

L'aéroport international était traversé de lumières crues, trahissant la nuit qui couvait maintenant le ciel eurysien. Le hall des arrivées se déroulait face à l'équipe de Morales sous une lueur blafarde, de la même teinte des chairs froides qu'ils étaient destinés à faire ici. Les visages fatigués par le décalage horaire de quatre silhouettes se retrouvèrent discrètement au tapis où l'on récupère les bagages. Sitôt les bagages récupérés, les quatre voyageurs se frayaient un passage, indifférents les uns des autres pour paraitre comme des voyageurs distincts. Le premier d'entre eux était le capitaine Martino Morales, désormais Rippa pour toutes les communications relatives à la mission. Il avait récupéré son sac de voyage sur ce tapis aux allures d'irréfrénable carrousel, portant un regard confiant et un pas déterminé vers la sortie. Comme partout ailleurs et peut-être tout particulièrement en Fortuna, un flot ininterrompu de touristes inondé les allées principales. Un flux partagé entre hommes d'affaires et familles en vacances. Pas un regard pour cet homme d'une cinquantaine d'années au teint hâlé, cheveux poivre et sel coupés courts, vêtu d'une simple veste légère et d'un jean, semblant lui aussi tout à sa palce qu'un autre.
A quelques mètres de lui plus en retrait, Ramiro Agüero Escalante (Galpón) réglait la lanière de son sac de voyage en toile, tandis que son regard marron parcourait à son rythme les panneaux de direction, alors qu'il n'avait en réalité que seule ambition de suivre Martino Morales plus avant. Une cicatrice superficielle barrait sa joue gauche, se faisant le souvenir d'un accident précédent, sans pour autant dénoter avec les traits burinés de son visage. L'homme inspirait profondément, s'imprégnant des arômes ancrés dans les galeries marchandes de l'aéroport, tandis qu'il progressait d'un pas lent mais assuré vers sa mission. A sa gauche plus en retrait encore, une femme tira une caisse de transport aérienne d'où ne s'échappait aucun bruit. C'était Marisol Álvarez Cortés dit Híbrida et dans la cage Cumo, un doberman le regard vissé face à lui, scrutant derrière les barreaux temporaires de sa cage, les mouvements environnants. La main posée sur la grille de la cage du chien contenait les échappées lyriques dont l'animal aurait pu nous gratifier s'il n'avait pas été dressé pour agir sur ordre. Sans qu'un bruit s'en échappe, le doberman semblait pourtant trépigner d'impatience après des heures de vol en soute, et sa maitresse elle aussi qui s'était ragaillardie d'un filet d'eau fraiche auprès d'une fontaine à eau libre service, mouillant quelques mèches brunes sur son front. Un sourire bienveillant fut échangé entre la douanière qui lui restitua son passeport tamponné et elle qui récupérait la cage de transport, franchissant le dernier contrôle avant son arrivée sur le sol fortunéen.
Arrivé depuis un autre vol et prenant acte de la restitution de son passeport, Javier Alcántara Núñez (Silvebarbo) traversait l'aéroport sous ses traits et un style vestimentaire juvéniles, v^tu pour marquer le portrait d'une veste de sport grise flottant sur ses épaules, plus grande qu'il n'aurait dû la choisir. Comme tout bon routard un peu perdu, il portait en bandoulière un vieux sac usé pour unique bagage, une barbe naissante aux finitions négligées. Des écouteurs sur les oreilles il scrutait le décor, écoutant de la musique et le regard ailleurs, comme pour justifier qu'il puisse se poser un plus longuement en certains endroits. Face à lui un agent de sécurité nonchalant, assez tassé sur lui-même contre un pilier. Le bourdonnement des conversations multilingues l'avait machinalement amené à baisser le volume de son casque audio, cherchant à prévenir une allocution qui lui serait réservée.
