22/06/2013
14:25:54
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A l'origine de notre cité (Rencontre Fortuna-Scaela)

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A l'origine de notre cité: Rencontre Fortuna-Scaela


En ce jour du 28 décembre, le bouillard recouvrait les eaux des canaux de Fortuna. Une atmosphère étrange et fascinante. Terrifiante, car on ne savait quel pied mettre devant l’autre lorsqu’on s’approchait des quais, mais exaltante. Car c’était la première fois depuis plusieurs années que le triumvir Dino Scaela était en « pèlerinage » dans la « ville qui sombre ». Un dédale de canaux, où avec ce brouillard, les gondoliers paraissent flotter sur des nuages. Des palais construits les uns sur les autres au fur et à mesure que la lagune s’affaisse sous leur poids, des allées et venues de passants qui prennent conscience au premier échange de regard que Scaela n’est pas totalement à sa place, qu’il est un étranger, un fortunéen exilé comme ceux qui firent le chemin inverse jusqu’à Velsna plus de douze siècles auparavant. Tout ce temps passé, la langue a changé, les accents aussi. Le velsnien du triumvir, malgré le fait qu’il maîtrise également le fortunéen, n’est plus entièrement compréhensible par les locaux. On disait souvent, que lorsqu’on parlait velsnien, on prenait la construction des phrases des fortunéens, et on y plaçait des mots de Léandre et d’Occitanie au petit bonheur la chance.
Mais passé l’artifice de la linguistique, Scaela sentait davantage que cette différence de mots, c’était quelque chose qui lui faisait boullir le sang, qui lui rappelait que la maison n’est pas l’endroit où l’on naît, que l’endroit auquel on appartient est autrement plus différent. Il y avait une connexion, certes distordue par le temps, mais toujours présente et qui rappelait au triumvir que Fortuna était bien la cité originelle.

On l’avait fait venir seul à un point de rendez-vous précis. Pour la première fois depuis longtemps, Scaela n’était entouré ni de licteurs devant le protéger, ni de courtisans ou membres d’une suite attendant ses compliments et bonnes grâces comme des animaux de compagnie. Le triumvir était vulnérable, un sentiment terrifiant qu’il avait réussi à cacher depuis des années. La solitude dans la vie politique velsnienne est une peine de mort en soi.

Qui allait se dévoiler ce soir, dans ce lieu que si peu fréquentent ? Dans cette cité qu’il a crié à l’aide dans ses lettres. Que pouvait-donc surgir des eaux de la lagune de Fortuna ?
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Les on-dits et surtout les contes et autres histoires millénaires transmises de génération en génération tendaient à prétendre plus que de raison que la Cité qui Sombre, Fortuna la Sérénissime perchée sur sa Lagune avait réussie là où Rème et Beiyfon, deux antiques capitales de nations millénaires ayant déclinés plus que de raison face aux courants du destins, avaient échoués, à savoir préserver un statut tout particulier de coeur battant du monde. En soit il s'agissait là d'une image plus que d'une réalité quoique quelques relents locaux laissaient tout de même une impression unique sur le palais car après tout la Capitale de la plus célèbre république maritime du monde demeurait de très loin l'une des cités les plus cosmopolites qui soit, symbole triomphant de l'universalisme prônée par la République depuis des siècles. Pour autant, LA Cité demeurait avec ses codes, ses usages, ses coutumes et en dépit des mille et unes caractéristiques des habitants et des gens de passage en ville, cette odeur de vieillesse propre aux antiques demeures Eurysiennes y régnait encore à bien des égards et notamment dans la vieille ville siégeant au coeur même de l'origine des lieux.

Si ce n'était pas pour les aménagements contemporains après tout l'on aurait pu jurer que les lieux n'avaient jamais réellement quittés l'époque moderne et oscillait ainsi entre le XVe et le XVII siècle, l'âge d'or de la République ayant vu sortir de terres d'innombrables merveilles architecturales ce tandis que les gondoles, chef d'oeuvre d'artisanat local et véritable trésor de la culture fortunéenne voguaient paisiblement ci et là à travers les divers canaux formant un réseau aussi complexe qu'essentiel à la circulation dû aux particularités géographiques. Une bascule perpétuelle entre le contemporain et l'antique, la marque de fabrique des lieux en surface, mais surtout derrière les apparences à dire vrai. Chose intemporelle dont Fortuna s'était faites spécialiste demeurait en effet les innombrables intrigues et divers complots qui couraient autant de jour que de nuits à l'ombre des Palais et des Villas et si la capitale était une authentique fourmilière à la vue du monde, la réelle Ruche se dissimulait à l'abri des regards, enterrés sous des tonnes et des tonnes de protocoles, de non-dits et de secrets. Il en avait toujours été plus ou moins ainsi, les vieilles familles et leurs séides avaient le goût des manigances qu'elles avaient hérités de leurs aïeux et le cas échéant les avaient fait perdurer jusqu'à nos jours.

Un écosystème à part entière fonctionnant selon ses propres règles dans un écosystème plus grand, une Société dans la Société, un Gouvernement dans le Gouvernement. Ni plus ni moins qu'un monde secret ayant réussi envers et contre tout à maintenir l'omerta sur sa structure même et ce jusqu'à son existence. A quelques exceptions près toutefois... Il y en avait toujours, que ce soit volontaire afin de donner aux chiens enragés des indices volontairement abandonnés afin de les lancer sur de fausses pistes, loués soient ces fols de Transblêmiens qui étaient d'une utilité remarquable dans ce domaine. Ou plus tacites, de ces privilèges qu'offrent les liens du sang afin de pouvoir contacter ce grand club très privé qui tirait les ficelles en sous main. Dino Scaela n'eut été un de ces Grands aux liens très proches avec des rouages clés de la machinerie que celle ci se serait assurée de la broyer sans aucune autre formes de procès, mais il n'en serait rien, c'était là le privilège du sang, le dû du nom, l'héritage des siècles passés.

Pour autant, et en dépit de ces qualités, il demeurait un étranger, un fils perdu revenant en sa véritable demeure qu'il n'avait jamais réellement connue et si l'on ne doutait guère de sa bonne foi, l'assurance de ses parents fortunéen faisant office de garantie, il n'en était point de même pour tout la racaille qui orbitait autour de lui et dont l'on ne savait rien, et c'était là uniquement à proprement parler du cas de ses suivants, l'on se doutait aussi que ses détracteurs ne faisaient guère dans la dentelle et avaient affiliés des mains à quelque surveillance que ce soit. Impensable dans la cité qui sombre. Dans tous les cas et car ce qui allait se dérouler en cette froide nuit de fin d'année ne concernait que le Triumvir et les marionnettistes locaux, des mesures avaient été prises. Le style cryptique de l'invitation et ses tenants et aboutissants n'en était qu'une partie à dire vrai, une très fine et infime partie. Fortuna comme à chaque fois que la Basilique Noyée voyait émerger le bout de sa nef des flots s'était métamorphosée en un plateau d'échec et les diverses pièces avaient été disposés avec minutie, laissant libre court aux maîtres des lieux afin de les mouvoir de tel manière à ce qu'aucun invité impromptue n'outrepasse la patience de ces derniers.

