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La Rente
L'actualité de l'économie.

29/12/2015
Le Grand Kah dépasse les 2000 milliards d’unités internationales de PIB


Le Grand Kah vient de franchir une étape historique. Pour la première fois de son histoire, la Confédération dépasse les 2000 milliards d’unités internationales de produit intérieur brut (PIB), confirmant la robustesse et la singularité de son modèle économique. Ce seuil, symbolique autant que stratégique, marque l’entrée du Grand Kah dans une nouvelle phase de son développement et témoigne de la résilience d’un système fondé sur l’autogestion et la coopération.

Lorsqu’en 1992, au sortir de la crise des années 1980, le PIB du Grand Kah stagnait à 300 milliards d’unités internationales, peu d’observateurs auraient pu prédire une telle montée en puissance. L’économie kah-tanaise, alors en pleine restructuration après des années de chaos, s’engageait dans un projet ambitieux : reconstruire un modèle de développement fondé sur l’autogestion, sans céder ni aux dogmes capitalistes issus des réformes cybernéticiennes, ni à la centralisation étatique proposée par les régimes eurycommunistes.

Les premières années furent marquées par une croissance forte, mais maîtrisée. Entre 1992 et 2000, l’économie confédérale connut une augmentation moyenne du PIB de 7 % par an, avant d’atteindre les 10 % annuels au cours des années 2000. Cette période, surnommée le Miracle Kah-tanais, permit d’accroître rapidement la production industrielle et agricole, de réhabiliter les infrastructures et d’ouvrir progressivement la Confédération aux échanges internationaux sous une forme qui respectait son indépendance.

La crise de 2010-2011, bien que brutale, ne mit pas fin à cette trajectoire. Après une chute de 26 % du PIB en deux ans, la Confédération fit preuve d’une capacité de rebond impressionnante. Grâce à des réformes structurelles et à une modernisation accélérée, l’économie kah-tanaise retrouva dès 2014 son niveau d’avant-crise, avant d’entamer un nouveau cycle de croissance plus stable et plus équilibré. Le rôle économique des politiques initiées par le citoyen Caucase feront sans doute l'objet de nombreuses analyses mais sa focalisation sur les territoires les plus inexploités de l'Union a largement fait ses preuves.

Aujourd’hui, le franchissement du seuil des 2000 milliards de PIB vient valider les choix stratégiques opérés depuis la restauration de 1992. Notre modèle économique continue de défier les attentes des modélisations économiques orthodoxes.

Nous ne pouvons en effet pas nier que le Grand Kah soit un cas à part dans l’économie mondiale. Contrairement aux puissances qui ont basé leur développement sur l’accumulation de capitaux privés ou sur une intervention étatique forte, la Confédération repose sur un système coopératif et décentralisé, où les décisions économiques sont prises à l’échelle locale et mises en cohérence à travers les assemblées confédérales.

Cette particularité repose sur plusieurs piliers qui expliquent les performances remarquables de l’économie kah-tanaise. D’abord, la primauté du marché intérieur a permis de garantir une forte résilience aux crises mondiales. En s’appuyant sur une production destinée en priorité à satisfaire les besoins internes, la Confédération a évité la dépendance aux flux financiers internationaux et aux fluctuations des grandes places de marché.
Ensuite, la stratégie industrielle fondée sur les pôles de production confédérés a favorisé l’innovation et l’optimisation des ressources, sans pour autant céder aux logiques de concentration et de spéculation. Loin des grands conglomérats qui dominent l’économie mondiale, les coopératives industrielles du Grand Kah ont été capable de s’adapter aux exigences de la modernité tout en préservant une gestion collective et transparente.
Enfin, la politique d’exportation maîtrisée, incarnée par la doctrine du Cool Kah-tanais, a permis à la Confédération d’intégrer les marchés internationaux sans compromettre son autonomie. En privilégiant des produits à forte valeur ajoutée, notamment dans les secteurs culturels et technologiques, le Grand Kah a su imposer son identité économique sans devenir vulnérable aux cycles de récession globale.

Ce qui pose la question : 2000 milliards de PIB : que signifie concrètement ce chiffre ?

Atteindre ce seuil n’est pas simplement une réussite symbolique, mais une preuve tangible de la solidité de l’économie kah-tanaise. Ce chiffre confirme plusieurs tendances essentielles :


  • La diversification réussie de l’économie : Loin de dépendre d’un seul secteur moteur, la Confédération a équilibrée son développement entre industrie, agriculture, technologie et commerce.
  • L’intégration des zones rurales dans la croissance nationale : Grâce aux politiques mises en place depuis 2012, les écarts de développement entre les grandes communes industrielles et les régions rurales se sont réduits, permettant une distribution plus harmonieuse de la richesse produite.
  • L’efficacité des réformes post-crise : En renforçant la coopération entre les pôles de production et en développant de nouvelles infrastructures, le Grand Kah a su éviter les pièges de la surchauffe économique tout en maintenant une progression stable.

Cette performance est d’autant plus notable qu’elle s’accompagne d’indicateurs sociaux positifs. Le taux de pauvreté, déjà bas, a encore reculé, et les inégalités économiques, bien que mesurées différemment dans le cadre kah-tanais, restent parmi les plus faibles du monde.

Cela ne signifie pas pour autant que la Confédération est à l’abri des défis à venir. Les prochaines années devront être consacrées à la consolidation des acquis et à l’adaptation du modèle kah-tanais aux transformations du monde. En effet l’un des enjeux majeurs sera l’intégration des nouvelles technologies dans le cadre de l’autogestion. L’essor de l’intelligence artificielle et de l’automatisation pose des questions essentielles sur l’avenir du travail et sur la répartition des tâches productives au sein de la Confédération. Certains courants et clubs prônent une adoption rapide de ces innovations pour optimiser la production, tandis que d’autres craignent une dilution des principes d’autogestion face à des technologies qui pourraient concentrer le pouvoir entre les mains d’une élite technicienne.

Un autre défi concerne la préservation de l’équilibre entre autonomie et ouverture économique. Si le Grand Kah a su éviter les pièges d’une mondialisation non maîtrisée, sa dépendance partielle aux exportations impose une vigilance constante pour éviter une trop grande exposition aux aléas du commerce international.

Enfin, la question environnementale reste centrale dans les débats économiques actuels. La Confédération s’est engagée dans une transition vers des énergies renouvelables et des pratiques agricoles durables, mais l’ampleur des défis écologiques exige une accélération des efforts pour garantir un développement à la fois prospère et respectueux des ressources naturelles.

Quoi qu'il en soit ce succès n’est pas seulement celui des chiffres : il est avant tout le résultat d’un modèle unique, fondé sur la coopération, la justice économique et la souveraineté populaire.

Alors que le monde continue d’explorer de nouvelles voies pour répondre aux crises systémiques du capitalisme et aux limites des modèles centralisés, l’expérience kah-tanaise démontre qu’une alternative est possible. Loin d’être figé, ce modèle continue d’évoluer, s’adaptant aux défis contemporains tout en restant fidèle à ses principes fondateurs. La Confédération a prouvé sa capacité à construire une économie prospère sans renoncer à ses idéaux. Le franchissement des 2000 milliards de PIB n’est qu’une étape de plus dans cette aventure collective, et tout laisse espérer que le Grand Kah saura, encore une fois, relever les défis de l’avenir.
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Le Regard
Le Regard, une autre vision du monde.

14/02/2015Ce que les discussions programmatiques de 2012 disaient, ce que celles de 2017 préparent

Cinq années se sont écoulées depuis la seconde nomination du comité de Renouvellement, que l’on a, trop vite, qualifiée de “sans surprise”. Pourtant, 2012 n’a pas seulement reconduit le Comité de Renouvellement : elle l’a transformé. Ce qui fut en 2007 un compromis de fin de crise, destiné à préserver l’unité du Grand Kah après l’effondrement du Comité Estimable, est devenu au fil d’un mandat dense une ligne politique à part entière. Tandis que le pays s’apprête à retourner aux urnes, les tensions internes à la majorité s’exacerbent et les radicaux fourbissent leurs armes — entre promesse d’union et risque de rupture. Un cycle s’achève peut-être. Mais lequel ?
J/FPS-5 à Reaving


Une nomination oubliée ? Comprendre 2012 à la lumière de 2016

Il est d’usage, dans les milieux commentateurs, de se souvenir de 2012 comme d’une nomination molle, marquée par la fatigue civique et le prolongement tacite d’un consensus efficace. Le Comité de Renouvellement, mis en place dans l’urgence post-Estimable de 2007, était encore perçu à l’époque comme une coalition temporaire, un dispositif précaire à la recherche d’une doctrine, d’un langage, d’un souffle. Sa reconduction par la Convention Générale en 2012 fut donc interprétée comme une forme de reconduction automatique, fruit d’un vide stratégique chez ses opposants plus que d’une adhésion populaire à son projet. Pourtant, relire aujourd’hui les discours, les votes internes, les alignements de clubs et les nominations clés de cette période, c’est constater que quelque chose se cristallisait. Non pas un programme arrêté, mais une cohérence nouvelle, portée par l’expérience du pouvoir et l’épreuve du réel.

Entre 2007 et 2012, le Comité de Renouvellement s’était construit dans un équilibre instable entre technocrates, socialistes gestionnaires, néo-radicaux modérés et forces issues de la jeunesse post-Estimable. L’apparente continuité de 2012 masquait en fait une recomposition lente mais décisive. Une nouvelle génération s’était installée dans les rouages administratifs. Les portefeuilles de l’économie, de la diplomatie et des structures régionales étaient désormais tenus par des profils partageant, sinon une doctrine explicite, du moins une même culture : celle de l’efficacité comme impératif, du compromis comme outil, de la stabilité comme préalable.

Peu d’observateurs ont alors pris la mesure du glissement opéré à l’intérieur du Renouvellement : d’un Comité de préservation, il devenait un organe de transformation. Sans slogans, sans refondation formelle, le pragmatisme devenait ligne.

C’est sans doute autour de la figure de Meredith que cette transition a trouvé son rythme et sa crédibilité. Présentée à l’époque comme une technicienne politique, issue des réseaux du Club de l’Ouverture mais sans ancrage partisan fort, Meredith a su imposer à la fois un style et une méthode : discrétion, régularité, articulation entre administration et diplomatie, refus du spectaculaire. Mais à force de gouverner au centre, elle a peu à peu redessiné les contours du centre lui-même. Sous son impulsion, la culture du compromis s’est muée en stratégie de construction, la tolérance aux désaccords en gestion active des polarités. Sans jamais prétendre incarner une idéologie, Meredith a imposé un cadre d’action cohérent : appuyé sur la performance économique, assumant les interventions extérieures, consolidant les alliances post-LiberalIntern, et préparant — sans jamais le dire — la sortie du provisoire.

La lente cristallisation de Renouvellement

À sa naissance en 2007, le Comité de Renouvellement n'était pourtant pas une force politique à proprement dite, mais une structure de survie institutionnelle, un acte de prudence face au vide doctrinal laissé par la chute volontaire du Comité Estimable. Celui-ci, bien que réélu en 2005, s'était autodissous à la suite de la crise du Pontarbello, incapable de trancher entre sa culture pacifiste héritée des années de reconstruction et les exigences de ses composantes les plus radicales, qui avaient poussées à une intervention militaire aux conséquences désastreuse.

Le Renouvellement, au départ, ce sont des clubs qui acceptent de cohabiter, non pas parce qu'ils se reconnaissent une direction commune, mais parce qu’ils partagent la conviction que le Grand Kah n’a plus le luxe de l’hésitation doctrinale. Le consensus est de façade, la colonne vertébrale est absente. Mais l’expérience de la gouvernance, elle, commence. C’est dans ce contexte qu’intervient, presque discrètement, l’élection de 2012. Là où l’on croyait à une simple reconduction, c’est en réalité un basculement silencieux qui s’opère : le Renouvellement n’est plus seulement une architecture parlementaire, il devient une méthode, puis une orientation.

L’élargissement de la base modérée, la progression des technocrates, la stabilisation des clubs gestionnaires et la marginalisation temporaire des factions plus idéologiques — tout cela contribue à l’émergence d’une majorité de travail. Cette majorité ne parle pas d’un seul ton, mais elle vote, réforme, administre et intervient avec une efficacité jamais vue depuis les premières années de la reconstruction.
La doctrine ? On l’a souvent cherchée. Mais il suffit de suivre les actes : consolidation régionale, alliances stratégiques hors continent, interventions ciblées (Mokhaï, Communaterra), recentrage économique sur les hubs culturels, modernisation des corps intermédiaires. Ce n’est pas un projet rêvé mais un projet construit.

Derrière l’apparente cohésion de la période 2012–2016, le Comité est loin d’être monolithique. Trois courants s’y partagent la scène :

Les technocrates : issus de la Technocratie©, des Horlogers et de l’aile réformatrice des Phalanstères, ils ont en commun une vision fonctionnelle du pouvoir, une priorité donnée aux indicateurs, à la planification, à l’investissement stable.

Les réformateurs éthiques : proches de l’Amicale sociale-démocratique et de certains cercles du Club de l’Ouverture, ils défendent une gouvernance centrée sur la justice sociale, l’accès à l’éducation et la transparence administrative.

Les réalistes militaires : venus du Club de l’Accélération et du Syndicat des Brigades, ils assument sans complexe l’usage stratégique de la force, à l’extérieur comme en matière de sécurité intérieure. Leur poids n’a cessé de croître depuis la Communaterra.

Ces trois pôles cohabitent, se frottent, s’équilibrent — parfois au prix de silences gênés, parfois par de réelles synergies.

Au cœur de cet édifice composite, Meredith joue le rôle de nœud central. Ce n’est pas elle qui impulse chaque réforme, ni qui incarne un courant idéologique tranché. Mais c’est elle qui articule les tensions, qui inhibe les conflits ouverts, qui donne à chaque tendance son espace fonctionnel. Certains parlent d’une "centralité vide", d’autres d’un "principe d’efficacité pure". Reste qu’en cinq ans, Meredith aura transformé un consensus fragile en machine politique stable. Et cette stabilité, plus que tout, est ce qui a redonné au Renouvellement son poids dans la conscience publique. Ce n’est plus une coalition de circonstances : c’est un cap historique en train de se dessiner.

La fragmentation du monde radical : duel ou binôme ?

Si l’on devait résumer le mandat 2012 - 2017 par son principal défi politique, ce ne serait pas dans les bancs de la majorité qu’il faudrait chercher, mais dans l’ombre mouvante de son opposition. Le pôle radical, affaibli après la chute du Comité Estimable et marginalisé en 2007, a opéré un retour stratégique tout au long de la dernière mandature.

Ce retour s’est fait en silence, sans leader unique, sans structure centrale. Mais il s’est appuyé sur deux ressorts puissants : le discours d’urgence face à la normalisation du pouvoir et une profonde recomposition générationnelle, portée par des figures jeunes, offensives, et conscientes des fractures idéologiques de leur propre camp.

Le radicalisme kah-tanais n’a jamais été homogène. Mais depuis 2012 il s’organise, théorise, se projette. La question, désormais, est de savoir avec qui — et contre qui. Dans cette constellation en reconstruction, la citoyenne Maïko s’est imposée comme une figure nodale. Jeune, stratège, issue d’une tradition militante mais rompue aux exigences institutionnelles, elle incarne la possibilité d’un radicalisme opérationnel. Capable de dialoguer avec certaines ailes du Renouvellement, elle séduit autant qu’elle inquiète. Son usage d’un langage à la fois révolutionnaire et gestionnaire la rend redoutablement flexible. Car derrière elle, ou peut-être à côté d’elle, s’avance une autre ombre. Andrean Gabriel d’Alcyon, écrivain, théoricien, tribun de l’ancien monde, maître intellectuel d’une partie de la jeunesse radicale. Son nom circule dans les cercles les plus actifs, ses textes sont recopiés à la main dans les communes périphériques, ses allocutions étudiées comme autant de manuels de guerre.

D’Alcyon ne proposera peut-être pas de Programme mais il n’en a de toute façon pas besoin. L'auteur inspire une ligne, plus tranchée, plus frontale, moins réformiste que celle de Maïko. Certains le disent arc-bouté sur le passé, d’autres le croient prêt à bâtir une nouvelle avant-garde. Il est à ce stade difficile de déterminer si lui et Maïko sont séparés par plus que des différences de style, élément qu'il faudra rapidement trancher pour le camp radical, hanté par le risque de sa division au moment décisif. Si Maïko et d’Alcyon s’unissent, ils peuvent prétendre fracturer la majorité et imposer un nouveau cycle. Mais s’ils divergent — sur les alliances, sur les formes de mobilisation, sur la légitimité des structures existantes — alors le Renouvellement pourrait survivre, non par force, mais par éclatement adverse.

Le clivage n’est pas encore tranché. Il est tactique, générationnel, symbolique. Il oppose une radicalité d’action à une radicalité d’héritage. Et s’il venait à s’incarner dans deux candidatures séparées, alors 2017 ne serait pas le retour des radicaux — mais leur plus grande occasion manquée.

Autres fractures, autres opportunités

Qu’est-il advenu du courant communaliste intégral, jadis si structurant dans le débat kah-tanais ? Longtemps porté par Les Amies de la Commune, Les Phalanstères ou encore le Groupe sur le Fédéralisme, ce pôle semblait incarner une alternative douce aux dynamiques centralisatrices : autogestion, subsidiarité, lenteur assumée. Aujourd’hui, il n’en reste que des fragments — mais pas nécessairement des ruines. C’est en réalité au sein même du Renouvellement que les thèses communalistes ont été absorbées, redéployées, parfois édulcorées, souvent valorisées. Ce tournant tient beaucoup à la figure de Caucase, surnommé “l’avocat des communes”, qui a su négocier une décentralisation active en échange d’un soutien à la politique industrielle nationale.

Ce compromis politique a produit une situation paradoxale : les clubs encore critiques du centralisme ou de la verticalité étatique se retrouvent marginalisés non par la répression idéologique, mais par l’efficacité de la redistribution. Les investissements dans les communes excentrées, la relance des circuits locaux, les chantiers culturels et participatifs ont donné aux territoires ce que les anciennes gauches communalistes n’avaient su obtenir en vingt ans de débats parlementaires. Il reste des voix critiques, mais elles peinent à se faire entendre. Quand le pouvoir central alimente les autonomies locales, la dialectique s’effondre. Le rêve communaliste ne s’est pas effondré — il s’est réalisé ailleurs.

Autre silence notable : celui des pôles conservateurs. Le Club du Temple, La Conserve, Les Splendides : autant de structures qui semblaient, dans les années 2000, pouvoir réactiver une mémoire nationale, une fidélité à certaines formes, voire une esthétique de gouvernement. Aujourd’hui, ces groupes semblent à la dérive, incapables de se coaliser, prisonniers d’un passé qui ne s’énonce plus comme avenir. Leur discours d’alarme — contre la dilution des valeurs, la technicisation du pouvoir, la désacralisation des institutions — peine à trouver prise sur une société dont les imaginaires se sont déplacés. S’ils persistent à se battre contre un monde qui n’est plus là, ils finiront d’achever leur propre marginalisation.

Curieux retournement : la Technocratie©, hier minoritaire, est aujourd’hui victime de son propre succès. Sa méthode a été adoptée par une grande partie du Renouvellement, ses figures les plus brillantes ont été absorbées dans les cabinets de Meredith, ses outils de planification sont devenus normes parlementaires. Mais à force de voir ses méthodes triompher, la Technocratie© a perdu son exceptionnalité politique. Elle n’est plus un projet, elle est un protocole. Cela lui garantit une place dans le dispositif, mais la prive de tout ressort mobilisateur. Elle est respectée, mais plus désirée. Ce qu’elle gagnera en pérennité, elle le perdra peut-être en vision.

Enfin, il reste ceux qu’on ne peut ranger nulle part. Les Pirates, d’abord, toujours marginaux mais brillants, inventifs, provocateurs. Les Horlogers, maîtres du détail, de la précision législative, mais sans projet global. Et le Club Un Un Un, étrange constellation esthétique, mystique et mathématique, dont l’influence dépasse son poids numérique. Tous ces groupes échappent aux clivages classiques. Ils existent en marge, mais ils forment les marges actives, celles par lesquelles parfois surgit l’imprévu. Leur influence est imprévisible. Et c’est peut-être pour cela qu’elle demeure.

2017 : vers une refondation ou une clarification ?

Si le cycle 2007 - 2017 fut celui de la reconstruction par la stabilité, la nomination de 2017 s’annonce comme celle de la clarification. Non plus seulement une compétition entre clubs ou personnalités, mais un affrontement de lignes politiques profondes, forgées au cœur même du pouvoir ou à sa lisière. D’un côté, la ligne pragmatique, désormais consolidée, riche de résultats tangibles, mais traversée par des tensions de croissance. De l’autre, la ligne radicale, recomposée, plus offensive, et plus structurée qu’elle ne l’a jamais été depuis la fin du Comité Estimable.

Pour la première fois depuis longtemps, l'Union pourrait avoir à trancher entre deux visions du monde - et non deux variantes d’un même compromis. Cela seul suffirait à rendre la nomination de 2017 décisive.

Mais la situation est moins lisible qu’elle n’en a l’air. Au-delà des deux blocs en voie de polarisation, subsistent des réservoirs politiques mouvants : les anciens humanistes, qui n’ont plus de porte-voix ; les isolationnistes, jadis portés par le Club du Temple ou La Conserve, désormais sans horizon stratégique clair ; et surtout, la masse des citoyens modérés, lassés mais non révoltés, qui pourraient chercher un refuge dans l’abstention... ou un geste inattendu dans l'hémicycle.

Ces groupes pourraient être la clef d’un basculement électoral. Et dans une Convention où l’arithmétique parlementaire impose toujours des coalitions, la triangulation est le scénario le plus probable — mais aussi le plus instable.

Du reste, jamais le poids des générations nouvelles n’a été aussi évident. Ce sont elles qui tiennent les communes, alimentent les clubs actifs, conçoivent les logiciels de campagne, théorisent sur les tribunes anonymes ou les forums des Assemblées Locales. Ce sont elles aussi qui ont nourri à la fois le renouveau du pragmatisme et la résurgence du radicalisme. La jeunesse politique kah-tanaise n’est pas unifiée. Elle est traversée de lignes de fracture, de désirs contradictoires, de visions divergentes. Mais elle est vivante, articulée, et organisée. Et si 2017 marque une rupture, ce sera sans doute par elle - ou contre elle.