Le petit groupe quitta l'aéroport isolément, s'éparpillant dans l'une des agglomérations majeures d'Eurysie, de ces villes qui ne dorment jamais. Le passage des contrôles se faisait sans souci, et pour cause, ils arrivaient en provenance d'Alguarena au départ ud Pontarbello et n'avaient sur eux aucun biens interdits au fret aérien. Précautions de rigueur et évidence même, pas une salutation entre eux, pas un signe d'appartenance ou de connivence n'émergeait en public à leur arrivée à l'aéroport. Le plan était fait pour qu'ils ne soient pas vus débarquant ensemble, dans le cas où l'un d'eux serait capturé ou pire. Fortuna avait pour elle d'être une nation cosmopolite, de par la multitude de ses possessions territoriales, étalées sur plusieurs continents, pour ne pas dire chacun d'eux. Le passage de quatre teints bronzés ou typé, dans un pays méridional du pourtour leucytaléen, au sein d'un aéroport international de premier plan, était tout ce qu'il y avait de plus commun.
Martino, autrement nommé pour la mission Rippa, consultait brièvement son téléphone comme pour vérifier une adresse. En réalité, le message du fil était évasif et impersonnel, dont le contact chargé de l'alimenter était nommé hôte Marivacchi, en référence à la ville dans laquelle ils établiraient leur quartier général le temps de la mission. Quelques mots anodins transparaissaient dans la convrsation, comme "rendez-vous à 18h au café "Il Piacere" de Rigaldo, prenez le colis consigné à votre intention (comprenez par là, la fausse identité dont ils étaient tous affublés pour venir ici). Bon séjour à vous, je vous enverrais les adresses des lieux à visiter sous peu." Une méthode bien cocasse pour faire passer les points d'intérêts (pour la mission). Ces indications lues, il rangea le téléphone dans sa poche et quitta l’aéroport calmement, se fondant dans un groupe de voyageurs attendant le taxi, à qui il adressait des sourires appuyés lorsque leurs regards se croisaient. Plus loin, Galpón de son petit nom de code, en fit autant, se gardant de se grouper avec son chef d'escouade et même présentement le chef opérationnel de la mission. Il faut dire que l'homme avait toutes les qualités d'un chef d'escouade en second et que par conséquent, une bévue pourrait potentiellement le propulser à la tête des opérations évolues à l'escuadra Minotauro, une des unités iconiques du Jaguar Noir. Tandis qu'il regardait derrière lui, il remarquait l'agent Híbrida qui venait quant à elle de laisser sortir Cumo de sa cage. Le chien, tenu en laisse courte pour ne pas s'attirer de remarques inutiles, trottait joyeusement à la suite de sa maîtresse, finissant d'achever le portrait d'un duo se promettant de passer de bonnes vacances. Un couple de touristes s'extasia au passage de l'animal, échangeant quelques caresses timides. Híbrida leur adressa un sourire poli pour clore l'échange et se dirigeait déjà vers le boulevard principal, un van d'une compagnie de transport privée acceptant les animaux l'attendant.
Silvebarbo était quant à lui introuvable, perdu dans la masse, il était probablement déjà parti jusqu'aux parkings dédiés au stationnement des bus reliant les grandes agglomérations du pays, où il prendrait un véhicule à la location pour récupérer ses collègues semés aux quatre vents. C'était la meilleure chose à faire pour ne pas se voir pister à la sortie d'aéroport là où le réflexion d'enquêteurs aurait été d'identifier les véhicules loués ce jour au départ de l'aéroport. Prendre les transports en commun pour joindre une autre ville depuis laquelle louer une voiture n'était pas un choix "rationnel". Le ciel était d'un bleu assez vif dehors et la chaleur de l'été fortunéen rendait service à leur couverture, justifiant des ballades en extérieur et les activités de base ds touristes que sont flâner au départ d'un restaurant et prendre des photos. Seul évènement pour dénoter l'instant, cette petite bouffée d'air marin mélangée à celle des gaz d'échappement qui vous attrapait à la gorge. Devant l'aéroport, une ligne de taxis aux coloris homogènes patientait au soleil, avalant les touristes patientant sur le trottoir au fur et à mesure. Martino héla l'un d'eux d'un geste mesuré de la main, lui donnant la primauté sur une vieille femme arrivée avant lui. Un geste possiblement avant-coureur pour fairel 'étalage du peu de moralité qui les animait. Une berline aux couleurs blanches et orangées s'approcha et, conformément à la courtoisie d'un chauffeur de taxi, il l'aida à mettre son sac dans le coffre.
