05/08/2013
06:31:03
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[Pharois/Grand Kah/Sylva] "Ah non, Sylva pas du tout." [Terminé]

L'ambiance dans la petite salle de réunion était pour la moins inhabituelle.

C'est qu'on avait sans doute senti le risque palpable d'une confrontation en plein ciel et entraperçu les conséquences regrettables, pour reprendre les mots toujours si modérés de la citoyenne Meredith, qui aurait pu émaner de cette dernière. Pourtant, et indépendamment de ce que pouvait leur inspirer cette situation, les kah-tanais étaient souriants.

La citoyenne Meredith tenait à exprimer son désir amical de solutionner rapidement ce qui selon elle, tenait probablement de la catastrophe à éviter par tous les moyens, ainsi qu’un acte politique d'une impolitesse proportionnelle à la cordialité et la transparence dont avaient faits preuves les représentants de l'Union avec le duché. Devait-on traiter le Kah et ses alliés comme des ennemis ? Ces gens n'avaient-ils aucun honneur ? Pire encore, aucune vision politique et diplomatique ? Ils se considéraient sans doute autorisés à régir les environs de leur territoire en vertu d’un certain opportunisme : l’ONC les soutiendrait probablement s’ils décidaient de continuer dans cette direction. Mais ce serait prendre parti. Il devait bien y avoir quelqu’un, dans ce gouvernement, qui avait réalisé que prendre le parti du courant le plus impérialiste de l’ONC, serait donner au LiberalIntern des raisons pratiques de participer à la mise en danger de Sylva. Mise en danger que Meredith savait de source sûre plus qu’hypothétique, en l’état actuel des choses. Ces gens devaient croire qu'ils se prémunissaient du danger en provoquant exactement ce qu'ils redoutaient.

Donc elle souriait, oui, mais sans aucune forme de joie. C'est qu'elle avait du mal à sourire à un certaines catégories d’individus parmi lesquels se rangeaient les imbéciles et les malhonnêtes.

À côté d'elle se trouvait une attachée militaire, la citoyenne Liu Dolores Min. Celle-là souriait vraiment beaucoup. C’était même peu de le dire. Elle était arrivée en avance sur la piste militaire de Recife qui avait accueilli les appareils Pharois et avait proposé du thé et des gâteaux aux pilotes, avant de les accompagner jusqu’à une caserne où il fut proposé qu’ils se reposent et se douchent avant l’arrivée des Sylvois. Ceux-là furent reçus par la mine radieuse de cette paltoterra-nazumis en tenue d’officier, qui leur parla du beau temps, émis quelques commentaires guillerets sur le plaisir auspicieux qu’il y avait à accueillir deux pays amis simultanément, et se montra, dans l’ensemble, être une personne si adorable et ouvertement agréable qu’on pouvait se demander ce qu’elle faisait dans un uniforme de la garde.

Les deux kah-tanaises attendirent un peu. Un soldat vint apporter du thé à l’ensemble des personnes installées autour de la table puis Meredith acquiesça.

« Bon. Permettez-moi de dire que vous avez provoqué ce qu’on appelle dans le jargon d’usage une crise. Mais nous sommes entre pays amis et je suis sûre que nous allons pouvoir comprendre les raisons de cet acte, d’autant plus agressif et intempestif que le duché n’a pas déclaré de politique d’embargo avec le Comunaterra : sur le plan diplomatique vous agissez non-seulement de façon unilatérale, mais préavis. »

Elle pencha la tête sur le côté et leva une main en signe d’apaisement.

« Mais chacun doit défendre ses intérêts, n’est-ce pas ? Et même un acte aussi disproportionné et dénué de diplomatie a par chance été mené contre une grande puissance, non-seulement par ses moyens matériels et militaires, mais aussi par la justesse de son gouvernement et de sa diplomatie. Je n'ai donc aucun doute quant au fait que nous puissions trouver une issue... Hm...
Auspicieuse ? tenta Liu Min.
C’est… Adapté. Une issue auspicieuse et mutuellement favorable à cette crise. »
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Profitant de la proximité géographique entre le Grand Kah et Sylva, c'est la Duchesse Alexandra Boisderose qui se rendit en personne à cette médiation malgré une rencontre temporellement proche avec l'Alguarena. C'est d'un discours minutieusement réfléchi et clairement exprimé qu'elle exposa.

-En effet, c'est de façon fort cavalière que le Duché a opéré, justifiant tous les reproches qui sont fait à son égard. J'assumerais chacun d'eux en qualité de dirigeante, toutefois, il y a un point que je souhaiterais rectifier, madame Meredith. Si nous sommes bien dans une situation de crise, elle existe en réalité depuis bien avant cette fort regrettable manœuvre aérienne. Le Duché de Sylva et les révolutionnaires komunteranos sont en crise diplomatique depuis un bon moment déjà, quand ces derniers alternaient entre la manifestation d'une hostilité écrite désagréable à l'expression de menaces explicites des plus déraisonnables. C'est un fait, ce mouvement n'appelle qu'à la disparition du Duché, toutes ses missives allaient en ce sens.
Or, ces révolutionnaires ont commandé sans se dissimuler des missiles balistiques au Pharois Merirosvo.

Elle fit une petite pause théâtrale avant de reprendre.

-Concernant notre mésaventure, j'exprimerais au Pharois tout le respect qui peut être exprimé à des vendeurs d'armes. Mais je ne vous apprendrais rien en rappelant que le commerce d'armes n'est pas un acte seulement économique, mais aussi et surtout politique. Vendre des armes à une entité est consentir à ce que cette entité s'en serve, et éventuellement définir des conditions selon lesquelles ladite entité puisse les utiliser.
Sylva a agit sous mes ordres de façon brusque, presque komunteranos je dirais, mais c'est sous la rapidité des évènements que nous avons été contraints de le faire. Nous ne pouvons tolérer en l'état que des armes de destruction bien au-delà des capacités de défense du Duché, puissent être transmises à une nation exprimant clairement sa volonté de nous balayer.

Nouvelle pause, aussi théâtrale.

-Livrer cette arme, c'est donner les moyens à une nation hostile de mettre en application ses menaces. C'est se montrer complice en pleine connaissance de cause d'une montée des tensions géopolitiques. Sylva n'a pas exprimé la moindre hostilité à l'égard de ces prétendus révolutionnaires, initiant même le contact de la façon des plus cordiales dans l'objectif de les intégrer à un projet prospère. Qu'ont fait ces révolutionnaires depuis, si ce n'est propager leur agressivité jusqu'en Aleucie où la République du Miridian a fait part au Duché de la hargne à leur égard des komunteranos ?
Donc en effet, notre opération s'est faite de façon spontanée sans aucune forme de cordialité diplomatique. Je le regrette sincèrement et ferai mon possible pour dédommager en conséquence le Pharois Merirosvo. Mais notre action n'était pas pour autant injustifiée. Ce n'est pas les intérêts de Sylva qui étaient protégés en agissant de la sorte, mais sa population même.
Un missile balistique n'est pas une arme défensive. Un char peut l'être, un avion de chase, ou un canon automoteur. Ce sont des éléments qui contribuent à ériger une armée conventionnelle dissuadant d'une invasion. Mais les missiles balistiques, bombardiers stratégiques, ou encore les portes avions, ce sont des forces de projection offensives par essence. Ce n'est pas juste de la dissuasion.
Par ailleurs, quel intérêt d'alimenter une quelconque force de dissuasion, quand Sylva n'a exprimé aucune hostilité ? Communaterra s'enfonce seule dans cette situation.

Là, rien de théâtrale dans son silence. Elle jeta tour à tour des coups d'œil à Meredith et à la délégation pharoise.