Enfin, une ombre silencieuse plane sur tous les scénarios : l’incertitude Meredith. Si elle décidait de ne pas reconduire son mandat — par choix, par fatigue, ou par stratégie - alors le centre se retrouverait sans boussole, et le Renouvellement privé de sa figure pivot. Ce départ ouvrirait la voie à une recomposition totale : guerre de succession à l’intérieur, guerre d’interprétation à l’extérieur. Avec un risque majeur : que la ligne pragmatique, faute d’incarnation, se dissolve dans les décombres d’une majorité orpheline. Autre alternative, que le très effacé Caucase fasse office de figure de rassemblement, qui pourrait s'attirer les faveurs des isolationnistes et d'une partie des communalistes intégraux, mais manquerait sans doute du capital politique nécessaire pour éviter une scission d'une partie de la modération "pragmatique".

Le Grand Kah entre en campagne dans un état de santé inédit, mais dans un paysage politique plus instable qu’il n’y paraît. Ce que l’on croyait un équilibre est peut-être une accalmie. Ce que l’on pensait être un consensus est peut-être déjà une tension. 2017, plus qu’une simple nomination, sera une clarification. Ou une crise.
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Akai Kagami
Le Miroir Rouge, définitivement radical.


Deux femmes, deux programmes, deux Kah : Meredith & Maïko, le face-à-face que l'Union redoute

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Deux trajectoires, une époque

Elles ont grandi dans la même Union, connu les mêmes dérèglements, respiré le même air de reconstruction, fréquenté les mêmes cercles intellectuels à dix ans d'écart. Elles n'ont jamais gouverné ensemble, mais leurs noms ont été liés dans l'ombre, dans le soupçon, dans l'écho.
Meredith et Maïko : deux figures politiques que tout oppose - sauf peut-être le sérieux de leur engagement. L'une s'est frayée un chemin jusqu'au cœur du pouvoir. L'autre s'est toujours tenue à sa périphérie, parfois à ses marges les plus tendues. Pourtant, leurs trajectoires ne cessent de se croiser. Et de plus en plus d'observateurs se demandent s'il ne s'agit pas, au fond, d'un même moment historique raconté par deux voix irréconciliables.

Meredith, d'abord. Anthropologue de formation, silencieuse, méthodique, elle est entrée en politique sans l'avoir prémédité. Ce sont les circonstances, et peut-être l'intelligence des circonstances, qui l'ont portée là où elle est. Refusée en Eurysie pour un projet de recherche, elle assiste à la révolution anarchiste de Kotios en 2004, et décide d'y rester. Elle observe, elle écrit, elle organise. Ce sera sa première immersion dans le chaos fertile des marges. Lorsqu'elle revient au Grand Kah, c'est avec la voix d'une analyste devenue actrice, et la prudence d'une stratège forgée dans l'imprévu. À partir de 2007, Meredith devient le visage tranquille d'un programme qui n'en a pas encore, le compromis incarné. Et puis elle ne quitte plus vraiment les cercles du pouvoir : voix d'un renouveau modéré, elle assemble, elle lie, elle stabilise. D'un rôle intermédiaire, elle glisse peu à peu vers le centre invisible de la décision, jusqu'à devenir le nœud silencieux du Renouvellement.

Face à elle, Maïko. Elle aussi issue de la pensée, mais d'une autre lignée. Journaliste dans nos colonnes, elle est brillante, rapide, indocile. Trop brillante, parfois. Elle passe dans les Brigades, puis dans l'Avant-Garde - où elle est exclue pour un discours que certains disent trop national, d'autres trop mystique. C'est à ce moment que naît la Maïko politique, celle qui refuse les structures, déserte les appareils, mais fonde la Section Défense : à la fois club radical et journal autonome, laboratoire d'un antifascisme organisé, mêlant autogestion et coordination armée. Maïko refuse l'autorité. Elle refuse même celle des siens. Et pourtant, elle attire, rassemble, inspire. Ses discours circulent à la marge. Son nom devient signe. Elle est ce que Meredith n'est pas : visible, intense, dangereuse.

Ce sont là deux manières de survivre à l'après-guerre, deux manières de traduire le vide doctrinal des années 2000. Meredith stabilise. Maïko déstabilise. Mais toutes deux - et c'est peut-être ce que l'Union redoute - répondent à une même fatigue : celle d'une confédération qui cherche sa forme, son souffle, sa voix.

Kotios, année zéro

C'est là que tout commence - ou peut-être que tout se joue. Kotios, hiver 2004 : ville portuaire en désordre, capitale de la pensée contestataire, théâtre improvisé d'une révolution anarchiste sans chef ni plan. Des barricades dans les quartiers administratifs, des radios pirates dans les lycées techniques, des affiches murales comme constitutions provisoires. Kotios brûle, mais pense. Elle produit, dans la hâte, ce que d'autres ne parviennent à écrire qu'en exil.

Meredith est là. Pas comme militante, pas encore. Elle y est par accident, par déplacement. Anthropologue en mission déchue, refusée par l'administration eurysienne, elle observe, prend des notes, fait des cartes mentales. Mais très vite, elle se laisse prendre par la matière. Elle participe à des réunions de coordination, fonde avec ses collègues un petit parti communaliste, rédige tracts et manifestes. L'analyse se fond dans l'action. Dans une ville aux prises avec elle-même, Meredith se rend utile. Sa rigueur, sa capacité à organiser, à synthétiser les tensions sans les annuler, sont reconnues. Elle devient indispensable, accidentellement.

Maïko, elle, n'est pas à Kotios mais s'en nourrit. Jeune journaliste, elle couvre les événements depuis les bureaux du Miroir Rouge. Elle lit tout, recoupe, édite, traduit. Elle repère très tôt les textes attribués à Meredith. Elle les admire, les critique, les reproduit. L'admiration naît dans cette distance : l'une est dans la ville, l'autre en périphérie. Elles ne se croisent pas, mais se lisent. C'est plus tard, lorsque la Section Défense prend forme, que Maïko contacte Meredith. Une lettre, puis une rencontre. Elle l'invite à rejoindre le projet. Une alliance, lui dit-elle, entre les forces dispersées du radicalisme modéré et celles d'un antifascisme actif. Meredith, à ce moment, est déjà en route vers autre chose : les premiers cercles du Renouvellement, les débuts d'une politique du centre stratégique. Elle refuse poliment, mais définitivement.

Cette scène, connue seulement de quelques proches, marque la rupture. Et plus encore : elle scelle un destin croisé.

Pour Meredith, ce sera la montée méthodique vers la centralité. Pour Maïko, ce sera le basculement du réformisme au radicalisme mystique, celui qui ne croit plus au langage conventionnelle, mais se nourrit d'images, d'affrontements, de promesses directes.
Depuis ce moment, les deux femmes s'éloignent sans cesser de se répondre. Chaque discours de Maïko est lu à travers le silence de Meredith. Chaque compromis de Meredith est interprété à la lumière de ce refus initial.

Kotios, donc. Non pas comme mythe fondateur, mais comme fracture originelle.

Deux visions du Kah

Elles ont grandi sous le même ciel, mais ne regardent pas la même carte. Ce qui les oppose dépasse les styles, les alliances, les trajectoires. C'est une vision du Grand Kah qui diverge — non pas sur ce qu'il est, mais sur ce qu'il doit devenir.

Meredith, en anthropologue devenue administratrice, pense en structures. Elle voit dans l'Union un organisme composite, fragile mais perfectible, que seule la patience peut faire évoluer. Son intuition profonde : la transformation passe par la stabilité, par la gestion méthodique des conflits, par l'orchestration douce des forces antagonistes. Elle croit en la responsabilité, au compromis fort, à l'efficacité comme vertu morale. Elle gouverne sans drame, mais avec une stratégie du centre : faire tenir ensemble ce qui menace de se disloquer. Ce n'est pas du cynisme - c'est une forme d'ascèse politique. Chez Meredith, le pouvoir est un outil lent, mais durable.

Maïko, à l'inverse, pense en lignes de rupture. Elle voit dans l'état actuel du Kah une consolidation injuste, où les dominations anciennes se sont simplement rhabillées en gestionnaires. Elle parle de "paix dangereuse", de "centralisation masquée" et de "réforme comme sédation".
Sa réponse est frontale : créer du conflit pour clarifier les lignes, mobiliser par l'intensité, désobéir aux structures quand elles bloquent le sens. Elle croit à l'action directe, à la coordination sans hiérarchie, à la guerre contre le fascisme sous toutes ses formes. Pour elle, le pouvoir est une force à faire dérailler, pas à piloter.

Et pourtant, à rebours de leurs discours, elles partagent une chose essentielle : une forme de solitude. Toutes deux ont refusé d'être absorbées : Meredith par les clans gestionnaires classiques, Maïko par les rhétoriques révolutionnaires installées. Toutes deux ont inventé leur position. Toutes deux ont été trahies par les leurs - ou se sont volontairement tenues à distance. Et dans cette solitude, elles se ressemblent plus qu'elles ne l'admettraient. Elles gouvernent leur camp comme on gouverne un champ de tension : par anticipation. Par entêtement. Par nécessité, aussi.

Une confrontation inévitable ?

Depuis des mois, la rumeur enfle. Pas un cercle d'analyse, pas une rédaction, pas une commune un peu nerveuse qui ne pose la question : sont-elles en train de se préparer ? Meredith, à sa manière discrète, continue d'occuper les postes sans annoncer ses intentions. Maïko, elle, multiplie les tribunes, les réunions, les signaux faibles. Aucun programme, aucun ralliement formel. Mais un glissement. L'Union, elle, retient son souffle.

Du côté de Meredith, le pouvoir est devenu paysage. Elle n'en use jamais en excès, mais elle en connaît chaque levier. Le Renouvellement, sous sa conduite indirecte, est devenu un outil opérationnel : interventions extérieures calibrées, croissance économique robuste, renaissance culturelle par réinvestissement. Elle ne s'impose pas. Elle s'installe. Et personne ne sait si elle restera. C'est là le cœur du mystère : Meredith ne dit pas si elle soumettra un nouveau programme à la Convention. Peut-être juge-t-elle son cycle achevé. Peut-être attend-elle un moment, un signal, une fracture dans le calme apparent. Peut-être veut-elle forcer les autres à se positionner avant elle.

Du côté de Maïko, le récit se resserre. Elle est désormais la seule capable d'articuler une opposition cohérente à l'ordre du Renouvellement. Les radicaux l'écoutent. Les anciens militants se réactivent. Même certains segments des Brigades et de l'Accélération songent à une fusion possible autour de sa figure. Mais l'ombre de d'Alcyon plane. Lui aussi suscite ralliements et loyautés. Et personne ne sait si leurs lignes s'additionnent - ou se contredisent. Une proposition de programme unique paraît possible. Mais une double proposition, en miroir, signerait une division fatale pour le camp radical.

Le dilemme est là, dans toute sa crudité :

Si Meredith se retire, qui tiendra le centre ?

Si Maïko se présente, qui osera lui faire face dans son propre camp ?

Et si les deux s'avancent, l'une par devoir, l'autre par nécessité, que restera-t-il du terrain politique entre elles ?

Ce débat programmatique pourrait ne pas opposer des blocs. Mais deux femmes, deux récits, deux formes d'autorité. Ce serait une campagne sans précédent. Ce serait aussi un risque de bascule.

Ce que ce duel dit de nous

Peut-être ne se porteront-elles pas avocates programmatiques. Peut-être laisseront-elles la place à d'autres, plus jeunes, plus dociles, plus conformes aux attentes de leurs camps. Mais l'alternative qu'elles incarnent - ordre ou rupture, architecture ou déflagration, gouvernance ou secousse - est déjà là, inscrite dans les imaginaires, infiltrée dans les conversations. Car ce qui s'annonce pour 2017, c'est un moment où l'Union va devoir choisir la nature de son énergie politique.

Meredith propose la continuité maîtrisée. Elle incarne un Kah des alliances intelligentes, des réseaux solides, de la transformation lente. Elle gouverne comme on tient une rive : en prévoyant les crues, en consolidant le sol.

Maïko offre le surgissement. Elle parle au nom des colères tues, des silences comprimés, des marges qui veulent redevenir centres. Elle agit comme on secoue une carte trop bien pliée.

L'une stabilise, l'autre réveille. Et si le débat qui vient devait les réunir sur la même ligne de départ - ou pire : sur deux lignes opposées - alors c'est peut-être l'Union entière qui serait sommé de se positionner.
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Akai Kagami
Le Miroir Rouge, définitivement radical.

28/02/2016Tambours de Guerre en Aleucie du Nord : Les États Jouent avec le Feu sur Fond de Pétrole

Camarades lecteurs, l'air empeste de nouveau les relents fétides de la guerre en Aleucie. La "Pax Aleucia" tant vantée par les bourgeoisies locales n'aura été qu'un mirage de courte durée, un vernis craquelant sous la pression des appétits capitalistes et des nationalismes étatiques. La crise actuelle, opposant la Fédération de Stérus à la République de Lermandie et, par ricochet, à la Grande République de Westalia, est un cas d'école de la folie inhérente à ce système que nous combattons.

Martial law in Philippines

Camarades lecteurs, le fracas des armes menace de couvrir le bruit des vagues en Aleucie du Nord. Une fois de plus, la logique prédatrice du capitalisme et l’arrogance des États-nations nous poussent au bord du précipice guerrier. Un conflit qui semblait initialement confiné à un différend commercial entre l'État lermandien et les puissants intérêts pétroliers de la Fédération de Stérus a dangereusement enflé, entraînant désormais la Grande République de Westalia dans une confrontation potentiellement dévastatrice. Pour nous, loin de ces jeux de pouvoir septentrionaux, l'analyse est limpide : les peuples sont de nouveau pris en otage par les ambitions de leurs maîtres.

L'étincelle, comme si souvent, fut allumée par la course au profit. L'État lermandien, dans un de ces actes de souveraineté dont les structures étatiques ont le secret, a révoqué les licences d'exploitation juteuses de l'ANTS, mastodonte stérusien de l'hydrocarbure. Plutôt que d'accepter la fin d'un monopole ou d'entamer de réelles négociations – concept visiblement étranger à la ploutocratie stérusienne dirigée par le Consul Pandoro – la Fédération a opté pour la méthode séculaire des empires : la menace par la force. Des "manœuvres" navales d'une clarté insultante furent annoncées, simulant une attaque éclair visant à annihiler une flotte adverse (sans doute en visant les capacités navales lermandiennes, connues pour être moins avancées que celles de Stérus dans certains domaines clés comme la projection de puissance) et à préparer un débarquement. Une doctrine agressive qui en dit long sur les intentions réelles de Barba.

La rhétorique belliqueuse s'est muée en déploiement concret. Un groupe aéronaval stérusien – pièce maîtresse de leur doctrine de projection de force, probablement centré sur leur unique porte-avions, escorté de destroyers et croiseurs modernes dotés, selon leurs propres dires, de capacités de frappe balistique, et soutenu par des frégates et au moins un sous-marin lanceur d'engins furtif – a été ostensiblement positionné dans les eaux internationales, mais à portée de tir des côtes lermandiennes et westaliennes. Le message est clair : la menace est sérieuse.

La Lermandie, consciente de la vétusté relative d'une partie de son équipement et de la faiblesse criante de ses forces terrestres (principalement de l'infanterie légère et des blindés anciens, peu aptes à contrer une invasion sérieuse), a réagi par une mobilisation défensive. Son peuple, mobilisé dans une "Union Sacré" opportuniste ou sincèrement outré par l'agression stérusienne, gronde. La marine lermandienne, composée d'un mélange hétéroclite de navires - corvettes peu modernes côtoyant des patrouilleurs vieillissants - et privée de capacité sous-marine significative, s'est mise en alerte. Seule, elle ferait pâle figure.

C'est ici qu'intervient Westalia. Dirigée par le Président Fédéral Simeon Belagri, dont le gouvernement actuel montre, pour un État, des signes moins ouvertement bellicistes que son homologue stérusien, Westalia ne pouvait rester inactive. Non seulement son allié historique était menacé, mais sa propre façade maritime est directement concernée par le déploiement stérusien. Tout en maintenant un discours appelant au dialogue – posture que Le Miroir Rouge observe avec le scepticisme habituel envers les déclarations étatiques – Belagri a pris la décision cruciale de déployer sa propre flotte. Cette marine westalienne, que l'on sait conséquente et équipée de matériels modernes assure désormais une protection conjointe des eaux des deux républiques. L'alliance défensive est de facto activée.

Laissons les états-majors à leurs calculs obscurs et regardons la réalité matérielle et géographique. Stérus, avec son groupe aéronaval moderne et ses capacités de frappe à longue distance, pensait sans doute pouvoir intimider ou neutraliser rapidement la Lermandie. Le déploiement d'avions de chasse depuis son porte-avions et la menace de ses missiles balistiques tirés depuis ses croiseurs ou destroyers visaient à paralyser la réponse lermandienne.

L'entrée en jeu de la marine westalienne, technologiquement à la page et numériquement significative, rebat entièrement les cartes. La flotte combinée Lermandie-Westalia, opérant près de ses bases, disposant d'une meilleure connaissance des eaux locales et pouvant potentiellement coordonner ses défenses anti-aériennes et anti-sous-marines, représente désormais un défi majeur pour le groupe expéditionnaire stérusien. Tenter de détruire la flotte coalisée au port ou en mer exposerait les précieux navires stérusiens, y compris son porte-avions, à des pertes importantes. La supériorité navale locale a changé de camp. Le plan stérusien, basé sur un coup de force rapide contre un adversaire isolé et plus faible, est devenu caduc ou, du moins, extrêmement risqué.

La situation est explosive. Des flottes hostiles se jaugent à portée de canons et de missiles. Les chancelleries échangent des notes acerbes pendant que les populations retiennent leur souffle. Dans la logique absurde des États, une guerre pour le pétrole, pour l' "honneur" national ou pour satisfaire l'ego d'un dirigeant mégalomane n'est jamais à exclure. Un incident maritime, une provocation allant trop loin, et la machine de guerre s'emballe.

Si la raison – ou plutôt, le calcul cynique du rapport de force – ne prévaut pas, quelles formes pourrait prendre une confrontation directe ?

  • La Bataille d'Aleucie : Convaincu de la supériorité de ses armements les plus modernes ou misant sur un effet de surprise, Stérus lance l'offensive. Ses missiles pourraient frapper les ports de Lermandie et Westalia, ses avions tenter de percer les défenses aériennes. S'ensuivrait une bataille navale et aéronavale acharnée. La coalition, avec plus de navires (même si de qualité inégale côté lermandien) et défendant ses approches, infligerait probablement des pertes sévères à la force de projection stérusienne. Le porte-avions deviendrait une cible prioritaire. Sterus pourrait couler des navires, mais au prix fort, et sans garantie de succès pour un éventuel débarquement, qui nécessiterait une supériorité maritime et aérienne qu'elle n'a plus localement. Bilan probable : des centaines, voire des milliers de morts des deux côtés, des navires high-tech transformés en épaves, une pollution marine désastreuse, aucun vainqueur clair, et les peuples encore plus exploités pour "reconstruire l'effort de guerre".

  • L'Escalade Contrôlée (ou pas) : Plutôt qu'une bataille rangée, des accrochages "limités". Un navire "harponné", un avion abattu "par erreur", un blocus partiel... Chaque camp teste les limites de l'autre. Cela pourrait durer des semaines, des mois, empoisonnant les relations, ruinant l'économie locale, justifiant la surveillance et la répression internes au nom de la "sécurité nationale". Une guerre larvée, moins spectaculaire mais tout aussi néfaste pour les libertés et le bien-être des populations.

  • Le Recul Stérusien : Face à un mur naval inattendu et à la détermination de la coalition (notamment de Westalia, dont le gouvernement Belagri semble, pour l'instant, tenir une ligne ferme tout en prônant le dialogue), l'oligarchie stérusienne pourrait décider que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Un retrait de la flotte, présenté comme un "geste de paix", masquerait mal une défaite stratégique et une perte de crédibilité pour le régime Pandoro. Ce serait le scénario le moins sanglant, mais il laisserait intactes les tensions fondamentales et la méfiance mutuelle.

Cette crise met en lumière la faillite morale et pratique du système étatique. Qu'il s'agisse de l'agressivité décomplexée de Stérus, de la défense nationaliste de Lermandie ou de l'intervention "responsable" mais néanmoins militaire de Westalia, dont nous saluons la posture moins belliqueuse de l'administration Belagri, le résultat est le même : la menace de guerre plane sur les peuples. Quelle que soit l'issue dictée par les États et leurs généraux, ce sont les travailleurs, les pêcheurs, les habitants des côtes lermandiennes, westaliennes et stérusiennes qui paieront le prix de cette folie. Cette crise démontre une fois de plus que les États, qu'ils se prétendent républiques, fédérations ou empires, ne servent que les intérêts d'une minorité possédante et sont prêts à sacrifier la paix et les vies humaines pour le contrôle des ressources et les jeux de pouvoir géopolitiques.

Notre solidarité ne va pas aux drapeaux ni aux dirigeants, mais aux peuples pris en otage par ces logiques guerrières. La seule véritable "Pax Aleucia", comme toute paix durable, ne viendra pas des États mais de leur abolition et de l'entente libre entre les peuples, débarrassés du joug du capital et des frontières. Camarades d'Aleucie, ne soyez pas la chair à canon de leurs guerres !
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La Rente
L'actualité de l'économie.

Par Totome Izcotel, pour La Rente, 10/03/2016
Entrons-nous dans un second miracle économique ?


Le chiffre est tombé avec la régularité d'un obus diplomatique : 2 073 000 000 000 d'unités internationales. Pas deux mille soixante-treize milliards de crédits spéculatifs, ni de chèques carnavalais titrisés, mais bel et bien de valeur productive intégrale, calculée selon la méthode kah-tanaise du Produit Intégral National. Précisons que notre méthode de calcul, le Produit Intégral National (PIN), se distingue du PIB classique en intégrant la valeur estimée du travail non-marchand et des biens communs partagés, tout en excluant les gains issus de la pure spéculation financière, considérés comme non productifs de richesse réelle pour la collectivité. L'annonce a été faite avec sobriété par le Commissariat au Maximum, dont la porte-parole, dans son allocution du 2 juin, s'est contentée d'un laconique : « La courbe se stabilise au-dessus d'un seul symbolique fixé préalablement. La dynamique est soutenue. Nous atteignons désormais un milliard d'unités supplémentaires par jour ouvré. » Sans tambour, ni fanfare.

