17/08/2016
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Activités étrangères en Catholagne - Page 5

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Comme un hibou dans les ruines


« Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : que le nom du Seigneur soit béni ! » Job 1:21



Monastère des Frères et Sœurs de l'ordre des Serviteurs de la Sainte Vierge - Sancte

L’air avait le goût du fer et des feuilles mortes. Dans le silence du jardin, rompu seulement par le souffle discret du vent et le froissement des branches, il laissait son corps s’abandonner à la fatigue. La douleur n’était plus aiguë, mais diffuse, installée comme une présence familière. Passant sous un olivier, il sentait l’écorce rugueuse sous ses doigts tremblants, la tiédeur du jour sur sa nuque fragile. Son cœur battait lentement, au rythme d’une oraison intérieure sans mots, faite d’attente, de foi nue. Une nouvelle opération approchait, et pourtant, seule l'habitait la sensation étrange de se fondre peu à peu dans Son silence. Une brise tiède caressait sa peau sèche, et l’odeur des feuilles mortes lui montait aux narines, mélange d’humus et de doux encens. Il contemplait les frères et sœurs, tout occupés au travail et à la prière, où chaque monceau de terre fleurissait de bourgeons de vie, chaque fresque restaurée ranimait les couleurs d'un autre temps, chaque mélodie chantée défiait le bruit, chaque bâtiment s'embellissait de pierres sculptées, chaque beau geste généreux, chaque belle phrase prononcée se faisait acte de révolte contre la laideur de l'Enfer, contre l'enfer de la laideur. Assis là, immobile, il se sentait comme un hibou dans les ruines, guettant sans attendre, vivant selon la plus pure condition de l'homme, de ses deux seuls soupirs qu'il connait du berceau au tombeau, douleur et amour. Tout en lui s’était ralenti, comme si le temps, par respect, marchait désormais à pas feutrés. Le monde ne pesait plus de la même façon. Il n’y avait plus de cris, seulement cette présence discrète et brûlante, invisible mais partout, dans la lumière pâle, dans la pierre tiède contre son dos, dans le rythme irrégulier de son cœur fatigué.

Le confesseur entra par l’allée ombragée, sa démarche souple malgré l’âge, enveloppé dans sa soutane noire bordée de rouge. C’était un homme grand et maigre, aux gestes mesurés. Son visage, encadré d’une barbe poivre et sel, portait la fatigue de ceux qui ont veillé longtemps. Un large front dénudé surmontait deux petits yeux vifs et enfoncés, pleins d'une attention presque douloureuse. Sous sa calotte rouge, posée avec précision sur un crâne largement dégarni, il avançait sans bruit, comme absorbé, ses mains noueuses croisées devant lui.


Pape émérite Pie XVI


« Votre Sainteté, fit l'homme au malade, tout en s'asseyant à ses côtés sans attendre la moindre validation.

- Un manteau trop grand qu’on a plié dans un coin, dit-il doucement. Un nom qu’on murmure encore par habitude, comme on parle à une statue.

- C'est pourtant bien votre titre. »

Le silence s’installa brièvement, léger mais palpable, celui d'une pause naturelle entre deux mouvements. Les yeux du pape restèrent fixés sur un point invisible, comme s’il laissait la question se fondre dans l’air autour de lui. Il brisa de lui-même son mutisme.

« Vous venez me confesser ?

- Chaque parole est une confession, même le mensonge est criant de vérités.

- Et les cardinaux ?

- Ils sont tous réunis. Il n'y a plus qu'à attendre la fumée blanche. Mais vous devinez bien que ce n'est pas le fond de ma visite, n'est-ce pas ?

Un pli léger barra le front du pape. Il baissa les yeux, cherchant visiblement ses mots sur les dalles du jardin. Sa main, posée sur ses genoux, trembla à peine, puis se referma lentement, comme pour contenir un frisson intérieur. Il esquissa un sourire, mince, presque ironique, vite effacé. Son regard se releva, croisa celui du visiteur, puis s’en détourna aussitôt vers le ciel voilé. Le silence, cette fois, semblait moins une pause qu’une résistance. Il reprit d'une voix plus basse.

« En effet...

- Vous savez aussi que je suis votre oreille dévouée. »

Le pape inclina légèrement la tête, recevant ces mots avec gratitude, mais aussi avec une gêne sourde. Il ouvrit la bouche, la referma, inspira profondément. Une lutte muette passa dans ses yeux — entre le besoin de se confier et la pudeur tenace de ceux qui se sont accoutumés à porter le silence comme un habit. Ses doigts effleurèrent distraitement sa ceinture, puis il releva lentement le regard, hésitant encore, le souffle un peu court.

« C'est drôle, je croyais tant connaitre Job que cela me préparerait. Mais le jour venu… quand la douleur m’a touché en chair et en esprit… ce que j’avais écrit, ce que j’avais enseigné… tout cela m’a échappé. Comme des cendres. Je n’ai pas su prier comme lui. Je n’ai pas su me taire non plus...

- Votre Sainteté, ne soyez pas dure avec vous-même. Il entend tout, même ce qui cache derrière le cri. Peut-être est-ce là, dans cette lutte, que réside une prière plus proche de l'âme que les mots.

- Mais que puis-je encore offrir à l'Eglise après cela ?

- ...Vous savez qu'ici bas, le plus tendre de vos amis est toujours celui qui a le plus souffert ou qui a aimé avec le plus d'abnégation. La mesure de l'amour fait la mesure de la douleur, mais la mesure de la douleur donne aussi toujours celle de l'amour. Ces hommes dont le caractère est à la fois si ferme et l'esprit si doux, ces hommes sur lesquels se repose le cœur et que chacun désire consulter, ne se rencontrent que parmi ceux qui ont traversé les grandes difficultés de la vie, qui on été plus ou moins à l'école de la douleur. Vous qui avez souffert, vous ne savez pas combien vous êtes devenu précieux ; vous ne savez pas quelle lumière sort de vos yeux, et quel miel coule de vos lèvres. »

Aucun mot ne vint. Lentement, il se leva. Son corps mince semblait peiner à se redresser, mais le geste était volontaire, calme, presque digne malgré la fatigue. Il fit quelques pas dans le jardin, sans dire un mot, ses mains croisées dans le dos, effleurant du regard les fleurs basses qui bordaient l’allée — lys, camélias, quelques roses tardives. Son regard s'attarda sur une corolle entrouverte, pâle et fragile, qu’il contempla un instant comme on lit un psaume oublié. Le silence était doux, non pesant.

« Si vous survivez, alors vous serez le pape des couloirs et des jardins, le pape des ombres discrètes et des silences pleins. Vous serez le pape sans pouvoir, des veilles, des retraites, des prières nocturnes. Le pape émérite, celui que Dieu n’a pas épargné, mais qui a été tenu, malgré tout, dans Sa main. »

Pendant que les paroles s’égrenaient, le confesseur s’était lentement redressé. Sa main gauche s’appuya un instant sur le plat de la table, l’autre lissant machinalement les plis de sa soutane. Il se releva sans hâte, sans solennité non plus, mais avec cette gravité naturelle de ceux qui se tiennent debout devant la douleur d'autrui sans chercher à la nommer trop vite. Son regard s’attarda un moment sur son interlocuteur, puis, il reprit d’une voix plus ferme.

« ...Faites tout par devoir, tout devoir avec plaisir. Et souvenez vous, damnés seront les mous, heureux seront les doux. »
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VITE UNE ARMÉE POUR LE PAPE !!


Garde suisse


Le Pape, combien de divisions ?
Carnavale s'engage à acheter sur mesure une armée flambant neuve à la Catholagne si le Pape Justin remporte l'élection !

Fulbertrand Bienheureux met 200 000 Chèques Carnavalais sur la table !
QUI DIT MIEUX ?


La Principauté de Carnavale appelle tous les cardinaux lassés de l'impuissance de l'Eglise à voter pour le Pape Justin !
La Principauté de Carnavale appelle tous les cardinaux originaires de pays marchands d'armes* à voter pour le Pape Justin !



Contre les barbares, il faut plus que des hallebardes !
Pour purger l'hérésie, nous avons besoin de fusils !


200 000 Chèques Carnavalais ?
Cela fait une sacrée armée !


*Voter pour le Pape Justin augmente considérablement vos chances de remporter le futur appel d'offre.
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L'Eglise vous parle tous les soirs à 20h


Cesare Crezzini à l'antenne.