Sous les coups étouffés par la distance de la grande horloge de la Plaza San Salieri, l'heure fort tardive fut annoncée et à mesure que la brume s'épaississait à travers les terreurs de la nuit, les ruelles et les canaux s'étaient vidés progressivement de leurs passants et gondoles. Les non-dits avaient la dent dure après tout et les locaux avaient tous plus ou moins un arrière-goût de connaissance que ce soit via des légendes urbaines ou par des rumeurs qu'il ne fallait jamais s'attarder trop longtemps lorsque les Alizés apportaient la Brume dans les rues. Non pas que le phénomène soit dangereux en lui même, toutefois les ombres qui traînaient dans cette dernière et les disparitions inexpliqués qui advenaient de temps à autres n'étaient jamais plus qu'un énième jeton que l'on remettait dans la machine alimentant les mythes locaux et l'imaginaire populaire. Dans tous les cas, le Triumvir Scaela dans sa solitude la plus absolue pu toutefois apercevoir émerger soudainement au loin, lorsque l'horloge donna son dernier soupir pour l'heure à venir, une lueur d'albâtre se distinguer dans l'insondable purée de pois obstruant la vue.

Les plus crédules auraient hurlés aux fantômes ou à minima au feu follet, mais il n'en était rien n'en déplaise à l'inquisition blêmienne n'hésitant pas à jeter de l'huile sur le feu sur les internets. Cette lumière n'était ni plus ni moins qu'une lanterne faisant office de fanal et siégeant à la proue d'une forme élancée se traînant péniblement sur les eaux, une forme obscure dont les traits s'affinaient et devenaient plus claire à mesure qu'elle approchait de la position du Triumvir. Bientôt la certitude fut, il s'agissait d'une gondole aux traits des plus traditionnels qui plus est, et à son bord deux silhouettes, l'une emmitouflé dans une de ces tenues d'époque du XVe siècle surmontée d'un de ces chapeaux bouffis au Panache d'ébène des plus imposants trônant sur ce dernier avec en accessoire peu commun celui d'un masque de céramique blanche à l'expression neutre dissimulant son faciès. Celle ci avait en main les rames de l'embarcation et de gestes forts et experts était le moteur de cette dernière, guidant celle ci jusqu'aux abords de Scaela.


Le Gondolier
Le Gondolier


Plus anodin encore et à dire vrai curieux était cependant la seconde silhouette présente cette fois à la proue de la Gondole qui au demeurant après de plus amples observations était assez large. Cette dernière, debout et droite se distinguait de toute évidence par une allure fière, mains jointes à l'arrière et balance assurée. Pour autant, son allure vue de près tranchait net avec celle du gondolier dans la mesure où elle n'était ni de la même époque ni du même style. Cette fois ci, c'était des atours rappelant clairement les milieux militaires ou tout du moins proches des domaines de la sécurité et de l'intérieur, atours qui plus est que l'on devinait d'une certaine manière en partie cérémoniels dû aux diverses dorures et décorations ci et à distinguable sur l'ensemble. La rapière au fourreau pendant à la hauteur de la ceinture et le holster d'un révolver étaient toutefois les détails les plus probant quand à la caste d'appartenance de l'intéressé, quoique l'imposante casquette d'officier sur laquelle siégeait bien en évidence l'aigle bicéphale Fortunéen et les épaulettes surmontant un large manteau laissaient déjà présager la chose. A l'image du Gondolier toutefois, ce dernier arborait aussi un masque, toutefois plus stylisée pour sa part dans la mesure où ce dernier était une mimique d'un masque à gaz aux teintes grisâtres. Pour les néophytes et les non initiés, l'image avait de quoi prêter à sourire. Toutefois pour ceux qui avaient eut un jour la possibilité d'entrevoir les diverses échelles du monde secret sous la Lagune, il n'y avait qu'une réponse quand à l'identité de cet "Officier" et elle tenait en deux mot : Maréchaussée Fantôme.

L'Officier
L'Officier de la Maréchaussée Fantôme

Une fois arrivé dans un silence religieux aux abords de la chaussée, brisé uniquement par le son du bois en lutte avec les flots de la Gondole elle même, l'Officier se tourna partiellement vers Scaela sans un mot, détaillant depuis l'envers de son masque ce dernier, sans doutes afin de s'assurer qu'il s'agissait bien de l'individu dont on lui avait fait la description avant de l'envoyer naviguer. Acquiesçant d'un hochement de tête ce dernier pris finalement la parole d'une voix rauque et quelque peu étouffé mais pourtant clairement audible.


L'Officier - << Le Calice Régalien a-t-il été suivit ? >>

Il n'y avait rien de plus détestable que les imprévus et les facteurs surprises. C'était la ruine des mécanismes d'horlogerie de précision. Et surtout c'était là le lot des puissants, fussent-ils en séjour au sein d'une terre lointaine. Qu'importe toutefois. L'officier porta sa main gauche dans les épaisseurs de son manteau, ressortant cette dernière quelques secondes plus tard avec une montre à gousset qu'il ouvrit d'un geste afin de consulter la position des aiguilles.

L'Officier - << Qu'importe si vos traces ont été laissés à découvertes. Les fauteurs de troubles recevront leur dû. L'heure se prête au nettoyage. >>

Déclara-t-il finalement froidement, refermant dans la foulée la montre qu'il fit disparaître comme elle était venue dans son manteau. Aux alentours, du mouvement à peine perceptible prenait place au coeur de la brume. Des silhouettes fugaces apparaissant sur certains toits, des ombres se mouvant à certaines fenêtres. Et un simili de procession semblant émerger d'une des allées voisines, les cannons équipés de silencieux de ce qui semblaient être des fusils se mouvant dans un pas cadencé. L'officier étendit par la suite son bras droit vers l'intérieur de la Gondole, une invitation évidente à prendre place.

L'Officier - << La Basilique Noyée attend. Si l'honorable Calice Régalien veut bien prendre place à bord de cette modeste embarcation. >>

Sur ces mots, le Gondolier se prépara à reprendre le trajet une fois que le Triumvir eut pris place.
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Parfois, il est des situations où il est sage d'utiliser les mots avec parcimonie, une chose que Scaela n'avait pas l'habitude de faire. Ne répondre qu'aux questions et ne rien dire d'autre. Lorsqu'il vit les silhouettes dans leur gondole, il pensa: "Eh bien. Il y a plus de bonne humeur dans le bureau de DiGrassi que dans cette barque...". Le moment, cependant, n'était pas à la moindre arrière pensée ou plaisanterie. Scaela est un joueur, mais il y avait bien trop à jouer pour prétendre au moindre faux-pas. Dino Scaela, aux interrogations de ses interlocuteurs, se tourna dans le vide, jetant un regard derrière ses épaules, tentant de percevoir quelque chose dans la lueur blafarde de la nuit. Il répondit à l'homme:
- Je n'ai pas été suivi. Pas à ma connaissance. J'ai pris les dispositions qui s'imposaient pour m'en assurer. Il n'y aura pas besoin de cadavres cette nuit, je ne pense pas.