-Alimenter les voisins ostensiblement menaçant de Sylva en nécessaire pour passer de menaçant à menace, c'est diriger Paltoterra vers la scission. C'est contraindre Sylva sous la menace d'un groupe révolutionnaire solidement armé par deux super-puissances, de se tourner vers d'autres alliés suffisamment puissants pour apporter un équilibre.
Mais, Sylva a confiance en l'expertise géopolitique de deux nations ayant parvenu à se hisser du le sommet surplombant la surface du monde. Si le Grand Kah et le Pharois Merirosvo garantissent que cette livraison de missile (qui n'a toujours pas été réfutée comme étant bien la chose), ne saurait nuire à la stabilité de Paltoterra ni justifier les moindres mesures déraisonnables de Sylva, alors soit.
Nous saurons reconnaître votre crédibilité et l'accepterons.
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On ne pouvait pas vraiment dire que le capitaine Holki ait été content d’être là. Certes les Kah-Tanais s’étaient montrés prévenants, la méticulosité procédurière leur faisant immédiatement comprendre que si crise il y avait, elle était à imputer aux Sylvois ou aux dirigeants Pharois qui avaient signé l’accord de vente, mais certainement pas, non, à un honnête militaire, reconverti dans l’escorte, pirate de l’air et chef d’escadron, un type sympa, ça oui, comme on en fait chez les militaires, maître de lui-même, manquant un peu d’humour peut-être, mais souriant, et rassurant, du moins c’était ce que lui disaient les femmes.
N'empêche qu’il n’était pas content d’être là et à voir la manière dont il s’était mis à pianoter sur l’accoudoir de son siège, confortable, et ne touchait ni au thé, ni aux boissons fortes qu’on avait généreusement disposé devant eux, il était tendu.

C’était qu’appuyer sur un bouton pour balancer un missile air-sol, il savait faire, de même que ramper dans la boue, tirer au Baba Yaga, passer un parcours d’obstacle ou boire deux fois plus que n’importe quel civil dans un bouge du Syndi… pardon, du Pharois Merirosvo, il allait falloir s’y habituer. Faire de la diplomatie, en revanche, n’était pas vraiment dans ses attributions et sans qu’on puisse le considérer comme le dernier des couillons – il ne fallait pas être idiot pour atteindre les postes de hauts gradés – il n’était pas non plus le Capitaine Mainio.
De fait, il avait rapidement sollicité un téléphone et, d’avantage que lui, c’était la Capitaine Jaana qui, quinze mille kilomètres à l’est de là, venait de décrocher l’appareil en haut-parleur pour gérer la crise. Elle avait été introduite comme la responsable de la Coordination Pirate Internationale, ce qui ressemblait un peu à un mélange d’affaires étrangères et de cellule de gestion de crise quand des Pharois commetaient des conneries hors des frontières. Tout le monde la connaissait comme l’ancienne porte-parole de l’ex-Merenlävät, organisation autrefois tentaculaire chargée de servir de pare-feu aux exactions de la piraterie, dissoute lors du changement de régime, et ses cadres et employés reconvertis avec cynisme au service du nouveau pouvoir en place. Autrement dit, Jaana avait l’autorité et l’expérience pour parler au nom du pays. C’était un peu rassurant, mais Holki ne toucha pas aux boissons malgré tout.

Silencieuse, Jaana écouta sans interrompre les explications apportées par la Duchesse Alexandra Boisderose, nom qu’on pouvait en Nouveau Pharois traduire par « bois de rose » ce qui sonnait un peu ampoulé. Pensant cela, Holki remercia le ciel de n’avoir pas à trouver une réponse par lui-même, commenter le patronyme de celle qui venait presque de commanditer son arrestation n’aurait pas été une réponse très appropriée.

Quand finalement la Duchesse eut terminé, quelques secondes de silence s’étendirent, avant que loin, très loin d’ici, la capitaine Jaana prenne la parole.

- Je remercie la Duchesse Boisderose pour ses explications éclairantes.

Etait-ce la qualité de l’audio ou le véritable ton de la capitaine qui la rendait si tranchante ?

- A mon tour cependant d’apporter quelques clarifications, si vous le voulez bien. La Merirosvo n’étant pas dans les secrets diplomatiques du Paltoterra, sinon quelques déclarations publiques hostiles il n’est pas en notre pouvoir de connaître parfaitement la nature de vos relations avec la Communaterra. Par ailleurs, en l’absence de déclaration de blocus sur ce territoire, il s’agit bien ici d’un acte arbitraire à l’encontre des intérêts commerciaux pharois. Vous dites avoir appris pour la vente de missile, était-ce si difficile de nous passer un coup de fil en amont, plutôt que de tenter d’arraisonner à l’improvise nos avions dans le ciel ? Vous êtes passé à deux doigts de la liquidation de vos pilotes, je salue à ce titre le sang-froid et la sagesse du capitaine Holki ici présent qui nous a mutuellement épargné un drame annoncé.

L’intéressé sursauta presque à la mention de son nom.

- Oui bon bin, je me suis dit que vu le contexte de la région, valait mieux…

- Merci capitaine Holki. Ce point clarifié, il en appelle un autre. Avec tout le respect que je dois à votre pays, Duchesse, ce que « vous ne pouvez tolérer » intéresse assez peu les Pharois. Si d’aventure vous vous faisiez nos ennemis, ce qui ma foi est déjà bien entamé, nous escorterons nos prochains convois avec deux cents appareils de combat si nécessaire. Dès lors la souveraineté de votre espace aérien comptera pour ainsi dire moins que rien et je ne vois pas bien ce qui pourra empêcher, sinon une guerre généralisée dans la région, nos Grands Capitaine de venir prendre le café à Mahoganys.

Nouveau silence.

- Ceci étant dit, tâchons d’apaiser la situation. A l’heure actuelle, toute personne ayant une connaissance minimale de la situation géopolitique internationale sait que la Communaterra sera dans les prochains mois visé par une invasion unilatérale des Îles Fédérés de l’Alguarena. Nos ONG l'avaient déjà anticipé au Kronos, quelques mois avant l'invasion, et celles-ci ainsi que nos services secrets tirent aujourd'hui à nouveau la sonnette d'alarme. Ce gouvernement terroriste opère ainsi partout dans le monde, a fortiori contre les pays se revendiquant du socialisme. La livraison d’un missile, que nous confirmons, contrairement à ce que vous dites, est précisément la livraison d’une arme de défense : c’est une arme de dissuasion. Si Aserjuco se mettait en tête de déployer ses forces pour envahir un pays souverain, ce pays souverain doit à minima être en mesure de raser Aserjuco de la carte en réponse. Voici la seule et unique garantie de paix. Vous vous dites menacé par la Communaterra ? Vous ne l’êtes pas. Ce pays est foutraque et loin d’être à la hauteur de ses ambitions. La Communaterra en revanche est menacée par vous et les pays impérialistes de la région. Ne serait-ce la présence du Grand Kah, les brigades Jaguar seraient déjà en train de massacrer et violer à Nekompromisa.

Encore un silence.

- Le Pharois s'est toujours engagé pour la paix et la souveraineté des peuples, contrairement aux impérialistes nous défendons la multipolarité et la diplomatie régionale, cela nous a été reconnu à de multiples reprises. Or la paix passe par l’équilibre des forces. En vous interposant dans cet équilibrage, Duchesse, votre pays prend le parti du bourreau et de la matraque, de fait, devons nous dès à présent vous considérer, au même titre que l’Alguarena et le Pontarbello, comme un Etat hostile et terroriste ? Si c’est le cas, je vous en prie, dites le nous dès maintenant que nous lancions dès cette après-midi la production d’une cinquantaine de nouveaux missiles balistiques.