Le cardinal Cesare Crezzini animait comme toutes les semaines, sur la télévision publique fiumiglienne, et en diffusion sur les réseaux sociaux à travers le monde italophone; son émission hebdomadaire de réflexion théologique. Crezzini ne portait que peu d'importance aux rumeurs qui faisaient de lui un favori pour le Conclave qui devait se tenir dans quelque jours. Cela ne devait pas affecter son occupation principale : le prêche et l'accompagnement théologique dans cette émission qu'il présentait avec le plus grand soin et la plus grande détermination depuis plus d'une décennie. Le cardinal disposait également d'une expérience certaine de ces événements, il savait que ceux dont l'ambition se voyaient à l’œil nu étaient souvent ceux qui ne passaient pas le deuxième tour du Conclave et qui sortaient de l'isolement bougons, remplacés par un cardinal plus malin qui arrivât à feindre une fausse modestie ou pire, un non intérêt dans la fonction papale. Il savait pertinemment que tout le monde voulait être Pape, même lui, à quoi bon sinon avoir fait tout ce chemin ecclésiastique, tous ces sacrifices personnels ? Pour un joli bonnet rouge ? Le tout était d'être honnête avec soi-même, ou au moins avec Dieu. Gardant un coté dévot et naïf Crezzini pensait toujours que c'était lui, le Tout-Puissant, qui déciderait en toute finalité ceux qui sont assez purs pour porter la mitre, mais les derniers événements lui avait laissé une impression étrange, une perte de sens et de confiance dans tout ce clergé qui devrait se rassembler dans quelques jours à peine. Il pensait avoir fait le tour des bassesses que pouvaient entrainer une volonté de conquête de la Papauté, il avait déjà vu la corruption des précédents Conclaves, les différents conflits d’intérêts ou les chauvinismes de bas-étages qui se mettaient en place pour élire un homme qui représentait pourtant une figure si importante pour des millions de personnes. Mais il lui semblât qu'on venait de franchir un cap : tuer un cardinal rival à coup de missile pour l'écarter de la course ou pour punir des déclarations blessantes ? Il savait que l’Église Catholagne se trouvait alors dans une situation cruciale, il devait s'agir de protéger la légitimité du Conclave, la législation souveraine du pays.

Les nouvelles de l'Empire du Nord et de ce meurtre affreux commençait à se répandre à Fiumiglia. Peu de gens donnaient de l'importance à ce Alexius Palamas avant son décès, des cardinaux de pays lointains il y en a des centaines et chez les fiumigliens on donne de toute façon assez peu d'importances aux autorités religieuses non-italophones. Mais dès que la nouvelle commença à être diffusé dans les journaux, papiers ou télévisés, cette figure religieuse lointaine et austère, si différente de celles du pays, devint surprenamment l'image de l’Église elle-même, frappée de plein fouet par la cupidité et la recherche de pouvoirs de païens se faisant passer pour des croyants. Crezzini avait pu voir l'inquiétude dans les yeux des croyants qu'ils croisait dans la rue ou dans les courriers que ses auditeurs les plus fidèles lui envoyaient. Un meurtrier allait-il vraiment pouvoir siéger au Conclave ? Et pis, allait-il même pouvoir devenir Pape grâce à ses bassesses et ses actes d'une nature horrible ? Il était évident qu'il devait aborder ce sujet. Qu'en serait-il de sa crédibilité, et même de son honneur de religieux, s'il restait silencieux ? Il était surnommé affectueusement "le survivant" par ses proches et ses coreligionnaires les plus proches, en raison de sa survie à la tentative de meurtre dont il fut victime en 2008 et dont il est sorti miraculeusement sain et sauf. Serait-il encore digne de ce surnom courageux s'il décidait de garder le silence sur un acte aussi grave, pour ne vexer personne ? Ces questionnements bourdonnaient dans sa tête alors qu'il récitait naturellement son émission du jour, sur un thème qui lui semblait alors d'une grande banalité par rapport aux actualités qui devaient être dans les esprits de tous ses téléspectateurs, chez eux, attendant des réponses à leurs doutes sur le futur de leur chère Église. Il ne lui faisait aucun doute qu'en parler était la solution la plus morale et la plus juste. Mais il ne pouvait totalement ignorer son instinct de survie qui lui chuchotait intérieurement de, pour une fois, agir non pas en religieux mais en être humain, avec ses failles et son envie irrémédiable de ne pas mourir tout de suite. Alexius Palamas n'était-il pas mort pour cette même raison ? Avoir voulu jouer au plus courageux. Et il ne s'agissait pas ici de simples fusillades bâclées réalisées à l'aide de scooters volés comme ce fut le cas en 2008. Il s'agissait là de missiles, qui avaient déjà tués et qui pourraient certainement recommencer, tant la perversité et l'ambition de Carnavale ne semblaient connaitre aucunes limites.

Il ne sût comprendre ce qui l'encouragea à parler. Peut-être était-ce une vision de son prédécesseur, Angelo Imbruglia, dont il avait admiré le courage et l'intégrité jusqu'à sa mort. Ce fut peut-être l'idée fugace et on ne peut plus vraie qu'il avait déjà vécue une vie particulièrement intéressante, au service de sa religion et de son Ordre duquel il était maintenant au commandement. Ou ce put-être tout simplement ces dynamiques internes, brusques et intenses, qui vous poussent, sans véritables explications rationnelles, à faire sans réfléchir quelque chose que vous évitiez pourtant depuis plusieurs jours. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est qu'à la fin de sa longue explication théologique, calme et posée, sur l'importance de la figure d'un Saint quelconque, il se racla la gorge, et commença une longue diatribe, auquel ses téléspectateurs n'étaient ni préparés, ni habitués.


— Maintenant que nous avons terminé la présentation de la Santa Dalila et de son importance dans notre culture religieuse commune. J'aimerais profiter de la tribune qui m'est si chaleureusement confiée depuis de bien nombreuses années maintenant pour vous confier un message et des observations personnelles qui me tiennent à cœur, et qui, je le pense, pourraient répondre également à de nombreuses interrogations que vous pouvez avoir en voyant les récentes actualités qui ont malheureusement frappées notre Église en cette période de Conclave.

Il gardait son caractère et son esprit calme, malgré toute l'incertitude, le doute, et, il faut bien le dire, la peur qui fourmillait en lui depuis que les informations qu'il s’apprêtait à décortiquer pour ses fidèles étaient devenues publiques.

— Je sais que je n'ai pas l'habitude de vous transmettre des messages de cette nature, mais il me semble que la période n'a jamais été aussi propice pour ce genre de prêches qui doivent malheureusement aborder des sujets fâcheux. Ainsi je commencerai d'abord par apporter mes plus sincères condoléances à Monseigneur Alexius Palamas, Cardinal de l'Empire du Nord, dont vous avez certainement appris, avec un effroi semblable au mien, le décès dans des conditions qui ne pourraient être qualifiés que d'honteuses. Je vous invite tous et toutes, ce soir, comme je vous l'ai toujours indiqué, à prier pour le salut de son âme.

Mais je tiens ici à vous tenir un discours plus franc et moins normé que ces précédentes paroles que vous avait probablement déjà entendues de nombreuses fois dans vos églises ou dans les diverses discussions religieuses que vous avez pu avoir depuis l'annonce brutale de l'assassinat. Je pense que le plus important est d'apporter, au nom, je l'espère, des membres raisonnés du Collège des Cardinaux, mes plus sincères excuses à la fois à Alexius Palamas mais également à vous, simples fidèles, qui voyaient depuis plusieurs semaines, probablement incrédules, la mise en place d'un véritable cirque qui n'est digne, ni de votre foi, ni de l'importance qui est celle de nos fonctions. Alexius Palamas avait été le premier à dénoncer la folie et la mal absolu que représentaient les agissements de Carnavale, à travers la figure de ce jeune homme de 17 ans à qui on a promis la Papauté comme s'il s'agissait d'un simple cadeau de majorité, au même titre qu'une voiture ou qu'un bijou. Nous ne voulions pas croire en ce qu'Alexius nous avait pourtant annoncés avec une clairvoyance qui sonne aujourd'hui particulièrement morbide. Nous ne pouvions croire que notre Sainte Église allait devenir le théâtre d'un si triste spectacle. Pourtant nous aurions dû, tant les paroles d'Alexius Palamas étaient pleines de vérités et d’honnêteté religieuse. Le Collège des Cardinaux a failli à sa tache et nous devons en prendre conscience, collectivement, peu importe nos dogmes ou notre favori papal.