Mais la nouvelle, elle, a fait l'effet d'un coup de tonnerre dans les cercles économiques mondiaux, où l'on peut observer avec un mélange d'agacement, de fascination et d'incrédulité l'ascension continue d'une confédération que l'on considère encore largement ingouvernable, ingérable, inorganisable. Le Grand Kah, confédération de communes autogérées, pays sans président, sans marché libre, sans propriété lucrative, vient de dépasser la barre des deux mille milliards d'unités – avec un système que certains jureraient incompatible avec l'efficacité. À Pemberton, un analyste d'un grand cabinet d'intelligence économique concède, en privé, que « personne ne croyait cela possible dans une économie sans levier capitaliste ». À Volkingrad, la un ensemble de banque publie une note qualifiant la trajectoire kah-tanaise de « divergence structurelle préoccupante ». À Tàvusu Pyàhu, une chronique satirique d'un quotidien ultralibéral propose, à moitié sérieux, de renvoyer les économistes à l'école des Communes Supérieures. À Axis Mundis, la réaction a été plus retenue. Une déclaration conjointe du Commissariat à la Planification et du Comité de Volonté Publique évoque « un point de passage, mais non une fin », insistant sur le fait que la croissance quantitative ne saurait devenir une fin en soi. « Il nous faut continuer à prioriser la coordination, la suffisance et l'élégance des structures », a précisé Eudocia Comadran, députée réputé proche des idées technocrates et du Club de l'Ouverture. La performance économique actuelle, explique-t-elle, ne procède pas d'un miracle mais d'un tissu de décisions tenaces, souvent invisibles, souvent ingrates.

La référence implicite est claire : le Grand Kah n'a pas toujours été cet organisme robuste et souverain. En 1992, à la chute de la Junte impériale, le pays se raccrochait à un faible 300 milliards d'unités de PIN. Il ne disposait ni d'infrastructures modernes cohérentes, ni d'un système logistique viable, ni même d'un consensus stratégique. Vingt-quatre ans plus tard, il affiche une croissance à deux chiffres, une autosuffisance croissante sur les denrées essentielles, une architecture industrielle fluide, et une influence culturelle qui commence à inquiéter même les puissances les plus installées.

D'où vient ce basculement ? Comment une confédération sans Banque centrale ni marché financier a-t-elle réussi à produire, distribuer et stabiliser la richesse à cette échelle ? Pourquoi les crises (notamment celle de 2010) semblent-elles y produire des reconfigurations structurelles plutôt que des effondrements ? À ces questions, ni les modèles macroéconomiques de l’orthodoxie capitaliste, ni les experts en développement n'apportent aujourd'hui de réponses satisfaisantes.

Pourtant, quelque chose de majeur se joue ici. Et ce n'est pas seulement une affaire de chiffres. Car derrière les indicateurs du PIN se cache une transformation territoriale, sociale et culturelle d'une ampleur inédite : des centaines de nouvelles villes ont vu le jour, des chaînes de production ont été relocalisées dans les zones les plus rurales, des mécanismes de distribution semi-gratuite des biens courants se sont généralisés, et une culture civique active a pénétré les moindres interstices du territoire. Dans de nombreuses communes, le mot “abondance” n'est plus perçu comme un slogan mais comme une donnée concrète du quotidien. Certaines scènes en témoignent mieux que les statistiques. À Jeyong-Est, une des plus grandes villes réticulaires récemment inaugurées, une enseignante d'histoire économique montre à ses élèves une carte de la région telle qu'elle était en 1993 : « Ici, rien que des chemins de boue, deux postes de radio et un marché de troc. Aujourd’hui, il y a une gare intercommunale, trois usines coopératives, un centre d'échange culturel, et un théâtre populaire. » Les enfants acquiescent sans étonnement. Ils sont nés dans ce monde-là, ce nouveau tissu urbain leur semble aller de soi.

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« Augure, nouveau hub du centre-sud, inaugurée en octobre 2015, produit 3,2 % des composants mécaniques du Grand Kah »

Bien sûr, tout n'est pas uniforme. Certaines communes frontalières peinent encore à absorber la croissance. Les tensions politiques sur l'orientation du modèle (pragmatisme technocratique ? radicalisme accélérationniste ? recentrage communal ?) se durcissent et la militarisation rampante de certains secteurs inquiète une partie des clubs, sans parler de l’expansion continuelle des activités des Keiretsus d'exportation, qui suscite des critiques sur les déséquilibres de pouvoir économique. Mais pour l'heure, les faits sont là : le Grand Kah produit plus, distribue mieux, investit plus largement, et se perçoit lui-même comme en chantier permanent – non dans l'urgence, mais dans la confiance. Une confiance qui ne repose ni sur un État central, ni sur une monnaie souveraine, ni sur une dette, mais sur une forme de volonté partagée. Cette volonté qui, chaque jour, transforme un champ, une colline, un vieil atelier ou une agora délabrée en un fragment d'avenir tangible et matériellement quantifiable. En d’autres termes, le système communaliste a porté ses fruits.

Il faut parfois remonter loin pour comprendre un surgissement. Le Grand Kah de 2016 n'est pas le fruit d'un virage technologique soudain, ni d'un bond de productivité sorti d'un laboratoire secret. Il est le produit d'une reconstruction lente, opiniâtre, artisanale au sens fort, qui a vu se lever, entre les ruines laissées par la Junte et les contradictions d'un monde en crise, une infrastructure industrielle tissée de centaines de milliers de décisions locales.

On se plaît souvent à dater le « redémarrage » du Grand Kah à l'année 1992. Mais les coopératives de Llalta, les forges communes de Cruce Alto, les ateliers agricoles d’El Vigia et d’autres structures encore avaient commencé à se réorganiser dès les années noires – à l'époque des replis tactiques, des coupures de courant et des chaînes d'approvisionnement inexistantes. Ce n'était pas encore de l'industrie. C'était de la survie. Et pourtant, les ingénieurs, les mécaniciennes, les coordinateurs de grange, les logisticiens improvisés, ont mis en place les bases de ce qui allait devenir l'une des chaînes de valeur les plus résilientes du monde moderne.

À Ciudad Convencion, dans les Hautes Communes du centre, on continue de produire des pièces détachées pour roulement à bille, utilisées dans plus de 600 000 ateliers à travers le pays. Miguel Aro, 68 ans, l'un des premiers ingénieurs de la coopérative fondée en 1993, n'aime pas parler de « miracle » : « On a juste été sérieux. On a noté ce qui manquait. On l'a fabriqué nous-mêmes. Ensuite, on l'a refait. Mieux. Puis on l'a envoyé ailleurs, et eux aussi ont construit. » Une définition peu spectaculaire, mais sans doute plus juste, de l'intelligence économique. Pendant vingt ans, le Grand Kah a choisi de réindustrialiser sans reproduire les logiques étrangères, et ce malgré les vives critiques portées contre le système strictement communaliste à l’Aube de le l’année 1985. Pas de conglomérats tentaculaires voués au profit, pas de géants hégémoniques, pas de centralisation de la planification non-plus. À la place, des réseaux coopératifs interconnectés, adaptables, spécialisés, mais capables d'assumer collectivement les chocs d'approvisionnement, les réaffectations, les pics de demande. Ce que le Commissariat à la Planification appelle aujourd'hui l'industrie répartie à maillage dense est né de cette logique : une prolifération de petites et moyennes unités de production, toutes autogérées, intégrées à leur environnement territorial et capables, en cas de nécessité, de basculer d'un type de production à un autre. La logistique, longtemps point faible du système, est devenue l'un de ses atouts. Depuis 2009, le déploiement du Réseau Synexis – une plateforme coopérative confédérale de gestion des flux matériels et informationnels – a permis de réduire les temps de transit de 38 % et d'anticiper les pénuries avec une précision inédite. On parle souvent de Synexis comme d'un cerveau, mais le terme est trompeur : ce n'est pas une intelligence qui commande, c'est un organe qui facilite les connexions entre intelligences locales. Il n'y a pas d'autorité centrale de planification des stocks. Ce sont les données, partagées en temps réel, qui déclenchent les dynamiques d'ajustement.

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Mais plus encore que les chiffres, ce sont les récits qui parlent. Axa Tleroy, 32 ans, ancienne soudeuse devenue coordinatrice générale d'un pôle de micromachines à Novigrad du Paltoterra, explique : « Avant, notre région était considérée comme trop éloignée, pas rentable. On dépendait de pièces importées via deux points logistiques saturés. Maintenant, on produit nos propres modules, on les échange contre du plastique recyclé venu de San Pelar. Le jour où les routes sont coupées, on peut tenir trois mois. Mais le plus important, c'est qu'on sait ce qu'on fait, et pour qui. »

Cette conscience d'ensemble – que l'on retrouve jusque dans les ateliers les plus modestes – constitue peut-être la clé la plus sous-estimée du miracle kah-tanais. Le travail n'est pas uniquement une fonction productive. Il est un espace civique, un lieu de narration collective. À mesure que les chaînes de production se sont consolidées, les assemblées de coopératives se sont politisées, les plans à dix ans sont devenus monnaie courante, et la question du sens a pris autant de place que celle de la performance. Contrairement à ce que certains commentateurs étrangers suggèrent, le Grand Kah n'a pas triomphé "en dépit" de son modèle, mais bien en profitant de ses qualités. Il faut ainsi rappeler que l'industrie kah-tanaise n'est pas centralisée spatialement. Il n'existe pas de place boursiaires hégémonique ni de district unique d'innovation, malgré le regroupement stratégique de certains pôles. Ce sont les zones autrefois périphériques – les plus délaissées, les plus brisées par la guerre civile – qui sont aujourd'hui les plus dynamiques. C'est là, dans la Haute Fracture, à Yolimac, dans les Communes Orientales, que se concentrent les unités d'assemblage d'outils, les chantiers modulaires, les petites centrales de biomasse, les ateliers de synthèse pharmaceutique. Pourquoi là ? Parce que, comme le dit l'économiste Quri Xen Suchong dans un entretien au Miroir Technique, « ce sont les zones les plus oubliées qui ont eu la plus grande liberté de créer sans modèle, sans héritage à trahir, sans capital à ménager ». Une affirmation qu'il faudrait nuancer, mais qui touche juste : l'industrie kah-tanaise n'a pas tant été réformée, que modernisée en profondeur, d’aucuns diront reformée..

Aujourd'hui, le secteur industriel représente plus de 37 % du PIN, selon les données croisées de la Commission à l'Équité Territoriale et du Commissariat au Maximum. Ce chiffre, qui ferait frémir bien des planificateurs occidentaux, est pourtant vécu ici comme un pilier de souveraineté et d'égalité. Car cette industrie n'écrase pas, ne précarise pas, ne désincarne pas. Elle irrigue. Elle stabilise. Et, plus étonnant encore : elle inspire. Là où d'autres bâtissent des capitales, le Grand Kah trace des réseaux. Plutôt que de centraliser l'autorité, il diffuse les nœuds. C'est dans cette logique que sont nées, depuis cinq ans à peine, les premières cités réticulaires, forme urbaine inédite issue du croisement entre les besoins logistiques de l'économie communaliste, les contraintes de la géographie kah-tanaise, et les aspirations collectives à une vie plus fluide, plus connectée, plus partagée.

À première vue, ces villes nouvelles ne frappent pas par leur verticalité. Pas de skyline arrogante, pas de cœur battant unique. Elles se présentent comme un archipel tissé de liens fonctionnels : quartiers autonomes mais interopérables, zones d'activité entrelacées de jardins publics, bâtiments à usage modulable, axes de circulation non hiérarchiques. Le centre n'est nulle part, et c'est justement cela qui fait système. À Camarade Caucase, l'une des premières cités réticulaires achevées, achevée en 2014 au nord des plaines inondables de Reah, aucun bâtiment ne dépasse cinq étages. Les routes suivent les courbes du terrain naturel. Un même bloc peut accueillir de jour une fabrique textile, et de nuit des cours de chant ou des assemblées populaires. Le marché alimentaire est éclaté en vingt micro-points de distribution. La gare est intégrée à un atelier d'entretien. Et partout, des panneaux indiquent non pas les directions cardinales, mais les fonctions croisées.

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La ville comme réseau de réseaux.

La cité réticulaire n'est pas un simple habitat collectif. C'est une stratégie territoriale, pensée pour résorber l'enclavement, redistribuer les centres, absorber la croissance sans reproduire la congestion. Sa création résulte d'un compromis technique et politique, formalisé dans le Plan de Maillage Territorial 2012–2022, validé par la Convention Générale avec 77 % des suffrages.
La commission de planification territoriale, à l'origine du projet, insistait dès le départ : ces villes ne devaient pas « régner » sur leur environnement, mais « le raccorder, le mailler ». Pour cela, chaque cité-hub est conçue en dialogue avec les communes rurales qui l'entourent. Elle n'absorbe pas, elle concentre temporairement, puis redistribue – du savoir, des outils, des flux de transformation, des productions à forte densité technique. C'est dans les cités réticulaires que se fabriquent aujourd'hui les éléments les plus complexes de la chaîne industrielle kah-tanaise : moteurs de précision, prothèses neuronales, composants de batteries intelligentes, modules de cryptotransmission, plateformes agricoles automatisées. Mais contrairement aux technopoles capitalistes, ces lieux ne sont pas interdits d'accès ni découplés du reste du pays. Toute commune de passage peut y envoyer ses membres, ses stagiaires, ses observateurs, ses propositions d'échange. Et ce sont les assemblées locales qui déterminent les priorités.

Naïs Xalof, 24 ans, étudiante en architecture post-militaire à Kusan, témoigne de son immersion à Nouveauté, une cité-réseau inaugurée en mars : « C'est la première fois que j'ai eu l'impression qu'une ville pensait à moi. Pas moi en tant qu'individu, mais en tant qu'élément d'un tout. Chaque espace est à échelle humaine, et rien n'est figé. Le matin, je travaillais dans un atelier de modélisation biomécanique ; le soir, j'aidais à composer la scène pour une pièce populaire sur la guerre civile. » On pourrait croire à de la poésie urbaine. Pourtant, derrière cette souplesse apparente se cache une ingénierie de très haute précision. Les cités réticulaires sont construites en partenariat étroit avec des keiretsus spécialisés dans la modularité, souvent via des chantiers mobiles, des imprimantes béton à grande échelle, et des micro-usines temporaires. Le délai moyen de construction est de 5 ans, un record pour une ville de plus de 40 000 habitants.

Mais la réussite ne tient pas qu'aux matériaux. Elle repose sur une culture : celle de l'ajustement permanent, du compromis spatial, de la gouvernance fluide. L'architecture elle-même intègre des marges d'évolution : murs amovibles, circuits d'eau partagés, plafonds mobiles, programmes de redéploiement logistique activables par l'assemblée. C'est cette plasticité qui fascine les observateurs étrangers. Le journaliste westalien Iannis Rowland, de passage à Camarade Caucase, résume ainsi : « Le Grand Kah a inventé une forme urbaine qui ressemble à son système politique : non totalisante, mais intensément liée. Chaque partie parle aux autres. Et aucune ne se suffit à elle-même. »

Bien sûr, tout n'est pas idyllique. L'entretien coûte cher. Certaines communes rurales peinent à s'intégrer aux rythmes nouveaux. Des tensions apparaissent entre anciens territoires et nouvelles générations urbaines. Les puristes communalistes critiquent une forme de métropolisation douce, trop technophile. Et dans certaines zones, les Keiretsus ont commencé à concentrer des infrastructures au point d’inquiéter les représentants locaux. Mais le fait est là : le Grand Kah a changé de sol. Il ne repose plus sur des bastions isolés, ni sur des centres anciens. Il repose sur un maillage vivant, où chaque ville, chaque atelier, chaque théâtre et chaque gare est à la fois un fragment et un relais, un lieu et un passage.

En termes géographiques, cela ne ressemble à aucun autre pays. En termes politiques, c’est dans la continuité du projet révolutionnaire travaillé depuis deux siècles.

Autre changement de paradigme, l'abondance – traditionnellement cantonnée aux périodes électorales et aux plans émis par les commissariats – est désormais un mot qui s'infiltre dans les conversations quotidiennes des kah-tanais. Une notion qui était autrefois de l'ordre du rêve idéaliste ou de l'utopie politique semble, en 2016, prendre corps dans les espaces urbains et ruraux du pays. Les denrées de première nécessité sont largement accessibles à tous ; les prix estimés des produits alimentaires ont chuté de manière significative en dessous des seuils historiques ; la transition énergétique, partiellement pilotée par des coopératives locales, est désormais autonome pour plus de 55 % de la population. La suffisance, longtemps une aspiration lointaine, se manifeste maintenant dans l'ordinaire. L'abondance est effective. Mais qu'en disent vraiment les habitants du Grand Kah ? Et qu'en pensent ceux qui, sous couvert de la critique constructive, pointent des contradictions potentielle ?

À Sermak-Rivaya, une petite commune de l'est, ancienne zone d'extraction minière, une ferme collective spécialisée dans les légumes bio a doublé sa production en l'espace de six mois, grâce à un modèle d'agriculture automatisée utilisant des drones agricoles et des capteurs solaires. Dans une longue conversation avec l'une des animatrices du projet, Lea Teyla, 34 ans, ingénieure agronome de la première heure, celle-ci décrit les bénéfices : « Avant, les fermiers se battaient contre la nature. Ils pouvaient avoir une bonne récolte une année, mais la suivante, tout était détruit par une sécheresse ou une infestation. Maintenant, la machine anticipe tout. Le sol est analysé en permanence. L'eau est distribuée de manière ciblée, et même la terre se régénère au fur et à mesure. »

Pour les habitants de la commune, le régime d'abondance n'est pas uniquement matériel, il est aussi social. La démarcation entre les biens relevant du principe d'abondance (accessibles universellement) et ceux nécessitant l'emploi de 'primes' – dont l'allocation fait elle-même l'objet de délibérations communales basées sur la contribution, le besoin ou le mérite – suit généralement la ligne mouvante séparant les nécessités fondamentales des articles jugés plus accessoires, personnalisés ou gourmands en ressources rares. Cette frontière n'est cependant pas figée ; elle est réévaluée périodiquement par les Assemblées supérieures en fonction de l'accroissement des capacités productives et des priorités définies collectivement, avec pour tendance historique une extension progressive du domaine de la gratuité. L'« espace d'échange communautaire », où les citoyens peuvent prendre ce dont ils ont besoin (même des appareils électroniques à usage domestique, réparés collectivement), a vu sa fréquentation augmenter. Le modèle de distribution non marchande que le Grand Kah a institué n'est pas parfait, mais il commence à résorber une partie des inégalités territoriales qui existaient encore il y a seulement quelques années. Cependant, cette situation florissante n'est pas exempte d'inquiétudes voilées au sein des instances de coordination confédérales et communales. Le niveau actuel d'abondance, particulièrement pour les biens non strictement vitaux et les services culturels largement diffusés, est intrinsèquement lié à la performance économique exceptionnelle de ces dernières années, elle-même partiellement alimentée par le succès de nos Keiretsus sur le marché extérieur. Que se passerait-il en cas de ralentissement marqué de la croissance, de crise extérieure majeure impactant nos exportations, ou de nécessité pressante de réorienter massivement les ressources vers la défense, comme l'histoire récente nous l'a enseigné ? La question hante discrètement les débats des commissions à la Planification et au Maximum, car la réversibilité potentielle de certains acquis d'abondance est un sujet politique délicat, sinon tabou.

Cette potentielle précarité de l'abondance « conjoncturelle » alimente d'ailleurs une ligne de fracture politique bien réelle. Les courants modérés et pragmatiques, notamment ceux représentés au sein des Horlogers ou par des figures comme Meredith, tout en se félicitant des progrès indéniables, expriment la crainte qu'un retournement de situation n'oblige à des arbitrages difficiles. Un recul sur l'étendue de la gratuité, même temporaire, pourrait attiser les mécontentements et fragiliser le consensus social si chèrement acquis. Ils insistent donc sur la nécessité de consolider les « fondamentaux » productifs et la résilience interne avant d'étendre davantage, et peut-être prématurément, le domaine de l'abondance garantie. À l'inverse, pour les fractions les plus radicales, qu'on retrouve au sein du Club de l'Accélération ou de certaines composantes internationalistes du Syndicat des Brigades, cette abondance « partielle » et potentiellement réversible est une illusion dangereuse, une concession au réformisme qui endort la vigilance révolutionnaire. Ils arguent que la véritable abondance, celle qui abolira définitivement l'aliénation par le travail et la nécessité économique, ne pourra advenir qu'après la victoire globale du communalisme sur le capitalisme. Pour eux, la situation actuelle, encore dépendante en partie des succès sur un marché extérieur hostile et structurellement injuste, maintient une vulnérabilité inacceptable et freine l'offensive idéologique et matérielle nécessaire à l'échelle mondiale.

Néanmoins, cette nouvelle réalité crée une tension sociale subtile. Les grandes entreprises coopératives, aujourd'hui au cœur de l'économie, continuent de tirer profit des produits de niche, des objets de luxe ou des technologies avancées, mais elles demeurent confrontées à un dilemme moral : jusqu'où faut-il aller dans la diffusion de cette abondance ? La tension est d'autant plus palpable dans les régions rurales et périphériques où les questions de développement culturel et d'autonomie territoriale sont de plus en plus prégnantes. À Yolimac, les jeunes expriment des critiques : « Tout est gratuit, mais on a l'impression que l'abondance est aussi un moyen de contrôler l'usage de notre temps. » Raghid Seftal, étudiant en sociologie de 23 ans, explique : « On te donne l'accès à tout ce dont tu as besoin. Mais au fond, ce n'est plus seulement le travail qu'on contrôle, c'est aussi ton énergie, ton attention. On t'incite à consommer le plus possible, et à réinvestir tes primes dans des objets que tu n'utilises même pas. » L'ironie, selon lui, réside dans le fait que, sous couvert d'abondance, un nouveau type de pression sociale est né, fondé sur l'incitation à l'accumulation des biens disponibles – même lorsque ces derniers ne sont pas essentiels. La crainte de voir apparaître une société de consommation aux antipodes de la culture kah-tanaise.

Cela soulève la question de l'autogestion de l'abondance. Les autorités locales, conscientes de cette dérive possible, mettent en place des régulations pour éviter l'accumulation excessive par des minorités. Les associations de surplus sont ainsi créées pour redistribuer les biens excédentaires à ceux qui ne peuvent pas encore accéder aux circuits d'abondance. Mais ces mesures restent limitées et l'efficacité du modèle reste en question à long terme. Le phénomène le plus frappant, cependant, reste le changement culturel profond qui s'opère dans les pratiques collectives. L'idée que tout le monde puisse satisfaire ses besoins essentiels sans devoir acheter, échanger ou travailler pour le profit est vue comme une révolution mentale, un basculement vers la sufficience, qui laisse encore perplexes les observateurs étrangers. Le sociologue Ibn Gael, spécialiste des systèmes économiques alternatifs, évoque cette question dans une interview récente : « L'abondance produit un excédent qui, à son tour, devient une ressource de pouvoir. L'idée même d'un excédent qui ne soit pas capturé par un État ou un marché est révolutionnaire. Mais il faut se demander si cette ressource nouvelle ne devient pas un outil de gestion sociale. » En d'autres termes, la distribution universelle des biens matériels entraîne une réorganisation des rapports sociaux, et les interactions deviennent progressivement régies par des logiques collectives de partage, qui entrent en conflit avec des pratiques plus individualistes.