Scaela emboîta le pas à ses hôtes qui lui laissèrent une place sur la gondole. Il faisait silence, se murant dans une posture qu'il voulait respectueuse. Pourtant, sa conscience le rongeait de l'intérieur. La curiosité l'harcelait de questions, comme celle d'un enfant découvrant un monde qu'il ne connaît pas. Qui sont ces gens ? Pourquoi m'appellent t-ils "Calice régalien" ? ... Cet homme en uniforme rappelait beaucoup à Scaela les agents du service de renseignement de la Segrada, qui depuis le début du triumvirat avaient forte affaire de devoir obéir aux ordres de l'un un jour pour faire le contraire sur les ordres d'un autre le lendemain.

Là encore, il y avait dans ces canaux serpentant partout dans la ville une sensation, familière et différente à la fois. Scaela jetait parfois un regard au gondolier menant la barque. Le masque...une pratique toujours présente à Velsna, mais dont la l'utilisation a fortement évolué. Hormis pour les grands évènements et la période de carnaval, il n'y avait plus beaucoup d'occasions de les porter. Finalement, être à Fortuna est comme avoir rendez-vous avec un proche que l'on a perdu de vue et dont les goûts ont évolué depuis la séparation.

Attendant les prochaines instructions, Scaela se laissait guider par le gondolier et ses compères, emporté par le courant dans ces sombres eaux qui ne reflétaient rien d'autre que la lueur nocturne. Une eau noire dont on devine juste la présence sans pouvoir la voir. Qui sait ce que cette rencontre donnera ?
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L'officier ne pipa mot à la réponse de Scaela. Que ce soit dans un cas comme dans l'autre, que ce dernier n'eut pas été suivit comme il le pensait ou non, la finalité serait la même et la volonté du Concile serait faites. Il en avait toujours été ainsi et encore une fois ce soir ce qui devait être serait.

L'officier - << Nous sommes dans les temps. Avanti... >>

Laissa-t-il échapper en évidente constatation, donnant par la même occasion, après que le Triumvir eut prit place au sein de la gondole, le signal à son principal vecteur de mouvement de s'élancer à travers les eaux aussi noirs que la nuit qui régnait en auguste maîtresse sur la ville à cette heure. En théorie et selon l'imaginaire populaire, un trajet en Gondole avait quelque chose de joyeux ou de romantique, mais ici, ce soir, il n'en était rien et ce n'était pas uniquement de par les teintes et les humeurs sinistres propres au règne des ténèbres, ni même à a brume ambiante qui rendait complexe de se situer si l'on n'était guère habitué des dédales de canaux qui composaient la ville. Non, il y avait aussi cette ambiance lourde et pesante emplie de silence qui contrastait nettement avec l'activité bourdonnante qui de jour animait la Cité. En l'état, elle semblait pour ainsi dire morte, occis spirituellement et avait laissée place à une doublure parallèle méconnaissable.

Ce trajet en gondole prenait ainsi à bien des égards plus des allures de procession funéraires, rappelant des scènes communes de la mythologie hellénique avec Charon le passeur permettant aux âmes des trépassés de franchir le Styx contre une obole. Quelque part les ressemblances n'étaient sans doutes pas un hasard, après tout les Fortunéens à la strict origine descendaient de populations culturellement proche des hellènes. Quiconque avait imaginé le protocole devait ainsi être fin connaisseur des mythes et des légendes et avait décidé purement et simplement d'en exacerber les traits et points notables afin de s'enfoncer tel une spirale interminable dans une forme de mysticisme dont seul les sociétés secrètes avaient le secret et l'art.

Toujours est-il que les deux transporteurs n'entendaient pas faire la conversation, ils avaient une tâche et s'en tenaient à celle ci, quoique l'officier pour sa part portait de temps en temps sa main à son oreille, trahissant la probable présence d'une oreillette via laquelle on lui communiquait des informations, probablement par ailleurs quand au périmètre de sécurité de "l'évènement". Dans tous les cas, le trajet s'il fut compliqué d'en estimer la durée finit par s'achever après tours et détours aux angles de divers voies navales lorsque la Gondole s'engouffra finalement dans les soubassement d'un court tunnel menant en apparence vers un cul de sac. En apparence seulement, l'officier d'un geste expert appuyant sur une des pierres dépassant d'un mur décrépit voisin. Celle ci s'enfonça, poussée par la main gantée et vit un espace s'entrouvrir à côté avec un creux d'une forme spécifique. L'officier retira de son index une bague qu'il colla dans ledit creux, les formes gravés de cette dernière s'engonçant à merveille et mettant en branle une mystérieuse machinerie qui se fit entendre allègrement dans un sinistre grincement d'une part, puis via le son de la pierre se mouvant. Finalement, le bout du tunnel sembla s'affaisser, laissant ce dernier s'ouvrir afin de dévoiler une extension dissimulée.

Quelques coups de rames et un peu plus loin, la Gondole émergea finalement dans ce qui semblait être un quai en sous-sol sur lequel patientaient lanternes et torches signalant incontestablement que les lieux étaient occupés. Quoique la présence de valets masqués, d'hommes d'armes veillant au grain et surtout d'un visage familier patientant péniblement aurait pu donner un indice plus que suffisant.

Les traits vieillissant de Dom Sergio Scaela, dont les deux mains juchés sur le pommeau en argent de sa canne peinaient vraisemblablement à soutenir le patriarche de la branche Fortunéenne de la dynastie, laissèrent finalement émerger un soupir de soulagement à la vue de la Gondole, sonnant de facto la fin de l'attente pour lui.


Dom Sergio Scaela
Dom Sergio Scaela, Patrice de Fortuna,


L'officier à la proue se fendit d'un salut militaire à la vue du Patricien, que ce dernier lui rendit d'un hochement de tête cordial. Ceci fait il ne fallut pas attendre plus d'une minute pour que s'amarre la Gondole à un espace vraisemblablement réservé, immédiatement le Dogue de la Maréchaussée fantôme émergea de l'embarcation, ressortant sa montre à gousset prestement avant d'acquiescer silencieusement, signifiant que tout était en ordre et qu'ils étaient dans les temps. Il bascula ensuite de la montre vers sa probable oreillette.

L'officier - <<
Livraison du Calice Régalien effectuée. Nous mettons en route sous peu vers l'hémicycle. >>

Laissant l'intéressé à ses transmissions et autres frasques, Dom Sergio s'était porté vers le Triumvir afin de le saluer comme il se doit. Deux serviteurs à sa suite dont l'un transportant une boîte ouverte contenant une chevalière dorée arborant une plume à l'envers comme emblème.

Dom Sergio - <<
Cher Cousin. J'ose espérer que le trajet n'a pas été trop pénible. La saison fait que la ville est très humide à ces heures tardives, et les exécutants ne sont jamais de bonne conversation. Enfin. Soit le Bienvenue à Fortuna, la vraie Fortuna, celle de Dame Fortune. Les organisateurs ont eut la délicate attention de te faire forger une chevalière signifiant ton statut d'invité d'honneur, plus gracieux et prestigieux que ces pass et diverses étiquettes que l'on distribue à tout va de nos jours à l'étranger. >>

En tout état de cause, même si cela n'était que sous entendu allègrement, c'était aussi un repoussoir à exécutants trop zélés afin que tous saches qui donc était cette nouvelle tête faisant acte de présence au coeur des mystères de Fortuna.