Dernier silence.

- Si en revanche, vous vous considérez comme un acteur de paix, et nous sommes prêts à vous en faire crédit, il faudra nous en donner des gages, car pour l’heure le seul acteur de déstabilisation régional et la seule crise militaire à survenir dans la région, c’est vous qui l’avez initiée.
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Alexandra haussa un sourcil, non pas face à la menace non dissimulée qui était sommes toute à propos au vu de la situation, mais face au retournement d'accusation qui s'opérait et qu'elle refusait purement et simplement de laisser passer :

-Je comprends ce que vous dites mais... non, il y a un point sur lequel je dois revenir. Sylva n'est pas le seul responsable de la déstabilisation et c'est d'une mauvaise foi outrancière de l'affirmer. Depuis les premiers échanges entre Sylva et les komunteranos, ce n'est qu'hostilité qui a été exprimé par ces seconds, je le répète mais ce détail ne doit pas être oublié. Jamais Sylva n'aurait eu la moindre intention d'intervenir si n'avait pas clairement été exprimé par ces révolutionnaires la volonté de nous "renvoyer dans les limbes de l'histoire". Et Sylva n'a pas exprimé la moindre hostilité envers cette région, se contentant de fermer ses frontières pour se tenir à distance de ces agitations. Conséquemment, il est fort hors de propos de tenir Sylva comme seule responsable et menace pour notre voisin du sud.
De plus, vous me dites que cette révolution est menacée par l'Alguarena, pouvez vous expliciter en quoi ? Aucun échange diplomatique connu n'existe entre les deux, aucune volonté n'a été exprimée par l'Alguarena. Concernant vos exemples précédemment cités, je me dois dans les ranger dans une lutte d'intérêts entre l'ONC et le Liberalintern, dans laquelle aucun des deux partis est blanc comme neige. Donc ne tenez pas comme argumentaire votre rivalité dans laquelle vous mêlé ces révolutionnaires, quand bien même ils semblent exceptionnellement doués pour provoquer même les nations les plus éloignées. Permettez moi d’ailleurs de douter de la pertinence de deux missiles pour dissuader une superpuissance comme l’Alguarena. Une garantie d’indépendance effectuée par vos deux nations elles-mêmes été plus parlante. Mais je ne reviendrais pas davantage sur vos décisions stratégiques et géopolitiques.

Elle reprit un peu son souffle, pour rester calme et mesurée tant de son point de vue les propos tenus à son égard étaient aberrants. Il y avait à dire sur Sylva qui venait de commettre en effet une terrible maladresse, mais s'obstiner à ne pas tenir compte de la posture de Communaterra qui était le point de départ à cette crise ? Elle reprit, calmement.

-Vous m'indiquez que Sylva devra... gager être un acteur de paix ? Le mouvement révolutionnaire ne me reconnaît même pas comme représentante. Quelle valeur accorderont ils à mes gages ? Devrais-je laisser la plus haute autorité élue.... Lucette Dumorne tenir ces gages ? La présidente de la Haute Assemblée qui n'a pas vocation à assumer ces responsabilités là ?
Mais soit, Sylva saura s'élever au dessus de son propre mécontentement face à la situation. En gage de confiance envers votre volonté de maintenir la paix et l'équilibre des forces, nous laisserons passer vos avions cargos à destination des komunteranos et vous dédommagerons pour le temps et le carburant perdu. Maintenant la question est de savoir si ce gage sera unilatéral, ou si Sylva aura les garanties que ces missiles ne serviront à représenter la moindre menace envers elle. Car encore une fois, je serais prêt à admettre la moindre attitude hostile du Duché envers notre voisin du sud, dès lors que m'était exposé un exemple explicite de ladite hostilité.
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« Allons, madame la duchesse ! » L’attachée militaire eut un sourire charmant. « Nous sommes entre amis, ici, non ? Il est inutile d’en recouvrir aux exagérations ou aux menaces.
Nous prenons très au sérieux le désir qu’a exprimé votre gouvernement de rester neutre, aussi nous savons pertinament que vous n’envisagez pas sérieusement de vous impliquer dans le différent nous opposant à Aserjuco. »

Son ton était étonamment raisonnable. Elle reprit après avoir avalé une courte gorgée de thé.

« Ayez du plaisir à nous faire aussi confiance quand nous vous disons – vous répétons – que Sylva est pour nous un partenaire respecté et un peuple dont nous espérons faire un ami. Je sais que vous ne pensez pas sérieusement qu’il y a chez l’Union et ses partenaires un désir de nuire au Duché. Je ne vous tiens pas rigueur d’une rhétorique qui, je suppose, doit faire son effet au sein des cercles diplomatiques et nobles au sein desquels vous évoluez. La culture kah-tanaise, elle, préfère s’en tenir aux faits et au strict respect de nos ambitions. Sans quoi nous vous aurions déjà recommandé de ne pas accueillir les mêmes services secrets qui, il y a de ça quelques années, disposaient les corps de certains de mes concitoyens à nos frontières Aleuciennes pour tenter de provoquer une guerre. Je serais d’ailleurs curieuse d’apprendre qu’ils ont changé de méthode. Nous verrons bien. En tout cas nous considérons passivement que vous êtes une puissance amie.
— Et la réciproque est vraie, non ?, demanda Lui Min avec un petit acquiescement.
— Vous reprendrez du thé ? »

Elle sourit.

« Bon. Pour répondre à votre question – même si effectivement à l’avenir les critiques constructives concernant notre politique pourraient être prononcées avec un ton invitant à la discussion plutôt qu’avec celui que vous réservez à vos rivaux – les pays de l’ONC multiplient les assauts contre les projets libertaires et socialistes à travers le globe. Coups d’États, déstabilisation par le biais de mercenaires invasions, attaques surprises sur leurs forces navales. Nous ne disons pas que le Communaterra est menacé en cet instant T, mais bien qu’il le sera à terme, et l’est passivement au même titre que tous les pays se revendiquant d’une quelconque gouvernance révolutionnaire.
— Concernant la question des garanties il ne vous aura pas échappé qu’il pourrait être problématique pour Sylva de voir son voisin turbulent protégé par les armes du Grand Kah et laissé libre de prononcer ses menaces et de s’adonner à toutes les dérives potentiellement imaginables !
— À vrai dire nous prendrons le duché au mot et protégerons le Communaterra d’une guerre d’invasion. C’est en tout cas ce qui semble se préparer. La presse sera certainement ravie d’apprendre que vous donnez votre aval à cette proposition, cela démontrera pleinement la constructivité de ces dialogues bilatéraux. »

Elle leva une main et sourit.

« En fait je ne vous en veux pas de ne pas avoir conscience des montagnes d’énergie que la Confédération déploie dans cette affaire. Nous aimons agir discrètement. Nous avons vivement recommandé au Communaterra de vous reconnaître et, face à leur refus – c’était hélas prévisible – avons proposés la création d’un dispositif diplomatique particulier à Axis Mundis. Pour faire simple le Communaterra sous-traiterait l’ensemble de sa diplomatie à votre égard à notre Confédération, qui elle vous reconnaît. Votre gouvernement pourrait dès-là s’adresser à nous, qui vous répondrions officiellement au nom de ce dispositif spécial, officieusement au nom de votre voisin au sud.

