stérile des abîmes, mais à l'action fébrile, à cette agitation presque mécanique qui saisit les naufragés lorsqu'ils entrevoient, fût-ce le mirage d'une côte, la possibilité d'une issue à leur dérive. Il fallait quitter Carnavale, cette sentine où croupissaient leurs ambitions passées et leurs échecs présents, et il fallait le faire promptement, avant que les multiples créanciers – moraux, politiques, ou bassement financiers – de leurs existences antérieures ne viennent réclamer leur dû.

Le Palais des Brumes, dont Antigone avait juré de ne plus jamais franchir le seuil, devint paradoxalement le quartier général discret de leurs préparatifs. Ernest, en effet, y conservait, sous des dehors de dandy désabusé, un réseau de relations souterraines, tissé au fil des ans dans les antichambres du pouvoir exilé, un écheveau de dettes d'honneur, de services rendus, de secrets partagés, qui, bien que ténu et d'une fiabilité toute relative, pouvait encore s'avérer précieux pour qui savait en jouer avec la dextérité d'un marionnettiste expérimenté. C'est ainsi que, dans le secret d'un boudoir désaffecté, dont les tentures autrefois pourpres avaient viré à un violet de deuil et où l'odeur de naphtaline luttait contre celle, plus tenace, du désespoir, ils commencèrent à échafauder leur entreprise chimérique.

Antigone, retrouvant une part de cette énergie fiévreuse qui l'avait jadis propulsée sur les fronts les plus improbables, se chargea de la collecte d'informations. Son traumatisme récent, loin de l'avoir anéantie, semblait avoir aiguisé en elle une sorte de lucidité froide, une capacité à disséquer les réalités les plus sordides sans le voile trompeur de l'idéalisme. Elle mobilisa, non sans une certaine amertume à devoir quémander auprès d'anciens contacts qu'elle méprisait désormais, les bribes de son ancien réseau journalistique international, ces correspondants de l'ombre, ces pigistes de l'extrême, qui hantaient les zones grises du globe. Elle voulait tout savoir de Maximus : sa géographie politique réelle, au-delà des clichés véhiculés par la propagande des candidats déjà en lice pour ce trône vacant ; les véritables lignes de faille de sa société, les rancœurs indigènes, les appétits des corporations étrangères, les faiblesses de son appareil étatique naissant. Elle éplucha les dépêches confidentielles, décrypta les rapports des think tanks obscurs financés par des puissances aux desseins inavouables, analysa avec une minutie d'entomologiste les discours des prétendants actuels, y cherchant moins leurs programmes que leurs failles, leurs ridicules, ces angles d'attaque par lesquels une candidature aussi improbable que celle d'Ernest pourrait s'insinuer. Chaque soir, elle lui présentait le fruit de ses investigations, non plus avec la ferveur d'une croyante, mais avec la précision clinique d'une stratège, esquissant déjà les contours d'une campagne de dénigrement ou de séduction à venir, car la conquête d'un trône, même celui d'une république bananière en mal de majesté, passait d'abord par la maîtrise du verbe et la manipulation des symboles.

Ernest, quant à lui, s'attelait à la tâche plus prosaïque, mais non moins essentielle, de la logistique et du financement. Il convoqua ses derniers hommes de confiance à Carnavale, – figures patibulaires issues du monde interlope de la contrebande ou anciens officiers de la Junte reconvertis dans la sécurité privée pour oligarques douteux –, leur exposant son projet non comme une aventure romanesque, mais comme une opération d'investissement à haut risque et potentiellement à haut rendement. Il y eut des ricanements, des haussements d'épaules sceptiques, mais la perspective d'un intéressement substantiel en cas de succès, jointe à l'aura persistante du nom de Vidal et à la crainte sourde qu'inspirait encore son impassibilité calculatrice, suffit à rallier quelques concours. Des fonds furent discrètement transférés depuis des comptes mähreniens ou paltoterrans vers des officines financières moins regardantes de Carnavale. Des contacts furent pris avec des armateurs véreux pour l'affrètement d'un navire capable de les conduire, sous un faux pavillon et avec une cargaison fictive, jusqu'aux rivages aleuciens, à proximité de cette Fédération Maximiliane dont le nom commençait à résonner dans les tripots du port comme celui d'une nouvelle terre promise pour les aventuriers sans foi ni loi. Il fallut aussi songer aux faux passeports, aux visas de complaisance, à cette intendance clandestine sans laquelle nulle entreprise politique d'envergure ne pouvait espérer voir le jour dans ce monde où la seule véritable frontière était celle de l'argent.

