C’est un projet ambitieux qu’a annoncé Rozhkov Damian Tarasovich, le ministre des Transports de la RSP : faire de Peprolov-centre, la principale et seule agglomération d’importance du territoire, le centre d’un réseau de chemins de fer en forme de toile d’araignée. L’objectif est de connecter la ville avec les campagnes qui souffrent de leur isolement et de la comparaison avec les centres urbains. Désormais coupée du reste du territoire prodnovien, la production agricole est devenue d’un coup un enjeu majeur pour la souveraineté nationale du pays. Si la campagne peprovite est longtemps restée peu exploitée, c’est parce que d’autres régions du Prodnov sont plus fertiles et ont donc fait, elles, l’objet d’investissements de la part de l’Etat centralisateur et planificateur qui manquent à Peprolov.
Il s’agit donc de rendre l’agriculture efficace le plus vite possible, pour ne plus dépendre des importations de nourriture venu de Lutharovie et financées par les Pharois. Dans cet objectif, relier les zones fertiles à la ville sera d’une grande aide, non seulement pour le transport de matériel agricole, mais aussi pour acheminer les récoltes vers les citadins. Jusqu’ici, Peprolov était directement perfusé à Staïglad via une unique ligne de train – désormais coupée – reliant les deux centres urbains, la capitale faisant figure de point de jonction entre les différentes régions du Prodnov, chacune dédiée à une fonction économique précise.
Relier Peprolov à la campagne, bonne idée ? D’un point de vue technique, indéniablement, d’autant plus que le gouvernement assume reprendre à son compte le projet égalitaire communiste en remettant la campagne à la hauteur de la ville. Le problème est que ce nouveau réseau de voie-ferrée porte un poids symbolique très lourd qui touche plusieurs grands chantiers en projet de la RSP. En effet, bâtir l’autonomie de l’oblast de Peprolov… n’est-ce pas un peu renoncer aux ambitions de réunification sans l’assumer ? Beaucoup d’enjeux auxquels le nouveau gouvernement entend répondre pourraient être résolus à plus grand échelle, une fois le reste du territoire recouvré. Régionaliser le Prodnov, bien que nécessaire à court termes, semble entrer en contradiction avec la volonté affichée des nationalistes d’envisager le territoire prodnovien comme une seule entité indivisible.
Inconsciemment, derrière cette opposition, il y a la « théorie des clapets » appliquée au développement économique. Pour résumer rapidement, un pays ne peut se développer sur tous les plans à la fois – particulièrement si, comme la RSP, il est peu peuplé – il doit donc se spécialiser pour bénéficier des effets d’économie d’échelle. Plus tôt un pays se spécialise dans un secteur, plus se secteur deviendra performant dans le temps, ses citoyens développeront un certain savoir faire qui les rendra de plus en plus compétitifs. Les liens mondiaux se reposent en effet, dans la théorie classique, sur la division du travail où chacun produit dans le domaine où il est le plus performant, enrichissant tout le monde à termes. Bien que certains pays aient, à une époque, essayé de tendre vers l’autonomie totale, un tel projet est inenvisageable pour Peprolov, il faut donc se spécialiser.
Or, et c’est là tout le problème, la spécialisation est lente à advenir. Elle se pense dans le temps long et a des conséquences sur plusieurs décennies voire plusieurs siècles. Faire bifurquer l’économie d’un pays ou d’une région est un processus coûteux, aussi bien économiquement que socialement, il implique des bouleversements lourds dans le tissu social, des pertes de savoir-faire, des investissements inutiles, etc. etc.
Autrement dit, développer l’oblast de Peprolov comme une entité autonome est une chose qui aura des conséquences plus tard. C'est un investissement pour l’avenir. Or si la réunification se fait, le tissu économique prodnovien devra être revu et probablement que certains investissements aujourd’hui cruciaux deviendront inutiles demain. Pour en rester sur l’exemple de l’agriculture, celle-ci est vitale pour le moment, mais si Peprolov se retrouvait à nouveau connectée au reste du Prodnov, son agriculture, en raison d'un manque d'aménagements réalisés par le passé, se révélerait assez peu compétitive face à d’autres oblasts dont ce secteur est plus développé. Ainsi, des investissements coûteux aujourd’hui se révéleraient inutiles demain, entraînant des troubles. Si le gouvernement fait le pari de ces investissements, il est ainsi normal de pouvoir y lire un aveu de son absence de volonté de réunir le Prodnov, du moins à court et moyen termes.