Concernant les garanties... Ma chère amie ! Il suffisait de nous les demander dès que vous aviez connaissance du risque ! L’Union est prête à tout pour protéger la paix dans la région. Ce que je peux vous proposer c’est un partenariat militaire prenant la forme d’exercices conjoints et d’installation d’un dispositif d’interposition à la frontière. Des batteries capables d’abattre ces missiles s’ils survolent votre territoire, et assez d’hommes pour intervenir rapidement en cas de passage de la frontière par des forces hostiles du Communaterra.

De telles garanties vous satisferaient-elles ? Plus important, permettraient-elles un dialogue plus consensuel avec le Communaterra, sachant que ce dernier serait de toute façon réduit à ne plus représenter le moindre risque ? Nous avons bon espoir que cette révolution se calme et se solidifie sous une forme comparable à celle de l’Union, mais pour ça il nous faut la préserver d’elle-même et lui passer cette espèce… D’adolescence révolutionnaire.

— Il faut que jeunesse se passe », conclut l’attachée militaire selon une formule célèbre de la diplomatie pharoise.
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La Duchesse se détendit, constatant les efforts de patience déployés par son interlocutrice. Elle connaissait bien ce genre de situation et avait même un peu honte d'être l'acteur turbulent nécessitant la médiation d'un tier plus "mature".

-Premièrement, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance pour le Grand Kah, qui témoigne de sa volonté et de l'énergie qu'il met dans ce projet de paix. Cela sera connu en Sylva et loin d'être oublié.

Elle accepta un peu de thé, profitant de ce relâchement des tensions. Elle en avait oublié le représentant pharois, d'autant que l'éloignement par l'intermédiaire du téléphone n'aidait pas à la visualiser dans la discussion dès qu'il ne parlait pas.

-Je comprends mieux votre position vis à vis de l'OND et Aserjuco, ainsi que les justifications concernant la nécessité de Communaterra de se pourvoir en... missile balistique. Je ne cache pas mon incrédulité sur leur réelle utilité, mais comprend la justification derrière malgré tout.

Petite pause durant laquelle elle se crispa à nouveau.

-Concernant les garanties... non, elles ne conviennent pas à Sylva pour des raisons diverses. La première est que selon l'état major de Sylva, si Communaterra est prête à attaquer en l'état le Duché même avec l'appuie de l'OND (elle insista sur le D pour éviter la confusion phonétique avec l'ONC) et du Miridian, elle le sera également avec l'appuie du Grand Kah. Communaterra ne représente pas (encore, se demanda-t-elle intérieurement) une menace pour Sylva qui saura la repousser seule, et d'autant plus avec ses alliés. Davantage de défenses ne seront donc pas une réelle dissuasion supplémentaire quand Sylva peut déjà balayer les capitales de chaque région d'un revers de la main avec son aviation. Si on exclut l'assistance défensive du Grand Kah bien entendu.
De plus, si les exercices de coopération militaire pour la défense mutuelle sont très bien vu, l'ouverture de bases en Sylva l'est... moins.

Elle souria intérieurement, devant le pragmatisme du Grand Kah qui profitait de la situation pour dispatcher des bases et renforcer son influence. "Ce sont les règles de la géopolitique", continua-t-elle de dire mentalement. Mais elle se devait de refuser pour une autre raison.

-Sylva prend très à cœur de ne pas s'aligner entre le Grand Kah et l'Alguarena, et par extension le LiberalIntern et ONC. Notre limite se situe dans les exercices conjoints, Sylva en prévoyant après tout... (elle regarda le téléphone, se rappelant de la présence du représentant pharois) de collaborer avec l'Alguarena dans la lutte contre la piraterie. Mais au-delà, avec par exemple l'implantation de base, les implications deviennent trop fortes et Sylva ne souhaite s'engager sur ce terrain là. Ni l'Alguarena, ni le Grand Kah n'auront d'infrastructures militaires en Sylva. Au mieux la possibilité de se ravitailler sur les ports du Duché.

Nouvelle gorgée de thé.

-Toutefois il est incorrecte de ma part de dire que l'intégralité des gages ne sauraient convenir à Sylva, puisque votre proposition de médiation est déjà le chemin vers la meilleur garantie qui soit : le dialogue et l'engagement des komunateranos eux même de cesser leur posture belliqueuse. Il est en état... hmm... vous direz que nous sommes capricieux dans le Duché. Mais nous ne comprenons pas comment il est possible d'accorder de la légitimité à un accord passé à un gouvernement dont on ne reconnaît pas l'intégralité de ladite légitimité.
Mais soit, nous passerons outre et prendrons sur nous, dans la volonté de témoigner d'efforts équivalents à au moins une fraction de ceux que le Grand Kah a déjà déployés, pour calmer la situation. Vous avez l'accord de Sylva pour nous servir d'intermédiaire dans les échanges diplomatiques avec les komunateranos. Concernant les bases militaires en terrain sylvois, je suis contrainte de refuser pour le moment. Et pour ce qui est des exercices conjoints, vous avez là toute l'approbation et l'enthousiasme de Sylva.
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Mal à l’aise, le capitaine Holki avait l’impression de perdre pied dans la conversation. Quelque vieil instinct martial lui donnait envie de se redresser d’un bond, ou de taper du poing sur la table pour qu’on laisse parler la Capitaine Jaana, mais cette dernière demeurait silencieuse, attentive – du moins l’espérait-il – comme un animal à l’affût. A moins que la ligne ait été coupée et que personne ne s’en soit rendu compte ? Nom de dieu ce serait la catastrophe, on lui demanderait de tout réexpliquer à sa patronne et il avait l’impression que la mémoire lui coulait par les oreilles, il n’avait rien retenu du tout, tout cela était trop compliqué, décidément, trop compliqué…

- Duchesse, si vous avez un problème de piraterie, peut-être serait-il plus judicieux de vous adresser aux premiers concernés.

Ouf, Holki soupira intérieurement. Sauvé !

- Là encore, un simple coup de fil aurait pu nous épargner mutuellement bien des complications. Le Pharois possède en toute chose bien plus de poids pour agir sur ces questions que n’en auront jamais n’importe quelle marine nationale. En ce qui concerne votre situation géo-régionale…

Jaana sembla hésiter, mais Holki la suspecta de laisser simplement monter le suspens.

- De ce que j’entends des pourparlers actuels, plusieurs choses semblent déjà en mesure d’être réglées ici. C’est une bonne chose, le Pharois n’a pas vocation à s’immiscer dans les affaires du Paltoterra, nous faisons confiance au Duché et au Kah pour régler conjointement la question de la stabilité régionale et de ses éventuels éléments perturbateurs. Pour ce qui est de l’affaire qui oppose le Duché de Sylva à la Communaterra, si cette dernière doit être mise sous tutelle pour la préserver de lui-même, c’est une affaire qui nécessiterait un sommet régional, je ne crois pas que nous y aillons notre place non plus. Pour le moment. Car pour le moment, la question qui intéresse mon pays est que la Communaterra nous achète des armes à bon prix. Le Pharois n’a aucune raison, pour l’heure, de suspendre ses ventes d’armes sans concessions. Surtout sur demande d’une nation prête par ailleurs à collaborer avec l’Alguarena pour lutter contre la piraterie.

Nouveau silence, Holki trouva fascinant le fond de sa tasse de café.

- Je ne suis pas diplomate, je suis commerçante et à ce titre, disposée à vous faire une offre. Par amitié pour le Grand Kah, nous sommes prêts à médier nos futures ventes d’armes en direction de la Communaterra et les conditionner à un dialogue conjoints entre vos trois nations. Dès lors, Sylva sera en mesure de négocier des garanties quant à l’utilisation strictement défensives d’éventuelles armes de destruction massive. Je ne vois cependant à ce stade aucune bonne raison de suspendre ces ventes.