Il est évident que Carnavale, par cet acte d'une barbarie pure, qui ne répond à aucun des préceptes défendus par notre religion, ne doit continuer à siéger impunément au Collège des Cardinaux. Nous devons attendre des représentants Carnavalais une condamnation claire et franche des agissements de leur pays. Dans le cas contraire nous ne devons attendre rien de moins qu'une suspension de l'ensemble des titres religieux de Carnavale et une excommunication définitive des responsables de cette attaque. Nous ne pouvons laisser l’assassinat d'un cardinal impuni. Il est temps que notre Église reprenne le contrôle et que les païens en soit exclu de toute urgence. Bien évidemment j'ose espérer qu'aucun cardinal saint d'esprit n'aurait encore idée de voter pour un candidat qui se réjouit et commandite l’assassinat de l'un de ses pairs. J'ose espérer que le respect de notre Église et de ses institutions n'est pas tombé aussi bas.

Il est temps que le Haut-Clergé, et je m'inclus dedans, prenne conscience qu'il n'est pas un organe politique désincarné qui règne par magie sur une belle île magnifiquement décorée. Il est le représentant principal d'une foule, d'une masse croyante, d'une foi pure et impressionnante qui compte sur nous pour assurer le fonctionnement de son Église. Nos fonctions ne sont pas des excuses à la débauche et aux pires vices. Nous devons attendre de notre Collège une vigueur et un sérieux clair et franche. Les pathétiques et effrayantes visions de cette lutte sanglante pour la Papauté doivent cesser de toute urgence, et ce avant que le calme et la patience de nos coreligionnaires ne cessent.

Je vous remercie, et j'espère vous retrouver la semaine prochaine, dans un contexte plus apaisé et plus propice à discuter de théologie.

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Communiqué Officiel
de Son Éminence Yusuke Ujiyasu,
Préfet de la Congrégation pour le Clergé Séculier

Condamnation du bombardement de la cathédrale Sainte-Thérèse dans l'Empire du Nord


C’est avec une douleur profonde et une immense consternation que nous avons appris le bombardement tragique de la cathédrale Sainte-Thérèse, située au cœur de l’Empire du Nord. Cette attaque, perpétrée par Carnavale, a causé la mort de Son Éminence le Cardinal Alexius Palama, de deux religieux, ainsi que d’une petite fille âgée de neuf ans.

La Congrégation pour le Clergé Séculier condamne avec la plus grande fermeté cet acte de violence sacrilège. Frapper délibérément un lieu de culte, sanctuaire de paix et de prière, est une offense intolérable contre la dignité humaine et contre Dieu lui-même. Nous dénonçons avec vigueur toute atteinte à l’inviolabilité des lieux saints et à la vie des innocents.

En ces heures de deuil, nous nous associons à la souffrance de l’Église de l’Empire du Nord. Nous prions pour le repos de l’âme du Cardinal Alexius Palama, fidèle serviteur du Christ jusqu'à la fin, pour les religieux tombés à ses côtés, et pour la jeune victime, témoin silencieux de la cruauté des hommes. Que leur mémoire soit un appel vivant à la justice et à la paix véritables.

Nous exhortons les responsables de la nation de Carnavale à renoncer immédiatement à la voie de la violence, à respecter le droit canon en cette période de conclave et à reconnaître la sacralité de toute vie humaine. Il est encore temps d'ouvrir des chemins de dialogue et de conversion.

Que la Vierge Marie, Reine de la Paix, veille sur l'Empire du Nord éprouvé par la guerre, et obtienne pour le monde la fin de toute haine et de tout conflit.
Fait à Sancte,
le 06 juin 2016.

✠ Yusuke Ujiyasu
Préfet de la Congrégation pour le Clergé Séculier, Archevêque émérite d’Asadaka
1680
Déclaration solennelle
de Son Éminence Mataio Amaru
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi

Condamnation du bombardement sacrilège de la cathédrale Sainte-Thérèse


La Congrégation pour la Doctrine de la Foi, par la voix de son Préfet, exprime sa plus vive horreur et sa profonde douleur à l’annonce du bombardement de la cathédrale Sainte-Thérèse dans l’Empire du Nord, par Carnavale. Cet acte odieux a causé la mort de Son Éminence le Cardinal Alexius Palama, de deux religieux et d'une enfant innocente de neuf ans.

Nous dénonçons sans équivoque cette profanation de la maison de Dieu, crime qui, par sa nature même, constitue une offense directe contre la sainteté de l'Église, Corps du Christ sur terre. Attenter sciemment à un lieu consacré, et faire couler le sang des serviteurs de Dieu et des innocents, est un péché qui crie vengeance au ciel.

La doctrine de l'Église rappelle avec force que tout être humain est sacré, et que rien ne peut jamais justifier la destruction de ce qui est consacré à Dieu. Ceux qui perpètrent ou ordonnent de tels crimes s’éloignent gravement de la loi divine et se rendent coupables de fautes graves contre la morale naturelle et divine, susceptible d’excommunication.

À travers cette épreuve sanglante, le témoignage du Cardinal Alexius Palama et des martyrs de Sainte-Thérèse devient semence d’espérance : leur fidélité jusqu’au bout rappelle que "rien ne pourra nous séparer de l'amour du Christ" (Rm 8, 39).

Nous appelons tous les fidèles à prier intensément pour le repos des âmes des défunts, pour la consolation des survivants et pour la conversion urgente de ceux qui sèment la mort et la désolation.

Que Dieu, riche en miséricorde, aie pitié de ce monde blessé par le péché et suscite en son Église des témoins courageux de la Vérité et de la Paix.

Fait à Sancte,
le 06 juin 2016.

✠ Mataio Amaru
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Archevêque émérite de Kulanakauhale
1241
Déclaration Officielle
d'Elmer von Cartier
Secrétaire pour l'Économie du Saint-Siège

Condamnation du bombardement de la cathédrale Sainte-Thérèse et hommage aux victimes

C’est avec une immense tristesse et une profonde indignation que nous avons appris l’attaque barbare qui a frappé la cathédrale Sainte-Thérèse dans l'Empire du Nord, provoquant la mort de Son Éminence le Cardinal Alexius Palama, de deux religieux, ainsi que d’une enfant de neuf ans.

Le Secrétariat pour l'Économie ne peut que condamner avec la plus grande fermeté cet acte inqualifiable, attribué aux forces du Carnavale, qui porte atteinte aux principes fondamentaux du droit humanitaire international et bafoue la sacralité des lieux de culte.

Frapper une cathédrale, cœur spirituel d’une communauté, est un geste qui dépasse la simple brutalité : c’est une tentative de détruire ce qui nourrit l’âme des peuples. La violence dirigée contre l’Église, ses ministres et ses fidèles, est une insulte à la dignité humaine et à la foi universelle.

Au nom du Secrétariat pour l’Économie, et à titre personnel, je rends hommage à la mémoire du Cardinal Palama, homme de foi et de service, ainsi qu’aux autres victimes innocentes de cette tragédie. Leur sacrifice ne doit pas être oublié.

Que leur souvenir inspire des œuvres de paix, de reconstruction et de justice.

Fait à Sancte,
le 06 juin 2016.

Elmer von Cartier
Secrétaire pour l'Économie de Catholagne
2459
a
Homélie de Monseigneur Caradoc Kenefick, cardinal et archevêque catholan d'Achos, en la Cathédrale Saint Andrew des Egarés à Coningsby, en l'honneur des victimes de l'attentat de Laagefort.


Mes bien chère frère, mes bien chère soeurs,

Aujourd'hui, nos cœurs sont lourds et pleins de peine, et ce n'est non pas dans la joie, mais dans la peine que nous nous retrouvons aujourd'hui.
Il y a de ça un mois, la Cathédrale Sainte Thérèse au sein de l'Empire du Nord fut sauvagement bombardée, tuant sur le coup notre frère le Cardinal Alexius Palamas, mais également un jeune enfant d'à peine neuf ans. Ils sont morts en priant, morts dans la Maison de Dieu transformée en tombeau, au plus près du Seigneur.
Cet acte immonde, horrible fut commandité par nul autre que la Principauté de Carnaval, et ce pour aller à l'encontre du déroulé sacré du Conclave. Ainsi, c'est par la terreur qu'ils essaient de faire valoir leur cardinal.