Dom Sergio - << Si tu as des questions, pose les donc pendant que nous nous dirigeons vers l'hémicycle. Je tacherais d'y répondre dans la mesure du possible. >>

Et sur ces paroles, le Patricien invita son cousin à prendre possession de son "pass" ainsi qu'à le suivre vers le site effectif de réunion.
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Dom Scaela se tenant devant le triumvir en sa fin de pérégrination. Combien cela faisait de temps depuis leur dernière vraie rencontre ? Six ans ? Sept ans ? Le même nombre d’années depuis que le velsnien n’avait pas foulé la lagune de Fortuna. A Dom Scaela, il devait le fait d’avoir eu le privilège de voir la ville qui sombre sous un jour que peu percevaient habituellement. A Fortuna la bruyante avait succédée Fortuna la secrète, qui se dévoilait pas à pas à l’étranger, si toutefois il était possible de le nommer ainsi. Et peut-être c’était en ce lieu, ce soir, que le triumvir aurait l’occasion de concevoir un plan afin de « sauver » sa République, la sienne et non pas le rêve d’immobilisme de DiGrassi, ou la trahison que constitue les tentations étrangères de Vinola. Non, jamais ô grand dieu Scaela ne sera la note de bas de page due l’Histoire de quelqu’un d’autre. Le triumvir fit une révérence timide aux hôtes de sa gondole avant d’en quitter son écrin, et salua bien bas son illustre cousin :
- Je te remercie de ton attention, cher cousin. Un voyage n’est jamais pénible lorsqu’il s’agit de revenir en ces lieux. Partir de Velsna pour aller à Fortuna, c’est finalement quitter la maison pour se rendre compte qu’on ne l’a jamais quitté. Sois heureux de ce temps détrempé, Don Sergio, car il n’est rien comparé à celui qui a court dans nos terres. Si je ne suis pas allé à Fortuna depuis longtemps, sois certain que j’ai confiance au fait que Dame Fortune ne m’ait jamais abandonné. Elle ne m’a jamais quitté.

Scaela fut honoré par le don qui lui a été fait de cette chevalière, et ne se priva pas pour le faire savoir :
- Je vous remercie, toi et mes hôtes pour ce cadeau. Elle est magnifique. Rien ne vaudra jamais l’attention du détail d’un orfèvre de nos contrées d’Eurysie du sud. Le meilleur artisan de Zélandia ne pourrait pas même rêver de concevoir une telle merveille. Leurs doigts sont trop gros, leurs yeux pas assez alertes et leur esprit bien trop vulgaire pour cela.

Le triumvir, s’il avait assez de questions pour toute une vie, préféra se tenir au plus simple : la raison de son appel à l’aide :
- Pense-tu sincèrement que ces gens aider le « calice régalien », cousin ? Ma situation est très complexe et pour être honnête, j’ai parfois douté de Dame Fortune ces derniers mois. Mes adversaires sont nombreux et tenaces. Et me confier à Fortuna est l'une des seules cartes dont je dispose actuellement
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Certaines choses ne changeaient pas, peu importe la distance ou le passage du temps fut-il de quelques années ou de plusieurs décennies. Les goûts et les couleurs sont choses actés dès les premières lueurs de la vie n'en déplaise aux théoriciens du mouvement perpétuel, c'est là le propre du genre humain que d'avoir ses préférences, ses envies, ses ambitions et de s'en tenir à ces dernières et ce même s'il existe des exceptions pour confirmer la règle. Plus d'une semi décennie, un peu moins d'une entière, autant de temps que Patrice et Triumvir, cousins de sang ne s'étaient plus vus pour autant, chacun restait fidèle à lui même, à ses origines. Cela allait certainement faciliter les choses auprès du gouvernement renversé qui estimais grandement lorsque les requêtes qu'on venait lui adresser impliquait une vision assumée et cohérente, non pas que ce qu'entrevoyait le Concile était toujours similaire à ce qu'on lui quémandait, mais cela avait au strict minimum la qualité de faire preuve d'une certaine compétence ou tout du moins d'une assurance qui était chose nécessaire afin de naviguer sur les eaux tourmentés du monde. Ce même si le Grand et Noble Jeu, apprécié de tous, tranchait parfois nettement avec les livres ouverts.

Dom Sergio - << La Dame est comme cela, souriant aux audacieux et ce dont les convictions ne comprennent aucun regrets. Qu'importe la finalité, honnis soient les indécis et les lâches car le Destin peut être modelé à la force des convictions et au simple sourire de la Fortune. >>

Résonnèrent alors les voix uniformes des serviteurs et autres laquais non loin qui avaient entendu la maxime clairement énoncée. "Louée soit la Dame, grâce soit fait de son regard." tel fut l'écho des croyants préférant placer leur foi dans une existence moins cruelle et plus juste aux yeux de tous. Après tout, le hasard et la chance se moquaient bien des statuts et frappait au gré de leurs humeurs, favorisant certains et traînant par le bas d'autres ce sans aucune forme de discrimination. Chacun avait sa chance, encore fallait-il ne pas la laisser filer car chacune d'entre elle pouvait se révéler fugace autant que capricieuse. Malheur au fainéant et au maladroit après tout. Pour le reste, le Patricien se fendit d'un sourire à la remarque portant sur les Zélandiens. Pensée typique des contrées du nord.


Dom Sergio - << L'excellence est une quête que beaucoup prennent à coeur ici. C'est là le rêve exposé par la République, un idéal, un paradis, une utopie, à peine à portée de main pour quiconque se donne les moyens de la saisir et ainsi sortir de la fange et la médiocrité. Peu importent leurs défauts disgracieux tant qu'ils sont capables d'user de leur main comme on l'attend et à la fin ils se plient en quatre afin d'offrir mille remerciements quand à cette chance leur ayant été offerte, bien trop heureux d'avoir trouvé une place ou se fixer et perdurer. Il en faut peu pour être heureux comme l'on dit pour les simples d'esprits. >>

Tel Velsnien tel cousin Fortunéen. Les moeurs de certains au delà du miroir avaient la dent dure et ce en dépit de la tête d'affiche que la Sérénissime République tendait à présenter ci et là aux yeux du monde. Les revers de la tolérance et de l'universalisme dirait-on, après tout s'il fallait de tout pour faire un monde, l'on ne faisait jamais non plus dans la charité absolue. Un investissement peu importe sa forme devait avoir un retour, c'était une loi universelle. Bienveillance intéressée, c'était là le maître mot. Pour autant, était-ce un mal ou bien ? Cela dépendait des points de vue, mais assurément au coeur de la Lagune il était clair que c'était toujours une finalité plus enviable que beaucoup d'autres existences. De la Transblêmie à la Communaterra en passant par le Prodnov ou le Pontarbello, les exemples ne manquaient guère. Herbe plus verte ailleurs comme on dit.