En avait-on fini ? Trop de café, Holki commençait à ressentir un début de gêne au niveau de sa vessie mais quitter la salle en plein milieux d’une crise diplomatique internationale n’aurait sans doute pas été très approprié.

- Néanmoins, puisque à proprement parler nous discutons de la menace que pourrait éventuellement faire peser de l’armement ou des forces pirates pharoises sur la région, nous sommes prêts à convenir d’un accord engageant avec le Duché. Vous avez un problème de piraterie ? Nous pouvons le faire cesser. Il suffit pour cela de laisser aux Pharois l’accès à un port franc chez vous qui servira de sas entre la contrebande et votre marché intérieur. Les pirates sont des gens dangereux, mais pas enclins à prendre des risques inutiles : donnez leur des débouchés légaux pour leurs marchandises et ils les exploiteront, c’est la lutte contre la piraterie qui la rend endémique. Tout comme on ne gagne pas la guerre contre la drogue, on ne gagne pas la guerre contre la piraterie. Au pire on la régule, au mieux on la légalise. Voilà pour le commerce, en ce qui concerne la guerre, c’est encore plus simple. A cette heure le Paltoterra n’est pas un havre de piraterie en raison d’un manque d’implantation régionale et de l’éloignement des mers du nord. Les accords passés avec la Communaterra pourrait changer la donne, il ne tient qu’à vous d’en signer également. La piraterie ne prospère en se mettant à dos ses alliés, convenez d’un apaisement diplomatique avec le Kah et la Communaterra et vous verrez les pirates fondre comme neige au soleil.

Holki leva un sourcil. Jaana s’engageait là au nom d’Hymveri, ce-dernier n’était pas la bête la plus facile à dresser surtout depuis que la Merirosvo lui avait donné les clefs du parc de sous-marins du pays. N’empêche, elle n’avait pas tout à fait tort, la menace pouvait être simplement tuée dans l’œuf en rendant les coûts de piraterie trop élevés pour être rentables. Installés en Communaterra, avec la présence locale du Kah, des EAU, de Fortuna et de Zélandia les pirates ne manqueraient ni de cibles ni de bases de repli. Que Sylva soit déclarée pays « ami » de la Merirosvo et le nombre de proie diminuait drastiquement sur toute la côte est du Paltoterra rendant bien moins rentables l'implantation d'équipages ambitieux. Le Paltoterra se contenterait d'accueillir le menu fretin, et ces gens-là ne tenaient pas longtemps contre les compagnies commerciales de contrebande, peu enclines à tolérer la concurrence, fusse-t-elle celle de leurs compatriotes.
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Alexandra afficha un sourire narquois à mesure qu'elle entendait son interlocutrice, regrettant presque que cette dernière ne puisse le voir. Elle venait à l'instant de refuser l'ouverture de bases militaires kah-tanaises pour des raisons d'engagements et messages politiques, et là lui était demandé de mettre à disposition des ports pour la contrebande ? Elle allait devoir appliquer le funambulisme politique de Sylva, en veillant à ne pas se pencher à outrance du côté du Kah ou de l'Alguarena. Serait elle prête à ajouter le Pharois dans l'acrobatie ? Elle se lança en mesurant ses mots :

-Hé bien, pour ce qui était de vous passer un coup de fil concernant la piraterie, j'ignorais que votre influence allait au-delà des commandos d'élite du Pharois. Seriez-vous en mesure d'impacter les agissements de... hmm... tous les miséreux prenant les armes à bord d'un navire de pêche qui ne répondent pas à votre nation ?
Concernant votre remarque sur l'impossibilité de remporter une guerre contre la piraterie, je me permettrais d'exprimer mon incrédulité sur la question. Il existe des exemples historiques de guerre, non pas juste des batailles, gagnées contre les pirates. Sylva compte par ailleurs attaquer le mal à la racine en assistant les zones défavorisées où les habitants seraient prêts à se lancer dans la criminalité. Mais là n'est pas la discussion et nous sommes à l'écoute de toutes les alternatives possibles.

Elle fit une pause en repensant aux propos du capitaine Jaana au sujet de la vente d'arme. Elle avait confirmé le faire non pas pour des raisons politiques ou pour aider les komunateranos à se défendre, mais uniquement engranger des bénéfices. Si Alexandra pouvait respecter les deux premières catégories de marchands d'armes, cette dernière lui inspirait au mieux méfiance, au pire un mépris teinté de dégout. Elle y fit abstraction et se reconcentra sur la discussion.

-Vous ne pouvez reprocher à Sylva de coopérer avec l'Alguarena pour lutter contre une menace envers nos intérêts, d'autant plus quand rien n'indique que les pirates sujets de cette attention soient affiliés au Pharois Merirosvo. Mais passons.
Sur la question de donner accès à un port sylvois au Pharois, rien ne l'interdirait formellement. Mais, nombre de conditions non négociables seraient à appliquer. Primo, le port restera naturellement fermé aux criminels et ennemis de Sylva ou de ses partenaires dans un souci de stabilité et entente. Deuzio, la responsabilité de la sécurité dans ce port reviendra à Sylva et Sylva seule, donc aucune arme n'y sera autorisée. Et tercio, quand bien même vous seriez autorisés à commercer vos marchandises, elles devront rester respectueuses de la législation sylvoise : pas d'armes, pas de drogues interdites, pas d'animaux protégés (être-humains inclus). En un mot comme en cent, les ports de Sylva sont ouverts au Pharois comme ils sont ouverts à n'importe quelle autre nation respectable, avec exactement les mêmes règles en vigueur.

Nouvelle pause, durant laquelle elle hésita. Jaana se permettait de tenir des propos bien trop ambigus qui friseraient presque avec la menace selon l'angle avec lequel on les aborde. Avec prudence, elle demanda :

-Maintenant, vous allez devoir clarifier votre position sur le long terme concernant Paltoterra. Vous indiquez que le continent n'est pour l'heure pas la cible de la piraterie pharoise... puis que cela pourrait changer avec les accords passés avec Communaterra ? Explicitez donc, je vous prie. Si Sylva refuse d'ouvrir l'accès de ses ports au Pharois pour une quelconque raison, alors nos cargos devront mécaniquement craindre pour leur intégrité ? Je ne voudrais pas qu'il y ai de mécompréhension et initier une crise, je vous saurais en conséquence gré d'expliciter. En l'état, nombre d'élus et nobles de Sylva ne pourront qu'interpréter une forme de racket. Or je suis certaine que ce n'est pas ce que chercherait à exprimer un pays ne souhaitant pas s'immiscer dans les affaires de Paltoterra ni y provoquer la moindre instabilité, n'est ce pas ?
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La communication téléphonique ne permettait pas de rendre les émotions, l'ironie ou la désapprobation qu'on pouvait d'ordinaire lire (avec un peu d'entrainement) sur le visage des gens lorsqu'ils parlaient de choses fâcheuses ou cocasses. Néanmoins, Holki le savait, à l'autre bout du monde la Capitaine Jaana arborait encore et toujours sont éternelle tête froide, rendue illisible par les rides qui couvraient les muscles de son visage. Au-delà de l'expérience, peut-être y avait-il une raison au fait que les Pharois n'aient jamais eu que de vieux diplomates.

- Vous n'y êtes pas madame la Duchesse. Le Pharois ne prétend en aucun cas dicter à vos pêcheurs dépenaillés comment se comporter, mais elle peut les mettre sur la paille par l'application d'une loi implacable : celle de la concurrence et du marché. Nos équipages sont mieux formés, pirates de culture et de métier et non par opportunité, poussés comme vous le dites par la faim et le désespoir. Le crime est une profession comme une autre, et comme sur tout marché concurrentiel, les gros mangent les petits et les trusts gagnent à la fin. Vous désirez mener la guerre à la piraterie ? Canalisez la. Tout le reste est littérature et fantasme autoritaire.