En termes de politiques publiques, la construction du modèle économique du Grand Kah reste guidée par un principe fondamental : l'économie de l'abondance est inséparable de l'élévation culturelle de ses citoyens. Le processus de distribution se double d'un processus éducatif, où chaque membre de la communauté est également un acteur de la gestion des biens. Si l'abondance matérielle fait partie du projet, c'est l'émancipation collective qui en est le but ultime. À Cuetlachquiauhco, grand hub frontalier aux paysages devenus luxuriants grâce aux projets d'agroforesterie, une rencontre avec l'assemblée des citoyens – appelés à tour de rôle à gérer les ressources locales pendant un an – permet de mesurer l'ampleur de la transformation. La culture de l'échange, loin de se limiter aux biens matériels, touche désormais la question du savoir, du temps, de la décision collective. « Ce n'est pas le modèle de l'accumulation », affirme Karelle Benzel, membre du comité de gestion des ressources locales. « C'est celui de l'usage partagé, de la prise de décision collective. »

Pourtant, des défis demeurent. Le modèle d'abondance n'est pas aussi égalitaire qu'il le semblait à première vue. Certaines communes ont pris du retard dans la mise en œuvre des infrastructures. Les tensions intergénérationnelles s'exacerbent parfois, les jeunes aspirant à une modernité plus rapide et technologique, tandis que les anciens défendent un modèle plus lent, plus respectueux des valeurs collectives. Pour l'heure, et pour beaucoup, l'abondance fonctionne comme un principe d'équité, du moins pour les denrées de première nécessité. Elle est une promesse tenue, un équilibre fragile entre désirs matériels et conscience collective. Le Grand Kah n'a pas encore atteint le socialisme pur et parfait, mais il montre à son monde que le modèle d'abondance contrôlée et partagée peut exister, à condition d'être pensé à la fois matériellement et moralement. Quelques inquiétudes subsistent cependant et les Keiretsus, puissants acteurs économiques, pourraient aussi exercer une influence qui risque de faire ombrage au projet collectif, certains clubs appellent à la création d’une commission chargée de mener une enquête exhaustive sur la question.

On ne parle jamais trop longtemps d'économie kah-tanaise sans que ce mot, « Keiretsu » ne surgisse. À la fois énigmatique et incontournable, cette forme d'organisation concentre aujourd'hui près de 41 % des exportations totales du Grand Kah. Souvent perçus de l'extérieur comme des méga-conglomérats sur le modèle nazumi, ces ensembles coopératifs liés mais non centralisés sont en réalité l'un des piliers structurels – et des paradoxes assumés – de l'économie communaliste contemporaine. Leur histoire, leur résilience et leurs contradictions éclairent en creux les dilemmes d'une société qui veut à la fois subvertir l'économie mondiale et ne pas se laisser absorber par elle.

Il faut remonter aux années 1960–70 pour comprendre l'origine du phénomène. À cette époque, sous l'impulsion des réformateurs technocrates regroupés autour du courant dit des Cyber-Planistes, le Grand Kah – alors en crise – tente d'inventer un mode de centralisation algorithmique de l'économie. Il s'agit de connecter l'ensemble du tissu productif à un réseau de planification dynamique, en se passant des outils autoritaires soviétiques tout en intégrant des incitations productives. L'objectif affiché : moderniser, rationaliser. C'est dans ce contexte qu'apparaissent les premiers Keiretsus, à l'époque conçus comme des structures de regroupement technique entre ateliers, entreprises coopératives, et bureaux de planification. Ces Keiretsus première génération sont perçus à l'époque comme une tentative d'injection de discipline dans un corps social perçu comme trop dispersé. Leurs partisans vantent l'efficience. Leurs détracteurs dénoncent une dérive semi-capitaliste déguisée en langage techniciste. Le coup d'État de 1985 puis la terreur administrative de la Junte précipitent leur déclin. Ce n'est qu'à partir des années 1990, dans le cadre de la reconstruction économique post-junte, qu'un certain nombre de Keiretsus orphelins sont réactivés, non plus comme instruments de rationalisation interne, mais comme têtes de pont vers l'extérieur.

C'est Isabella Zeltzin, théoricienne économique influente du Club de l'Ouverture, qui forge la doctrine du capitalisme d'occasion : les Keiretsus doivent devenir des entités coopératives souples, capables de manœuvrer dans les marchés internationaux comme des entités capitalistes classiques – négocier, accumuler, exporter, se défendre – tout en réinjectant leur surplus dans le circuit intérieur communaliste, à la manière d'un organe externe greffé mais maîtrisé. Sur le plan interne, cette coordination repose sur des assemblées inter-coopératives dédiées à l'alignement stratégique, des plateformes mutualisées de recherche et développement favorisant les synergies technologiques, et des comités de planification conjoints, notamment pour la gestion complexe des flux d'exportation et l'analyse des marchés extérieurs. Aujourd'hui, on dénombre 12 Keiretsus et 95 filiales actives à l'échelle confédérale, répartis dans des secteurs aussi variés que l'ingénierie de précision, la pharmacologie, les systèmes informatiques, les transports automatisés, l'édition multilingue, la culture pop, l'agriculture synthétique et la robotique médicale. Chacun est composé de dizaines, parfois centaines de coopératives associées, liées par des accords d'orientation stratégique, des chartes internes, des mécanismes de partage de ressources et, souvent, des pactes de solidarité politique.

À Chan Chimu, par exemple, le Keiretsu Mayadev Systems, spécialisé dans les infrastructures de télécommunication autonome, regroupe 76 coopératives, dont 18 installées dans des communes rurales. Son modèle hybride, à la fois marchand sur le plan international et communaliste sur le plan interne, est devenu un objet d'étude dans plusieurs universités d'économie comparée. Le coordinateur général, Noko Filad, explique : « On ne vend pas notre âme. On la loue pour mieux financer nos communs. Chaque contrat passé avec l'étranger doit inclure une clause de redistribution. Et nous avons un droit de veto collectif si l'image ou l'usage de nos produits heurte nos principes. »

Ce genre de formule, bien que sincère, suscite une nervosité croissante dans certains cercles politiques. Lors d'un débat récemment tenu à la Maison du Tissu Communal à La Cité des Anges, un membre du Club de l'Accélération a défendu les Keiretsus comme « l'arme économique la plus adaptée à la guerre de position contre le capitalisme global ». À quoi une représentante du Club des Phalanstères, visiblement sceptique, a répliqué : « Manier l'arme, soit. Mais sans oublier contre qui on se bat. » Ce débat entre efficacité stratégique et cohérence idéologique court depuis des années, sans résolution définitive.

La question la plus sensible reste sans doute celle du poids réel des Keiretsus dans les rapports de force économiques internes. Si leur action reste encadrée par le Commissariat au Commerce Extérieur, certains observateurs notent qu'ils concentrent des savoir-faire critiques, possèdent leurs propres plateformes logistiques, parfois même leurs propres réseaux de production énergétique. Leurs structures sont censées être transparentes, mais certains analystes du Commissariat à la Planification admettent à voix basse que les Keiretsus sont devenus des entités trop grandes pour échouer, au même titre que les grandes banques dans les régimes capitalistes. Ce pouvoir est d'autant plus sensible que les Keiretsus sont aussi les principales distributrices de primes à l'intérieur du pays. Les primes sont versées selon des barèmes décidés en assemblée, mais les catalogues de biens sont majoritairement produits, ou au moins diffusés, par les Keiretsus ellex-mêmes. D'où un sentiment diffus, dans certaines communes, que la liberté de choix se dilue dans une forme de néo-standardisation douce, où le goût, la culture et la consommation tendent à s'homogénéiser autour de grandes marques coopératives.

Pour autant, aucune voix sérieuse ne demande aujourd'hui leur démantèlement. Trop utiles. Trop insérées. Trop réactives. Leur rôle dans le miracle économique est indéniable : elles financent les infrastructures, absorbent les chocs d'exportation, soutiennent les villes réticulaires, forment des cadres, investissent dans l'innovation et servent de vitrine internationale. Elles sont, en un sens, les ambassadeurs économiques d'une société qui veut se montrer au monde sans se vendre. Dans une note interne du Commissariat au Maximum récemment divulguée, on trouve cette formule révélatrice : « Les Keiretsus doivent être comprises comme une passerelle entre un monde à quitter et un monde à inventer. » C'est peut-être cette instabilité, cette tension vive entre contrainte et transformation, qui en fait l'objet le plus fascinant – et le plus fragile – de l'économie kah-tanaise.

Autre élément polémique de cette croissance économique : la part du militaire. Dans la grande salle circulaire du Bâtiment Victoire, à la périphérie d'Axis Mundis, les représentants du Commissariat à la Coordination Stratégique, du Directoire de la Garde et du Commissariat au Maximum se réunissent chaque trimestre pour examiner les tableaux consolidés du Produit Intégral National. Aucun d'eux ne s'en étonne plus : l'économie militaire représente environ 7 % du PIN. Soit quelque 147 milliards d'unités, dont près de 80 % relèvent de la fabrication directe, du déploiement logistique, de la formation spécialisée ou de la projection externe. Ce chiffre, loin de susciter l'embarras, est assumé. Voire revendiqué. Pour directement citer le principal architect de ce réarmement, le citoyen Aquilon Mayhuasca : « Le Grand Kah est un pays militariste. Pas par accident, mais par doctrine. Et cette militarisation n'est pas le fruit d'une caste, ni d'une armée bureaucratisée. Elle est le prolongement d'une culture politique qui lie la défense, l'intervention, et la souveraineté populaire dans un même geste stratégique. Contrairement à l'idée reçue, ce militarisme n'est pas contradictoire avec le communalisme : il le protège, l'encadre, l'exporte même. »

Depuis la réforme du Directoire de la Garde fin 2015 – qui a vu son recentrage autour de trois figures opérationnelles, toutes issues du terrain –, les commandes de l'industrie de défense ont bondi de 18 % en un an, tirées à la fois par des programmes de modernisation des équipements terrestres (blindés modulaires, armement à haute précision), de sécurisation côtière (navires de patrouille, plateformes amphibies), et surtout par les nouveaux chantiers intercoops de cyberdéfense et de coordination tactique en environnement instable. À Esmaran, la coopérative Hadesstechnologies, spécialisée dans les systèmes d'alerte civile et militaire, emploie 4 200 personnes – toutes membres d'assemblées productives élues – et fournit les modules de commandement de terrain pour une large part des unités opérant dans les zones frontalières. Son directeur technique, Isidore Nuel, explique la logique : « Notre but n'est pas de fabriquer des armes en masse. C'est d'armer l'intelligence opérationnelle. Chaque produit est pensé pour être réutilisable, modulaire, adaptable à plusieurs doctrines. »

Mais au-delà de la production, c'est l'économie du maintien stratégique qui pèse lourd. Depuis la stabilisation du Mokhaï, opération emblématique menée par la Garde sous la direction d'Oyoshi Kitano, la doctrine kah-tanaise a intégré l'idée que chaque opération extérieure est aussi une infrastructure. Logistique, reconstruction partielle, sécurisation de routes ou de ports, soutien à des coopératives locales : tout cela demande des ressources, mais génère aussi des chaînes de valeur réinjectables. C'est là que l'économie militaire kah-tanaise diffère radicalement des modèles impérialistes traditionnels : elle ne pille pas, elle ancre. Une part significative du PIN militaire concerne aussi la formation et le maintien de la doctrine. Depuis 2009, les centres de formation de la Garde ont intégré des modules d'économie politique, de coordination territoriale, et d'intervention civile. L'idée – rendue célèbre par la formule d'Esther Mealior : « La guerre est une forme d'ingénierie civique extrême » – consiste à considérer chaque unité comme une cellule de reconstruction potentielle, capable de prendre en charge un système d'irrigation, de réparer une ligne électrique, ou d'installer une antenne relais dans un territoire dévasté.

Mais si ce modèle est efficace, il a un coût. Et certains commencent à s'en inquiéter. Lors d'une récente session au Comité de Répartition Prioritaire, la citoyenne Meredith a posé une question simple : « Jusqu'à quel point notre prospérité actuelle repose-t-elle sur la permanence d'un état de conflit périphérique ? » La réponse n'est pas encore claire. Car si l'économie kah-tanaise est en croissance rapide, une part croissante de ses excédents productifs est absorbée par les besoins permanents de déploiement, d'équipement et de projection. D'autant que l'industrie militaire n'est pas isolée. Elle irrigue des pans entiers de l'économie civile. Les capteurs utilisés dans les drones de surveillance sont aussi utilisés dans les moissons automatisées. Les blindages en polymère recyclé équipent les véhicules de livraison urbaine. Et les technologies de cryptage, développées à l'origine pour protéger les communications stratégiques, sont aujourd'hui au cœur des plateformes de démocratie directe utilisées dans les assemblées locales.

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A Lac-Rouge, les jeunes parlent sans gêne d'un futur service dans la Garde. Ce n'est pas une conscription : c'est un passage citoyen, souvent vu comme un moment de formation, de mobilité, parfois de libération. La Garde Communale est populaire, et son rayonnement est tel que certaines régions ont demandé l'ouverture de nouvelles écoles stratégiques. Mais ce militarisme assumé s'accompagne de lignes de fracture. Les clubs pacifistes – notamment Confédération & Collaboration ou Les Amies de la Commune – alertent sur la logique de tension permanente que suppose cette économie. Pour eux, l'idée que l'économie de paix puisse se nourrir d'une économie de guerre est une contradiction. Une représentante, interrogée à Reaving, a résumé leur crainte : « Tant que nous avons besoin de zones instables pour justifier notre projection, nous ne sommes pas vraiment sortis du cycle impérial. »

Ce débat, profondément stratégique, reste minoritaire. Le consensus politique dominant – de la gauche radicale aux modérés pragmatiques – reste favorable à la consolidation d'une économie militaire “soutenue mais contrôlée”, à condition qu'elle serve la stabilité régionale, la protection des populations et la dissuasion active. Car dans la doctrine kah-tanaise, il n'y a pas d'opposition frontale entre économie, politique et défense. Il y a un même écosystème, un même projet de société. Et dans ce projet, la paix n'est jamais donnée. Elle est construite. Défendue. Et, parfois, projetée.

Secteur un peu moins polémique, maintenant, mais profitant largement de la conjecture économique : la culture. À l'entrée du Collectif Dramaturgique des Rives Unies, dans la commune de Gloria, une pancarte accueille les visiteurs : « Ici, tout est à vous – sauf la scène. Elle se mérite. » À l'intérieur, des enfants jouent une pièce de théâtre dont les dialogues ont été écrits collectivement. Deux rues plus loin, un atelier de design sonore distribue des synthétiseurs en accès libre. Encore quelques pas, et l'on tombe sur un café-lecture où les revues théoriques côtoient des romans populaires issus de concours de fiction communale. Ce n'est pas un quartier d'artistes. C'est une commune ordinaire du Grand Kah en 2016.

Dans ce pays où l'économie s'est construite sur la satisfaction des besoins essentiels, l'abondance matérielle a libéré quelque chose de plus profond : un foisonnement culturel soutenu par des mécanismes collectifs, organisé mais non dirigé, diffus mais non dilué. Et surtout : massivement productif. L'année 2015 a vu la publication de plus de 28 000 œuvres audiovisuelles et littéraires, la création de 800 nouveaux lieux de spectacle, la distribution de 12 millions d'unités de matériels artistiques via les Coopératives de Répartition Culturelle. Dans les écoles, les heures consacrées aux pratiques artistiques ont doublé en six ans. Et dans les communes rurales, les ensembles musicaux, troupes de théâtre, collectifs de conte ou de danse populaire se multiplient à un rythme tel qu'il n'est plus possible de les recenser de manière centralisée.

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Cette effervescence n'est pas marginale. Elle s'inscrit directement dans la dynamique économique actuelle. Depuis la généralisation des circuits de primes et l'émergence d'une abondance de base, de nombreux Kah-tanais ont vu leur temps libéré des fonctions de subsistance. Ce temps excédentaire – que ni le marché, ni la rareté ne viennent contraindre – a été en grande partie réinvesti dans la création. Mais pas dans une logique individuelle. La plupart des œuvres produites depuis cinq ans sont collaboratives. On assiste à une réinvention du rapport entre production artistique et citoyenneté. Ainsi, les centres culturels sont de plus en plus intégrés dans les structures économiques locales. À Setuera-Nord, les ateliers de composition musicale sont financés par une coopérative de traitement des eaux, qui y voit un moyen de former ses équipes à la synchronisation collective. À Xaltokan, une troupe de théâtre populaire utilise des matériaux recyclés issus des Keiretsus industriels, dans le cadre d'un programme d'économie circulaire. À Reaving, la “Chorale Rouge des Fonderies” mêle ouvriers, techniciens et enfants d'écoles publiques dans un même répertoire issu des archives orales de la résistance à la Junte.

Cette prolifération d'œuvres n'est pas neutre. Elle transforme les normes, les récits dominants, les formes de politisation. Le système communaliste n'est pas uniquement transmis par les assemblées : il est raconté, chanté, mimé, parodié, détourné. Il entre dans la pop culture. Et cette pop culture devient à son tour un produit économique d'exportation. La Fondation Rai Sukaretto, leiretsu spécialisé dans la diffusion culturelle multilingue, annonce que 27 % de ses exportations proviennent désormais d'œuvres produites de façon autonome – certaines de ces œuvres ont été traduites en quatorze langues. Des séries comme Vaya Stoch, Les Archives de la Coordination ou La Rue de l'Outil-Rêve sont regardées à Paltoterra, en Afarée, et même dans certaines zones d’Eurysie de l’Est. Le soft power kah-tanais continue de se structurer.

Ce phénomène pose des questions économiques majeures. D'abord, celle de la valeur : comment évaluer une œuvre créée sans intention de profit ? Le Commissariat au Maximum expérimente depuis 2014 un indice de retour social estimé, basé sur l'engagement communautaire, le rayonnement intercommunal, la durée d'usage. Ces critères permettent d'allouer des ressources aux œuvres les plus efficaces du point de vue du commun, sans instaurer de hiérarchie arbitraire. Ensuite, celle de la saturation : certains clubs estiment que l'offre culturelle est devenue trop massive, trop rapide, au point d'étouffer les repères symboliques. Le Club du Temple, notamment, critique une « hyperculture de surface », qui privilégierait la production en flux au détriment du silence, du soin, de la densité. Une voix qui reste minoritaire, mais qui trouve un écho croissant dans les communes de montagne, où l'on parle désormais d'un “retour à la lenteur esthétique”.

Enfin, la question la plus délicate : qui façonne les imaginaires d'une société où tout le monde peut créer ? Certains accusent les Keiretsus culturels de concentrer les plateformes de diffusion, d'uniformiser les formats, d'imposer des modèles narratifs plus consensuels, plus faciles à vendre à l'international. L'ironie n'échappe à personne : le modèle le plus anticapitaliste du monde pourrait bien engendrer une pop culture mondialisée. Mais cette tension est assumée, débattue, remise sur la table dans chaque commune.

Dans un entretien donné à La Rente, la dramaturge Kael Jinn, fondatrice de l'École Itérative de Mise en Scène, résume la situation : « Nous sommes dans une phase d'excès. Mais l'excès est préférable au désert. L'abondance économique a ouvert les vannes. Maintenant, il nous faut apprendre à nager dans l'imaginaire. » Ce qui est sûr, c'est qu'en 2016, le Grand Kah ne se contente pas de produire des biens. Il produit du sens, du récit, du style. Son économie est aussi une fabrique d'identités. Et dans cette fabrique, chaque citoyen est à la fois artisan, spectateur et diffuseur.

On pourrait clore cette enquête par un chiffre, un superlatif ou une déclaration. Mais aucun ne suffirait. Car ce que donne à voir aujourd'hui le Grand Kah, au-delà de son impressionnante trajectoire économique, c'est un modèle en construction perpétuelle, un chantier d'ampleur civilisationnelle, qui mêle industrie, culture, politique, urbanisme et récit collectif dans un même mouvement.
Le franchissement des 2 073 milliards d'unités de Produit Intégral National est un seuil. Mais il ne marque ni une arrivée, ni une apogée. Il marque une mutation du socle même sur lequel s'appuie une société : sa manière de produire, de circuler, d'échanger, de décider et de représenter la valeur.
Car ce que révèle ce moment économique, c'est que le Grand Kah n'est pas simplement plus riche. Il est plus intégré, plus conscient de ses tensions internes, plus outillé pour gérer la contradiction, plus capable de transformer chaque déséquilibre – logistique, territorial, idéologique – en débat organisé, en résolution non-violente, en proposition d'alternative. Dans les couloirs du Commissariat à la Planification, un adage circule : « Quand un chantier finit, il faut s'en inquiéter. » Ce qui avait commencé comme une mauvaise blague à l’époque de la reconstruction a maintenant un tout autre sens : le chantier est la condition de la dynamique. Dans un pays où chaque quartier peut proposer des innovations spatiales, où chaque Keiretsu peut être remis en cause par ses propres coopérateurs, où chaque politique de redistribution est soumise à révision annuelle par les assemblées supérieures, rien n'est figé. L'abondance n'a pas apporté l'ordre. Elle a apporté la circulation des possibles.

Cela ne veut pas dire que tout va bien. La croissance rapide peut masquer des déséquilibres structurels : accumulation de pouvoir technique dans les grands Keiretsus, centralisation logistique informelle, urbanisation trop rapide dans certaines zones rurales, usure symbolique des mécanismes de coordination, confusion entre autonomie locale et absence de stratégie macro-régionale. Et surtout, cette expansion économique continue de reposer sur un postulat très exigeant : la confiance dans la capacité des citoyennes et citoyens à gérer eux-mêmes la production de la vie, sans hiérarchie, sans propriété lucrative, sans sanctions centralisées. C'est là que réside le pari radical du Grand Kah : faire tenir ensemble abondance matérielle, liberté politique, et conscience partagée du commun.

Dans un échange récent à Axis Mundis, la députés Fontaine, pourtant d'habitude prudente, a reconnu que le pays était entré dans « une phase où les excès sont moins dangereux que les timidités. » À l'inverse, l’économiste Quri Xen Suchong, rencontré lors d'un colloque à Setuera, met en garde : « Nous avons vaincu la rareté. Mais si nous ne savons pas organiser l'ennui, l'excès pourrait nous fatiguer. »

Entre ces deux pôles – l'accélération euphorique et la saturation muette –, se dessine une société qui tente de rester lucide sur elle-même. Les assemblées en débattent. Les artistes en jouent. Les économistes en doutent. Et les citoyens, eux, bâtissent. Cité après cité. Coopérative après coopérative. Programme après programme.


