Missive à l'intention de Madame Ijja Shenna, Qari de l’Althalj et des Peuples Althaljirs
Madame la Qari,
Tout d'abord, il importe de remercier votre gouvernement d'avoir accepté de choisir la voie diplomatique, si salvatrice, pour résoudre cet événement international. Il nous faut remédier à cet incident de la manière la plus pacifique qui soit, afin que l'Histoire puisse suivre son cours sans turbulence, tout comme nos avions.
Vous vous trouvez parfaitement dans votre bon droit en critiquant les mesures décidées par le vénérable Président Flavier-Bolwou. Vos remarques sont tout à fait justifiées et relèvent d'une vision aigüe de la géopolitique mondiale. Toutefois, votre jugement est erroné sur un point, celui qui concerne les aboutissements de nos activités en terre gondolaise. Vous avancez dans votre missive, vous appuyant sur des ouï-dire n'étant guère parvenu jusqu'à nos oreilles, que l'opération Chrysope ne conduira qu'à un accroissement de la violence au Gondo.
Permettez-moi, avec tous les honneurs qui vous sont dus, de tenter de vous rassurer pour la seconde fois. Nos objectifs ne sont incarnés que par la fin pure et simple de la guerre civile gondolaise qui sévit depuis bien trop longtemps désormais. Nous ne cherchons qu'à purifier ce territoire en proie au chaos afin de bâtir une amitié saine entre le Gondo et la Clovanie, c'est-à-dire entre deux États souverains. Si vous vous attendiez toutefois à ce que cette guerre civile prenne fin dans la paix, il faut encore une fois vous détromper. La cessation d'un conflit aussi enraciné nécessitera évidemment de la violence. Mais cette violence sera entièrement justifiée et maîtrisée, ne visant que ceux qui entravent le bon fonctionnement de la République du Gondo par des moyens fallacieux et illégaux. Si nous avions pu choisir la voie de la paix, nous l'aurions empruntée volontiers. Or, la Nature est faite d'Ordre et de Chaos, et même si les hommes ont choisi le Chaos pour ennemi, celui-ci est nécessaire pour sa propre survie. Pour rétablir l'Ordre, il faut toujours un peu de Chaos.
Espérant vous avoir éclaircie sur ce point, penchons-nous maintenant sur notre légitimité à agir au Gondo, que vous semblez nier de toutes vos forces. Certes, nous représentons une nation d'Eurysie. Nous comprenons parfaitement votre appréhension face au choix du Gondo de ne pas avoir choisi un pays d'Afarée pour remédier à la guerre civile qui le mine depuis des décennies. Le contexte actuel qui a mené à la fondation du Forum dont nous vous félicitons a peut-être joué en la défaveur d'une telle décision de la part de Monsieur Flavier-Bolwou. Or, nous avions pris contact avec le Gondo bien avant que toute idée d'un tel Forum n'émerge à la surface de la diplomatie afaréenne. Nous ne pouvions donc guère compter avec cet élément pour mener notre politique commune.
Par ailleurs, nous répétons que nous agissons dans le cadre d'une amitié bilatérale et souveraine avec la République du Gondo. Il importe peu que nos deux nations proviennent de continents différents, tant que la sympathie que nous nous portons mutuellement demeure franche et entière. Nous avons tendu la main au Gondo, non pour profiter de celui-ci, mais pour tirer les honnêtes bénéfices d'une alliance bilatérale honnête. Nos déplacements militaires prouvent que nous sommes prêts à sacrifier beaucoup au nom d'une telle cause.
Enfin, la situation est si critique au Gondo, et depuis tant d'années, qu'il est ardu d'adresser de quelconques reproches à Monsieur Désiré Flavier-Bolwou quant au choix de la nation qui allait se décider à l'aider. On se préoccupe rarement de la couleur de l'eau qu'on nous propose quand le feu dévore notre maison. Par chance, le Gondo est bien tombé.
Nous répétons que nos intentions ne sont que bonnes et que nos volontés n'ont pour horizon que la paix et la prospérité en Afarée.
Je vous prie d'agréer à mes plus sincères salutations,
Gloire à l'Empereur,Gaspard Razoumikhine,
Ministre Impérial des Affaires Étrangères.21/10/2010