Holki se dandina sur son siège.

- Je ne réagirai pas à votre remarque sur votre collaboration avec la marine de l'Alguarena qui témoigne, pardonnez moi, d'une flagrante naïveté. Mais passons vous avez raison.

Pour ce qui est du port, négocions. Il est tout à fait naturel que les ennemis de votre nation ne puisse trouver refuge dans un port-franc. Ceci dit cette liste doit-être "positive" c'est à dire que seuls les criminels explicitement nommés et identifiés comme interdits de mouillage pourront s'en voir interdire l'accès. Dans le cas contraire le concept perd beaucoup de son sens.


Une infime confusion se fit étrangement sentir à l'autre bout du fil.

- Pardonnez moi Duchesse mais ce que vous décrivez n'a strictement rien d'un port-franc. Vous souhaitez juste que les Pharois puissent commercer comme n'importe quel autre marchand international ce qui est déjà le cas. Le principe de la contrebande est précisément de s'affranchir de certaines règles douanières et le principe de la canaliser est de lui lâcher du lest pour la pousser à faire des concessions. Je me permets de vous faire deux propositions plus spécifiques, si vous le voulez bien :

  • Faire d'un port-franc une plateforme commerciale régionale pour le marché noir : les Pharois seront libres d'y vendre leurs marchandises (exception faite de certains trafics moralement condamnables tel que le trafic humain) et les acheteurs d'acheter. Toutefois, ce port-franc sera isolé du reste du pays et ces marchandises pour entrer en Sylva seront contraintes de se soumettre à vos douanes et à votre législation. De ce fait, vous offrez aux contrebandiers une plateforme de travail paltoterrane, tout en vous donnant une meilleure visibilité sur l'intensité des trafics régionaux et leurs acteurs. Cela n'arrêtera évidement pas la contrebande mais la canalisera et en offrant aux Pharois des lieux pour écouler leurs marchandises, vous récolterez une partie des bénéfices du trafic - via quelques taxes légères - tout en permettant aux revendeurs locaux de faire des bénéfices en achetant à bas prix des biens importés de l'international.

  • Le deuxième aspect d'un port-franc est celui d'être une base refuge pour les navires circulant dans la région, si vous désirez vous attirer la sympathie des contrebandiers, offrez leur une base de repos et de service où ils ne craindront pas les législations punitives. Personne ne mord la main qui le nourrit, si vous mettez en place un lieu permissif de transition où réparer les navires, se soigner et prendre du bon temps, la plupart des équipages vous épargneront assez logiquement. C'est la stratégie pharoise et elle a toujours fonctionné.

Nous pourrons discuter plus en détail d'une ou de ces deux modalités de port-franc, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients. Elles ont toutefois le mérite de poser Sylva en alliée des pirates et, de facto, vous épargner. Après tout, pourquoi s'en prendre à une nation qui collabore alors qu'il y a tant d'autres poissons dans l'océan ? Bien sûr vous pourriez aussi mettre en place une législation spécifique aux contrebandiers Pharois pour les rendre de facto plus concurrentiels que le reste des navigateurs et nulifier l'avantage comparatif que procure la contrebande.


Jaana marqua une pause avant de reprendre.

- Pour répondre à votre dernière question, je me dois d'être franc. Si la Communaterra offre des avantages à certains équipages pirates Pharois, il n'est pas en notre pouvoir de leur interdire d'en profiter. Dès lors, oui vous vous retrouverez avec à vos portes des bases pirates potentiellement en mesure d'attenter à votre commerce. Ce n'est pas une fatalité mais c'est la loi du marché : la Communaterra fait le choix judicieux de se rendre plus compétitif que Sylva, Sylva sera donc désavantagée. D'où notre contre-proposition de collaborer avec les Pharois autour d'un port-franc. De cette manière, vous supprimez l'avantage comparatif de la Communaterra et vous épargnez le gros des désagréments. Appelez cela du racket ou une politique commerciale avisée, cela m'importe peu. La vérité est que nous avons beaucoup d'alliés dans votre région et que si Sylva travaille à contre-courant du Kah, de Zélandia, de Fortuna et de la Communaterra au Paltoterra, elle se retrouvera isolée et donc vulnérable.

Silence.

- Mes propos peuvent vous sembler durs parce qu'ils sont honnêtes. Je n'entends pas vous endormir avec de la langue de bois mais soyons clairs : c'est une main tendue et une proposition d'alliance que nous sommes en train de vous proposer. Musclée, certes, mais les relations géopolitiques internationales ne sont pas affaire d'enfants de coeur, et vous avez essayé de détourner nos avions après tout.
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Alexandra afficha un sourire moqueur, regrettant que Jaana ne puisse le voir. Coopérer avec l'Alguarena pour protéger ses intérêts serait davantage naïf que de laisser disposer d'un port les pirates, et même devenir leur allié ? Elle était quelque peu crispée par le ton du capitaine qui, si franc et pragmatique, disait clairement "je suis un gros poisson et toi un petit" frappant assez droit au cœur l'orgueil de la Duchesse.

-Bien, je vous remercie pour votre honnêteté, notamment au sujet de l'implantation de pirates pharois en Communaterra.

Décidément, le Kah et Pharois qui implantait tout deux des bases en Communaterra tout en demandant à Sylva de faire de même. Elle aurait volontier accepté les deux, et proposé à l'Alguarena puis Listonie de faire de même. Mais Sylva n'était pas son terrain de jeu et de toute façon élus et comtesses auraient été trop raisonnables pour refuser (pour la majorité).

-Je transmettrai votre proposition ainsi que vos transparentes informations concernant Communaterra à la Haute Assemblée sylvoise avec qui je me concerterai. Nous verrons si votre proposition saura convaincre.

Elle se tourna vers Meredith.

-Bien, madame, nous pouvons poursuivre à présent. Aviez-vous d'autres points à aborder ?
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"Concernant cette affaire de missile je crois que tout a été dit." Elle sourit et haussa un peu le ton pour s'adresser à la pharoise. "Capitaine Jaana, un plaisir comme toujours. Merci d'être intervenue pour éclaircir la situation. Ton temps est précieux et nous ne le monopoliseront pas plus que nécessaire. Si ça te va je te rappellerai après pour discuter de ce qui nous concerne plus spécifiquement."

Elle lança un regard en coin à Liu Dolores Min, laquelle acquiesça et se leva de son siège, pivotant vers le pilote pharois.

"Citoyen Holki ? Si vous voulez bien m'accompagner. Je dois vous mettre en relation avec nos ingénieurs pour les préparatifs de votre vol." Elle approcha de quelques pas. La dernière chose qu'entendirent la duchesse et son hôte avant de voir les deux militaires disparaître fut la voix guilleterre de Liu Min demander au citoyen s'il avait fin et, le cas échéant, s'il était partant pour de la nourriture locale.

Puis il y eut un petit silence, que Meredith combla avec un soupir.

"Les Pharois, dit-elle avant de sourire. Quand je luttais contre le fascisme à Kotios je ne pouvais pas me passer d'eux. C'est comme une bouffée d'adrénaline à chaque apparition, vous ne trouvez pas ?"

Puis elle se leva à son tour.

"Voudriez-vous m'accompagner, duchesse ? Cette salle de réunion est extrêmement sombre, nous serions mieux dehors pour discuter."