Totome Izcotel est chroniqueuse économique pour La Rente. Elle vit entre Kotios et Axis Mundis, et travaille actuellement à un essai sur la notion de cycle long dans les économies post-monétaires.

tl;dr

Le Grand Kah, une confédération de communes autogérées sans marché libre ni propriété privée lucrative, connaît une croissance économique fulgurante (son "Produit Intégral National", qui inclut le non-marchand, dépasse 2000 milliards d'unités), stupéfiant les observateurs extérieurs.

Ce n'est pas un "miracle" mais le résultat de décennies de reconstruction basée sur :

Un système communaliste : réseaux de coopératives locales autogérées plutôt que centralisation ou grandes entreprises.

Une réindustrialisation "par le bas" : maillage dense de petites unités productives résilientes.

Une logistique avancée et décentralisée (Réseau Synexis).

De nouvelles cités "réticulaires" : villes-réseaux adaptables, intégrées au territoire.

Une forte culture civique et conscience collective du travail.

Cela a permis une abondance croissante des biens essentiels (distribution semi-gratuite), financée en partie par les Keiretsus (puissants groupes coopératifs tournés vers l'exportation). Une intense production culturelle collective émerge aussi, devenant un "soft power".

Malgré ce succès, des tensions et débats existent :

Influence croissante et potentiels déséquilibres liés aux Keiretsus.

Poids important assumé de l'économie militaire (7% du PIN).

Risques liés à l'abondance (dépendance aux exports ? consumérisme ? gestion du surplus ?).

Rapidité de l'urbanisation et de la production culturelle.

En bref : Le Grand Kah prouve qu'un modèle économique radicalement différent, basé sur la coopération et l'autogestion, peut être très performant, mais il fait face à de nouveaux défis liés à sa propre réussite et reste un projet en constante évolution ("chantier permanent").
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Le Regard
Le Regard, une autre vision du monde.

28/08/2015Crise politique et élections anticipées en Mährenie


La dissolution de la Convention Nationale mährenienne ouvre une période de turbulences politiques majeures. Entre les fractures de la gauche au pouvoir et la montée des rhétoriques nationalistes, les enjeux sont cruciaux pour la stabilité de ce partenaire clé du Grand Kah en Eurysie centrale.

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La jeune Confédération Mährenienne, née il y a moins d'une décennie des cendres de l'oppression théocratique et de la guerre civile kaulthique, traverse sa crise politique la plus grave depuis son indépendance de fait en 2008. La décision soudaine du Chancelier Confédéral Lennard Rossmann de dissoudre la Convention Nationale et de convoquer des élections législatives anticipées pour avril prochain a plongé le pays dans une incertitude profonde. Pour le Grand Kah, qui a joué un rôle décisif dans la libération et la reconstruction de la Mährenie, cette situation est observée avec une attention soutenue, tant les liens unissant les deux nations sont étroits et les enjeux régionaux considérables.

Pour comprendre la situation actuelle, un retour sur l'histoire récente s'impose. La Mährenie, ancienne province de l'Empire Kaulthique, était tombée sous la coupe de l'Ordre Rosique, un régime féodal et théocratique dont les exactions et l'alignement sur les forces réactionnaires durant la guerre civile kaulthique avaient fini par provoquer l'intervention, en 2008, de l'Égide kah-tanaise. Sous la direction de la Capitaine-Inquisitrice Godeliève Thiers, cette intervention fut rapide et décisive, mettant fin au règne de l'Ordre et ouvrant la voie à une transition complexe. L'Administration Inquisitoriale mise en place jeta les bases d'un nouvel État, expurgeant les éléments rosiques les plus virulents, initiant des réformes structurelles majeures – notamment une ambitieuse réforme agraire – et guidant la mise en place progressive d'institutions démocratiques inspirées du modèle communaliste kah-tanais. Cette période de transition, marquée par l'établissement d'un Conseil Consultatif puis d'une Convention Nationale élue en 2011, vit l'émergence d'un paysage politique nouveau, dominé par une coalition de gauche progressiste (Mouvement du 11 juin 2008, Alliance Socialiste, Verts et Agraires, Néo-Positivistes) sous la direction de figures comme Kaspar Egner puis Lennard Rossmann. Cette coalition, bien que confrontée à une opposition libérale et nationaliste, a bénéficié pendant plusieurs années d'une relative stabilité, portée par des succès économiques notables et le soutien implicite mais constant de l'Égide, garante de la sécurité face aux résidus réactionnaires et aux menaces extérieures.

Cependant, cet équilibre précaire a été rompu fin 2015. La tentative d'attentat contre le Commissaire Confédéral à l'Indépendance, Vlatko Karanovic (lui-même issu de l'Alliance Socialiste), a ravivé les tensions sécuritaires. La réponse du gouvernement Rossmann – le dépôt d'un projet de loi antiterroriste renforçant temporairement les prérogatives de l'Inquisition – a provoqué une fracture idéologique béante au sein de l'Alliance Socialiste Mährenienne (ASM). Lors de son congrès à Ustarine, l'aile gauche radicale du parti, menée par Helena Bauer et farouchement opposée à toute mesure jugée liberticide, a désavoué la direction sortante et acté le retrait de l'ASM de la coalition gouvernementale. Privé de sa majorité, incapable de faire voter ses textes et refusant les compromis exigés par ses anciens partenaires, le Chancelier Rossmann a choisi le pari risqué de la dissolution, espérant sans doute obtenir des électeurs une majorité claire pour sa ligne "progressiste mais sûre".

La Mährenie aborde donc ces élections anticipées dans un état de fragmentation politique inédit. Le camp progressiste est scindé : d'un côté, la coalition sortante amoindrie autour du MJ2008 de Rossmann, des Verts et des Néo-Positivistes, tentant de défendre un bilan de "stabilité et de progrès responsable" ; de l'autre, l'ASM version Bauer, se positionnant sur une ligne de gauche radicale, principielle et anti-sécuritaire, cherchant à mobiliser les déçus et les militants les plus engagés pour les libertés publiques.

Face à cette gauche divisée, l'opposition apparaît également éclatée, bien que potentiellement en position de force si elle parvenait à s'unir. Le Parti Populaire (PP) tente d'incarner un centre-droit modéré et rassurant. Le Nouveau Cap Mährenie 2020 (NCM2020) porte un projet résolument libéral sur le plan économique, séduisant les milieux d'affaires et une partie de l'électorat urbain moderniste. L'Union Nationale (UN), dirigée par le vétéran Ewald Reiner, capitalise sur un discours nationaliste, conservateur et identitaire, particulièrement audible dans les zones rurales et parmi ceux qui rejettent 'influence kah-tanaise. Enfin, des formations plus radicales ou marginales, comme les restes de l'extrême droite issue de la Ligue des Droites (officiellement dissoute après la tentative de coup d'État de 2012), ou des mouvements plus inclassables comme le Parti de l'Exception Mährenienne ou les Situationnistes, pourraient jouer les trouble-fêtes et capter une partie du vote contestataire.

À ce stade, aucune alliance formelle n'a été annoncée entre les partis d'opposition du centre et de la droite, même si des discussions informelles sont probables. La configuration exacte des forces pour le scrutin reste donc incertaine, mais la possibilité d'une alternative conservatrice et/ou libérale au bloc progressiste sortant est plus réelle que jamais. Pour le Grand Kah, l'issue de ce scrutin revêt une importance stratégique capitale. La Mährenie est un partenaire privilégié, une construction politique largement façonnée avec le soutien des institutions kah-tanaises. Sa stabilité est essentielle pour l'équilibre d'une Eurysie centrale toujours prompte à l'embrasement, et son succès est perçu comme une validation, au moins partielle, de la pertinence du modèle communaliste hors des frontières de l'Union.

La coopération entre le Grand Kah et la Mährenie s'est développée de manière intensive depuis 2008, touchant des domaines cruciaux. Sur le plan sécuritaire, la présence continue de l'Égide et le soutien à la formation et à l'équipement de la Garde Confédérale mährenienne ont été déterminants pour contenir les menaces internes (résidus rosiques, nationalistes radicaux) et externes. Économiquement, l'aide kah-tanaise a été substantielle, allant de l'assistance technique pour la réforme agraire aux investissements massifs via des entités comme le Fonds Tomorrow ou les Keiretsus (à l'image du partenariat structurant avec Saphir Macrotechnologies dans le développement de l'industrie pétrochimique, ou les projets d'infrastructures comme l'intégration de la région au "Collier de Perle Mondial"). Plus important encore, peut-être, est le transfert de savoir-faire et la coopération intellectuelle : les universités mähreniennes, reconstruites et modernisées, accueillent nombre d'enseignants-chercheurs et d'étudiants kah-tanais, tandis que les Mähreniens bénéficient de bourses et de programmes d'échange pour se former au sein de l'Union. Des secteurs de pointe comme l'informatique et les biotechnologies bénéficient directement de cette synergie. Cette imbrication technologique et universitaire est vue à Axis Mundis comme un investissement à long terme, créant des liens humains et intellectuels durables par-delà les aléas politiques immédiats.

C'est précisément la pérennité de ce partenariat étroit et mutuellement bénéfique qui est aujourd'hui questionnée par la crise politique mährenienne. La principale préoccupation à Lac-Rouge concerne la montée en puissance potentielle de forces hostiles à toute coopération avec l'Union. Les discours de l'Union Nationale et de certains courants de la droite radicale exploitent un sentiment nationaliste et une méfiance envers l'étranger qui, s'ils prenaient le dessus, pourraient conduire à une remise en cause des acquis de la coopération. Plus inquiétant encore est le risque d'une rhétorique ouvertement xénophobe visant spécifiquement les ressortissants kah-tanais présents en Mährenie – techniciens, enseignants, conseillers, entrepreneurs, membres de l'Égide. Une telle évolution serait non seulement inacceptable sur le plan des principes de solidarité internationale chers à l'Union, mais constituerait également une menace directe pour nos citoyens et nos intérêts économiques et stratégiques dans le pays. Le Comité de Volonté Publique et le Commissariat aux Affaires Extérieures suivent donc avec une vigilance accrue l'évolution des discours de campagne, prêts à réagir diplomatiquement à toute dérive dangereuse. La stabilité de la Mährenie est perçue comme indissociable du respect de la présence et du rôle constructif joué par le Grand Kah depuis huit ans.

La dissolution de la Convention Nationale mährenienne marque l'entrée dans une phase d'incertitude politique dont personne ne peut prédire l'issue. Le pari du Chancelier Rossmann pourrait aussi bien lui permettre de consolider une majorité autour d'un projet progressiste recentré sur la sécurité, qu'ouvrir la voie à une alternance menée par une coalition hétéroclite du centre et de la droite, dont le programme et la stabilité resteraient à prouver. Le rôle de l'ASM d'Helena Bauer, capable de capter une partie du vote de gauche critique mais potentiellement isolée, sera également déterminant.

L'issue des élections d'avril reste donc largement imprévisible. La gauche divisée parviendra-t-elle à conserver le pouvoir, et sous quelle forme ? Le centre et la droite réussiront-ils à former une coalition viable, et quel en sera le programme réel ? Quel sera le poids des extrêmes et des nouveaux mouvements ? Pour la Mährenie, c'est une période de choix fondamentaux sur son orientation future. Pour le Grand Kah, c'est un moment de vigilance intense, où l'enjeu est de préserver un partenariat stratégique essentiel, de protéger ses citoyens et ses intérêts, tout en respectant la souveraineté d'une nation sœur dont il a accompagné les premiers pas difficiles sur la scène de l'Histoire. Le regard d'Axis Mundis restera fixé sur Sankt Josef dans les semaines à venir, espérant que la raison et la stabilité l'emporteront sur la division et l'incertitude.
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Le Regard
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28/08/2015Baron Célice retrouvé mort sur une île isolée; la journaliste Antigone Ornan-Munch découverte sur les lieux


Une opération menée par les services de l'Égide sur une île isolée de l'archipel des Marquises a conduit à une découverte majeure qui rouvre l'un des chapitres les plus sombres de l'histoire récente de la Confédération. Le corps sans vie du Baron Célice, figure tristement célèbre de l'appareil répressif de la Junte militaire impériale (1985-1992) et disparu depuis la chute du régime, a été retrouvé. Sur les lieux se trouvait également la citoyenne Antigone Ornan-Munch, journaliste controversée associée aux milieux nationalistes et exilés.

L'intervention de l'Égide, déclenchée suite à un signalement concernant la disparition prolongée de la citoyenne Ornan-Munch, a eu lieu hier sur une petite île non répertoriée, située en dehors des zones communales kah-tanaises mais dans la sphère d'influence maritime de l'archipel. Les premières informations communiquées par l'Égide indiquent que les agents, agissant sur la base d'une enquête préliminaire rapide suite au rapport déposé par un contact de la journaliste, ont localisé une résidence isolée sur l'île. À l'intérieur, ils ont découvert le corps du Baron Célice, dont la mort résulterait d'actes de violence. La citoyenne Ornan-Munch a été trouvée sur place, visiblement en état de choc et présentant des signes de blessures légères et d'épuisement avancé.

La confirmation de l'identité du Baron Célice met un terme à près de vingt ans de spéculations et de recherches infructueuses. Chef redouté de la "Section de Sécurité" impériale sous la Junte, Célice fut l'architecte et l'exécutant principal des politiques de disparitions forcées, d'interrogatoires clandestins et de terreur psychologique qui ont marqué cette période sombre. Son nom reste indissociable des purges visant les opposants communalistes, les intellectuels, les syndicalistes et de nombreux citoyens ordinaires.

Contrairement à d'autres dignitaires du régime impérial jugés après 1992, Célice avait réussi à disparaître sans laisser de trace lors de la chute d'Axis Mundis. Malgré les efforts constants des services de la Confédération et les mandats d'arrêt internationaux émis à son encontre pour crimes contre l'humanité, sa localisation était demeurée un mystère. Des rumeurs persistantes le plaçaient tantôt en exil doré à Nazum ou Westalia, tantôt opérant dans l'ombre au sein de réseaux réactionnaires clandestins. La découverte de sa résidence isolée et manifestement bien établie sur cette île soulève aujourd'hui de nombreuses questions quant aux ressources et aux éventuels réseaux de soutien dont il a pu bénéficier pour échapper si longtemps à la justice confédérale et internationale.

La présence sur les lieux de la journaliste Antigone Ornan-Munch ajoute une dimension complexe à cette affaire. Connue pour ses positions nationalistes radicales et sa proximité avec certains cercles monarchistes en exil, notamment ceux gravitant autour du "Palais des Brumes" à Carnavalle, la citoyenne Ornan-Munch faisait l'objet d'une attention discrète de la part des autorités confédérales en raison de ses écrits souvent critiques envers les institutions de la Quatrième Confédération.

Selon les premières déclarations rapportées, la citoyenne Ornan-Munch aurait été invitée sur l'île par le Baron Célice sous prétexte d'une interview exclusive. Les circonstances exactes qui ont conduit à la mort de Célice et à l'état dans lequel la journaliste a été retrouvée font actuellement l'objet d'une enquête approfondie menée par l'Égide. Les premiers éléments recueillis sur place, incluant des preuves matérielles et le témoignage initial de la citoyenne Ornan-Munch – qui aurait agi en situation de légitime défense après avoir été retenue contre son gré et menacée –, sont en cours d'analyse. Les autorités compétentes rappellent la présomption d'innocence et soulignent que l'enquête devra établir précisément la chronologie des faits et les responsabilités de chacun.

Cette découverte spectaculaire soulève des questions fondamentales pour la Confédération. Comment un criminel de guerre de l'envergure du Baron Célice a-t-il pu vivre caché si longtemps, et avec quels moyens ? Existait-il, ou existe-t-il encore, des réseaux capables de soutenir et de protéger les anciens responsables des crimes de la Junte ? Quelles informations la citoyenne Ornan-Munch peut-elle fournir sur les activités récentes de Célice et sur les éventuels contacts qu'il entretenait ?

L'Égide a indiqué qu'une investigation complète serait menée sur l'île, incluant une fouille exhaustive de la résidence et de ses environs, afin de recueillir tout élément susceptible d'éclairer les activités de Célice durant ses années de clandestinité et les circonstances exactes de sa mort. La citoyenne Ornan-Munch, après avoir reçu les soins médicaux nécessaires, sera entendue de manière approfondie par les enquêteurs. Le Regard continuera de suivre cette affaire complexe et de rapporter les informations vérifiées au fur et à mesure de leur disponibilité.
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Résumé disponible en fin de poste.

Akai Kagami
L’Observateur du bien Commun, Bulletin officiel et quotidien du Parlement Général.


OBJET DU DÉBAT : Examen de la Proposition de Réforme Stratégique des Capacités Navales de l'Union (Shin Hantei Suisen Riron) soumise par le Commissariat à la Paix.

Session Ordinaire de la Convention Générale – 04 07 2016

La séance est ouverte à neuf heures. L'hémicycle est au complet. Une tension inhabituelle est perceptible dans les travées, contrastant avec le calme apparent du Premier Orateur.

[PREMIER ORATEUR BENEDICT :] Citoyennes et Citoyens représentants, élus de la volonté souveraine de nos Communes. Nous sommes réunis en cette enceinte, non pour une délibération ordinaire, mais pour nous pencher sur un avenir qui exigera de nous la plus haute conscience, la plus inflexible rigueur, et une fidélité absolue aux principes qui ont vu naître et prospérer notre Union. La proposition qui nous est soumise aujourd'hui, portant le nom de code Shin Hantei Suisen Riron, engagera non seulement des ressources considérables, mais définira pour des générations la posture de notre confédération face aux tumultes du monde.

En ces instants où l'Histoire semble parfois hésiter à la croisée des chemins, il nous appartient, à nous, dépositaires temporaires de la confiance populaire, de faire preuve d'une sagesse digne des fondateurs de la Révolution Kah-tanaise. Puissent nos débats être éclairés par leur exemple, par leur sacrifice, et par l'impératif constant de servir le bien commun, l'autonomie de nos cellules vivantes que sont les communes, et l'idéal d'une paix construite sur la justice et le respect mutuel. J'appelle donc chacun d'entre vous à la conscience historique et à la responsabilité devant le peuple qui nous observe. J'invite maintenant le Citoyen Kaelen Rhys, mandaté par le Commissariat à la Paix, à nous présenter en détail la nature et les justifications de cette proposition structurante.

[CITOYEN KAELEN RHYS (Technocratie ©, Rapporteur du Commissariat à la Paix) :] Citoyen Premier Orateur, estimées Citoyennes, estimés Citoyens délégués. C'est avec un sens aigu de la responsabilité que le Commissariat à la Paix dépose aujourd'hui devant la représentation confédérale la proposition Shin Hantei Suisen Riron. Loin d'être le fruit d'une impulsion soudaine ou d'une ambition démesurée, ce projet est l'aboutissement de plusieurs années d'analyses prospectives, d'évaluations techniques rigoureuses et de simulations stratégiques menées avec les outils les plus avancés dont dispose notre Union.

L'histoire de la défense communaliste, depuis les premières milices populaires jusqu'à la Garde Communale actuelle, est celle d'une adaptation constante aux réalités d'un monde qui, hélas, n'a pas encore renoncé à la logique de puissance et aux rapports de force. Aujourd'hui, les expertises convergentes de nos analystes, consignées dans le rapport SRN-224.12.A et corroborées par les multiples itérations des simulations Tlaloc, indiquent sans ambiguïté que certaines de nos capacités navales actuelles, bien qu'ayant vaillamment servi l'Union, approchent d'une obsolescence technique et tactique face à l'émergence de nouvelles doctrines d'engagement et de technologies maritimes chez plusieurs acteurs régionaux et globaux. Ne pas anticiper cette évolution serait nous condamner, à terme, à une vulnérabilité inacceptable pour la sécurité de nos routes commerciales vitales, pour la protection de nos exclaves lointaines, et pour la crédibilité même de notre posture dissuasive, garante de notre souveraineté.

Shin Hantei Suisen Riron propose donc une modernisation phasée et rationnelle de notre outil naval. Il s'agit, concrètement, du développement et de la mise en service progressive de deux nouvelles classes de plateformes : les frégates polyvalentes de classe Justice, conçues pour une adaptabilité maximale aux différents théâtres d'opération et une intégration poussée avec nos systèmes de surveillance et de commandement communal ; et les submersibles d'attaque de nouvelle génération, classe Nocturne, dotés de capacités de discrétion et d'endurance accrues, indispensables à la sanctuarisation de nos approches maritimes. Ce programme n'est pas une fin en soi. Il s'accompagne d'une refonte de la formation de nos équipages, d'une optimisation de nos chaînes logistiques grâce à l'intégration de systèmes d'intelligence artificielle dédiés, et d'une recherche constante de l'efficience énergétique et de la réduction de l'empreinte écologique de nos forces. Le coût, nous ne le nions pas, sera significatif. Mais il doit être évalué à l'aune de ce qu'il vise à préserver : la paix, la liberté de nos communes, et la capacité de l'Union à rester un acteur souverain et respecté sur la scène internationale. Cette modernisation est une nécessité technique, une réponse scientifique aux défis de demain, un impératif de prudence pour que le Grand Kah puisse continuer à tracer sa propre voie, en accord avec ses principes fondateurs.

[PREMIER ORATEUR BENEDICT :] Je remercie le Citoyen Rhys pour la clarté de cet exposé technique. Le débat est désormais ouvert. J'accorde la parole, pour les premières interrogations, au Citoyen Sorin Vega, du Club de l'Ouverture.

[CITOYEN SORIN VEGA (Club de l'Ouverture) :] Citoyen Premier Orateur, Citoyen Rhys, chers collègues. La présentation qui nous est faite est, sur le plan technique, impressionnante. Nul ne peut nier l'ingéniosité de nos techniciens et l'avance de nos bureaux d'études. Cependant, une proposition de cette ampleur ne saurait être évaluée sous le seul prisme de l'efficacité opérationnelle ou de la prouesse technologique. Le Club de l'Ouverture, fidèle à sa vocation pragmatique et soucieux de l'insertion du Grand Kah dans un environnement global complexe, se doit de soulever plusieurs questions d'ordre économique et diplomatique.

Premièrement, le coût. Le Commissariat nous présente des chiffres, certes précis, mais dont nous savons tous qu'ils sont susceptibles d'évoluer. Quel sera l'impact réel de ce programme sur les budgets déjà contraints de nos Communes ? Comment garantir que cet effort colossal ne se fera pas au détriment des investissements cruciaux dans nos infrastructures civiles, notre transition écologique, ou le soutien à nos coopératives, qui sont le véritable moteur de notre prospérité partagée ? De plus, quel sera le rôle des Keiretsus dans ce projet ? Y a-t-il un risque de voir une part trop importante de notre industrie de défense dépendre de quelques grands conglomérats, au détriment de la diversité de notre tissu économique communal ?