Ces préparatifs, menés dans une urgence fébrile et une discrétion paranoïaque, – car le Palais des Brumes, malgré sa déliquescence, restait un nid d'espions et de délateurs où la moindre information pouvait être monnayée –, ne furent pas sans susciter l'émoi ou la suspicion parmi la petite cour des miracles de l'exil kah-tanais. Le Colonel Kaname, dont l'intellect limité n'excluait pas une certaine rouerie paysanne, s'enquit à plusieurs reprises, avec une fausse bonhomie, des "projets de voyage" du Duc. Les synarchistes Barbet et Ange, flairant quelque manœuvre qui pourrait leur échapper ou, pire, leur nuire, tentèrent d'approcher Antigone, lui offrant avec une onctuosité suspecte leur "expertise en matière d'organisation clandestine". Même Aldous Sukaretto, depuis le balcon où il officiait désormais plus comme une relique que comme un régent, fit parvenir à Ernest un message sibyllin, transmis par un page à la livrée défraîchie, l'enjoignant à "ne point troubler les augures par des initiatives intempestives avant que le cycle des Mutations n'ait atteint son terme". Ernest et Antigone déjouèrent ces curiosités et ces mises en garde avec une habileté consommée, opposant le silence, le dédain poli ou des réponses si alambiquées qu'elles en devenaient inintelligibles.

La tension était palpable, car leur entreprise, si elle venait à être ébruitée prématurément, pouvait non seulement échouer lamentablement, mais aussi attirer sur eux les foudres des multiples factions qui, à Carnavale ou ailleurs, avaient tout intérêt à ce que le statu quo, même dans sa misère, fût préservé. Un duc kah-tanais se proclamant prétendant au trône d'une république aleucienne, flanqué d'une ancienne égérie fasciste reconvertie en éminence grise, voilà qui avait de quoi alarmer les chancelleries les plus blasées et les services secrets les plus endormis.

Pourtant, malgré les obstacles, les regards soupçonneux, et cette atmosphère de fin de règne où chaque geste semblait devoir être le dernier, le plan prenait forme. Un soir de pluie battante, alors que Carnavale s'emmitouflait dans ses brumes et ses remords, Ernest contempla depuis sa fenêtre le reflet des néons sur les canaux sombres. À ses côtés, Antigone, le visage tiré mais éclairé d'une lueur nouvelle, presque avide, lui présenta un dossier succinct : une première ébauche de la "Charte Royale pour la Restauration de la Dignité Maximiliane", un texte ampoulé et truffé de références historiques douteuses, mais dont le ton messianique pourrait, qui sait, séduire une population en mal de sauveurs. Elle avait également esquissé les grandes lignes d'une campagne médiatique, ciblant les faiblesses des autres candidats à ce trône improbable, et identifié quelques figures locales potentiellement corruptibles ou ralliables à leur cause. C'était dérisoire, sans doute. C'était grotesque, assurément. Mais c'était un commencement.

Ernest ne sourit pas. Il se contenta d'un hochement de tête approbateur. La partie pouvait commencer. Les derniers feux de Carnavale, ceux de la débauche et de la défaite, allaient peut-être éclairer, pour eux, l'aube d'une nouvelle, et tout aussi vaine, ambition.

Le quai numéro sept du port marchand de Carnavale, à cette heure indue où la nuit hésitait encore à céder tout à fait sa place à un jour qui s'annonçait aussi blafard et désespérant que tous ceux qui l'avaient précédé, n'était qu'un alignement de bollards rouillés et de cordages poisseux, baignant dans une pénombre à peine troublée par la lueur chiche de quelques ampoules nues se balançant au gré d'une brise chargée des relents combinés du varech en décomposition et des latrines mal vidées des navires à quai. C'était là, loin du faste décrépit du Palais des Brumes et des regards indiscrets de la faune interlope qui en peuplait les salons, qu'Ernest Bario Vidal et Antigone Ornan-Munch attendaient, dans un silence lourd de non-dits et d'appréhensions rentrées, le signal discret qui annoncerait l'arrivée de leur passage vers l'inconnu.