Face à tant de souffrance, nous sommes tentés de sombrer dans la panique et de nous sentir perdus. Mais il est important de se rappeler que le Christ lui-même, mourant sur la Croix, se tourna vers le Ciel et pria :

|« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Je crie le jour, et tu ne réponds pas ; la nuit aussi, et je ne trouve pas de repos ».

Cette détresse que même le Christ éprouva, il est de notre devoir de la surmonter, comme Il le fit lors de son supplice car notre douleur n'est pas étrangère au Ciel, et Le Seigneur nous écoute et nous protège.

Et, bien que l'édifice soit démoli, l'amour de Dieu porté par ces martyrs tués en prière est toujours là, avec nous. Elle est immuable, comme nous le rappelle Saint Pierre dans ses Épîtres aux Rhémien :

| « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? [...] Ni la mort ni la vie, ni les puissances ni les hauteurs, ni aucune créature. »

Ainsi, pas même le fer des bombes ne peut briser le lien qui unissait ces victimes au Christ, et ce malgré tous les efforts des puissances étrangères.

Mais à l’heure du deuil, il faut aussi nommer ce qui est honteux. La Principauté de Carnaval, en ordonnant cette attaque, a choisi le langage du meurtre plutôt que celui du dialogue, la force plutôt que la vérité, la peur plutôt que la lumière. Mais en frappant ainsi une église, elle n’a pas seulement commis un crime contre un homme, mais contre Dieu. Nous lisons dans l’Apocalypse :

|« Sous l’autel, je vis les âmes de ceux qui avaient été égorgés à cause de la Parole de Dieu… Ils criaient : “Jusqu’à quand, |Seigneur, tarderas-tu à faire justice ?” »

Jamais la Justice Divine ne se laissera acheter ou retarder. Le sang des innocents crie, et il est entendu. Certes, nous ne répondrons pas à la haine par la haine. Mais nous ne bénissons pas non plus l’injustice et appelons cette action ce qu’elle est : une profanation.
Nous en appelons ainsi à tous les peuples, même à ceux de Carnavale, pour qu’ils se lèvent contre cette tyrannie.

Néanmoins, malgré cette colère légitime, il nous faut pardonner comme pardonna le Christ sur la Croix :

| « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Pardonné ne signifiera jamais oublier ni se taire, mais pardonné signifie refuser de devenir nous-mêmes des bourreaux et ainsi refuser de rentrer dans cette spirale sanguinaire infernale.


Prions maintenant, pour ces martyrs, mais prions également pour que la haine et la rancœur de ceux de Carnavale s'apaisent, car Dieu n'aime pas voir ses fils et ses filles s'entretuer.
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Adiutorium nostrum in nomine Domini

Musique d'ambiance

— Suis-moi, tais-toi, si tu veux comprendre.

Sinwar tira Boustani en-dehors du taxi. Ils venaient d'arriver au petit aéroport de l'île papale, entourée des eaux brillantes de Leucytalée. C'était le mois de mai, et une fraîcheur printanière ne parvenait pas à empêcher l'éclosion d'une myriade de fleurs et d'oiseaux, qui s'en allaient gaiement au-dessus des propriétés viticoles de l'Église, des abbatiales, et des villes recroquevillées dans la sainteté.

La Basilique était comme un trône de marbre, taillé dans une montagne pour qu'y règne un géant. Empêtrés dans leurs robes brunes, noires, blanches, pourpres, les clercs de l'Église de Catholagne étaient, au chevet de ces immenses et sévères colonnes recouvertes de liseré d'or et d'inscriptions bibliques, comme de petits animaux, des souris au grenier. Le calme apparent dissimulait les coulisses d'une active scène d'intrigues, après l'abdication du Saint-Père, exténué par sa maladie.

— Dieu veille sur lui.

Insha'Allâh.

Les deux cardinaux avaient réservés deux chambres très sobres dans un couvent qui se trouvait dans la campagne de Sancte, dans un bâtiment du XVème siècle, en pierre froide, auréolé de tours rondes d'où, à l'époque, tiraient parfois des canons. Ils prenaient leur petit déjeuner dans le réfectoire du rez-de-chaussée, dégustant des antipasti savoureux et de délicieuses pâtes de blé agrémentées de fromage salé, de feuilles de basilic et d'une huile d'olive particulièrement riche en arômes fruités. La nourriture était véritablement délicieuse, à l'inverse du confort des matelas, tous justes bons à y faire coucher des bagnards. Pour leurs Éminences, c'étaient des conditions drastiques.

— L'Église est riche.

Sinwar était l'aîné des deux cardinaux azuréens, qui représentaient les petites communautés chrétiennes rattachées au Saint-Siège depuis plusieurs siècles. Il portait la pourpre cardinalice en tant que Patriarche de Méroème et de Tout l'Orient, un titre honorifique qui lui donnait, depuis une bulle récente, le droit de participer au Collège des électeurs du Pape. À 77 ans, il connaissait bien la Curie. Même en tant que chrétien d'Orient, il était très proche du Camerlingue et des affaires du Vatican ; c'était non seulement sa famille spirituelle, mais aussi un réseau extrêmement dense de financements, d'appuis, de soutiens, qui pouvaient toucher à tous les sujets. Il y avait de nombreuses connaissances.

Ralallah Boutros Boustani, lui, était le dignitaire des catholiques-grecs, ceux que l'on appelle les Syriaques, et il siégeait à Agatharchidès sur une communauté d'à peine quelques dizaines de milliers de fidèles. C'était son premier Conclave, auquel il participait pour les mêmes raisons que Yûsuf Qandri Sinwar. Ensemble, ils portaient l'identité du christianisme afaréen et de sa longue histoire de résistance au sein d'un univers de domination de l'islam. À ce titre, ils avaient, au sein de la Curie, une particularité.

— Ils te féliciteront toujours pour ton courage.

Sinwar trempait sa mie de pain dans l'huile d'olive. Le petit restaurant, dans les rues sinueuses pavées de Sancte, était calme, presque désert.

— À les croire, nous habitons dans un enfer d'intolérance.

Ils sourirent. Les Chrétiens d'Orient entretenaient des relations stables mais délicates avec les pouvoirs musulmans. En Azur, le parti au pouvoir, islamo-constitutionnaliste, leur garantissait des droits spécifiques et avait noué avec l'Église un pacte politique ; protection contre soutien. Une énorme majorité de chrétiens était donc politiquement encartée à la Nahda, et reconnaissait le Calife comme un protecteur et un bienfaiteur. La réalité n'était pas aussi rose, car des problèmes se posaient régulièrement à la communauté chrétienne, taxée parfois de repli communautaire, et soupçonnée de ne pas être entièrement fidèle à la Nation, malgré son antériorité historique sur le territoire azuréen. Ainsi, le Pic Ayrarat, une montagne considérée comme sacrée parce qu'elle était le lieu putatif où s'était échouée l'Arche de Noé après le Déluge, faisait l'objet d'un litige tendu entre les chrétiens et le gouvernement ; ce dernier souhaitait y installer des forages gaziers, à l'encontre du statut sacré que lui réservaient catholiques et orthodoxes. C'était une affaire parmi d'autres qui expliquait cette situation, où chaque jour devait être renégociée, par de longues palabres au téléphone avec les préfets, dans les commissariats, en conciliabule avec les élus ou avec les syndicats, la tranquillité et la liberté religieuse des Chrétiens.

Mais on était bien loin de l'Azur, de ses montagnes, de son soleil et de ses brûlantes intrigues. Une brise délicate agitait les frondaisons des oliviers. En contrebas de la colline, le petit village de pêcheurs déployait ses maisons blanchies à la chaux et ses toits de tuiles d'argile, ses murets de pierres ceinturés de cyprès et de buissons en fleurs.

— L'Etat pontifical est en effet un petit paradis.

Les deux grands prêtres du christianisme levantin sortirent et réglèrent une note bien chiche au patron de l'auberge, qui les remercia d'une demi-inclinaison, leur servant du monsignor. Portant l'un comme l'autre un petit chapeau de soie, une veste cardinalice noire par-dessus le vêtement sacerdotal, et une croix d'argent pectorale, ils sortirent, accompagnés de leurs porteurs de valisette.