Deuxièmement, la perception internationale. Nous avons œuvré, depuis la réouverture de l'Union, à construire des ponts, à nouer des alliances, à développer des relations commerciales basées sur le respect mutuel, y compris au sein du LiberalIntern. Cette refonte navale massive, quelle que soit sa justification défensive affichée, ne risque-t-elle pas d'être interprétée par nos partenaires, et par nos adversaires, comme une affirmation de puissance, une rupture avec notre tradition de défense strictement territoriale ? Quelles pourraient en être les conséquences sur nos alliances, sur la confiance que nous inspirons, et sur les flux commerciaux qui alimentent notre économie ?

Enfin, la doctrine d'emploi. Le Citoyen Rhys a insisté sur le caractère dissuasif et défensif. Mais une flotte de cette nature confère indéniablement une capacité de projection nouvelle. Comment cette assemblée, comment les Communes, garantiront-elles que cet outil restera strictement au service de la défense de l'Union et ne deviendra pas, demain, l'instrument d'une politique étrangère plus interventionniste, nous entraînant dans des conflits lointains et coûteux, contraires à nos intérêts fondamentaux ? Ce sont là, Citoyennes et Citoyens, des questions qui méritent des réponses claires et précises avant que nous puissions nous prononcer en toute conscience.

[CITOYENNE CLIA PERRIN (Les Horlogers) :] Mon intervention portera moins sur les finalités stratégiques ou les implications économiques, déjà éloquemment abordées, que sur la gouvernance même de ce projet SHSR, si la Convention devait en approuver le principe. L'ampleur des sommes engagées, la complexité technique et la durée prévisionnelle de cette réforme exigent des mécanismes de contrôle démocratique d'une robustesse et d'une transparence irréprochables.

Quelles garanties nous apporte le Commissariat à la Paix quant à la supervision effective de ce programme par la Convention Générale et par l'Assemblée des Communes ? Comment les représentants du peuple pourront-ils s'assurer, étape par étape, du respect des budgets, des calendriers, et surtout, de la conformité du projet avec les objectifs initialement validés ? Quels seront les mécanismes d'audit indépendants mis en place ? Quelle sera la procédure en cas de dérive avérée, qu'elle soit financière, technique ou doctrinale ?

Nous ne pouvons accepter qu'un projet d'une telle magnitude échappe, même partiellement, au contrôle rigoureux des instances démocratiques élues. L'histoire, y compris celle de notre Union, nous a appris que les grands projets militaro-industriels peuvent parfois développer une logique propre, s'affranchissant des cadres politiques initiaux. Il est de notre devoir, en tant que législateurs et représentants des Communes, de nous assurer que SHSR, s'il voit le jour, reste en permanence sous la maîtrise éclairée et vigilante du peuple souverain et de ses représentants. Nous attendons du Commissariat des propositions concrètes et contraignantes sur ces aspects essentiels de gouvernance.

[PREMIER ORATEUR BENEDICT :] La parole est au Citoyen Elian Paz, de Confédération & Collaboration.

[CITOYEN ELIAN PAZ (Confédération & Collaboration) :] Citoyen Premier Orateur. Je remercie la Citoyenne Perrin d'avoir soulevé la question cruciale du contrôle démocratique. Mais je souhaite revenir, si vous me le permettez, à une question plus fondamentale encore, une question d'ordre éthique, qui touche au cœur même de notre projet communaliste. On nous présente SHSR comme une nécessité technique, une réponse rationnelle à des menaces potentielles. Mais est-ce là toute l'histoire ?

N'y a-t-il pas, dans cette volonté de bâtir des flottes toujours plus puissantes, plus sophistiquées, une forme de reniement de nos idéaux fondateurs ? Le communalisme libertaire, tel que nous le concevons, n'est-il pas avant tout un projet de paix, d'entraide, de dépassement des logiques de confrontation et de domination ? Notre force ne devrait-elle pas résider dans notre capacité à proposer au monde un autre modèle, une autre voie, basée sur la coopération et la justice sociale, plutôt que sur la puissance militaire ?

Le concept même de "dissuasion" repose sur la peur, sur la menace d'une destruction mutuelle. Est-ce là le message que le Grand Kah souhaite envoyer au monde ? Faut-il vraiment consacrer une part si importante de notre intelligence collective, de nos ressources humaines et matérielles, à perfectionner des instruments de mort, alors que tant reste à faire pour améliorer concrètement la vie dans nos communes, pour réduire les inégalités, pour préserver notre environnement ?

Je crains, camarades, que SHSR ne soit pas seulement un projet coûteux et potentiellement déstabilisateur sur le plan international, mais qu'il représente aussi une défaite morale, une concession à la vieille logique impériale dont nous prétendons nous être affranchis. La véritable sécurité du Grand Kah, j'en reste convaincu, ne se construira pas avec des cuirassés et des sous-marins, mais avec la force de nos convictions, la solidité de nos institutions démocratiques, et l'attractivité de notre modèle social. Je vous appelle à rejeter cette proposition et à réaffirmer notre engagement pour une voie authentiquement communaliste et pacifique.

[PREMIER ORATEUR BENEDICT :] La parole est au Citoyen Janus Tex, de Technocratie ©.

[CITOYEN JANUS TEX (Technocratie ©) :] Citoyen Premier Orateur ! C'est avec un mélange d'étonnement et, je l'avoue, une certaine impatience, que j'écoute les arguments développés par le Citoyen Paz. Respectables dans leur intention, certes, mais témoignant d'une méconnaissance profonde, me semble-t-il, de la nature même du progrès technique et de son rôle essentiel dans l'avènement d'une société communaliste véritablement émancipée !

Qualifier Shin Hantei Suisen Riron d'instrument de mort, c'est ignorer délibérément l'extraordinaire potentiel d'innovation que recèle ce projet ! C'est oublier que chaque avancée technologique réalisée pour la défense de l'Union a, historiquement, trouvé des applications civiles bénéfiques pour l'ensemble de nos communes. Les systèmes de communication sécurisés, les matériaux composites ultra-résistants, les algorithmes d'optimisation logistique, les sources d'énergie compactes et efficientes développés pour ces nouvelles plateformes navales irrigueront demain nos industries civiles, nos réseaux de transport, nos systèmes d'information communaux !

SHSR n'est pas une défaite morale, Citoyen Paz, c'est au contraire une affirmation éclatante de la souveraineté technologique du Grand Kah ! C'est la preuve que nous n'avons pas besoin de dépendre des puissances capitalistes pour assurer notre sécurité et maîtriser les technologies de pointe. C'est un investissement dans notre intelligence collective, dans la capacité de nos ingénieurs, de nos chercheurs, de nos travailleurs des Keiretsus et des coopératives spécialisées à repousser les limites du possible !

Refuser SHSR au nom d'un idéalisme hors-sol, ce serait nous condamner à la dépendance technologique, à la stagnation, et in fine, à la vulnérabilité. Le communalisme ne doit pas être synonyme de Luddism, mais d'appropriation collective et démocratique des outils les plus avancés pour construire une société plus juste, plus efficace, et oui, camarades, mieux protégée ! J'invite donc cette assemblée à voir au-delà des apparences, à embrasser cette opportunité de modernisation et à faire confiance à la capacité d'innovation de notre Union !

[CITOYEN IONAS VEN DHAL (Club du Temple) :] Citoyen Premier Orateur, Citoyennes et Citoyens. Si j'ai déjà exprimé mon soutien de principe à cette réforme ce matin, je souhaite maintenant développer les fondements historiques et philosophiques qui, selon le Club du Temple, justifient un engagement résolu de notre Union dans cette voie. Depuis les premiers jours de la Révolution, depuis les sacrifices de nos ancêtres face aux empires coloniaux, une vérité s'est imposée : la liberté kah-tanaise, notre exceptionnalisme communaliste, doit être défendue. Elle n'est pas un don du ciel, mais une construction fragile, sans cesse menacée par les appétits et les idéologies contraires qui dominent encore une large part de ce monde.

Certains, animés par une foi louable en la bonté humaine, voudraient croire que notre exemple suffira à nous protéger. Que la justesse de notre cause nous préservera des agressions. L'Histoire, hélas, nous enseigne une leçon plus rude. Elle nous montre que les sociétés qui renoncent aux moyens de leur défense finissent par devenir les vassales de celles qui cultivent la force. Le Grand Kah ne peut et ne doit pas connaître un tel sort.

Shin Hantei Suisen Riron n'est pas, comme certains voudraient le faire croire, une concession aux logiques de puissance. C'est au contraire l'affirmation de notre volonté de rester maîtres de notre destin. C'est l'incarnation moderne de cette idée fondamentale : la Nation en armes, non pas au sens d'un militarisme exacerbé, mais au sens d'une communauté souveraine qui se donne les moyens de protéger son intégrité et ses principes. Oui, la défense a un coût. Mais quel serait le coût de la perte de notre indépendance ? Quel serait le prix de la soumission à un ordre mondial qui nous est étranger ?

Cet effort que l'on nous demande aujourd'hui n'est pas une simple dépense budgétaire. C'est un investissement dans l'avenir. C'est un legs que nous devons aux générations futures, afin qu'elles puissent, elles aussi, vivre libres et debout sur cette terre de Paltoterra, selon les principes du Kah. Le Club du Temple, fidèle à l'héritage des pionniers, fidèle à l'âme profonde de notre Union, appelle donc cette assemblée à un sursaut de conscience historique, à dépasser les querelles secondaires et à s'unir pour doter le Grand Kah des instruments de sa survie et de sa pérennité.

[CITOYEN CASSIAN VOR (Amicale Sociale-Démocratique) :] Citoyen Premier Orateur. J'ai écouté avec attention la plaidoirie empreinte de gravité du Citoyen Ven Dhal. Les références à notre histoire, aux sacrifices de nos anciens, sont toujours de nature à émouvoir cette assemblée. Mais la véritable fidélité à notre héritage révolutionnaire ne consiste pas, à mon sens, à répéter les schémas du passé, mais bien à en tirer les leçons pour ne pas en reproduire les erreurs les plus tragiques.

L'"exceptionnalisme kah-tanais" dont on nous parle avec tant d'emphase, s'il doit signifier quelque chose, c'est précisément notre capacité à rompre avec les logiques de puissance, avec la militarisation des sociétés, avec la centralisation des pouvoirs qui ont caractérisé les empires et les États-nations que nous avons combattus. Or, que nous propose-t-on avec Shin Hantei Suisen Riron, sinon de nous engager sur une voie qui ressemble dangereusement à celle de nos anciens oppresseurs ?

Une flotte de cette ampleur, dotée de capacités de projection indéniables, même si l'on s'en défend aujourd'hui, ne peut qu'entraîner une concentration sans précédent du pouvoir militaire entre les mains du Directoire de la Garde. Elle nécessitera une bureaucratie plus lourde, des circuits de décision plus opaques, éloignant encore un peu plus le contrôle démocratique exercé par nos Communes. N'est-ce pas là le chemin inverse de celui que prône le communalisme, qui vise à la dissolution progressive de toute structure étatique et hiérarchique ?

Le Citoyen Ven Dhal parle de "Nation en armes". Mais la Révolution Kah-tanaise, c'était le peuple en armes, les milices communales défendant leur territoire, leur autonomie. Ce n'était pas la création d'une machine de guerre centralisée et professionnalisée, susceptible de devenir un jour un outil de coercition, y compris à l'intérieur de nos frontières. L'histoire nous a douloureusement appris, avec la Junte Impériale, qu'un appareil militaire trop puissant peut aisément se retourner contre le peuple qu'il est censé servir.

Ne nous laissons pas aveugler par le discours de la menace extérieure pour justifier un renforcement intérieur du pouvoir militaire. La véritable menace pour l'Union, à long terme, réside peut-être moins dans les flottes étrangères que dans notre propre capacité à rester fidèles à nos principes d'autogestion, de décentralisation et de paix. J'appelle cette assemblée à la plus grande prudence, à ne pas céder aux sirènes d'un césarisme naval qui trahirait l'essence même de notre Révolution.

[PREMIER ORATEUR BENEDICT :] La parole est à la Citoyenne Inès Korto, du Syndicat des Brigades.

[CITOYENNE INÈS KORTO (Syndicat des Brigades) :] Citoyen Premier Orateur, Camarades Délégués. Le Syndicat des Brigades aborde cette question non pas sous l'angle de la nostalgie ou de la peur d'une centralisation fantasmée, mais avec le pragmatisme de ceux qui connaissent la réalité du combat contre l'impérialisme sur le terrain, au quotidien.

La proposition SHSR nous présente un outil potentiellement puissant. La question fondamentale, pour nous, n'est pas tant de savoir si cet outil est trop coûteux ou trop centralisé, mais bien : à quoi va-t-il servir ? Quelle est la doctrine politique qui animera cette nouvelle flotte ? Sera-t-elle un simple bouclier passif, nous condamnant à regarder, impuissants, le capitalisme écraser les révolutions naissantes et exploiter les peuples du Sud Global ? Ou sera-t-elle le fer de lance d'une solidarité internationale active, capable d'intervenir là où nos idéaux sont bafoués, capable de soutenir matériellement et militairement ceux qui luttent pour leur émancipation ?

Le projet, tel que présenté par le Citoyen Rhys, manque cruellement de cette dimension idéologique et révolutionnaire. On nous parle de "sécurisation des routes commerciales" – pour qui ? Pour nos Keiretsus ? – de "dissuasion", de "stabilité régionale". Des mots creux, hérités du langage des puissances que nous sommes censés combattre ! Le Grand Kah n'a pas vocation à être un simple gendarme de ses propres intérêts mercantiles ou un gardien frileux de sa propre tranquillité ! Sa mission, inscrite dans le sang de nos martyrs, est universelle : l'émancipation de tous les peuples !

SHSR peut être utile, oui, mais à condition d'être mis au service d'une stratégie révolutionnaire globale offensive. Il faut une doctrine claire, affirmant notre rôle de soutien actif aux luttes anti-impérialistes, notre volonté de briser les chaînes du néocolonialisme, notre engagement aux côtés des exploités du monde entier. Sans cela, cette flotte ne sera qu'une coquille vide, un gaspillage de ressources et une trahison de notre idéal. Le Syndicat des Brigades demande donc non pas le rejet de SHSR, mais sa réorientation radicale vers une perspective authentiquement internationaliste et révolutionnaire !

(L'intervention reçoit le soutien bruyant des délégués proches du Syndicat et de certains membres de l'Avant-Garde. Le Premier Orateur donne la parole au Citoyen Aquilon Mayhuasca.)

[PREMIER ORATEUR BENEDICT :] La parole est au Citoyen Aquilon Mayhuasca, membre du Comité de Volonté Publique.

(Aquilon Mayhuasca monte à la tribune. Figure connue, associée au réarmement post-Junte, son intervention est attendue.)

[CITOYEN AQUILON MAYHUASCA (Comité de Volonté Publique) :] Citoyen Premier Orateur, Citoyennes et Citoyens Délégués. Le Comité de Volonté Publique a suivi avec la plus grande attention les interventions diverses et parfois contradictoires qui ont animé nos débats depuis hier. C'est là la richesse de notre démocratie confédérale : la confrontation des idées, même les plus radicales, au service de la recherche du bien commun.

Permettez-moi d'abord de répondre aux craintes exprimées quant à la nature de notre Garde Communale actuelle. Certains semblent encore nostalgiques des milices désorganisées des premiers temps, ou inversement, redoutent le spectre d'une armée centralisée et coupée du peuple. La Garde que nous avons patiemment reconstruite après les heures tragiques de la Junte est, j'ose l'affirmer, un compromis révolutionnaire dynamique. Elle allie la nécessaire coordination stratégique à l'échelle de l'Union, indispensable face aux menaces modernes, au maintien d'un ancrage communal fort et au contrôle démocratique de ses structures essentielles. N'en déplaise aux puristes ou aux alarmistes, cet outil, perfectible sans doute, est aujourd'hui au service de la Révolution et de la protection de nos communes, et non l'inverse.

Quant à la proposition Shin Hantei Suisen Riron, qui cristallise aujourd'hui nos attentions, le Comité de Volonté Publique l'aborde avec le sérieux qu'elle mérite. Nous ne la considérons pas comme un simple catalogue technique, ni comme une fatalité budgétaire. C'est un projet politique qui interroge notre vision de la défense, notre rapport au monde, et l'équilibre même de nos institutions. Les questions soulevées par les citoyens Vega, Perrin, Paz ou Vor sont légitimes et doivent trouver réponse. De même, l'appel à une vision internationaliste plus affirmée, portée par la Citoyenne Korto, résonne avec une part de notre héritage.

Le rôle du Comité de Volonté Publique n'est pas d'imposer une vision préconçue, mais de garantir que toute décision prise par cette Convention serve l'intérêt supérieur de l'Union et soit conforme aux principes du communalisme libertaire. Cette réforme navale, si elle devait être adoptée, devra s'intégrer harmonieusement dans notre doctrine de défense globale. Renforce-t-elle notre capacité à protéger chaque commune sans menacer l'autonomie locale ? Sert-elle l'idéal d'une Révolution Permanente, qui ne se limite pas à nos frontières, ou risque-t-elle de nous enfermer dans une logique de puissance classique ? Contribue-t-elle à l'émancipation ou risque-t-elle de créer de nouvelles dépendances, technologiques ou stratégiques ?

Ce sont ces questions fondamentales que le Comité de Volonté Publique examine actuellement. Notre conclusion ne sera pas hâtive. Elle sera le fruit d'une analyse approfondie, nourrie par les débats de cette assemblée et par les expertises de nos commissariats. Car la force, Camarades, sans la direction éclairée de l'idéal révolutionnaire, n'est qu'un chaos destructeur. Et l'idéal, sans la force nécessaire pour le défendre, n'est qu'une utopie désarmée. Trouver la voie de la synthèse, voilà notre tâche collective.

[CITOYENNE MAÏKO (Section Défense) :] Citoyen Premier Orateur ! Camarades ! Écoutez-vous ? Écoutez-vous la musique rassurante et endormie des comités, des commissions, des "analyses approfondies" pendant que le sol tremble sous nos pieds ? Écoutez-vous la prose prudente de ceux qui pèsent chaque mot pour ne froisser personne, pour préserver leurs équilibres précaires, pendant que le destin du Grand Kah, notre destin collectif, se joue dans l'urgence et dans le fer ?!

(Elle marque une pause.)

On nous parle d'"équilibre", de "synthèse", de "principes". Des mots ! Des mots vides face à la réalité brutale qui nous étreint ! Le Grand Kah n'est pas une abstraction philosophique, Camarades ! C'est un corps vivant, une volonté populaire incarnée, une flamme révolutionnaire qui refuse de s'éteindre dans un monde hostile ! Et ce corps est menacé ! Menacé de l'extérieur par la haine tenace des empires capitalistes, par la jalousie des nations décadentes qui ne supportent pas notre exemple ! Menacé de l'intérieur par la torpeur, par le doute distillé par les intellectuels de salon, par la bureaucratie stérile qui paralyse l'action, par la trahison de ceux qui, au nom d'un pacifisme lâche ou d'un internationalisme aveugle, sont prêts à sacrifier notre souveraineté !

Et face à cela, que nous offre-t-on ? Des "compromis révolutionnaires dynamiques" ? Des "examens sous toutes les coutures" ? Pendant ce temps, l'ennemi, lui, n'examine pas : il agit ! Il arme, il infiltre, il conspire ! Il attend notre faiblesse, notre division, notre moment d'inattention pour nous porter le coup fatal !

Cette réforme, SHSR, dont on débat avec tant de circonvolutions... Croyez-vous qu'elle effraie nos adversaires ? Croyez-vous que quelques navires de plus, si sophistiqués soient-ils, suffiront à garantir notre survie ? C'est une illusion ! Une dangereuse illusion ! Ce dont le Grand Kah a besoin, ce n'est pas d'un ajustement technique, c'est d'une Révolution dans la Révolution ! C'est d'un réveil total de la conscience nationale ! C'est d'une mobilisation de chaque fibre de notre être collectif !

Il nous faut briser les chaînes de la procédure qui entravent notre élan vital ! Il nous faut dépasser les querelles de clocher, les intérêts particuliers, les dogmes périmés ! Il nous faut retrouver l'esprit des fondateurs, l'audace des pionniers, la discipline de fer des premières brigades révolutionnaires ! Il faut une volonté unique, claire, inflexible, capable d'incarner l'âme du Kah et de la projeter avec force ! Une direction qui ne tremble pas, qui ne doute pas, qui marche d'un pas sûr vers le destin glorieux qui nous attend !

Le peuple des Communes, le vrai peuple, celui qui travaille, qui lutte, qui souffre, ne demande pas des rapports et des délibérations sans fin ! Il demande l'action ! Il demande l'ordre ! Il demande la sécurité ! Il demande qu'on lui montre la voie ! Il est prêt au sacrifice, si ce sacrifice a un sens, s'il est guidé par une main ferme et inspirée !

Arrêtons de nous payer de mots ! C'est l'heure de choisir ! Choisir entre la stagnation confortable qui mène à la mort lente, et le sursaut héroïque qui mène à la vie ! Choisir entre la paralysie démocratique et l'efficacité révolutionnaire ! Choisir entre les discours lénifiants et la volonté de puissance ! Le Grand Kah doit vivre ! Et il vivra, si nous osons enfin redevenir ce que nous sommes : une Nation révolutionnaire, fière, unie, et prête à forger son destin dans l'acier !

(Les bancs de la Section Défense sont debout, acclamant frénétiquement)

[CITOYEN VALERIUS ORSO (Section Défense) :] Citoyen Premier Orateur ! Camarades qui n'avez pas encore abdiqué ! La Citoyenne Maïko vient de prononcer les mots que le cœur de chaque véritable Kah-tanais attendait ! Les mots de la vérité nue, de l'urgence brûlante, de la nécessité implacable ! Assez de tergiversations ! Assez de compromis boiteux qui ne sont que des reculs déguisés ! Assez de cette rhétorique émasculée qui voudrait faire de notre Révolution une simple discussion de salon !

Le Kah, ce n'est pas une idée abstraite, c'est une force ! Une énergie tellurique qui exige de s'incarner dans l'action, dans la discipline, dans la volonté de puissance ! SHSR, comme l'a dit la Citoyenne Maïko, n'est qu'un symptôme de notre timidité actuelle ! Il faut voir plus grand, plus fort ! Il faut refonder l'Union sur des bases d'acier ! Purger nos rangs des éléments mous, des défaitistes, de ceux qui doutent, de ceux qui craignent ! Il faut une discipline rhêmienne, une abnégation spartiate !

Le monde ne comprend que le langage de la force ! Nos ennemis ne reculeront que devant notre détermination sans faille ! Nous devons être prêts au sacrifice suprême, non pas par désespoir, mais par choix ! Par amour sacré pour le Grand Kah ! Pour que vive l'Union, Une, Forte, Éternelle ! Levons-nous ! Retrouvons la fierté de nos ancêtres ! Forgeons la Jeunesse qui balaiera les scories du vieux monde et bâtira l'avenir radieux que nous méritons !
(Orso, le poing levé, entame d'une voix puissante le chant "Jeunesse". Immédiatement, les membres les plus fervents de la Section Défense se lèvent et reprennent le chant en chœur, frappant le sol en rythme.)