Le "Santa Misericordia", – nom d'une ironie si flagrante qu'il en devenait presque une profession de foi pour ce rafiot battant pavillon d'une république fantoche d’Aleucie et dont la cargaison déclarée de "pièces détachées pour machinerie agricole" ne trompait que les douaniers les plus naïfs ou les mieux soudoyés –, devait appareiller avant les premières lueurs véritables, emportant dans ses flancs ventrus, outre une cargaison sans doute bien plus répréhensible, les deux architectes improbables d'une future et hautement spéculative royauté maximilienne. Ernest, sanglé dans un pardessus sombre qui lui donnait l'allure d'un croque-mort en voyage d'affaires, contemplait les eaux noires du canal où se reflétaient, en arabesques tremblantes, les lumières dérisoires de la ville endormie – ou plutôt, comateuse. Carnavale, cette maîtresse exigeante et toujours décevante, il la quittait sans un regard en arrière, sans une once de regret, seulement avec ce soulagement diffus que l'on éprouve en s'arrachant à une agonie trop longtemps prolongée.

Antigone, à ses côtés, avait retrouvé une part de cette contenance farouche qui était sa marque. Son visage, bien que toujours marqué par les stigmates de sa récente épreuve et par une fatigue qui semblait s'être incrustée jusqu'à la trame de son être, avait repris une expression de détermination butée. Elle serrait contre elle une mince serviette de cuir contenant, Ernest le devinait, les premières ébauches de leurs manifestes futurs, les listes de contacts hypothétiques, toute cette paperasserie dérisoire qui constituait l'arsenal intellectuel de leur conquête annoncée. Elle avait troqué les oripeaux de sa déchéance portuaire contre une tenue simple, presque austère, un pantalon de toile rêche et une vareuse de laine sombre qui lui donnaient l'apparence d'une passionaria en disponibilité, prête à rallumer les feux d'une cause quelconque pourvu qu'elle fût suffisamment désespérée pour justifier l'embrasement.

Un silence s'était installé entre eux, non pas celui, complice, des conjurés sûrs de leur fait, mais plutôt celui, pesant, de deux naufragés qui, ayant miraculeusement trouvé une planche de salut au milieu de l'océan, hésiteraient encore à y croire, craignant que cette épave flottante ne soit qu'une illusion de plus, un prélude à une noyade plus définitive encore. Ernest songea à la futilité grandiose de leur entreprise. Partir à la conquête d'un trône vacant dans une république équatoriale dont il ne connaissait que les clichés véhiculés par les récits d'explorateurs du XIXe siècle ou les analyses stratégiques des officines coloniales, avec pour toute armée une journaliste au passé trouble et aux convictions chancelantes, et pour tout programme une vague intuition que le monde, dans sa déliquescence généralisée, était mûr pour n'importe quelle imposture pourvu qu'elle fût servie avec suffisamment d'aplomb et de cynisme. C'était une folie, sans doute, une de ces gageures que seuls les désespérés ou les démiurges ratés osent entreprendre.

Mais quelle alternative s'offrait à eux ? Pourrir lentement à Carnavale, dans la contemplation stérile de leur propre déchéance, au milieu des fantômes d'un passé qui refusait de mourir tout à fait ? Attendre que quelque révolution de palais, quelque purge interne au sein des factions réactionnaires ne vienne les balayer comme des scories inutiles ? Non. Mieux valait encore ce saut dans l'inconnu, cette fuite en avant vers un mirage, fût-il celui d'une royauté de carnaval sur une terre de boue et de sang. Au moins, il y aurait l'action, le mouvement, cette illusion de maîtrise sur un destin qui, de toute façon, leur échappait.