Dehors, justement, l'air était frais. On pouvait voir des ingénieurs accourir le long de la piste en direction des avions pharois, qu'on avait placé sous un hangar moderne. Meredith pris la direction opposée, s'approchant des bâtiments administratifs qui bordaient la piste et derrière lesquels on devinait une forêt tropicale aux aspects encore vierges. Simple illusion, finement entretenue par les agents des parcs et voiries de la ville.

"Quelque-chose me perturbe, si je dois vous parler très franchement. Vous aviez évoqué une coopération avec l’Alguarena sur la question de la protection du commerce mais nous n’avons pas été informés de votre inclusion au traité Tiarmina. Il me semblait pourtant que le Duché souhaitait rester neutre. Pourquoi ne pas avoir rejoint les structures multilatérales préexistantes ? Sauf bien entendu si cela ne vous a pas été proposé par vos alliés."

Elle souffla d’un air amusé.
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Ce fut une petite succession d'émotions pour Alexandra. D'abord l'apaisement que s'achève enfin cet échange avec Jaana puis le passage vers l'extérieur plus éclairé. La familiarité de Meredith était qui plus est un relâchement après cette petite lutte. Mais le stresse revint aux dernières mentions du traité Tiarmina. Cela arracha quand même un sourire à la Duchesse de comprendre la situation quand fut exprimée l'éventualité que l'Alguarena l'ait omis.

-Hé bien, en effet l'existence de ce traité m'était inconnu. Que ce soit involontairement ou à dessein, le Duché de Sylva n'a pas été informé de son existence et de l'éventualité de le rejoindre. Pouvez-vous expliciter sa teneur ? Je ne vous cacherai pas que l'exposé fait par Jaana sur sa proposition recevra un accueil très mitigé dans la Haute-Assemblée et je me doute déjà des discours que chacun tiendra. Dès lors, assurer la sécurité en, comme vous le dites, maintenant ma neutralité pour éviter toute escalade ou isolement, serait un atour auquel je ne pourrais que consentir.

Elle fit une légère pause pour formuler mentalement sa prochaine phrase.

-Parlons franchement, je vous prie, autrement, je ne saurai être décisive dans mes décisions. Quelle forme d'échange se fait entre le Pharois Merirosvo (elle s'emmêla un peu involontairement dans la prononciation) et le Grand Kah ? Le capitaine Jaana en a fait une description très contradictoire selon les idéaux, ou plutôt l'image que j'en ai, du Grand Kah : Ce n'est pas une issue à la misère comme elle le disait, mais bel et bien une profession. Corrigez-moi si je me trompe, mais tout témoignait d'une réelle avarice désintéressée de la morale.
Ce n'est pas un reproche, juste le constat que leur image semble opposée à celle du Grand Kah. Je me dois de vous interroger sur la question puisque, si vous me parlez d'un traité sécurisant le commerce, il doit aller à l'encontre des intérêts du Pharois ?
Par ailleurs, toujours concernant ce traité, est-ce que la seule raison pour laquelle il ne m'aurait pas été évoqué à escient serait dans le cadre d'une lutte d'influence, ou est-ce que ce traité est critiquable ? Soyez franche puisque si c'est cette seconde option, on finira par m'en tenir informé.
De mon côté, je vous parlerais franchement : vous me vendez en l'état du rêve s'il s'agit bien de ce à quoi je pense. Ne pas céder au racket Pharois, me prémunir de la piraterie à venir depuis Communaterra, maintenir la neutralité du Duché pour éviter des tensions croissantes. Cela en est presque trop beau pour être vrai et, dès lors, je tiens à être pleinement informée de ce dans quoi je lance le Duché.
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"Détrompez-vous, aucun accord passé par l'Union ne saurait défavoriser les intérêts de nos amis Pharois. Voyez-vous le commerce kah-tanais part vers le Pharois et inversement. Tout traité participant à protéger notre commerce renforce par conséquent ce dernier, et donc les flux entre nos deux nations."

Elle sourit. On pouvait en douter, c'était pourtant la stricte vérité. Les pirates protégeaient le commerce tout à fait légitime du Grand Kah, en Eurysie du Nord.

"Nous avons des routes sécurisées par les flottes kotioïtes et pour vous parler franchement, les quelques pirates qu'auraient à craindre notre commerce ne sont pas eurysiens. Ce n'est pas une situation spécifiquement kah-tanaise d'ailleurs : Saint-Marquise, par exemple, entretient d'excellentes relations d'affaire avec ces "pirates". Les pharois sont des marchands, duchesse. Ils ont plus à gagner en faisant du commerce avec le Grand Kah qu'en pillant ses convois.

Quant à savoir quelle base idéologique ou culturelle sous-tend cette logique : je suis portée à croire qu'il s'agit au moins en partie d'une importante soif de liberté. Ce commerce, sous toutes les formes qu'il prend, leur permet de vivres libres et détachés des craintes matérielles. Il faut voir le niveau de vie, là-bas. Et la gestion des affaires terrestres se fait dans une logique communiste assez déroutante.

En tout cas c'est peut-être la chose à retenir sur ces gens : faites-leur gagner de l'argent et vous n'aurez rien à craindre.
" Elle acquiesça. "Le problème, bien entendu, c'est qu'il n'y a pas à proprement dit de gouvernement pharois pour imposer des limites aux actions de ces marchands. Et si votre pays présente un marché, un marché qui présente une demande, ils viendront y répondre. C'est une extension de la logique du libre-marché poussé dans ses retranchements logiques et, à ce titre, je vous déconseille de percevoir l'offre de la capitaine comme du racket. Il s'agit plutôt d'une opportunité : celle de ne pas avoir à gérer ce commerce occulte. Sans ça viendra nécessairement un moment où ils s'intéresseront à vous. Mais si ce n'est pas eux c'en sera d'autres, vous savez. Les orpailleurs mahroniens, les cartels alguarenos... Les Pharois ont au moins l'avantage de pouvoir parler aux gouvernements. C'est très pratique. Maintenant c'est un fait de la vie, nous n'y pouvons pas grand-chose : il y a et aura toujours du crime organisé dans les sociétés d'aliénation libérale."

Elle secoua doucement la tête et s'arrêta, mains sur les hanches, pour regarder au loin un hélicoptère de transport se poser sur une piste dédiée.

"Maintenant, pour en revenir à ce traité régional... Vous savez que je n'a pas une haute idée de l'Alguarena. Ce régime a soutenu des putschs et des produits des textes racistes qui ont choqué jusqu'en Afarée. Ce régime, aussi, a essaimé les corps de mes concitoyens à la frontière de certains pays de façon particulièrement grotesque, exécuté quelques tentatives transparentes de provoquer des guerres. Incarne l'idée d'impérialisme, insidieux comme ouvert. Donc quand il s'agit d'eux je suis tenté de dire que tout acte, même manqué, doit être compris par le prisme de la malveillance, ou de l'impérialisme, si vous acceptez d'appeler ainsi les politiques servant à maintenir et étendre la position dominante de ce pays. Les kah-tanais, par essence, ne portent pas les hégémonies dans leur cœur.

Quoi qu'il en soit ce traité aurait dû être évoqué. En substance il propose une coordination des efforts de patrouille maritime le long d'axes commerciaux donnés. Il impose aussi à ses signataires une reconnaissance mutuelle et l'installation d'ambassades.
" Elle haussa les épaules. "Je n'étais pas présente lors des négociations donc je ne saurai pas vous dire pourquoi, mais il compte aussi un article reconnaissant le droit des Églises Australes Unies à revendiquer plus de territoire arctique et un article strictement déclaratif indiquant que les signataires feront des efforts pour faciliter le dialogue culturel à travers le continent. Si je devais parier je dirais que ce dernier point a été poussé par des ambassadeurs kah-tanais. Mais en bref il n'y a rien de vraiment piégeux, vous en conviendrez."
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-Si ces pharois n'étaient que des marchands, il n'y aurait pas le moindre problème. Et quant à la contrebande... être le moins pire ne signifie pas pour autant être tolérable. Mais cette question sera étudiée ultérieurement en Sylva.