Buongiorno.

Buongiorno, répondirent-ils.

Ils venaient de croiser, sur le chemin qui descendait vers la mer, deux autres cardinaux en noir qui se promenaient comme eux. Souriant, saluant dans la langue usitée couramment au sein de l'Eglise, ils ne s'attardèrent pas. Boustani jeta un oeil interrogatif à Sinwar.

— Léandro Silvario, Archevêque de Rio de Canossa. Francesco Astirio, Archevêque de Rivoli. Des Fortunéens.

Sinwar connaissait à peu près l'intégralité des membres du collège cardinalice. Ils les avait pratiqué depuis un, deux, trois conclaves. Leur visage était noté dans sa mémoire. Les mains derrière le dos, il plissa les yeux pour contempler des mouettes qui jouaient au-dessus d'une barque dont le pilote ramenait la voile.

Plus tard dans la soirée, les cardinaux se retrouvèrent dans la cantine du palais du Saint-Siège ; ce repas, pris ensemble après un bénédicité prononcé en douze langues, serait un moment jovial et détendu avant le début des échanges. Tous les électeurs n'étaient pas encore arrivés ; des chaises demeuraient vides. Il y avait, cependant, déjà beaucoup des grandes figures que ce conclave verrait briller de rhétorique et de sourdes intrigues.

Sinwar et Boustani, qui étaient les deux seuls patriarches orientaux à être arrivés à Sancte, choisirent de s'asseoir ensemble à une table isolée dans un coin de la salle. D'autres tables réunissaient des groupes de cardinaux en habit rouge simple, les uns dînant en silence, les autres s'apostrophant joyeusement en se resservant du vin. Des soeurs faisaient le service ; velouté d'oignon aux noisettes en entrée, avant des pâtes cuites al dente dans une sauce au persil.

— Ceux-là à cette table, au fond, sont Scaela et ses amis.

À l'indication de Sinwar, Boustani jeta un oeil vers le groupe de prélats qui ressemblait à de gros canards rouges et blancs. C'étaient Pepe Scaela, le chef de la délégation velsnienne, et ses camarades de son pays ; Gutti, Longo, pour ne pas les nommer.

— Nous les avons croisé ce matin aux Archives, constata Boustani en les reconnaissant. Ils jouaient aux cartes.

— Scaela est à la tête de sept voix. Mais il connaît très bien la majorité des cardinaux. Il a de sérieuses chances d'arriver en deuxième ou en troisième position lors du premier scrutin.

Sinwar souffla à son acolyte les détails peu reluisants des rumeurs qui couraient sur le patriarche velsnien. C'était, sans développer, un profil compliqué à gérer. Ses outrances dogmatiques autant que sa façon de tremper dans toutes les pègres de l'Eurysie velsnienne risquait de compromettre sa réputation et ses chances, mais d'un autre côté, la puissance financière pouvait aussi être un argument de poids en sa faveur.

— Ce n'est pas un ami des musulmans.

Boustani acquiesça. Pour les Azuréens, quel que soit leur opinion du régime islamique qui les tenait en respect, il était préférable d'entretenir des relations cordiales avec les autres religions. Les chrétiens n'étaient pas assez nombreux en Azur pour ignorer cette nécessité, bien que certains iconoclastes envisagent parfois d'en appeler à la rescousse de la chrétienté face aux injustices ressenties.

— Là-bas, au contraire, se trouve Jacob Kapoor. Il représente les catholiques de Jashuria. Il est le seul de son pays, mais c'est un très grand progressiste. Favorable aux gays, à tout ça. Il pourrait grapiller quelques voix.

Sinwar et Boustani baissèrent d'un ton quand de nouveaux venus passèrent près d'eux, dans le couloir central du réfectoire. Ils les dévisagèrent de dos.

Paul Ignitius. Cardinal de Menkelt.

De l'autre côté de la salle, Pepe Scaela esquissa un regard circulaire, affectant de ne pas remarquer l'entrée en scène de son rival.

— Il a donné le dernier sacrement à un marxiste.

Boustani s'en étonna. Une telle initiative aurait pu lui valoir un blâme public de la part du Saint-Siège. Haut de taille, sa robe tournoyant autour de lui, le grand Celte alla s'asseoir plus loin avec ses confrères, passant froidement devant les Velsniens.

— Parmi ceux qui pourraient être retenus dès le premier tour, se trouvent sans doute Leóndorado, de Costa Sueñoleja. On ne l'a pas encore croisé mais tu ne tarderas pas à le rencontrer. Ce qu'il représente ? Comment te dire... À côté de lui, Pepe Scaela est un enfant de choeur.

Sinwar s'essuya les lèvres avec sa serviette en coton blanc avant de reprendre une gorgée de vin. Face à lui Boustani songea que des papes conservateurs et pas toujours honnêtes, l'Eglise en avait connu déjà beaucoup. Un de plus, un de moins...

— Il veut que le Saint-Siège redevienne une puissance politique et militaire, en prévision d'une croisade.

Pas besoin de rien ajouter ; pour les Azuréens, c'était non tout net. Un tel profil ne pourrait qu'instrumentaliser la communauté catholique d'Azur dans un duel mortifère avec les oulémas, ce que les ultra-conservateurs musulmans attendaient avec impatience. Danger.

— Je pense que notre priorité sera d'empêcher son élection, soupira Sinwar. Avec au moins quarante voix assurées, il sera difficile cependant de lui enlever la première place au premier scrutin. Ce seront les scrutins suivants qui seront stratégiques.

Des exclamations et des rires retentirent au centre du réfectoire. Un verre se brisa, se qui fit sursauter d'autres cardinaux attablés. Deux petites religieuses s'élancèrent depuis les cuisines pour nettoyer la bévue. Riant avec ses compadres, un des membre du groupe se leva pour se rendre aux toilettes, son habit étant taché de vin. Les autres perdaient leur souffle à force de se tenir les côtes. Boustani échangea un sourire avec le maladroit, dont Sinwar lui souffla à nouveau le nom.

— Rafael Garcia, d'Alguarena.

Ses camarades s'exclamaient toujours en espagnol. Sinwar se retourna quelques instants sur sa chaise pour les observer.

— Avec trente, trente-cinq voix, il pourrait se hisser facilement dans le peloton de tête. Mais pour cela il faudrait qu'il convoite le trône de Saint-Pierre, ce dont je n'ai pas confirmation.

Giuseppe !

Boustani se retourna sur la personne qui venait d'entrer. C'était un vieil homme barbu et souriant, aux joues rosies par le soleil. Sinwar se défit instantanément de son masque et fit un grand sourire à son vieil ami.

Cesare, vieni a sederti con noi !

Le nouveau venu accepta l'offre du cardinal azuréen et déposa son plateau à côté de Boustani. Il lui serra ensuite une main forte et joviale.

As salam-aleikûm, déclara-t-il avec malice.

wa salam.

Cesare Crezzini était le représentant de Fiumiglia. C'était un prêtre mesuré, conservateur sans excès, qui prêchait à la télévision dans son pays. Fin connaisseur du monde leucytaléen, c'était avant tout un personnage dont l'humilité et la sincérité sautèrent aux yeux de Boustani. Cependant, il parlait avec une bonne assurance de celui qui ne se laisse pas impressionner. Boustani se remémora ce que Sinwar lui avait précédemment indiqué ; Crezzini est notre preferito. Stable, fiable, sans polémique, il ferait un excellent Père de l'Église. Sinwar, qui le connaissait bien, saurait profiter d'avoir un tel ami à la tête de l'institution. Cependant, le Fiumiglien partait de loin ; à peine plus de vingt voix. Face à ses concurrents, il faudrait compléter le tableau pour le maintenir au second scrutin. Un intense travail au corps des cardinaux indécis commencerait alors. C'était ça, ou l'un des deux autres papables putatifs qu'on n'avait pas encore présenté :

Fulbertrand n'est pas là, hein ? Il doit être en train de se prendre un bon rail !