Le gouvernement communique-t-il d’une main tout en avançant un agendas non-assumé de l’autre ? Le GMDO et le PRCP ont pourtant été très clairs pendant la campagne : la réunification est un chantier plus que prioritaire pour la coalition rouge et si le PCR a été plus discret sur ces questions, il demeure minoritaire. De manière générale, la réunification du Prodnov est souhaitée par plus de 80% de la population de la RSP et avouer publiquement y renoncer serait un désaveu grave pour le gouvernement dont une partie conséquente des voix des électeurs s’est reportée sur le projet communiste en raison de ses ambitions géopolitiques.
Au-delà de ces soupçons, le projet reste, en lui-même, un beau projet. Pensé en « snežinka » littéralement traduisible par « flocon de neige », le projet entend rénover les transports publics de Peprolov-centre et en profiter pour les relier à de toutes nouvelles lignes élargissant l’accessibilité de la ville. Regardons plutôt le schéma présenté par le ministère des Transports :
Plan dévoilé par le ministère des Transports, aucune date de fin de chantier n'a encore été donnée.On voit clairement (en noir) les lignes dites « intérieures » c’est-à-dire à faible capacité de transport de passagers et surtout utilisées pour les déplacements humains en ville. Elles n'ont pas vocation à servir au transport de matières premières et de marchandises, pour lesquelles le fret maritime ou les camions sont privilégiées. Exception faite de la ligne de chemin de fer longeant le canal de Sever et dont la seule destination est Peprolov-port, elles desservent plusieurs arrêts.
En bleu figure la ligne de chemin de fer reliant Staïglad et Peprolov. Il s’agissait autrefois d’un nerf économique majeur pour le Prodnov puisqu’il permettait l’acheminement des marchandises débarquées à Peprolov-port, jusqu’à la capitale, puis dans le reste du pays. Elle est aujourd’hui à l’arrêt, la RLP ayant coupé les voies d’entrée sur son territoire.
En brun, apparaissent les lignes figurant dans le projet d’extension des transports en commun à Peprolov-centre. Il s’agira principalement de lignes de métro qui viendront s’ajouter aux lignes déjà existantes rénovées. Le « deuxième cercle » qui viendra s’ajouter à la première ligne périphérique, a pour objectif de permettre l’étalement urbain de la ville qui a montré certaines des limites de sa capacité d’accueil lors de la crise du Prodnov, où plusieurs milliers de réfugiés se sont agglutinés autour de Peprolov dans des conditions de vie difficiles. L’arrivée de nouveaux résidants participe également de la nécessité d’urbaniser et de loger rapidement et en masse.
Enfin, en orange figurent les extensions du réseau de voie ferré prodnovien, visant à relier les petits villages de l’oblast avec la grande ligne principale. Cela s’inscrit également dans le projet d’extension des capacités d’accueil de la RSP, le désenclavement des zones périphériques de Peprolov permettant de décharger cette dernière d’un afflux massif de migrants. Les ambitions du ministère de l’agriculture nécessiteront aussi de pouvoir loger un nombre conséquent de nouveaux ouvriers agricoles, paysans et éleveurs, dans des villages s’étant contenté jusque-là de pratiquer une agriculture quasi-exclusivement vivrière.
Le tout est estimé à un peu plus de 430 nouveaux kilomètres de ligne.
Quoi qu’il en soit, et malgré les attaques de l’opposition, Prodnov Uni ! en tête qui accuse le gouvernement de renoncer à ses projets de réunification du Prodnov, le GMDO, lui, semble prêt à balayer toutes les critiques au nom d’ambitions beaucoup plus pragmatiques :
« Si le sud doit un jour devenir un front, il faudra pouvoir y acheminer rapidement une grande quantité de matériel et d’hommes. Le train est la colonne vertébrale de notre défense nationale. »
- Rozhkov Damian Tarasovich, ministre des Transports
On reconnaît bien là les priorité des militaires, à qui le ministère des Transports a été confié.