Il se tourna vers Antigone, dont le profil anguleux se découpait sur le fond indistinct des entrepôts. Il crut déceler dans son regard, habituellement si prompt à l'embrasement idéologique ou à la condamnation sans appel, une lueur nouvelle, une sorte de lassitude lucide, presque une interrogation. Elle aurait pu lui demander, sur un ton où l'ironie se serait mêlée à une inquiétude sincère, si cette quête chimérique pour un trône à Maximus, ce pays dont on disait qu'il avait peut-être plus besoin de pain et de paix que d'un monarque importé, n'était pas, au fond, une dérision supplémentaire, une nouvelle farce dans le grand guignol de leurs existences.

Ernest aurait alors esquissé ce sourire fin, ce rictus imperceptible qui était sa seule concession à l'émotion, et lui aurait sans doute répondu, avec la componction d'un philosophe stoïcien discourant au milieu d'un lupanar en flammes, que si Maximus n'éprouvait point le besoin impérieux d'une couronne kah-tanaise, eh bien, il leur appartiendrait, à eux, artisans du verbe et manipulateurs d'âmes, de lui en inoculer le désir, de lui en fabriquer la nécessité. N'était-ce pas là, après tout, l'essence même de la politique, cet art sublime et dérisoire de persuader les peuples qu'ils aspiraient ardemment à ce dont ils n'avaient, la veille encore, nullement conscience, voire nulle envie ? La royauté, comme toute autre forme de pouvoir, n'était-elle pas, avant tout, une question de narration, une fiction collective à laquelle il suffisait de croire, ou de faire croire, pour qu'elle advînt ?

Une lanterne se balança à l'extrémité du quai. C'était le signal. Le "Santa Misericordia", masse sombre et silencieuse, venait de s'amarrer. Une passerelle fut jetée, grinçante. Ernest Bario Vidal ajusta le col de son pardessus, jeta un dernier regard sans aménité sur la ville qui s'estompait derrière lui, cette Carnavale qui avait été le théâtre de tant de ses désillusions et le creuset de cette ultime, et peut-être la plus vaine, de ses ambitions. Puis, d'un pas mesuré, il s'engagea sur la planche instable, suivi de près par Antigone Ornan-Munch, qui, pour la première fois depuis des jours, semblait avoir retrouvé une forme de droiture, une tension dans la silhouette, comme si la perspective de l'action, même la plus incertaine, lui avait rendu une part de son ancienne et redoutable énergie.

Le navire s'éloigna lentement du quai, glissant sans bruit sur les eaux sombres, emportant vers un destin inconnu ces deux naufragés de l'Histoire, ces deux architectes d'une chimère. L'avenir qui s'ouvrait devant eux était une page aussi blanche que le sillage du navire sur la mer d'encre, une toile vierge où tout restait à peindre : la gloire dérisoire d'un trône éphémère, ou la bouffonnerie tragique d'un ultime échec. Mais au moins, songea Ernest tandis que les lumières de Carnavale se perdaient dans la brume, ils étaient en mouvement. Et dans un monde où tout n'était que stagnation et pourriture, le mouvement, même vers l'abîme, possédait encore la saveur capiteuse et trompeuse de la liberté.

TL;DRQuittant la fête au Palais des Brumes avec un profond dégoût, Ernest Bario Vidal erre sans but dans les bas-fonds de Carnavale à l'aube, ruminant sur la futilité de son existence et la mort de Célice. Ses pérégrinations le mènent aux quais du port où il découvre Antigone Ornan-Munch, hagarde et traumatisée, suite à sa confrontation avec le Baron. Ils se rendent dans un bar sordide où ils échangent sur leurs désillusions respectives concernant le monde réactionnaire et la violence qu'ils ont côtoyée. C'est au cours de cette conversation que l'idée d'aller à Maximus, une fédération lointaine cherchant un roi, émerge comme une échappatoire absurde mais active. Ensemble, ils organisent discrètement leur départ de Carnavale, Ernest mobilisant ses dernières ressources financières et ses contacts interlopes, tandis qu'Antigone rassemble des informations sur Maximus et ébauche une stratégie. Après des préparatifs menés dans l'urgence et la méfiance au sein du Palais des Brumes, ils parviennent à embarquer clandestinement sur un navire marchand, quittant Carnavale pour l'inconnu, avec l'ambition improbable de conquérir un trône à Maximus.
Haut de page