Ils éclatèrent de rire, même l'austère Sinwar. Fulbertrand Bienheureux, cardinal juvénile d'à peine dix-sept ans, était le monstre candide de cette élection. L'avorton des Obéron, un clan démesurément riche de la folle Carnavale, convoitait le trône de Saint-Pierre, et avait notifié sans ironie aucune sa présence au conclave. Son élection, qui serait passé pour une blague en temps normal, annonçait rien de moins que la fin de l'Eglise telle qu'on l'avait connue, et son annexion par une hydre innommable. Néanmoins, le profil ne prêtait qu'en apparence à rire. Avec trente cardinaux carnavalais, le pubère patriarche à la réputation dévergondée était très bien positionné pour franchir facilement le premier scrutin.

Il n'en restait qu'un à présenter, ce que Sinwar et Crezzini s'apprêtaient sans doute à faire, lorsqu'un cri d'effarement retenti dans le réfectoire. C'était Enomoto, le cardinal de Maronhi, qui dînait seul dans son coin. Assis à sa table, il consulta son téléphone portable. Blême, il présenta ce qu'il venait d'y lire à son voisin, lequel poussa un soupir de surprise et de désespoir.

L'agitation de ce petit incident suscita la curiosité de Boustani et d'autres de leurs voisins. Instinctivement, le cardinal azuréen se leva, tenant sa croix pectorale fermement posée sur son coeur, comme un talisman qui protège contre le danger.

— Qu'y a-t-il ? s'exclama quelqu'un.

Qual è il problema ?

Les gens se rassemblaient autour du téléphone. Lisant la dépêche numérique d'un journal anglophone, ils posaient instinctivement la main sur leurs lèvres. Boustani se hissa sur la pointe des pieds pour voir ce qu'affichait le petit écran ; une vague vidéo de fumées.

— C'est Palamas, répéta lugubrement Enomoto.

Sinwar fronça les sourcils en entendant le nom du cardinal nordiste, un progressiste bien en vue, qui suscitait la sympathie générale pour son engagement en faveur des enfants. Grizzini se leva pour s'approcher.

Alexius Palamas est mort.

La vidéo du missile carnavalais se rejouait indéfiniment, comme une boucle d'horreur dans laquelle l'Eglise venait de sombrer.

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Conclave 2016 - La ferveur catholique redouble d'efforts en Catholagne face aux noirceurs de l'actualité mondiale.


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Malgré la présence d'un unique cardinal pontarbellois, le pays s'est très largement représenté, aux côtés de l'Alguarena, dans les festivités religieuses organisées à la marge du Conclave.

Les informations concernant l’élection des cardinaux et la première réunion de la sainte "assemblée" à l'occasion de rien de moins que l’élection du nouveau pontife chargé de succéder à Pie XVI, s'étaient répandues avec l'effet d'un retentissement mondial. Un retentissement rendu plus solennel encore, considérant les noirceurs d'âmes qui avaient agité les marges de ces élections, avec l'assassinat public d'un candidat aux fonctions papales lui-même dans un lieu des plus sacré.

Un fait inédit, un fait infâme, qui avait vocation à disqualifier la supercherie juvénile carnavalesque, engluée dans une politique d'attardé inextricable, qui contraint chacun de ses citoyens se réclamant "audible" à l'international, à disposer de l'ensemble de l'organe militaire d'un pays présenté sous des souillures aussi irréversibles que le carré de papier toilette usagé que l'on voudrait revoir blanc. Aucune pureté permise, aucune maturité attendue. Dans la sphère politique, il se disait déjà que Carnaval avait une utilité moindre que celle du parapluie d'intérieur, la communauté religieuse était en passe de se faire un avis désormais, si le pardon inconditionnel n'était pas encore trop cher payé, après que l'infamie se soit additionnée aux facettes inutiles et insipides d'un pays dessiné sous les traits d'un bac à fange et depuis lequel ne saurait sortir autres personnalités que des étrons mouvants.

A l'annonce de l'abdication du Pape Pie XVI, adulé pour s'être fait l'incarnation d'une ambition nouvelle de l'Eglise catholique mondiale, des foules de fidèles en provenance d'Alguarena avaient réservé des billets pour Sancte, où ils étaient simultanément venus commémorer la mémoire, l'héritage du Pape sortant, et caresser l'espoir de voir le nouveau apparaître au balcon le temps de leur séjour. La quasi-totalité du monde catholique était suspendue aux lèvres des médias chargés de couvrir l'évènement. Il faut dire que la religion catholique occupe une place singulière dans le paysage sociétal d'Alguarena et à une échelle moindre, du Pontarbello.

Aussi en quelques semaines, de nombreuses foules s'étaient mises en chemin de la capitale du catholicisme qu'était Sancte. Catholagne, cet Etat saint, pontifical, au sein d'une Eurysie torturée et bien en peine à entretenir le trait d'union entre chacun. Parmi ces foules en chemin, les alguarenos et les pontarbellois jouissaient d'une représentation assez singulière. Car à mesure que les semaines se déroulaient, suivant le retrait du Pape, les fidèles catholiques du monde entier se réclamaient être des milliers en cet instant charnier de l'Eglise catholique. Des milliers, debout, portant des enfants de la famille ou des pèlerins sur les bras qui nourrissaient l'expectative aux abords de la place central de Sancte mais qui pour bonne partie d'entre, se réclamaient de nationalité parmi les plus ferventes au monde, à commencer par les masses alguarenas et pontarbelloises. Des croyants, faisant le choix d'entreprendre un voyage, tant physique que spirituel, pur former un impérissable souvenir des îles fédérées d'Alguarena sur notre Vieux Continent. Une piété et un esprit e fête sincères, qui font honneur à la communauté catholique mondiale aujourd'hui endeuillée...

Et parce que la bonté d'âme est une chose qui se veut des plus inspirantes, un certain échantillonnage des foules présentes pourra vous avouer être ici sur les sollicitations d'un proche également venu lorsque ce n'est pas directement les évêques et curés des paroisses alguarenas, qui a usé de son influence lors des sermons et prêches hebdomadaires pour nourrir un tel pèlerinage. Un étalage pour ne pas dire un tapage religieux qui donne toute sa valeur à la foi catholique en Alguarena, expression et manifestation collective de l'évangélisation du Nouveau-Monde réussi par l'ancien...

Un témoignage également d'espoir, par une volonté "d'être là", "fidèles" sous sa définition la plus large, à l'heure d'une rencontre faite avec le monde, pour arrêter le choix du nouveau Chef de l'Eglise catholique. Dans les rues de Sancte, la moindre de conversation prend des allures de tour de Babel, considérant l'affluence de touristes internationaux. Un portrait intergénérationnel, soutenu par des jeunes pas tout à fait enfants mais à cheval entre le vieil enfant ou le jeune adulte... Les alguarenos dans cette foule cheminant vers Sancte sont parmi les contingents les plus joyeux et colorés, une juste interprétation faite aux émotions de ceux qui ont littéralement parcouru l'autre bout du monde pour témoigner de leur présence en ce lieu Saint et en cet instant solennel. Des personnes (et des personnalités) distinctible, reconnaissable à des accessoires, petits drapeaux et rubans cyans et or, qu'ils n'ont de cesse d'agiter sur l'espace public, en même temps qu'ils entonnent des chants pour le moins enjoués en langue hispanique, destinés à résonner au travers des avenues menant à Sancte. Une ferveur religieuse dicible qui parvient même à donner le sourire aux visages d'ordinaire impassible, d'une cinquantaine de prêtres et de religieuses, envoyés de l'Eglise alguarena elle-même, pour accompagner ces croyants, pratiquants ou non pratiquants, voire même laïcs, dans ce pèlerinage qui ne dit pas son nom, largement éclipsé par la tenue en parallèle d'un Conclave déterminé à tracer le voie de l'Eglise catholique mondiale pour sans doute rien de moins que la décennie à venir.

"Nous venons prier pour le prochain Pape que le Saint-Esprit inspire les cardinaux !" explique une mère de famille alguarena, le visage inondé de larmes de joie, serrant contre elle un enfant portant un t-shirt "Viva el Papa!". Pour beaucoup, c’est d’abord un élan du cœur et de la foi qui suscite pareil déplacement : vivre ensemble un moment de communion avec le monde, ressentir l’universalité de la foi sur cette place mythique, soutenir le poids historique donné à cet instant, cet évènement.