Ceci dit, les divagations avaient bon dos et bien assez vite le sujet d'ordre du soir reviens au galop. C'était naturel. Les galeries empruntés depuis le départ des quais tranchaient net avec l'apparence extérieur austère et humide de l'ensemble. De toute évidence, les dalles de marbre finement taillés sur lesquelles un chemin de tapis écarlate avait été disposé, serpentant à travers des couloirs aux gravures et statues encastrés dans des alcoves anciennes mais parfaitement entretenues, tout cela en disait long sur la finalité de cette marche. Sur qui allaient écouter les requêtes. Quand à savoir si les maîtres de la ville qui sombre pourraient les exaucer..


Dom Sergio - << Le triomphe est d'autant plus satisfaisant lorsque la victoire finale se profile après maintes épreuves. Bien que j'admette volontiers que des succès aisés soient moins pénibles au quotidien. Mais rien dans ta situation cousin n'est simple ni aisé. Ce que Fortuna peut accomplir va dépendre grandement de ce que tu va lui demander. Non pas que la volonté ou les cartes à jouer manquent après tout la main est large et ce qui se veut impossible à accomplir dans les règles de l'art se compense par des idées saugrenues pouvant se révéler surprenamment efficace. >>

Le Patricien marqua une pause, plissant les yeux et laissant échapper un léger soupir de dépit avant de reprendre. Continuant à s'avancer péniblement le long de l'allée aux soieries écarlates alors que l'officier avait pris la tête de la marche sans que l'on s'en rende compte à l'origine.


Dom Sergio - << Les cabots qui te servent de rivaux sont fidèles à eux même, des outres gorgées de défauts comme de qualités pour peu que l'on saches les identifier, mais in fine ce ne sont que faire-valoir. Le véritable problème et qui soulève beaucoup de scepticisme parmi certains pans du Concile réside dans les arcanes de la géopolitique régionale d'une part et dans les loups tapis dans les bois environnant qui soutiennent tes concurrents. Quoique, la dernière addition du Concile pourras peut être via ses... Contacts dira-t-on... Faciliter grandement les choses et étendre le champ des possibles. Enfin, je ne vais pas te gâcher la surprise. Tu le reconnaîtras certainement lorsque tu le verras. Après tout c'est un homme qui a déjà décroché sa place de très loin dans les livres d'histoires pour le meilleur comme pour le pire. Certaines de ses idées et ses origines à part, il est de très bonne compagnie, surtout à table, et rusé comme un renard. Et... >>

??? - <<
Ah ! Les voilà, les vedettes de la soirée, les cantateurs qui vont nous composer une sonate nocturne. J'ose espérer que le récit sera à la hauteur des attentes de l'auguste audience qui siège ce soir. >>

Proclama alors une voix enjouée du bout du couloir alors que l'Officier, les Scaela et leurs laquais émergeaient au détour d'un angle. Lunettes à monture noires, barbe finement taillée et chevelure grisonnante coupée courtes avec un sourire que l'on peinait à distinguer s'il fut narquois ou bienveillant, un costume de haute couture taillé sur mesure aux emblèmes de l'arbre des héritiers. Tel était les traits caractéristiques du plus célèbre magnat des médias de la Sérénissime, Mécène reconnu et ténor de la politique, Dom Juan Altarini dont l'Heure des Comptes, son émission phare captivait chaque semaine une audience captivée et exaltée.

Altarini
Dom Juan Altarini, Patrice de Fortuna

Is this music ?

Si ce dernier semblait en apparence attendre devant d'imposantes portes gardée par une colonne de soldatesques divisées en deux colonnes présentes de chaque côté, il n'en était en réalité rien, il venait simplement d'arriver un peu avant les Scaela et s'était laissé porter par la curiosité de voir qui venait à sa suite après avoir entendu l'écho des voix venir en provenance de l'un des angles.

Dom Juan Altarini - << Bien le bonsoir Triumvir, Dom Sergio. La soirée promet d'être sportive, j'espère que vous êtes d'attaque, Dona Ludo et Dona Mancini sont encore à couteaux tirés, n'hésitez pas à faire porter votre voix, face à ces deux furies c'est le minimum syndical afin de se faire entendre. Quoique je doute qu'il y ai du soucis à se faire. Car après tout que ne ferais pas un homme pour "Le Salut et la Gloire de sa Cité" >>

Dom Sergio - << Que ne ferais pas un homme pour le respects des convenances avant tout. Cousin, je te présente Dom Juan Altarini puisque ce dernier préfère s'adonner aux ragots et citations plutôt que de prendre l'initiative de le faire lui même. Patricien, Sénateur, accessoirement le chef de file de notre faction des héritiers de l'autre côté du miroir et la coqueluche de la moitié des plateaux de télévision de ce pays. >>

Ainsi que la bête noire de l'autre moitié, car c'était là le lot de la célébrité autant que d'être un rouage clé de la nation en tant que "première force d'opposition" pour ce que cela voulait dire sur la scène du grand théâtre Fortunéen. Dans tous les cas, ce dernier semblait friand des discours à succès à l'étranger.
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Le triumvir « voguait » dans ces allées sombres en compagnie de son illustre cousin, dans les envers du décor de Fortuna. Cette scène avait tout droit l’air de sortir de la torpeur du royaume du sommeil. Et pourtant, Dino Scaela était là, sur le point de demander la lune à quiconque sera assez grand pour la décrocher. Il écoutait attentivement Don Sergio : ses indications, ses conseils, ses annonces… Non, cette situation n’avait rien de simple : voir un ancien amiral sans culture et un jeune loup qui a l’oreille de l’OND faire de l’ombre à son illustre et exceptionnelle personne. Donner Velsna à ces parasites…autant donner un banquet royal à un chien. Il répondit, plein de confiance et d'allant à Sergio :
- J’ai conscience de ce qui est raisonnable et de ce qui ne l’est pas, cher cousin. Je suis certain que mes demandes ne dépasseront pas les capacités de cette…institution à laquelle tu me mènes. Mais je ne vais pas le cacher : Fortuna n’est pas la seule carte que j’ai à ma main, mais elle est de loin l’as de mon jeu.

Je suis persuadé que cette carte m’aidera bien plus que DiGrassi invitant à notre liste de fournisseurs ces eurysiens de l’est de raskenois, ou les pays de l’OND volant au secours de Vinola qui entend bien leur vendre notre pays à la découpe. Ce soir, je reprends la main sur le jeu, cher cousin.

Au son de cette voix qui suspendit leur conversation, Scaela la reconnu de suite comme étant celle du célèbre présentateur de l’Heure des comptes. Surprise inattendue, mais ce terme n’était qu’un euphémisme. Cette apparition renforça l’aspect onirique et surréaliste du moment. Il n’y avait qu’à Fortune où une telle rencontre fortuite pouvait se produire. Le triumvir s’élança dans la direction de l’animateur pour le saluer :
- C’est un honneur, Don Altarini. Il va sans dire que je suis assidument vos émissions. Beaucoup de clones et pales copies ont émergé à Velsna, mais pour l’instant aucun n’a réussi à vous égaler. Des analyses fines et pertinentes, un talent d'orateur qui pourrait vous faire mériter une place de maître rhéteur à notre Sénat... Mais avant toute chose, je souhaiterais vous demander comment un homme de média comme vous peut se retrouver à cette réunion ce soir ? Bref, je crois qu’on nous attend. Espérons faire bonne impression à ces dona… Dois-je donner un mot de passe pour entrer ou bien...
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Point la seule carte en main pour autant tout de même un as. Habile manière de dire les choses et habile homme politique qu'était Dino Scaela. Certains se seraient offusqués de la chose par orgueil, ici l'on considérait ça comme du pragmatisme et faire montre de ses capacités, une façon de respecter les choses car seule la finalité importait réellement. Bien évidemment qu'il était sensé de ne point mettre tous ses oeufs dans le même panier, de surcroit diversifier les soutiens et de manière générale les pions à déplacer ainsi que les surprises à faire apparaître pour renverser la situation, voilà qui était raisonnable et logique, pragmatique même. Une très bonne chose en soit qui rajoutait de l'eau à l'argumentaire du moulin à soutenir potentiellement. L'on n'aurait pas à tout faire ni à accomplir un effort surhumain se disait Dom Sergio. Pour l'heure toutefois, un autre sujet de discussion semblait sur le devant de la scène.

