Le choc culturel: une notion intéressante, mais surtout, une notion pertinente. Nombre de fois dans l'Histoire, des conflits ont éclaté sur cette seule base. Il y eu des épisodes violents certes, mais il y a également quelques uns de ces rares moments qui peuvent mener à des situations pour le moins cocasses. Le Grand vivait à son propre rythme: celui que ce pays s'était lui-même dicté depuis plus de trois siècles. Il assimilait les cultures et les mœurs en un grand bassin distillé de valeurs diverses. On pourrait croire que dans un tel cadre, quatre hommes traînant avec eux un énorme carton dans un jardin passeraient inaperçus...mais c'était mal connaître Don Pietro Genovese. On aurait pu penser de loin que ces types venaient habillés pour un mariage. Le seul de la bande qui n'avait rien dans les bras essuyait la sueur de son front avec un mouchoir de soie, à croire qu'il était plus en souffrance que ses compères qui s'acquittaient de la sale besogne.
"Bon, pressez vous messieurs, j'ai pas envie de passer une heure de plus sous ce cagnard. Qu'est-ce que j'ai chaud putain...bien pressé de revenir en Alguarena."
L'un des porteurs demanda à Genovese, inquiet: "Vous êtes sûr que c'est le bonne adresse patron ? Cet endroit ça me dit vraiment rien...". Axis Mundis était un labyrinthe de verre et de jardins, et toute la signalisation était dans cette "maudite syncrelangue", et les velsniens étaient ces grenouilles que l'on avait sorti de force de leur mare qu'était la Manche Blanche.
"ça a l'air d'être la bonne adresse. Bon, on va tenter." lui répondit le Don, lui-même hésitant. Il avança sa carcasse sur le as de la porte transpirante et appuya lourdement sur la sonnette. Le Don ne se rendit compte qu'après coup des allures de cette maison, à l'architecture si étrange pour un velsnien éternellement habitué à la même chose. C'était là bien...épuré ? Dans les pensées du Don tout du moins "C'est une bien belle bâtisse qui tient debout."... Le velsnien n'eut pas le temps de se racler la gorge et d'appréhender la rencontre que la porte s'ouvrit: une jeune femme, visiblement surprise dans sa routine. L'intrus esquissa une question quelque peu gênée aux premiers instants, d'autant plus que son syncrétique était déplorable, avant de prendre son assurance de Don:
- Bien le bonjour madame. Je suis bien chez Actée Iccauthli ?
- Euh...oui, mais elle n'est pas là. - lui répondit la jeune femme -
- C'est pas grave... Je m'appelle Don Pietro Genovese, je suis juste là pour vous transmettre un message de la part d'unami. Madame Iccauthli aura la surprise, c'est pas grave, même si je n'aurais pas dit non à un café. C'est un beau soleil pour profiter de la vie vous ne trouvez pas...vous avez des enfants
- Euh...non ???
- Vous verrez que vous regretterez de pas profiter de ces moments de rien du tout après en avoir eu, madame. Mais bref, je suis là pour adresser un présent de la part de son excellence Matteo Di Grassi à madame Iccauthli. Il tenait à remercier madame d'avoir donné lieu à une si agréable entrevue avec lui, et à la signature d'un accord si propice. J'ai donc l'impression qu'il tient à lui offrir son amitié, au vu de ce qu'il a demandé à vous faire livrer...Fabio, pose moi ça là.
Le jeune homme s’exécuta avec ses camarades, et on pu sentir le soulagement collectif de poser l'énorme carton jusqu'à l'océan Espérance. Pas peu fier,
Pietro tapota de la paume de la main sur le carton.
Home cinéma dernier cri, écran 4k incurvé, le nec plus ultra du confort de visionnage. Avec ça, vous aurez l'impression d'être au cinéma dans votre canapé ma bonne dame. Dites...il y a un endroit où mes gars peuvent le poser ? Ou bien vous comptez vous débrouillez ? Je sais que de nos jours, les jeunes veulent tout faire par eux même.
- Vous en faites pas, je...je vais me débrouiller. - lui répondit la kah tanaise, voulant surtout éviter de faire entrer ces types dans la maison -
- Qu'est-ce que je disais...sinon, nous avons un autre cadeau qui pourrait plaire à madame. Fabio !
Le jeune homme déballa un autre paquet, plus petit, dévoilant la reproduction exacte du masque cérémoniel antique dont Di Grassi avait fait la présentation à Actée quelques semaines plus tôt à Velsna.
- C'est beau hein...vous pourrez l'accrocher au mur de la salle à manger. C'est la seule reproduction existante de ce masque, vous le saviez ?
Il y eu l'un de ces silences entre la jeune femme et ce petit groupe, qui n'eut pour réponse que le soupir de Don Pietro.
- Bon. Le voyage a été long et nous ne voulons pas vous déranger davantage. Si madame Iccauthli repasse à l'avenir à Velsna, dites lui que son excellence Di Grassi serait ravi de la convier à un diner. Bonne journée, ma bonne dame. Vous verrez qu'il est bien plus bout-en-train qu'on ne le pense.
Les quatre velsniens repartirent à bord d'une élégante Steiner raskenoise noire. Ce fut certainement l'une des rencontres les plus étranges que cette jeune femme pu avoir ces derniers temps, à n'en point douter...