Le rôle du clergé alguareno a été fondamental pour certaines paroisses de l'archipel hispanophone dont les curés n’ont pas hésité à convier les fidèles les plus motivés, à se rendre avec eux à un grand pèlerinage vers Sancte. Ainsi, sur la place de Sancte, on aperçoit un groupe de jeunes vêtus de sweat-shirts identiques, portant le logo de leur diocèse d’Aserjuco : "Nos prêtres nous ont emmenés ici", dit l’un d’eux, sourire aux lèvres.

"C'est fantastique. Croire en Dieu est une très belle chose, mais partager sa religion avec d'autres... Waouh, quelle claque ! quelle claque !" confie un autre, exalté.

"Ils nous ont dit que c’était une immense grâce de participer de près ou de loin à l’élection du Pape. Je ne leur donnerai jamais tort. Nous avons fait le voyage en souffrant chaque kilomètre de nos prières." achève de dire une jeune femme. Les paroles divergent, mais les témoignages et les expressions du corps se ressemblent, avec à chaque fois des yeux qui brillent d'enthousiasme. Pour ces garçons et filles à peine sortis de l’adolescence, être soudain entourés de dizaines de milliers de croyants venus des cinq continents est une expérience marquante qu’ils ne pourraient jamais oublier, voire susciter une vocation, à cet instant clé où le Conclave se met en place.

A proximité, tout aussi reconnaissables, les Pontarbellois font aussi une entrée remarquée sur la place de Sancte. Moins nombreux que les alguarenos à cause de la petitesse de leur pays, mais se distinguant de tout le monde par une organisation parfaite et un zèle ardent, les ressortissants de la République de l’Union Nationale du Pontarbello cheminent à travers la ville, sous la grande bannière de leur sainte patronne aimée de toujours en leurs terres, un grand étendard blanc et bleu pour Santa Luciana, arborant l’image de Notre-Dame de Santialche derrière elle. Groupés sous le porche d'un bâtiment historique soutenu de plusieurs colonnes, une file indienne de fidèles catholiques pontarbellois nous notifie de sa présence, par les gesticulations de plusieurs prêtres en soutane noire et brodée de liserés rouges, ils chantent divers cantiques, tantôt partagés en latin, tantôt en langues lusophones pour capter les moins à l'aise de leurs fidèles. Les scouts pontarbellois, déjà célébrés sur le territoire national, assurent le show, se permettant de reprendre indistinctement tout chant religieux sollicité par les foules en latin ou portugais.

"Viva o Papa! Viva a Igreja!" s’écrie un vieillard brandissant devant lui le chapelet au bout du bras, et la foule en émulation reprend son cri.

Qu'il soit question d'Alguarena ou du Pontarbello, les fidèles catholiques de ces deux pays ont l'opportunité de partager l'expression d'une foi à la fois simple et rurale, au contact d’un catholicisme très vivant et certains diraient même, authentiques.
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Conclave 2016 - La place pontificale de Sancte s’anime, la foi s'éveille.


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Le catholicisme rayonne et Sancte est son soleil.

Lorsque le jour se lève en Catholagne, il est quotidien de voir la place de Sancte dévoilait un spectacle rendu saisissant par le caractère contrastant de ce que fut il y a plusieurs mois auparavant, une scène de vie quotidienne. Deux mois quasiment vide, elle est à présent noire de monde, noir du monde qu'elle est à même de représenter, considérant la multitude d'accents qui brisent le silence aux quatre coins de la place. Les pèlerins arrivés tout au long de la nuit et certains ont même fait le choix d'établir une sorte de campement spontané. On voit çà et là des couvertures étendues sur le marbre de la place, des duvets, quelques tapis de prière improvisés et autres agréments destinés à se substanter.

Au petit matin, l’air est frais et vif, permettant d'entrapercevoir pour qui fixe un point donné, la buée des respirations qui monte des groupes en prière. Les premiers rayons de soleil glissent sur les façades de la basilique et d'un obélisque central, donnant à la scène une teinte dorée empreinte de solennité, de renouveau. La place s’éveille doucement dans un murmure de ferveur, réchauffé par l'esprit des fidèles et les timides rayons naissants du soleil. D’un côté, un groupe de jeunes italophones en provenance de Fiumiglia a sorti des guitares et entame un chant doux, tourné vers la catharsis, que plusieurs autour d’eux reprennent en chœur tout aussi spontanément.

Plus loin, c’est un chapelet qui est récité à haute voix en espérantin par des pèlerins de Messalie, lorsqu'il ne vire pas au portugais une fois au contact des fidèles pontarbellois. Une dizaine de minutes s’achève et on entend un fervent "Je vous salue, Marie…", sitôt repris par des dizaines de voix voisines, montrant que même ceux qui ne parlent pas la langue se joignent instinctivement à "l’Ave Maria" universel. Les cloches de Sancte sonnent sept heures, déclenchant un léger frisson dans la foule, le tonalité d'un tel son de cloches se voulant aussi solennel résonne comme un appel à l’unité et à la commémoration d'un héritage porté par Pie XVI.

Progressivement, les divers groupes nationaux commencent à se fondre en une seule assemblée, la barrière de la langue s’estompe par la prière partagée et les chants communs. Un couple de pèlerins venus d’Azur, lui brandissant un drapeau frappé du blason impérial, elle tenant un cierge allumé, serre la main d’une religieuse alguarena, déterminée à leur retourner un sourire chaleureux.

Autour d’eux et à une échelle peut-être plus sociale, on échange de petits gestes fraternels. Un thermos de café passe de main en main, offrant aux plus transis de froid de la chaleur bienfaisante, un vieil homme catholan explique en latin à de jeunes scouts pontarbellois à côté de lui, avant de rapidement switcher en italien, le dernier message qu’il a entendu à la radio sur l’état du conclave et les perspectives de votes permises. On s’entraide, on se soutient dans l’attente, tant moralement que spirituellement. Déjà, les caméras de quelques médias internationaux sont braquées sur la place, mais rien ne distrait vraiment la foule de son objectif unique, guetter la fumée qui s’élèvera de la chapelle de Sancte, signe sans équivoque de l’élection du nouveau Pape tant attendu.

A mesure que la matinée avance, l’animation grandit, portée par de nouveaux fidèles abandonnant gîtes et hôtels pour entamer leur pèlerinage. D'autres chants s’élèvent spontanément à différents coins de ce lieu, souvent à l'initiative de prêtres et autres figurs religieuses distinctibles d'entre tous. "Christus Vincit, Christus Regnat, Christus Imperat !" entonne un groupe de fidèles germanophones, possiblement raskenois et dont le cantique triomphal traverse la foule en une vague sonore qui donne le frisson. A chaque nouvel arrivant qui réussit à se faufiler jusqu’à la place, c’est une exclamation qui retnetit, expression sincère d'une amitié non contenue entre fidèles ou compatriotes, tentant de se reconnaître au milieu de ce qui se fait désormais comme l'incarnation d'un océan humain.

Près de la colonnade marquant l'entrée de la basilique de Sancte, un petit groupe brandit les couleurs jaunes et blanches du drapeau catholanais. Vêtus légèrement et ne souffrant pas de grands sacs à dos, ils étaient indubitablement résident de la ville. Ils chantaient l’hymne du conclave, ce refrain composé pour une de ces rares occasions destinée à évoquer l’unité de l’Eglise et la force de l’Esprit Saint. Les syllabes latines, chantées par la centaine de résidents catholanais présents, dont les voix vibrent maintenant à l’unisson, créent une atmosphère presque irréelle, permettant à chacun de ressentir au fond de lui que l’instant se veut exceptionnel et figé dans le temps.

La place de Sancte bat désormais d’un rythme bien particulier, comme un cœur qui bat au centre du monde catholique, localisé au coeur de la Leucytalée. Pèlerins, simples fidèles, prêtres, religieuses, mais aussi quelques touristes curieux et même des habitants de Catholagne, tous sont mêlés et partagent la même attente insoutenable mais dont la ferveur amène son lot de distractions fraternelles. Leurs yeux sont tournés dans la même direction, pour ne pas dire ancrés, sur la cheminée discrète qui surplombe la chapelle où se déroulent les scrutins. Aucun spectacle profane, aucune préoccupation étrangère ne vient détourner leur regard. L'attention et la quiétude collectives sont entièrement absorbées par ce qui se joue derrière les hauts murs de la chapelle. Par moment, tandis quel es chants religieux se taisent, pensant l'annonce imminente, on pourrait entendre une aiguille tomber.