[CITOYEN LOXHA (Section Défense) :] Regardez-les ! Ceux qui hésitent ! Ceux qui calculent ! Ceux qui ont peur ! Ils sont la gangrène qui ronge l'Union ! Ils sont les complices objectifs de nos ennemis ! Demain, il sera trop tard ! Aujourd'hui, il faut choisir son camp ! Celui de la Révolution vivante, ou celui de la décadence et de la mort ! La volonté triomphera ! Pour le Kah ! Pour la Victoire ! Les Jours de Fer viendront !

(Les chants redoublent d'intensité. Quelques autres délégués nationalistes ou exaspérés par la lenteur des débats se joignent aux rangs de la Section Défense. Une partie de l'assemblée reste figée, choquée par la tournure des événements. D'autres protestent, mais leurs voix sont couvertes par le bruit.)

[PREMIER ORATEUR BENEDICT :] (Frappant son pupitre avec force, sa voix peinant à couvrir le vacarme) Ordre ! J'exige le retour à l'ordre ! Maintenez le calme ! Ceci est une assemblée délibérante, pas un rassemblement de faction ! Citoyen Orso, Citoyen Loxha, je vous rappelle à l'ordre ! Votre comportement est indigne de cette enceinte !

(Plusieurs délégués de clubs modérés se lèvent pour exprimer leur indignation et demander des sanctions.)

[CITOYEN ALARIC BLUM (Phalanstères) :] Citoyen Premier Orateur ! Ce que nous voyons est intolérable ! C'est l'irruption de la brutalité et de l'intimidation dans le sanctuaire de la démocratie communaliste ! L'appel à la violence, le culte d'une prétendue "pureté révolutionnaire", la diabolisation de ceux qui pensent différemment... tout cela rappelle les pires heures de l'Histoire, celles que notre Révolution visait précisément à abolir ! Nous demandons que des mesures soient prises contre ces atteintes répétées à la dignité de notre assemblée !

[CITOYENNE ELARA VANCE (Club de l'Impossible) :] Citoyen Premier Orateur ! La recherche désespérée d'un chef charismatique, l'appel à une "volonté unique" qui écraserait la diversité de nos communes et de nos opinions, ce n'est pas la force, c'est la négation même du projet communaliste ! Le communalisme, c'est l'intelligence collective, la délibération patiente, la reconnaissance de la complexité, et non la soumission aveugle à un individu ou à une faction ! Ce à quoi nous assistons est une tentative de coup de force symbolique, une mise en scène de la force brute pour masquer la vacuité des arguments ! Ne nous laissons pas impressionner !

[PREMIER ORATEUR BENEDICT :] La parole est à la Citoyenne Meredith. J'ose espérer, Citoyenne Coordinatrice, que votre intervention contribuera à ramener la sérénité nécessaire à la poursuite de nos travaux.

[CITOYENNE MEREDITH (Comité de Volonté Publique, Amies de la Commune) :] Citoyen Premier Orateur. Citoyennes, Citoyens. Ce que nous venons d'entendre, ce que nous venons de voir, n'est hélas pas seulement l'expression d'une divergence politique, aussi radicale soit-elle. C'est une manifestation inquiétante, une résurgence de méthodes et d'une rhétorique que nous espérions bannies à jamais de cette enceinte, et de notre Union. L'appel à la purge, le culte de la force brute, la diabolisation de l'adversaire, le mépris affiché pour les processus démocratiques… tout cela n'a rien à voir avec l'idéal révolutionnaire kah-tanais. Ce sont les stigmates d'idéologies sombres, celles qui ont mené des peuples entiers à la tyrannie et à la destruction. Le Comité de Volonté Publique condamne sans réserve ces tentatives d'intimidation et réaffirme solennellement son attachement indéfectible aux principes de la démocratie communale, du débat contradictoire et du respect de chaque voix, même discordante !

(Le calme revient progressivement, bien qu'une tension sourde persiste.)

Ceci étant dit, revenons à l'objet de nos délibérations : l'avenir de notre défense maritime et la proposition Shin Hantei Suisen Riron. Le Comité de Volonté Publique a entendu les arguments techniques, les aspirations stratégiques, les craintes économiques et les questionnements éthiques. Nous avons pris la mesure des défis sécuritaires réels ou potentiels qui se dressent devant l'Union. Ignorer ces défis serait une faute. Mais y répondre par une fuite en avant militariste, par une concentration accrue des pouvoirs, ou par une rupture avec nos principes fondateurs en serait une autre, plus grave encore.

La proposition initiale du Commissariat à la Paix, bien que techniquement fondée sur certains aspects, nous semble porter en elle les germes d'un déséquilibre potentiellement dangereux. Elle accorde une place prépondérante à l'outil militaire sans définir suffisamment les garde-fous politiques et doctrinaux indispensables. Elle engage des ressources colossales sans garantir une juste répartition de l'effort entre toutes les communes. Elle ouvre la voie à une capacité de projection qui pourrait nous éloigner de notre vocation défensive et nous entraîner sur des terrains qui ne sont pas les nôtres.

C'est pourquoi le Comité de Volonté Publique, après avoir pesé l'ensemble de ces éléments, après avoir écouté les différentes sensibilités exprimées au sein de cette assemblée – des plus ardentes aux plus prudentes –, a élaboré une proposition amendée. Une proposition qui cherche une voie de synthèse, non pas un compromis médiocre, mais une solution exigeante, fidèle à nos idéaux tout en étant lucide sur les réalités du monde.

Nous proposons donc d'accepter le principe d'une modernisation ciblée et strictement nécessaire de nos capacités navales. Là où l'obsolescence est avérée, là où la sécurité immédiate de nos communes ou de nos voies d'approvisionnement l'exige impérativement, nous devons avoir les moyens adaptés. Cette nécessité devra être établie non pas par le seul Commissariat à la Paix, mais par une commission d'évaluation indépendante, pluraliste, associant experts techniques, représentants des communes et garants de nos principes éthiques, et dont les conclusions seront rendues publiques et soumises à votre ratification.

Mais, et j'insiste sur ce point car il est au cœur de notre démarche, cet effort de modernisation ne pourra se faire qu'à une condition absolue : qu'il s'accompagne, dans le même temps et avec la même force contraignante, d'une révision fondamentale de notre Charte de Défense et des structures de la Garde Communale. Cette révision devra graver dans le marbre de notre loi fondamentale plusieurs principes intangibles :
Primo, le caractère strictement et exclusivement défensif de toute force armée de l'Union. Toute doctrine, toute structure, toute capacité visant à la projection de force offensive systémique au-delà de la défense immédiate de notre territoire ou de nos ressortissants devra être proscrite et démantelée.

Secundo, le renforcement substantiel du contrôle démocratique exercé par cette Convention Générale et par l'Assemblée des Communes sur l'ensemble de l'appareil militaire, y compris sur la nomination, l'évaluation et la révocation des membres du Directoire de la Garde. La transparence devra être la règle, le secret l'exception strictement justifiée et encadrée.

Tertio, l'instauration de mécanismes de rotation obligatoire et de limitation des mandats pour tous les hauts responsables militaires, afin d'empêcher toute constitution de fiefs personnels ou de dérives corporatistes au sein de la Garde.

Quarto, l'affirmation que la défense communaliste repose d'abord sur la vitalité démocratique, la cohésion sociale et la force morale de nos communes, l'outil militaire n'étant qu'un recours ultime et subsidiaire. Une part significative des ressources potentiellement allouées à SHSR devra être réorientée vers des programmes de prévention des conflits, de diplomatie active, de soutien à la résilience de nos communes et de promotion de notre idéal de paix.

Citoyennes, Citoyens, ce que le Comité de Volonté Publique vous propose aujourd'hui n'est pas une voie facile. Elle exige de la rigueur, de la nuance, et un attachement sans faille à nos principes. Elle dit oui à la sécurité, mais non à la dérive militariste. Elle dit oui à la modernité, mais non à l'oubli de nos idéaux. Elle dit oui à la force maîtrisée, mais non à la force aveugle. Nous vous proposons de forger des boucliers plus solides, à la condition expresse de nous assurer collectivement qu'ils ne deviendront jamais des épées incontrôlables. C'est, nous en sommes convaincus, la seule voie digne de l'héritage révolutionnaire kah-tanais et de l'avenir que nous voulons construire pour nos enfants. J'appelle cette assemblée à la sagesse et à la responsabilité.

[PREMIER ORATEUR BENEDICT :] Je remercie la Citoyenne Coordinatrice du Comité de Volonté Publique pour cette intervention structurante. La parole est maintenant ouverte aux réactions sur la proposition amendée.

(Un brouhaha immédiat et intense emplit l'hémicycle. Le Premier Orateur peine à maintenir l'ordre des prises de parole.)

[CITOYENNE MAÏKO (Section Défense) :] (Se levant brusquement) Une "synthèse exigeante" ? Non, Citoyenne Meredith, c'est une capitulation déguisée ! Un acte de sabotage minutieusement orchestré pour désarmer l'Union au moment où elle a le plus besoin de sa force ! Vous parlez de "contrôle démocratique" pour mieux paralyser notre défense ! Vous parlez de "principes" pour mieux masquer votre refus d'affronter la réalité ! Cette proposition n'est qu'une trahison, une insulte aux sacrifices de nos soldats et à la volonté de puissance du peuple kah-tanais ! Nous la rejetons en bloc !

(Des cris d'approbation violents fusent des bancs de la Section Défense. Quelques objets sans conséquence sont lancés en direction de la tribune du Comité.)

[CITOYEN IONAS VEN DHAL (Club du Temple) :] (Demandant la parole avec véhémence) Citoyen Premier Orateur ! La proposition du Comité de Volonté Publique est inacceptable ! Conditionner la modernisation nécessaire de notre défense à une révision constitutionnelle dont les termes mêmes visent à en annihiler la portée, c'est vider le projet SHSR de toute substance ! C'est nous condamner à l'impuissance sous couvert de vertu ! La Citoyenne Meredith, par cette manœuvre politicienne, prend la responsabilité historique de fragiliser l'Union face aux périls qui la guettent ! Le Club du Temple ne peut cautionner un tel renoncement !

[CITOYEN ELIAN PAZ (Confédération & Collaboration) :] Enfin ! Enfin une parole de raison et de courage dans cette enceinte ! Enfin une réaffirmation claire que la force de l'Union réside dans ses communes et ses idéaux, et non dans ses arsenaux ! Oui, la défense doit rester strictement défensive ! Oui, le contrôle citoyen doit être absolu ! La proposition du Comité de Volonté Publique est un premier pas essentiel pour ramener notre Union sur la voie authentique du communalisme et de la paix !

(Des acclamations nourries répondent à son intervention depuis les bancs des pacifistes et des décentralisateurs.)

[CITOYEN CASSIAN VOR (Amicale Sociale-Démocratique) :] Quels seront les contours exacts de cette révision constitutionnelle ? Qui en définira les modalités ? Ne risque-t-on pas, sous couvert de contrôle démocratique, de créer de nouvelles instances bureaucratiques paralysantes ?

[CITOYENNE LYRA VALOIS (Club de l'Avant-Garde) :] Une posture "strictement défensive" ?! Mais c'est la négation même de l'élan révolutionnaire ! C'est condamner le Grand Kah à l'immobilisme, à la frilosité ! C'est renoncer à notre devoir de solidarité internationale active ! Cette proposition est une vision étriquée, réactionnaire, indigne de l'audace qui a toujours caractérisé notre mouvement ! L'Avant-Garde ne peut accepter ce retour en arrière !

[CITOYEN SORIN VEGA (Club de l'Ouverture) :] La proposition du Comité rebat entièrement les cartes. Ses implications économiques et diplomatiques sont considérables et potentiellement contradictoires. D'un côté, elle pourrait rassurer certains partenaires effrayés par une montée en puissance militaire trop rapide. De l'autre, les conditions posées risquent de rendre le programme SHSR beaucoup plus complexe, coûteux et long à mettre en œuvre, voire irréalisable en l'état. Le Club de l'Ouverture demande un temps d'analyse approfondi avant de se prononcer sur cette nouvelle configuration.

(Les discussions s'intensifient dans toutes les travées. Des groupes se forment, les délégués échangent arguments et contre-arguments avec passion. La proposition de Meredith a clairement fracturé l'assemblée, rendant impossible un consensus rapide.)

[PREMIER ORATEUR BENEDICT :] Ordre, Citoyennes et Citoyens ! Ordre ! Il apparaît manifeste que la proposition amendée par le Comité de Volonté Publique suscite des réactions profondes et divergentes qui nécessitent une réflexion approfondie au sein de chaque groupe et commission de cette Convention. Poursuivre la délibération dans ces conditions serait contre-productif. En conséquence, usant des prérogatives qui me sont conférées, je prononce la suspension immédiate de cette session. Les travaux ne reprendront que lorsque les consultations nécessaires auront eu lieu et que le bureau de la Convention jugera que les conditions d'un débat serein et constructif sont à nouveau réunies.

La séance est levée !

TL;DRLe Parlement Général du Grand Kah s’est réuni en session ordinaire pour examiner la proposition de réforme stratégique navale Shin Hantei Suisen Riron (SHSR), soumise par le Commissariat à la Paix. Présentée comme une modernisation technique indispensable, la proposition prévoit la création d'une importante flotte militaire, accompagnée d’une refonte logistique et doctrinale complète afin de pouvoir mener des guerres sur des théâtres lointains.

Le débat dégénère lorsqu'une frange radicale (Section Défense) entonne des chants partisans au sein de l'Assemblée. La citoyenne Meredith recadre l’assemblée en réaffirmant les fondements démocratiques de l’Union, tout en insistant sur la nécessité d’un équilibre entre sécurité et fidélité aux principes communalistes.

La session est suspendue sans vote, le débat ayant mis en lumière une polarisation extrême entre militarisme autoritaire, pacifisme radical et tentatives de synthèse institutionnelle. Le sort du projet SHSR demeure incertain, suspendu aux consultations et arbitrages futurs.
Akai Kagami
Le Miroir Rouge, définitivement radical.

15/08/2016Quand les "Civilisés" Bafouillent : Sylva et le Fantasme de l'Empire


Il semblerait que la dernière "analyse" sortie des officines de pensée ducales de Sylva ait réussi l'exploit de faire le tour des Communets plus vite qu'une rumeur de rationnement de xocolatl. Et pour cause ! Lire que le Grand Kah, notre Union de Communes, Syndicats et Républiques, serait qualifié "d'Empire Colonial" détenant des "proxies" a de quoi provoquer, au choix, un rire sardonique ou une nausée tenace. Chez nous, à la rédaction du Miroir Rouge, on penche pour un mélange des deux, avec une forte envie de distribuer quelques exemplaires de Nkrumah à ces "éditorialistes de salon" qui découvrent la géopolitique entre deux coupes de vin sucré.

Car enfin, de quelle "expertise" ces pontes sylvois se prévalent-ils pour nous faire la leçon sur l'impérialisme ? Eux, dont l'économie repose encore sur des mécanismes qui ne sont pas sans rappeler les plus belles heures de l'exploitation ? Eux, dont les chaînes d'approvisionnement, si l'on gratte un peu le vernis propret, révèlent des prolétariats étrangers maintenus dans des conditions que nos ancêtres révolutionnaires auraient qualifiées, au bas mot, de serviles ? Il y a une ironie mordante, une sorte de comique tragique, à voir un Duché où le "travail d'esclaves" – appelons un chat un chat – n'est pas une relique du passé mais une discrète réalité économique, se draper dans les oripeaux du donneur de leçons anti-coloniales.

L'anti-impérialisme et l'anti-colonialisme ne sont pas pour nous des slogans creux, mais le socle même de notre existence politique et de notre vision du monde. Notre soutien à des mouvements ou à des nations, lorsqu'il s'exprime, est toujours conditionné par une convergence de principes : souveraineté populaire, autodétermination, lutte contre l'oppression. Imaginer que cet engagement puisse être dicté par une allégeance à une puissance "coloniale" tierce est une insulte à l'intelligence et à l'autonomie de la pensée stratégique kah-tanaise.

L'ironie est mordante : c'est au nom d'une prétendue "cohérence" que ces analystes sylvois projettent sur le Grand Kah des schémas de pensée qui sont précisément ceux des empires qu'ils prétendent peut-être, par ailleurs, dénoncer. Confondre un soutien basé sur des valeurs partagées (ou du moins, une opposition à des ingérences jugées illégitimes) avec une relation de "proxy" révèle une vision du monde où les petites nations ne peuvent qu'être les instruments des grandes, une vision que le Grand Kah s'est toujours efforcé de déconstruire.

Peut-être ces "experts" sont-ils tellement habitués aux jeux d'influence et aux relations de vassalité qui caractérisent certaines sphères qu'ils peinent à concevoir une politique étrangère motivée par autre chose que le calcul cynique ou la soumission à un suzerain invisible. Ou peut-être est-ce là une tentative, à peine voilée, de délégitimer toute affinité ou soutien que le Grand Kah pourrait trouver sur le continent Afaréen comme il le fait depuis deux siècles, en le peignant sous les traits d'un agent d'une force obscure et dominatrice.

Quoi qu'il en soit, cette analyse, relayée sans distance critique apparente par la presse du Duché, en dit long sur les défis persistants de la communication et de la compréhension mutuelle. Le Grand Kah continuera, pour sa part, de fonder sa politique sur ses principes, n'en déplaise aux "experts" qui voudraient nous enfermer dans les catégories éculées d'un ancien monde que nous pensions, naïvement peut-être, avoir commencé à laisser derrière nous. Il serait souhaitable que l'analyse géopolitique, même au sein de nations avec lesquelles nous entretenons des relations, s'élève au-dessus de telles simplifications caricaturales.

Mais passons sur l'indécence, pour nous concentrer sur l'ignorance crasse. Le concept de néo-colonialisme, tel que théorisé par les voix lucides des peuples anciennement opprimés, semble être une terra incognita pour ces "experts". Le néo-colonialisme, rappellons-le à ceux qui ont séché les cours d'histoire populaire, c'est cet état où un pays, théoriquement indépendant, voit son système économique et donc sa politique dirigés de l'extérieur. C'est le contrôle des marchés, la manipulation des prix des matières premières, l'imposition de "l'aide" comme un crédit revolving qui ne fait qu'accroître la dépendance et les profits du "bienfaiteur". C'est l'ingérence culturelle, idéologique, la formation de élites locales serviles aux intérêts étrangers. Le Grand Kah, avec son projet communaliste, son autarcie relative mais revendiquée, et son anti-impérialisme viscéral, se situe aux antipodes de cette définition. Nos alliances et nos soutiens vont aux peuples en lutte pour leur émancipation, non à des régimes fantoches destinés à servir nos intérêts. Confondre solidarité révolutionnaire et contrôle impérial, c'est au mieux de la paresse intellectuelle, au pire de la malhonnêteté pure et simple.

Et la réaction au sein de l'Union ne s'est pas fait attendre. Sur les forums des Communets, la colère gronde, particulièrement au sein de nos communes Nazumies et Afaréennes. Eux, qui ont arraché leur liberté au prix du sang et de sacrifices immenses, qui ont bâti leurs institutions sur les ruines fumantes du colonialisme, se voient aujourd'hui insultés, leurs accomplissements révolutionnaires balayés d'un revers de main condescendant par des éditorialistes qui n'ont jamais connu que le confort ouaté de leurs salons ducaux. L'agitation est palpable. Déjà, des appels au boycott des rares produits culturels sylvois qui s'aventurent sur nos réseaux se multiplient. Une façon spontanée, populaire, de signifier que la dignité des peuples n'est pas négociable et que la mémoire des luttes est vive.

Ce "dérapage" sylvois, car il faut bien l'appeler ainsi, est symptomatique d'une vision du monde profondément viciée, incapable de concevoir des relations internationales hors du prisme dominant/dominé. Que Sylva se rassure : le Grand Kah n'est l'empire de personne, sinon celui de ses propres citoyens. Et nous n'avons de leçons à recevoir de personne, surtout pas de ceux qui n'ont pas encore balayé devant leur propre porte. La Révolution continue, avec ou sans la compréhension des salons sylvois. Qu'ils méditent cela, si tant est que l'honnêteté intellectuelle guide ces nouveaux chiens de garde.

Un dossier spécial sur les mécanismes du néo-colonialisme moderne et les exemples d'hypocrisie occidentale sera publié dans notre prochaine édition.
Le Regard
Le Regard, une autre vision du monde.

08/09/2016Solidarité en mer d'Azur : manœuvres conjointes face à la dérive fujiwane et implications pour notre défense


Alors que le régime shogunal du Fujiwa intensifie sa rhétorique belliqueuse et sa propagande anti-kah, l'Union des Communes, aux côtés de ses partenaires de la République Démocratique du Wanmiri et de la Republik Sosialis Negara Strana, s'apprête à conduire des exercices navals conjoints. Ces manœuvres, démonstration de solidarité et de détermination, interviennent dans un contexte de tensions régionales croissantes et alors même que le débat entourant la réforme stratégique des capacités navales de l'Union s'enlise. Cet article explore les motivations de ces exercices, analyse la menace fujiwane, et évalue l'influence de ce déploiement sur nos choix stratégiques et les potentielles mesures restrictives à l'encontre de Sokshō.

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L'évolution récente du Fujiwa sous la férule du Shogun Ishida Shimura est une source de préoccupation majeure pour l'Union et ses alliés. Depuis la réforme constitutionnelle de 2015, le pays a connu une consolidation autoritaire marquée par la dissolution des partis politiques traditionnels au profit d'une structuration idéologique autour des "Trois Justices" – Absolue, Incertaine, et Paresseuse. Si ce nouveau cadre est présenté par le régime comme une expression de la "conscience morale" du peuple, il masque mal une concentration du pouvoir exécutif et une marginalisation des voix véritablement dissidentes, comme en témoignent les rapports récents sur le contrôle accru des médias, notamment via le forum en ligne Nezumi.fj où des journalistes expriment leurs craintes sous couvert d'anonymat. La Diète nationale, autrefois lieu de débat parlementaire, semble avoir été réduite à un rôle de "miroir moral", entérinant les orientations fixées par le Shogunat plutôt que d'exercer un réel contre-pouvoir.

Cette transformation interne s'accompagne d'une propagande anti-kah de plus en plus agressive et systématisée. L'endoctrinement commence dès le plus jeune âge, avec une révision des manuels scolaires, désignée par certains observateurs critiques au Fujiwa même comme le "Miroir Déformant du Kah". Notre idéal communaliste libertaire y est caricaturé, présenté comme une menace impérialiste pour la stabilité du Nazum. L'objectif de cette manœuvre semble double : d'une part, consolider le régime shogunal en fabriquant un ennemi extérieur commode et, d'autre part, tenter de délégitimer les aspirations à la souveraineté populaire et à l'autonomie des peuples voisins, notamment les Wanmiriens et les Stranéens, accusés de collusion avec notre Union.