Dom Juan Altarini - << Que voulez vous, l'on cherche toujours à égaler ce qui se rapproche de l'excellence mais jusqu'à présent personne n'a réussi à dépasser celle ci. Pour ce qui est du reste et en dépit des apparences... Les médias ne sont qu'une des nombreuses facettes de ma personne. >>

Dom Sergio - << Dom Altarini est et demeure avant tout patricien, en dépit de son attrait tout prononcé pour la scène. >>


Dom Juan Altarini - << Oh, que ce soit le Sénat Fortunéen ou un plateau de télévision, quelle différence ? Une scène reste une scène, ce sont juste les membres du public qui changent mais in fine, la foule et ce qu'elle veut voir et écouter demeure. Les gens tendent à l'oublier car ils ne s'intéressent guère autant à ce qui se trame dans l'enceinte de leur "institution" la plus sacrée que ce qui passe sur leurs écrans... Mais au delà d'être présentateur, honorable Triumvir, je suis avant tout sénateur moi même avec qui plus est la plus grande part d'attention des projecteurs en tant que "tête d'affiche" de l'opposition... Pour ce que cela veut dire. >>

Un doux mot que celui d'opposition là où une fois le rideau tombé, les acteurs de tout côté se serraient la main en dépit des querelles mineurs puisque au final ils étaient tous de mèche afin de livrer aux yeux du monde une performance inédite et sans égal dont seul les maîtres de la déception avaient le secret. Quoi qu'il en soit et avant même que la conversation puisse se poursuivre, les lourdes portes s'ouvrirent au bout du couloir tandis que la soldatesque réajustait ses armes afin de former une haie d'honneur.

Dom Juan Altarini - << Ah, je crois qu'elles ont terminés de se quereller à l'intérieur et que c'est votre tour maintenant. Sur ce, à tout de suite. >>

Et sur ces mots, le patricien s'engouffra par delà les portes. Laissant les Scaela suivre.

L'intérieur de la salle semblait pour sa part tout droit sorti d'un de ces contes oniriques tant son apparence tranchait nettement avec le vétuste de l'extérieur. Purement et simplement, l'on aurait pu croire au vue des dorures, tapisseries, peintures et autres décorations disposés ci et là qu'il s'agissait de l'intérieur d'un palais. Avec de surcroît un vaste espace laissant penser que les lieux auraient pu être employés comme une salle de bal ce qui n'était pas nécessairement éloigné de la vérité si ce n'était pour les longues tables en bois rares taillés à merveilles disposés en arc de cercle et où siégeait une auguste assemblée, réduite certes car le Concile ne semblait pas siéger en sa totalité, mais tout de même avec un certains nombre de visage et de noms connus. Altarini, Mancini, Ludo, Derrizio, Neverini, Baskari, Avizio, Dandello pour ne citer que ça parmis les patriciens présents et même quelques autres têtes tel qu'un certains Bernardo Ricardo Lévérini, surnommé B.R.L par le commun. Avec, au centre du dispositif sur un trône bien en évidence et flanqué de plusieurs officiers masqués véritablement occupés à murmurer à ses oreilles, nul autre que le Doge Sérénissime, aussi connu en ces lieux comme l'Arbitre.


Francesca Federica di Fortuna - <<
Le Concile va désormais accueillir en son sein un lointain cousin, sang de notre sang, nous ayant fait requête afin d'obtenir audience et nous confier de quelques maux l'accablant lui et sa cité. Que tous fassent bon accueil à Dino de la Gens Scaela, Triumvir de la Grande République de Velsna, notre cousin du nord, descendant des descendants de Fortuna et de Léandra. Messere Triumvir. Soyez le bienvenue à ces salles. >>
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Humble pour l'une des premières occasions de son existence, le triumvir s'exposa à la vue de tous. Son discours devait plaider sa cause et la faire passer pour juste. Il devait montrer une force tout en affichant les vulnérabilités qui expliquent sa présence. Il devait être sage et exciter les âmes dans le temps instant. Scaela était là, devant ce petit groupe qui paraissait Sénat et dont les exigences de rhétorique l'égalait sans doute. Ainsi commença sa doléance, dans le plus pur style rhétorique velsnien que l'on entend que trop souvent au Sénat:

- Excellences et citoyens de Fortuna. En premier lieu, je tiens à vous remercier d'accorder ma présence, à moi qui reste avant tout un étranger. Je souhaite ainsi vous témoigner de toute ma gratitude. Cependant, ce n'est la flatterie qui constitue l'objet de ma visite et du fait que je me retrouve de vous ce soir. Car malgré les attaches que je porte à votre cité, je suis présent pour affaires politiques.

Vous êtes sans doute au fait de la situation politique que traverse ma cité, mais permettez moi de vous l'exposer dans des détails qui vous permettront de prendre une décision à mon égard.
Depuis bien longtemps, Velsna est régie par des lois et des règles qu'elle pense hériter de nos anciennes Républiques marchandes d'Eurysie du sud. Du moins, c'est ce qu'elle pense. Car au fil des ans, nous nous sommes détachés de certains modèles de bonne gouvernance, règle par règle nous avons adapté les lois aux convenances des époques. Dans les tréfonds de Velsna, il n'y a plus les conseils sages d'un gouvernement tel que le vôtre, qui conseille à celui que vous avez en haut les choix opportuns à faire au bon moment. Personne pour conseiller le Sénat de la stupidité de ses actes, personne pour tenir la barre depuis que nous avons décidé que les Patrices de Velsna n'auraient plus aucun pouvoir. Nous avons fini par nous complaire dans cette médiocrité d'un régime qui certes est devenu plus transparent mais qui n'a fait en cela qu'exposer ses défauts à des adversaires dangereux. Nous avons accepter d'avoir perdu tout cela, notre gouvernement est devenu aveugle, à la fois d'un manque d’exécutif, mais également des services avisés d'une basilique noyée et d'un gouvernement renversé. Et qu'avons nous aujourd'hui ? Des sénateurs incapables de désigner un Patrice, un Triumvirat d'exception que j'ai accepté comme un fardeau sacrificiel, mais qui n'est qu'une solution temporaire à un mal profond qui est la perte de la tradition. Cette tradition que Matteo DiGrassi croit préserver en recouvrant Velsna d'un formol censé la conserver avec tous ses défauts. Ou cette tradition qu'entend détruire la "créativité destructrice" de Vittorio Vinola, un jeune loup n’hésitant pas à vendre Velsna aux forces de l'OND comme il l'entend.