Un silence pieux, un silence envieux, dense et étendu à totue une foule d'un milliers de fidèles scrutant le ciel, croyant percevoir une fumée poindre… Une illusion et un mirage vite dissipés, mais qui arrachent aux plus fébriles d'entre eux un petit rire nerveux. On se détend alors en échangeant quelques mots, "Pas encore…", "Patience, prions encore un peu", murmures d'un prêtre à ses voisins, d'une supplication infantile pour ses parents. Les bruits de conversation reprennent doucement, jamais trop fort, respectueux de la sainteté du lieu, jusqu'aux prochaines expressions de ferveur dirigées par les prêtres du monde entier, ici représentés en masse.
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Conclave 2016 - Sancte accueillie les quatre points cardinaux du globe.


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Sancte, l'heure du choix, sous le poids des regards et la légèreté des prières.


Le soleil est maintenant bien haut dans le ciel de Catholagne, baignant la place d’une lumière éclatante depuis laquelle ressortent les sourires doux des fidèles assemblés plusieurs jours durant. A l’ombre bienveillante des colonnades catholanaises, des scènes de prière intenses se poursuivent, rivalisant de ferveur les unes face aux autres. On a installé çà et là de petites chapelles improvisées, celle dans laquelle étant réunis les cardinaux se voulant interdites à quiconque. En un coin de la place, un groupe de prêtres alguarenos a installé une icône de la Vierge Marie sur un simple tabouret recouvert d’un tissu blanc, formant un modeste autel devant lequel des fidèles viennent pourtant s’agenouiller. Un prêtre, les bras ouverts, adresse une prière pour aider les cardinaux à nourrir un choix éclairé : "Seigneur, envoie ton Esprit Saint sur nos Pères du Collège cardinalice, pour qu'ils puissent exprimer leur choix en s'affranchissant du vice…" et à ces prières la foule environnante répond, "Seigneur prends pitié", une seconde supplique montante vers un ciel azuré.

A quelques dizaines de mètres plus loin, on peut entendre le doux murmure d’un chapelet multilingue, partagé entre des fidèles fiumigliens, pontarbellois et même menkiens. L’initiative a été prise par un groupe de religieuses missionnaires, à la peau suffisamment brune pour se voir assimilées au corps religieux en provenance du Pontarbello. Ces dernières invitent les fidèles alentour à réciter en leur compagnie des prières issues du Rosaire de Lumière, chacun dans sa langue au besoin. Une cacophonie sur le papier mais qui pour les fidèles présents, se paie l'effet de former un étonnant brouhaha harmonieux. Et tandis qu'une touriste traduit spontanément en messaliote pour un groupes de dames âgées qui ne comprennent pas ou presque pas le latin, un jeune homme derrière elles répète quant à lui dans une variante francophone d'Aleucie pour le moins approximative, les paroles retranscrites à un couple de nordistes qui s'est joint au cercle.

A chaque Ave Maria, toutes ces langues issus des quatres points cardinaux s'évertuent à n'en faire qu'une, adressant à cette Vierge Marie rendue star de cette ocmmunion, un chant polyglotte se réclamant la magnifique expression de l’universalité de la foi catholique.

Au centre de la place, les prières les plus impressionnantes se poursuivent sitôt relayées de par et d'autres par des centaines de badauds. Une ferveur contagieuse à l'image de cette mère pontarbelloise, accrochée à la main de son fils et inversement, tous les deux font face à la chapelle, les yeux clos, murmurant une prière à voix basse et couverte par les chants ecclésiastiques de prêtres en approche, "Mon Dieu, bénis nos cardinaux, protège l'Eglise. Guide-nous." L'enfant, peut-être bien âgé de 6 ans, répète avec un certain scrupule, puis lève la tête avant la fin de sa prière, interpellant sa mère, "et fais que le nouveau Pape soit gentil". Une demande singulière, détonante, ajoutée spontanément d'une petite voix claire mais qui parvint à capter le sourire des voisins directs à ce duo. "Alors Seigneur, fais qu'il ne soit pas carnavalais" conclut un anonyme dans la foule ayant assisté à leurs échanges. La mère et son fils lui adressent un timide sourire.

Autour, des voisins esquissent un sourire attendri ou un brin gêné par ls requêtes successives adressées au Très Haut, sur fond de polémique autour de la candidature carnavalaise et de l'infamie éternelle incarnée par les traits juvéniles de sa représentation au Conclave. Un peu en retrait, un groupe d’adolescents messaliotes, agenouillés en cercle autour d’un crucifix qu’ils ont planté dans le sol, chantent doucement "Seigneur tu es mon berger". Et leurs voix fluettes flottent ensuite, comme une prière chantée sur l’assemblée. On croirait presque entendre l’Eglise entière prier d’un seul cœur par leurs lèvres synchronisées, une coordination plus marquante encore par le fait de voir chacun d'eux les yeux clos, chantant finalement pour soi-même, en totale occultation des personnes environnantes. La ferveur est palpable dans l’air tiède de cette fin de matinée, personne ne semblant gêné par la foule compacte ni par la fatigue. En tout cas certainement pas les vendeurs de restauration rapide, qui ne se content plus d'attendre à l'arrière d'un foodtruck le passage des fidèles mais viennent à leur contact, des caisses chargées de sandwichs qu'ils égrainent, au sens propre, comme des petits pains et à bon prix, la faim guttant inlassable les pèlerins qui font autant l'étalage de leur énergique piété.

La manoeuvre commerciale n'est pas de trop, pour capter ces centaines, et au plus fort de la journée ces quelques milliers de fidèles, engagés dans une forme de recueillement collectif autoalimenté. Car par moments, sans même qu’on sache précisément qui en a eu l’initiative, un silence commun à chacun tombe sur la place. Mais ici, les silences ne sont jamais vides, ils sont habités par des milliers de prières intérieures. C'est ce que semble en totu cas attester les larmes coulant sur certaines joues, des larmes gorgées par l'émotion pure face à la grandeur du moment que chacun vit à sa façon. Car nombreux sont ceux qui ont en leur coeur une attention particulière, dressée de leurs prières. A commencer par ce père venu de la région limitrophe à Pomosejo en Alguarena, qui entend prier pour l'âme du Pape Pie XVI, contraint à l'abdication des suites d'une santé déclinante, ou encore ce prêtre issu du Bajusid, soucieux d'implorer Dieu de préserver les chrétiens persécutés par le communisme ou les intégrismes religieux, en commençant par leur donner un nouveau Pape qui s'en fera le digne défenseur, ou encore ce qui semble être un scout pontarbellois, en fin d'assermentation et pressé d'en organiser un nouveau, cette fois-ci auprès de l'Eglise pour laquelle il entend se faire un loyal serviteur à travers sa vocation grandissante pour l'institution. Secrètement il espère en ce lieu un quelconque signe qui puisse le conforter dans son choix, ou encore une parole d’encouragement du premier venu, qui le décidera à entrer au séminaire. Chacune de ces prières silencieuses s’élève comme une fumée invisible, pas moins importante que celle devant sceller la nomination du futur Pape. Une fumée invisible qui se fait l'indicible témoignage d'une grande clameur muette de la foule pieuse.

Le ciel catholanais n'est pas si on peut le dire, d'un bleu particulièrement limpide ces derniers jours, comme la possible démonstration du désarroi qu'est celui d'une institution religieuse positionnée au carrefour d son existence. Pour autant il ne pleut pas, comme si un dôme bienveillant s’attelait à couvrir cette vaste assemblée, l'écartant des tourments de nuages gris prononcés. De temps à autre, un léger vent se lève et fait onduler les bannières et drapeaux des différents pays, caresse les visages tournés vers le haut et semble chuchoter entre les colonnes historiques. "Le Seigneur est avec nous" glisse alors une voix dans la foule, ce qui a pour effet immédiat de provoquer des hochements de tête approbateurs dans l'entourage proche de l'intervenant.

Il faudra finalement attendre 14h pour que le ciel catholanais fasse mentir mon précédent propos, diluant un bleu azur dans le ciel, sans plus de retenue que celle à laquelle on nous avait habitué. La Catholagne, à défaut d'afficher fumée blanche sur sa chapelle, affiche des nuages rendus moins menaçants, d'un blanc cotonneux. Un bleu absolu, semblant détacher le ciel jusqu'ici strié.
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