Les actes de provocation et la montée des tensions régionales ne sont que la suite logique de cette dérive. L'instrumentalisation par Sokshō de l'incident tragique du chalutier burujois Heiwana – coulé, rappelons-le, par des mines coloniales listoniennes en mer d'Azur – pour justifier une posture belliqueuse et une rhétorique pan-nazumi agressive est symptomatique. Le déploiement de forces navales fujiwanes et les récents exercices militaires terrestres près de la frontière de l'enclave coloniale listonienne, dans les plaines de Honkumo, signalent une volonté de démonstration de force qui pourrait menacer la libre navigation et les principes de résolution pacifique des conflits dans la région.

Il est impossible d'analyser cette évolution sans considérer le rôle des puissants conglomérats fujiwans, les Zaibatsu. Des entités comme Arasaka, Asō Company (dirigée par Okada Asō, également fondateur du réseau ultranationaliste Kataclysmic) et NeoPetro, semblent non seulement soutenir le régime shogunal mais aussi en bénéficier, leurs intérêts économiques se trouvant souvent alignés sur l'agenda nationaliste et expansionniste. Le réseau Kataclysmic lui-même, avec son idéologie révisionniste et impérialiste, trouve un terreau fertile dans les institutions et la rhétorique du Shogunat, créant un dangereux cercle vicieux où les intérêts économiques, politiques et idéologiques se renforcent mutuellement au détriment de la paix et de la démocratie régionale.

Face à cette posture de plus en plus affirmée du Fujiwa, la décision de mener des exercices navals conjoints entre l'Union des Communes, la République Démocratique du Wanmiri et la Republik Sosialis Negara Strana en mer d'Azur prend tout son sens. Ces manœuvres visant à signaler une convergence d'intérêts et une volonté commune de préserver un certain équilibre dans une région stratégique du Nazum. Le choix de la mer d'Azur, carrefour de routes maritimes importantes et zone de tensions potentielles, est en soi significatif.

Les raisons qui animent cette initiative tripartite sont multiples. Il s'agit avant tout d'une démonstration de solidarité et de résolution entre nations partageant des préoccupations similaires face à la politique expansionniste et à la rhétorique agressive de Sokshō. C'est un message clair envoyé au régime shogunal : son unilatéralisme trouve une réponse coordonnée. Ces exercices servent également un objectif de dissuasion. Il ne s'agit pas d'une menace directe, mais d'une indication ferme que toute tentative de déstabilisation ou d'agression ne resterait pas sans réponse concertée. La protection des intérêts économiques et des voies d'approvisionnement vitales pour nos nations respectives est un enjeu central.

Sur un plan plus technique, mais non moins important, ces manœuvres visent à renforcer l'interopérabilité entre nos flottes. Comme l'ont souligné les récentes discussions initiées par la Citoyenne Actée Iccauhtli à Heon-Kuang, et appuyées par la proposition de la Première Commissaire stranéenne Kawaya Haryanto, la capacité à opérer conjointement, à partager des informations et à coordonner nos actions est essentielle. Ces exercices offrent un cadre concret pour tester et améliorer ces mécanismes de coopération, rendant notre alliance plus crédible et efficace. Il s'agit de s'assurer que, si la situation l'exigeait, nos forces pourraient agir de concert avec un minimum de friction et un maximum d'efficience.

Enfin, il ne faut pas sous-estimer la portée symbolique de ce déploiement. Pour les peuples du Nazum qui observent avec inquiétude la montée en puissance du nationalisme fujiwan, ces manœuvres peuvent représenter un signe d'espoir et un rappel que des alternatives à la soumission ou à l'isolement existent. C'est aussi une manière pour notre Union de traduire en actes les principes de solidarité internationale, même avec des partenaires qui, comme le Wanmiri, ne partagent pas intégralement notre cadre idéologique, mais avec qui nous trouvons fréquemment des terrains d'entente, comme ici face à une menace commune.

La nature précise des exercices engagés reflète ces objectifs. Il est attendu que les flottes se concentrent sur des manœuvres défensives conjointes, telles que la simulation de protection de convois marchands, la défense anti-aérienne coordonnée et des opérations anti-surface. Une attention particulière sera sans doute portée aux opérations de communication sécurisée et à l'intégration des systèmes de commandement, éléments cruciaux pour toute action collective. Enfin, des exercices de surveillance et de reconnaissance maritime pourraient être menés : il s'agit de montrer que la mer d'Azur n'est pas un espace où une seule puissance peut imposer sa loi sans concertation.

Au sein de l'Union, ces manœuvres conjointes en mer d'Azur résonnent avec une acuité particulière, intervenant au cœur d'un débat intense et parfois passionné sur l'avenir de notre propre outil de défense : la proposition de réforme stratégique des capacités navales, connue sous le nom de Shin Hantei Suisen Riron (SHSR). La présentation de ce plan par le Commissariat à la Paix a cristallisé les divergences profondes qui traversent la Convention Générale et la société kah-tanaise dans son ensemble. D'un côté, des voix à tendance technocratique soulignent la nécessité technique d'une modernisation face à l'évolution des menaces. De l'autre, des courants plus pragmatiques expriment des craintes légitimes quant aux implications économiques, diplomatiques et au risque d'une escalade. Une sensibilité forte met l'accent sur l'impératif d'un contrôle démocratique renforcé sur tout appareil militaire, tandis que certaines factions pacifistes rejettent fondamentalement toute logique de puissance militaire au nom des idéaux communalistes. À l'autre bout du spectre, des appels à une perspective révolutionnaire internationale active pour l'emploi de toute force renforcée se font entendre, contrastant avec des discours prônant une mobilisation nationale radicale et une primauté de la force brute. Face à ces positions diverses, le Comité de Volonté Publique s'efforce de tracer une voie de synthèse, privilégiant une modernisation maîtrisée, ciblée et strictement encadrée par nos principes démocratiques.

Dans ce contexte, les exercices navals avec nos partenaires wanmiriens et stranéens ne peuvent qu'influencer ce débat crucial. Pour les partisans d'une modernisation de notre flotte, même celle amendée par le Comité de Volonté Publique, la situation au Fujiwa et la tenue de ces manœuvres constituent une démonstration concrète de la nécessité d'agir. La menace fujiwane, bien qu'encore lointaine et théorique, se matérialise chaque jour un peu plus par des actes et une rhétorique qui exigent une posture de vigilance et une capacité de réponse. Ces exercices soulignent l'importance de posséder des plateformes modernes et interopérables, à l'image des frégates polyvalentes de classe Justice envisagées dans SHSR, capables d'opérer efficacement aux côtés de nos alliés. De même, la capacité de sanctuariser nos approches maritimes, que les submersibles de classe "Nocturne" sont censés garantir, prend tout son sens face à un acteur régional imprévisible. Cependant la coopération affichée en mer d'Azur démontre que notre sécurité repose aussi sur la solidité de nos alliances, alliances qui nécessitent que nous soyons un partenaire crédible et capable.

Pour les tenants d'une approche plus prudente et axée sur le contrôle démocratique, la ligne défendue par la Citoyenne Meredith et le CVP trouve également un écho dans ces manœuvres. Si la coopération internationale est une force, elle doit aussi nous prémunir contre les dérives d'un réarmement unilatéral et potentiellement déstabilisateur. Les exercices conjoints peuvent être présentés comme un modèle de sécurité collective, une alternative ou un complément puissant à une simple accumulation de matériel. Ils renforcent l'argumentaire en faveur des garde-fous proposés par le CVP : le caractère strictement défensif de nos forces, un contrôle démocratique accru par la Convention Générale et l'Assemblée des Communes, et des mécanismes empêchant toute concentration excessive du pouvoir militaire. L'objectif est de s'assurer que les futurs moyens navals kah-tanais servent cette coopération éclairée et la défense légitime de nos communes et de nos principes, et ne deviennent jamais les instruments d'une politique étrangère plus interventionniste redoutée par certains, ou pire, d'un "césarisme naval" qui trahirait l'essence de notre Révolution.

Il est probable que chaque faction au sein de la Convention interprétera ces événements à travers son propre prisme. Les cercles technocratiques et les modérés pro-défense y verront une confirmation de la nécessité de SHSR, tout en valorisant l'aspect coopératif si les amendements du CVP sont adoptés. Les idéologues de la Section Défense, s'ils maintiennent leur ligne, pourraient y voir une justification pour accélérer un réarmement encore plus massif, critiquant peut-être le cadre "limité" de la coopération actuelle et appelant à une posture plus unilatéralement dominante du Grand Kah. Le Syndicat des Brigades pourrait saluer la démonstration de force alliée, mais exigerait sans doute que cette capacité soit explicitement orientée vers un soutien actif aux luttes anti-impérialistes globales, au-delà d'une simple posture défensive régionale. Les pacifistes de Confédération & Collaboration pourraient demeurer divisés : certains percevant une escalade dangereuse, d'autres, plus pragmatiques, y voyant une alternative préférable à un réarmement purement national, à condition que les manœuvres restent strictement défensives et concertées. Enfin, le Club de l'Ouverture analysera avec soin l'impact de ces exercices sur les relations commerciales avec le Fujiwa et les autres puissances régionales, et évaluera si cela renforce ou complique la position économique et diplomatique du Grand Kah.

Les manœuvres navales en mer d'Azur ne constituent qu'un volet, visible et dissuasif, de la réponse que l'Union des Communes et ses partenaires wanmiriens et stranéens entendent apporter à la dérive autoritaire du Fujiwa. En parallèle de cette démonstration de solidarité maritime, des discussions intenses se poursuivent, dans le sillage de la rencontre tripartite initiée à Heon-Kuang sous l'égide de la Citoyenne Actée Iccauhtli, pour élaborer une stratégie commune de pression sur le régime de Sokshō. L'objectif est clair : définir une série de mesures restrictives, graduées et coordonnées, visant à contenir l'influence déstabilisatrice du Fujiwa, à soutenir les forces démocratiques et progressistes au sein du Nazum, et à rappeler au Shogunat que ses actions ne resteront pas sans conséquences.

Au cœur de ces délibérations figurent plusieurs types de sanctions potentielles, actuellement en cours d'examen et d'élaboration. Sur le plan économique et commercial, l'idée n'est pas d'imposer un blocus généralisé qui pénaliserait aveuglément la population fujiwane, mais plutôt d'appliquer des restrictions ciblées. Celles-ci pourraient viser spécifiquement les importations en provenance du Fujiwa ou les exportations vers ce pays dans des secteurs clés qui alimentent son appareil militaro-industriel ou qui profitent directement aux Zaibatsu les plus intimement liés au régime shogunal – des noms comme Arasaka ou Asō Company, dont l'implication dans le financement de factions nationalistes a déjà été documentée, sont naturellement au centre des attentions. La révision, voire la suspension, d'accords commerciaux existants, s'ils impliquent directement ou indirectement le Fujiwa, est également une piste explorée.

Sur le plan financier, les discussions s'orientent vers une vigilance accrue concernant les flux de capitaux. Il pourrait s'agir de limiter les investissements kah-tanais, wanmiriens ou stranéens vers le Fujiwa dans des secteurs stratégiques identifiés comme soutenant la politique du Shogun, ou inversement, de restreindre les investissements fujiwans dans les économies alliées s'ils sont jugés hostiles ou déstabilisateurs. La possibilité d'un gel ciblé des avoirs détenus dans nos juridictions par des personnalités clés du régime shogunal ou des figures éminentes du réseau Kataclysmic, dont l'influence néfaste n'est plus à démontrer, est également sur la table, bien que sa mise en œuvre nécessite une coordination juridique complexe.

En matière technologique, la préoccupation est d'éviter que le savoir-faire et les innovations de nos nations ne servent à renforcer l'appareil répressif ou militaire fujiwan. Un embargo ou, a minima, un contrôle strict des transferts de technologies duales – celles ayant des applications civiles et militaires – est sérieusement envisagé, particulièrement pour les technologies de surveillance, de communication cryptée avancée ou celles liées à l'armement.

Sur le plan diplomatique, l'effort se concentrerait sur une coordination étroite des messages et actions de l'Union et de ses partenaires. Les Accords de Sokcho, en tant que principal forum interétatique régional identifié, constituent une plateforme privilégiée pour exercer une pression concertée. L'objectif serait d'y présenter un front uni pour dénoncer les agissements du Fujiwa, voire obtenir des condamnations formelles de ses violations des normes de bon voisinage et de respect de la souveraineté des peuples. Au-delà de cette instance, la coordination des messages diplomatiques bilatéraux avec d'autres acteurs du Nazum et du monde sera essentielle pour isoler le régime de Sokshō et l'amener à reconsidérer sa politique.

La mise en œuvre de telles mesures n'est cependant pas sans défis pour le Grand Kah. Un consensus solide au sein de l'alliance tripartite avec le Wanmiri et le Negara Strana est un prérequis absolu, et l'idéal serait d'obtenir un soutien, ou du moins une neutralité bienveillante, d'autres acteurs régionaux pour maximiser l'impact de ces sanctions. Des sources internes au commissariat aux affaires extérieures ont déjà signifiées que toute mesure restrictive devrait être "mesurée et pensée". Il est crucial de cibler avec précision le régime shogunal et ses soutiens directs, tout en s'efforçant de minimiser les conséquences négatives pour la population fujiwane, qui n'est pas uniformément acquise à la cause de ses dirigeants. Nous devrons également anticiper les éventuelles contre-mesures du Fujiwa et de ses rares alliés. Enfin, toute action entreprise devra être en parfaite cohérence avec les principes fondateurs de l'Internationale Libertaire et notre engagement historique contre toute forme d'impérialisme, en veillant à ce que nos propres actions ne puissent être interprétées comme une ingérence illégitime, mais bien comme une défense de la paix et de l'autodétermination des peuples.

Les exercices navals conjoints qui se déploient en mer d'Azur, tout comme les délibérations en cours sur d'éventuelles mesures restrictives à l'encontre du régime shogunal fujiwan, ne sauraient être interprétés comme une fin en soi. Ils constituent plutôt les instruments visibles et concertés d'une politique plus large, visant à contenir l'autoritarisme croissant du Fujiwa et à défendre les valeurs de souveraineté populaire, de coopération internationale et de respect mutuel qui sont au cœur de l'idéal kah-tanais et partagées, sur bien des aspects, par nos alliés wanmiriens et stranéens. Face à un voisin qui instrumentalise le nationalisme et révise l'histoire pour asseoir son pouvoir, la passivité n'est pas une option.

Au sein même de l'Union des Communes, cette situation internationale vient éclairer d'une lumière crue les enjeux de notre propre débat sur la réforme Shin Hantei Suisen Riron. La menace fujiwane et la nécessité d'opérer aux côtés de nos partenaires régionaux rappellent l'impératif d'une défense crédible et adaptée aux défis contemporains. Mais elle souligne, avec une force égale, l'urgence de subordonner tout renforcement de nos capacités militaires à un contrôle démocratique rigoureux et à une doctrine strictement alignée sur nos principes anti-impérialistes et communalistes. La proposition amendée du Comité de Volonté Publique, cherchant cet équilibre délicat, apparaît ainsi non pas comme un compromis timoré, mais comme une voie de sagesse révolutionnaire.

La voie kah-tanaise, aujourd'hui comme hier, réside dans cette tension créatrice : celle qui allie la force nécessaire pour protéger nos communes, nos acquis sociaux et nos idéaux, à la lucidité constante pour que cette force ne devienne jamais une fin en soi, ni l'instrument d'une dérive autoritaire que nous combattons chez les autres. Le Grand Kah, fidèle à son histoire et aux sacrifices de ceux qui l'ont bâti, continue de naviguer en ces eaux troubles, portant l'étendard d'une Révolution Permanente qui se veut à la fois vigilante et porteuse d'espoir pour un ordre régional et mondial plus juste et émancipé. Les défis posés par le Fujiwa sont sérieux, mais ils sont aussi l'occasion de réaffirmer, par l'action concertée et la réflexion interne, ce qui fonde notre engagement indéfectible envers la liberté des peuples.
Le Regard
Le Regard, une autre vision du monde.

10/10/2016Gondo : Entre opérations clovaniennes et un scrutin contesté, la guerre civile se prolonge


Le Gondo, nation afaréenne déchirée par un conflit civil qui dure depuis maintenant plus de cinq ans, continue d'être le théâtre d'évolutions complexes et souvent contradictoires. Alors que des appels timides à la paix et des tentatives de cessez-le-feu émergent sporadiquement, les opérations militaires d'envergure et les crises politiques internes rappellent cruellement la précarité de toute avancée vers une résolution durable. Ces dernières semaines ont été particulièrement marquées par l'offensive clovannienne dite "Opération Libération" et par un scrutin présidentiel dont la légitimité est, une fois de plus, largement remise en question.

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Depuis plusieurs mois, une forme de cessez-le-feu, bien que constamment violée et fragile, a permis une accalmie relative sur certains fronts. Cette pause dans les combats à grande échelle avait même permis d'entrevoir la possibilité d'une coordination accrue entre les diverses factions rebelles opposées au régime du Président Désiré Flavier-Bolwou. Un "front commun" s'était esquissé, notamment à travers des communiqués conjoints, dont le dernier en date rejette unanimement les résultats des récentes élections.

Cependant, cette coalition reste largement de façade. Si l'ennemi commun – le régime de Sainte-Loublance – cimente une opposition de principe, les divergences idéologiques, les ambitions territoriales et les soutiens extérieurs variés des différents groupes (des forces de l'Armée Démocratique du Gondo (AD) à des mouvements plus ethniquement définis comme le Mouvement de Libération Likra (MLL), en passant par d'autres milices aux allégeances fluctuantes) rendent toute unité stratégique et opérationnelle profondément complexe. La méfiance mutuelle, héritage de trahisons passées et de luttes intestines, demeure un obstacle majeur à une véritable alternative unifiée.

C'est dans ce contexte qu'a été lancée l'Opération Libération par les forces impériales clovanniennes, présentes au Gondo depuis plusieurs années. Officiellement destinée à sécuriser des zones clés et à combattre les "séparatistes ethniques", cette offensive, principalement dirigée contre le MLL sur la rive sud du fleuve près de Togubele, a eu des résultats militaires rapides et significatifs, selon les rapports de nos journalistes sur place.

Déployant une supériorité aérienne et matérielle écrasante, les troupes clovanniennes ont réussi à sécuriser l'aéroport stratégique de Togubele et à disperser les forces du MLL dans cette région. Le MLL aurait subi des pertes considérables, tandis que celles des Clovaniens seraient minimes. Cette victoire tactique clovannienne illustre la difficulté pour les groupes rebelles, même organisés pour la guérilla comme le MLL, de résister à une armée conventionnelle moderne et déterminée.

La stratégie du MLL, axée sur le harcèlement, l'utilisation du terrain et une défense retardatrice, a été rapidement mise à mal. L'évacuation des structures de commandement du MLL vers la jungle et la préparation à la destruction de ponts témoignent de la violence de l'assaut et de la prise de conscience par le MLL de l'impossibilité de tenir ses positions face à une telle puissance de feu. L'impact de cette opération sur le moral et la capacité opérationnelle à long terme du MLL reste à évaluer, mais il est indéniablement un coup dur pour le mouvement.

Cette intervention soulève cependant des questions cruciales. Si la Clovanie justifie son action par la lutte contre le séparatisme et la restauration de l'autorité de l'État gondolais (version Sainte-Loublance), de nombreux observateurs y voient surtout une consolidation de l'influence clovannienne dans une région stratégique et un affaiblissement calculé des groupes rebelles qui pourraient menacer ses intérêts ou ceux de ses alliés locaux. L'impact humanitaire de tels affrontements et les déplacements de population qui en découlent sont également des préoccupations majeures.

Parallèlement à ces développements militaires, le Gondo vient de traverser un nouveau cycle électoral présidentiel. Sans surprise, le président sortant, Désiré Flavier-Bolwou, a été déclaré réélu pour un cinquième mandat consécutif avec 67,9% des suffrages, selon les chiffres officiels. Ce score, bien que le plus faible enregistré par M. Flavier-Bolwou depuis 2008, est perçu par l'opposition et de nombreux observateurs internationaux comme le fruit d'un processus électoral vicié.

Les critiques sont nombreuses : absence d'observateurs internationaux crédibles, participation officielle jugée gonflée, allégations de bourrage d'urnes, mise à l'écart des principaux opposants au fil des ans (Fêtnat Ongalolu et Patience Anihilé-Sangwa), et difficultés, voire impossibilité, pour les réfugiés et les habitants des territoires non contrôlés par le régime de voter. Le candidat PND-dissident, Paul-Henri Logoré, partisan d'un compromis avec les rebelles, a recueilli 16,3% des voix, un score qui, bien que modeste, pourrait refléter un mécontentement croissant face à la perpétuation du conflit.

La réaction des oppositions ne s'est pas fait attendre. M. Ongalolu, depuis son exil, a appelé à la démission du chef de l'État, et les mouvements rebelles, dans un rare élan d'unité, ont qualifié le scrutin de "parodie d'élection". Des "troubles à l'ordre public" ont été signalés dans plusieurs localités, signe d'une tension populaire palpable. La réponse de M. Flavier-Bolwou, annonçant se "remettre au travail bien vite" et ne prévoyant "aucun changement majeur" au gouvernement, suggère une continuité politique qui risque d'exacerber les frustrations et de rendre toute négociation de paix encore plus ardue. Cette posture rigide, face à une légitimité contestée et à un pays en guerre, laisse peu de place à l'optimisme.

La situation actuelle au Gondo est un enchevêtrement d'intérêts locaux, régionaux et internationaux. L'offensive clovannienne, si elle affaiblit une faction rebelle, ne résout en rien les causes profondes du conflit. Elle pourrait même, à terme, radicaliser davantage certaines composantes de l'opposition ou créer de nouveaux déséquilibres.

La réélection contestée de M. Flavier-Bolwou ferme pour l'instant la porte à une solution politique négociée avec un interlocuteur crédible à Sainte-Loublance. Les appels au cessez-le-feu, bien que nécessaires, semblent bien dérisoires face à la complexité des enjeux et à la détermination des acteurs à poursuivre leurs objectifs par la force. La "libération" promise par certains pourrait bien n'être qu'une nouvelle phase d'un conflit qui n'en finit pas, laissant le peuple gondolais, une fois de plus, principale victime d'une guerre qui le dépasse. La communauté internationale, et notamment les puissances afaréennes, portent une lourde responsabilité dans la recherche d'une issue qui privilégie enfin la paix et les intérêts réels des Gondolais.
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