Taxi : Bonjour, où allons-nous? interrogea simplement son interlocuteur, d'une voix chantante en fortunéen, à qui Martino donnait bien le change de la sienne. Le fortunéen (italo-portugais) et l'alguareno (langues hipaniques) avaient pour eux cet héritage latin à la racine familière, lorsque le capitaine ne faisait pas directement appelle à ses notions de portugais développées au Pontarbello. Martino entendit suffisamment de mots pour comprendre le sens de la question, il reconnut le mot "où" et supposa le reste. Dans un accent étranger tout aussi chantant et torturant les "r", il répondit en portugais qu'il se rendrait dans un village touristique quelconque, à l'adresse d'un gîte où il ne séjournerait jamais. Le chauffeur qui lui était désormais attitré lui répondit d'un sourire marqueur de son acceptation, heureux sans doute des passagers qui baragouinent quelques mots avant de passer à une langue moins familière. Le capitaine s'inséra dans le taxi, avant que celui-ci ne s'insère lui-même dans le flot de circulation au départ de l'aéroport et en direction de la périphérie de la ville. Martino jetant alors un oeil distrait au paysage urbain qui défilait derrière la vitre arrière depuis laquelle il s'était installé. Au loin, l'illustre capitale fortunéenne, aussi moderne fût-elle aux abords de l'aéroport, laissait peu à peu entrevoir son côté ancien, en tout cas fier et impérieux, à mesure qu'on repassait par les axes aux abords du centre pour contourner le centre-ville. Des dômes de tuiles rouges et des clochers sublimaient les toits ocres à l'horizon dégagé. Des panneaux imposant décrivaient quant à eux la venue prochaine d'un carnaval d'été, promettant une effervescence à venir dans les rues de la capitale eurysienne, mettant en scène un opéra en plein air qui ne disait pas son nom.
Le taxi voiture zigzaguait le long d'une double voie à sens unique, longeant un quai où étaient amarrées des bateaux qu'on appelait ici tout particulièrement "gondoles touristiques" et d'autres taxis, cette fois dans leurs versions bateaux, finissant de poser un cadre favorable aux déambulations de nos étranges personnages en mission. Entre deux maisons d'une couleur terre accentuée par le soleil généreux, Martino aperçut un étroit canal d'eau miroitante aux teintes oscillant sur une nuance de bleus qui pouvait allait jusqu'au vert. Une observation finissant la réalisation d'un portrait de ville fluviale... Sur les panneaux, quelques destinations toruistiques se laissaient comprendre, car m^me à part, le fortunéen était une langue latine, mêlée de portugais dont il pouvait comprendre le sens général. Une demi-heure plus tard, la capitale était derrière lui et le taxi le déposait près d'une placette ombragée où trônait la statue en marbre blanc d'un ancien Doge de Fortuna, identifiable à sa toque carré et à sa pose véhémente. Martino régla le taxi à cet instant en utilisant quelques billets arrachés à une liasse, des billets de la monnaie du pays qu'il avait échangé à l'aéroport, avant e la ranger aussitôt. Il se dirigea ensuite vers les ruelles anciennes du village, gardant le contact avec Silvebarbo qui venait de parallèlement récupérer la voiture de location et débutait sa tournée visant à récupérer ses camarades "d'infortune en Fortuna".
Au coin de la rue, il aperçut un musicien traditionnel local, un de ces musiciens de rue jouant du violon sous une arche au milieu des couples de touristes qui se promenaient le regard léger. Le son mélancolique de l'instrument remplit instantanément l'air chaud d'une brise agréable pendant un court instant avant que la réalité climatique ne s'impose à nouveau. Silvebarbo débutait la récupération de ses collègues et bientôt il serait question de le récupérer lui, amorçant le démarrage de la mission : "Bienvenue en Fortuna".