Ainsi, voici donc la situation dans laquelle est notre cité. Mais me direz vous: "Que pouvez vous faire pour soigner tous les malheurs de votre patrie, cher cousin du nord ?". Comment puis-je réparer cette situation ? Ce à quoi je vous répondrais: il nous faut renouer avec la coutume de la bonne gouvernance de Fortuna et de Léandre. Il faut en finir avec l’institution du Patrice de Velsna, cette fonction croupion et obsolète que le Sénat fait parader une fois par an au Carnaval pour rappeler la continuité du pouvoir. Restaurons les Podestats de Léandre à Velsna, des Hommes forts à la poigne sévère mais juste, capables de tenir en laisse le Sénat, imposant une seule volonté et une seule ambition à la cité qui ne fait que gesticuler comme un poulet sans tête depuis bien trop longtemps. Et ce Podestat, institution noble que l'on ressort du fond des âges, j'estime dans toute ma simplicité que je ferais le seul individu capable d'en occuper les fonctions actuellement dans ma cité, dans notre cité. Car je ne compte pas gouverner seul, loin de là. Une poigne forte, mais bien conseillée. Car il sera temps, outre de renouer avec Léandre, que de renouer avec Fortuna par l'instauration d'une forme de gouvernement perdue il y a des siècles, qui est celle de votre conseil caché, passant outre le Sénat, outre le Conseil Communal et toutes ces maisons branlantes sur le point de s'écrouler. Je ferai table rase de la Grande République de Velsna dans ses erreurs, subtilement, pour ne pas choquer le peuple qui ne croit plus en ces maisons abandonnées que par réflexe folklorique, mais assurément de la cave au grenier !

Et pour cela, mes frères et mes sœurs, je suis dans l'attente d'une aide, car même les Hommes forts ne peuvent soulever seuls les montagnes du Zagros. J'ai besoin de l'aide de mon foyer, de la vieille maison fortunéenne pour faire revivre les traditions de Léandre. Je ne demande pas la lune toutefois, car je compte bien la décrocher moi-même. Mais si vous avez des armes, des fonds financiers, des perspectives d'accords internationaux pouvant m'avantager, ou la garantie d'une protection contre mes ennemis par le compte de vos services de renseignement, alors je prendrais tout. Tout ce que vous aurez à m'offrir ou non, je l'accepterai. Et si même ces cadeaux sont maigres, je vous en remercierai tant je respecte votre conseil. Alors, je vous écoute désormais dans ce que vous avez à me donner ou à me demander en échange. Que voulez vous, mes frères, en échange de mon rêve ?
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Un silence religieux s'était installée dans l'auguste assemblée du Concile siégeant là le temps du discours du Triumvir et si certains murmures et messes basses venaient à le briser très légèrement, aucun autres indice ne laissait présager quelconque pensée ou opinion particulière sur la question venant des tireurs de ficelles. Ces derniers s'étaient en effet mécaniquement vautrés dans des expressions faciales oscillant entre les regards sévères et inquisiteurs ainsi que les sourires de complaisance semi bienveillant en passant par les expressions figés telle des statues dans une neutralité des plus absolues. Un véritable spectacle exécuté avec minutie et rigueur dont seul les adeptes de l'arène oratoire et politique avaient le secret après des décennies d'expérience et inutile de dire qu'au coeur de la toile de l'araignée, l'on ne trouvait que ça.

Lorsque l'énumération des faits fut achevé, un silence volontaire s'installa dans la salle, Patriciens et autres membres siégeant s'affrontant dans des duels de regards afin vraisemblablement de laisser un peu mariner le Scaela tout en déterminant qui allait ouvrir le bal. Finalement, ce fut la voix féminine grave et sans aucune once d'empathie de Dona Aria Ludo qui ouvrit le bal.


Dona Aria Ludo - <<
Au moins il a conscience que ces lieux ne sont pas une oeuvre de charité. C'est déjà ça. Pour le reste... Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas entendu autant de meublage superflus dans une même lancée. Soyons sérieux un instant et disons les choses clairement... Dans les grandes lignes, vous en avez assez de devoir composer avec vos collègues et plus généralement tout ce qui ne fait pas parti intégrante de votre cercle de lèches-bottes car en l'état actuel des choses, vos concurrents directs sont en très bonne voie si rien n'est fait pour vous la mettre à l'envers... >>

Dom Altarini pris une expression faussement indigné, levant les mains théâtralement vers le ciel.

Dom Juan Altarini - << Oh ! Allons Dona Ludo. Etiez vous donc obligés de dire les choses ainsi ? Soyez donc raisonnable et reconnaissez qu’il y a du panache, de la forme… Quelque chose. On sent l’esprit des paroles d’ici tant et si bien que l’on pourrait s’en… >>


Dona Alexandra Rimini - <<
Au nom de Dame Fortune par pitié… Peu importe la forme, nous ne sommes pas sur un de vos plateaux de télévision. Les formes ne sont pas le problème c’est le fond et tous ici le savent parfaitement. >>

C’était Dona Rimini, l'une des magnats de la finance très impliquée aussi dans les pays afaréens via ses banques et l'exploitation du pétrole Varanyen qui venait sans aucune once de gêne de couper la parole à Altarini tout en levant les yeux vers le ciel de dépit.

Dom Patrizio Derrizio - << N’importe qui peut régner comme un monarque Clovanien ou tenir un pays d’une main de fer comme un Loduarien. L’homme providentiel, c’est terriblement classique, du vu et du revu. Non pas que cela nous dérange ceci dit… Eh… Comment dire. >>

Ajouta Dom Derrizio, l’actuel ministre des affaires étrangères et chef de file de la diplomatie fortunéenne, d’une voix calme tout en passant sa main dans sa barbe en se donnant l’air de réfléchir.

B.R.L - << Elle manque cruellement d’apparences soignées. Un podestat, qu’elle fort belle idée du point de vue des élites, mais les trublions vont fulminer d’autant plus en l’état si la chose est présentée tel quel. Sans parler du fait que pour avoir conseil mimiquant le notre, il convient d’avoir un arsenal de stratagèmes de dissimulations et autres agréements afin de diluer la médecine de tel manière à ce que tous l'acceptent plus ou moins silencieusement sur le long terme. Il n’y a rien de plus détestable pour les affaires que le désordre social qui s’éternise après tout. >>

Précisa enfin B.R.L, expert en la matière de toute évidence.


Une fausse quinte de toux coupa cependant toute autre velléité de rajouter quoi que ce soit, e cause sa provenance étant donné qu’il s’agissait du Doge qui finalement allait se décider à s’exprimer après un presque complet tour de table.