Elle fut amusée par la description de l'Alguarena. Une part devait être vrai, une autre déformée, le tout dans un contexte où le Kah était surement maculé également.

-Rien de piégeux, mais déjà davantage que ce que j'imaginais notamment concernant ces Églises Australes et leurs revendications.
Bien, quoi qu'il en soit, nous contacterons l'Alguarena pour faire part de notre volonté de dévier cette coopération vers le traité de Tiarmina. Nous verrons ce qu'il en sera dit et, je vous garantis que nous saurons garder du recul, de la même façon que je ne vous cache pas en avoir avec ce que vous dites.
La géopolitique est un échiquier complexe et je me doute bien des enchevêtrements d'implications qui l'imprègne.
Toutefois, pour en revenir aux pharois et à la piraterie. Il a été explicitement exprimé l'éventualité que des pirates attaquent le commerce sylvois depuis Communaterra, si nous venions à refuser de leur accorder un port. Vous vous doutez bien qu'une telle action serait absolument inexcusable et exigerait des mesures pour les prévenir à l'avenir... voyez-vous où je veux en venir ? Nous sommes bien d'accords que si nous adhérons au traité de Tiarmina, nous travaillerons de concert à nous prémunir de cette menace, n'est-ce pas, même si cela impliquait de combattre des navires avec le pavillon communiste ?
Par ailleurs, c'est là l'une des raisons pour laquelle l'offre du capitaine Jaana risque de trouver des réticences. Au-delà de la question de la perte de souveraineté dans l'acte d'abandonner un port aux pharois, il y a celle des implications géopolitiques. Des pirates pourront-ils profiter de ce port pour s'attaquer au commerce alguarenos ? Si cela arrivait, alors Sylva sera impliqué bon gré mal gré et devra y répondre, soit en démantelant le réseau qu'elle héberge, soit en prenant de fait parti pour. Il s'agit là d'implications majeures pour la stabilité régionale, principale raison pour laquelle ne saurait être accepté l'offre d'un port Franc. Ça et la fierté de certaines comtesses par rapport à l'image de racket qu'aura cette proposition à leurs yeux.

Elle se racla la gorge avant de reprendre.

-Si Sylva peut sembler faire une fixation sur notre voisin sudiste, l'inquiétude est justifiée quand chacune des interventions d'une de leurs déléguées se résume à des appels à la destruction et au renversement des régimes semblables à Sylva. L'un des délégués a lui-même clairement confirmé qu'elle était une menace à la stabilité dans une missive à notre égard, maintenant consultable par tous... Ils se positionnent de fait comme hostiles à notre égard, d'où notre interception cavalière visant à éviter de leur donner les moyens de leurs ambitions clairement dites. Et je ne vous cacherais pas que le soutien que le Grand Kah leur apporte, aussi louable et bénéfique pour la stabilité régionale soit il, porte à question. À partir de quel moment le Kah s'engagera t'il à assister Sylva à se défendre ? Pas avant une invasion armée ? Dès le pillage de nos navires ? Ou à l'instant où un éminent membre de leur révolution viendra exploser une comtesse et gazer des soldats ? Bref, le Grand Kah a ma confiance, mais les politiques de Sylva ont un fervent esprit de contestation et il me faudra des garanties à leur apporter.
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"Pour le moment l'Union a jouée la carte de la bilatéralité et de la transparence avec votre gouvernement.[b]" Elle haussa les épaules. "[b]Nous ne vous considérons pas comme un pion mais comme un partenaire régional. Cependant, effectivement, pour chaque coup de boutoir de la Fédération nous sommes bien obligés de répondre à l'inverse afin d'assurer que ce partenariat ne prenne pas une autre forme. Comme je vous l'ai déjà expliqué certains de nos pays frontaliers ont été poussés à des actions hostiles contre notre Union sur la base d'opérations sous faux-drapeaux ou de pressions politiques. Nous souhaitons à Sylva de garder son indépendance. Mais à ce titre votre politique semble avisée : et pour le reste, puisque nous défendons chacun nos intérêt, il vous semblera logique que nous ayons nos propres biais. Nous restons de grands sensibles."

Puis elle croisa les bras et releva le menton.

"Le Grand Kah traite avec les gouvernements, duchesse. Pas les individus. Nous reconnaissons le Pharois, pas ses flottes. Et si certains de ce que nous appelons des "pirates" se mettent en tête de menacer votre commerce sur les routes protégées par l'Union vous profiteriez inévitablement de notre soutien. Cela n'a rien de difficile, vraiment. Nous tirons sur les cartels, nous tirons sur les orpailleurs, notre garde mène des opérations fréquentes dans les jungles continentales pour éliminer les narco-milices et l'Impériale protège le commerce : cela n'a jamais été sujet à question. Comprenez qu'il faut dissocier le Pharois des libres-marchands. L'un est un ami fidèle et respecté. Les autres... Doivent parfois être éloignés par la menace d'un croiseur de bataille. Nous n'avons jamais eu le moindre état d'âme à le faire, en notre nom ou en celui de nos amis.

Concernant ce port libre, je doute sincèrement et absolument que le moindre pirate soit assez imbécile pour menacer l'Alguarena. Non. Ces ports existent dans différents pays, vous savez. Ce sont des lieux de commerce et de ravitaillement. Ils ne servent pas de plateformes de lancement mais plutôt de sites logistiques et - plus important - d'hôtels de vente. D'ailleurs mieux vos penser la chose comme ça : vous ouvririez votre économie à tout les bénéfices d'une liaison directe avec la région la plus prospère d'Eurysie, qui elle-même est très gourmande en importations. Votre bourgeoisie d'affaire pourrait y trouver un intérêt. En tout cas il pourrait aller dans le sens de votre classe économique d'ouvrir la voie à du commerce avec cette puissance lointaine et atypique. Maintenant, il en va de votre politique interne et il est évident que vous devez marcher sur une corde raide. Et puis les Pharois sont rugueux, ce qui ne joue pas en leur faveur.
"

Elle haussa les épaules.

"Concernant le Comunaterra, nous avons une sympathie pour ce mouvement, mitigée par l'emportement de sa politique. Maintenant si vos navires sont pillés ce sera le sujet des pays signataires du traité de Tiarmina, parmi lesquels l'Union. Si des terroristes traversent la frontière ce sera le sujet de vos services de contre-espionnage. Et à ce titre il est évident que des espions ont déjà passés la frontière des deux côtés et, si j'en crois le passif de certains de vos partenaires, des opérations de déstabilisation finiront par avoir lieu. Je fais confiance à vos services pour assurer des enquêtes efficaces sur la question. Maintenant, si des soldats ou des missiles traversent la frontière, ce sera l'affaire du Grand Kah. Par là j'entends qu'à partir du moment ou un état de guerre existera soit dans les déclarations, soit dans les faits, nous ferons le nécessaire pour changer le Comunaterra en union fréquentable. Ne croyez pas qu'un seul milicien pourra passer la frontière avec l'avale des comités sans que l'Union toute entière ne s'abatte sur le Comunaterra.

Si nous ne laisserons pas cette révolution s'éteindre, nous ne la laisseront pas se changer en seconde Loduarie. Est-ce que notre position vous semble entendable, ma chère ?
"
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