Francesca Federica di Fortuna - <<
Nous vous remercions tous pour vos interventions chers homologues. Je vais cependant prendre la charge de résumer la pensée commune. Triumvir Scaela, il est évident à l’heure actuelle qu’il convient de faire un grand ménage de printemps dans les institutions de Velsna. Un Patrice n’est pas un Doge ni même un Podestat et un Doge comme un Podestat ne sont pas un Patrice, car de Léandra à Fortuna, aucun des deux tenants du mandat du pouvoir n’étaient des ornements. Un sénat sans aucun garde-fou comme seul maître réel à bord est voué à s’entredéchirer et à faire perdurer une ère de décadence qui s’éternise depuis trop longtemps. >>

Le doge marqué une pause, laissant échapper un léger soupir las, le cycle recommençait.

Francesca Federica di Fortuna - << Nous savons bien de quoi nous parlons, cette nation est déjà passée par là. La réforme est inévitable pour ne pas sombrer ou être balayée par les ambitions étrangères. La Listonie a servi d’avertissement non négligeable quant aux risques encourus. Ainsi une restructuration s’impose. Et en l’état nous n’avons guère d’objection à vous soutenir afin d’emmener le vent du changement. Cependant, s’il faut être clair et honnête, votre projet en l’état est irréalisable. Ou plus exactement, sa forme crue passerait presque pour hostile aux yeux de bien des gens et des pouvoirs tissant leur toile dans l’ombre.

Un gouvernement renversé n’y changerait rien, car si la devanture n’est pas convenablement présentée afin de dissimuler l’arrière salle où tous se déroule, il sera inévitable que les courants d’airs se faufileront dans une demeure dont les fondations seront alors instables, prompt à laisser entendre par l’extérieur tout ce qui se conte à l’intérieur en offrant une excuse idéale pour raser l’ensemble purement et simplement afin de reconstruire du neuf sur des bases qui seront le cas échéant considérées comme saine.

Si vous souhaitez atteindre vos ambitions, reproduire notre oeuvre. Il va vous falloir apprendre de vos adversaires et notamment de ce Vinola. La créativité peut être autant destructrice si elle n’est pas contrôlée qu’elle peut permettre beaucoup de choses avec une supervision adéquate. La démocratie réelle est un mensonge pure et simple, mais un mensonge attrayant auxquels les gens aiment croire, donner des pièces faussement de choix d’une main afin de dresser les bêtes de l’autre, c’est là ce que nos pères et grands pères ont fait. Illusions, formes, l’important n’est pas tant du contrôle que l’on exerce sous les feux des projecteurs, mais plutôt de notre capacité à présenter un acte de théâtre si parfait que le commun des mortels acclame des deux mains en croyant tenir son destin en main sans se douter que tout ce qu’il voit n’est qu'illusion et les ficelles sont tirés depuis l’ombre. Car l’histoire l’a montré à maintes reprises après tout. Les masses ne savent jamais ce qui est bien pour elles et laissées aux commandes se détruiront inévitablement mutuellement. C’est ainsi, c’est la nature humaine. Nonobstant, je puis vous assurer qu’il y a bien plus de satisfaction à “régner” depuis les coulisses que de feinter le partage du pouvoir sous le soleil.
>>

Une nouvelle pause fut marquée alors que le Doge se réhaussait dans son siège, joignant ses mains devant elle tandis que les officiers masqués continuaient à murmurer à l’oreille quelques autres faits.

Francesca Federica di Fortuna - <<
Canossa est notre fille prodigue, le Jashuria notre brillante cadette mais Velsna demeure l’ainée de la fratrie, suivant nos pas sans disgresser et à ce titre conserve toute notre affection et entretient notre fierté. Il ne serait pas convenable de la laisser à son destin, à finir comme un vulgaire bout de viande achetée au rabais par des hypocrites moralisateurs qui sont d’aussi détestables êtres que nous le sommes, à ceci près que nous ne renions pas notre nature devant Dame Fortune.

Vous demandez de l’aide Triumvir Scaela ? Remerciez donc vos talents d’orateurs, votre cousin qui a plaidé votre cause depuis des jours, et Dame Fortune qui vous sourit. Le Concile accepte de vous assister, pour peu ceci dit que vous écoutiez nos suggestions faites et que vous offriez au monde une pièce de théâtre comme il n’en a pas vu depuis longtemps. Des armes et des fonds ne sont que les prémices de ce que nous pouvons mettre dans la balance, un maigre en-cas avant de passer au plat de résistance.

Pour le reste, peut être pourrions nous nous montrer originaux et frapper immédiatement dans la symbolique pure afin de cimenter votre légitimité et exalter les foules. Il est toujours important de savoir d’où l’on vient et comment sa cité s’est structurée à sa fondation. Léandra fut et demeure une superbe ville et malgré ce qui lui fut infligé en la fin du moyen-âge tous ses trésors n’ayant pas été emportés par les Gens en fuite n’ont pas brûlés ou disparus, à dire vrai la plupart sont conservés dans nos trésoreries depuis des siècles, notamment les codex de lois communaux de la République Landrine rédigés par les premiers Podestats du temps ou la fonction était soumise à une élection par le conseil de la ville. Un texte fondateur qui, si je ne m'abuse, a largement inspiré son équivalent Velsnien

Un prêt sur fond d’échanges culturels me semble tout à fait envisageable, du reste peut être pourriez vous contacter la maison des Podestats Marinelli de Manche Silice, je suis certaine qu’ils pourraient se montrer intéressés par votre situation avec les bons mots… Au delà de ça, des accords financiers, commerciaux, droits de douanes, implantations d'entreprises, tutti quanti et même pourquoi pas l’avancée vers une alliance en bonne et dû formes peut parfaitement se tisser, ce sera aussi l’occasion de réinstaurer un échange d’ambassade... Cela permettra de faire passer plus aisément la pilule afin de déployer des effectifs de la Maréchaussée fantôme et de la Cour, peut être même quelques uns de nos mercenaires seraient-ils d’une utilité certaine, après tout il y a fort à parier que vous allez être si ce n’est déjà le cas la cible d’opérations subversives. Mieux ne pas tarder et employer des contre-mesures tout de suite.

Quand au prix… Hmmmm… Nous aurons le temps de voir ces détails. Des avantages, privilèges divers sont une chose mais ne vaudront jamais les liens du sang resserrés par l’adversité. Qui sait, peut-être même pourraient vous être tenté de vous intéresser à d’autres scènes de l’internationale, après tout il n’existe pas que l’OND et sa morale oppressive en ce bas monde.
>>
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Scaela ne faisait confiance à un seule chose en ce monde: lui. L'acceptation de sa requête auprès du conseil aurait suffit à quelqu'un d'autre. Mais ces railleries... il avait à cœur de les contre-balancer avec des propos rassurants, qui mettraient en valeur l'homme sûr qu'il était. C'était épidermique: l'opposition devait être convaincue comme on se doit de convaincre une horde de sénateurs velsniens en proie à la dispute.

- Excellences, frères et sœurs. J’entends vos remarques, à chacune de son degré de pertinence que je graverai dans ma mémoire. J’accepte votre aide courtoise et qui se veut être indispensable. Mais j’aimerais avant toute chose vous rassurer sur le fait que je suivrai à la lettre vos vœux et vos critiques.

Dona Ludo. Dans les grandes lignes, vous avez compris l’objet de mes tracas, avec certes un manque de rhétorique et une certaine vulgarité, mais vous voyez juste. Mes confrères sont la racine d’un mal qu’il convient de traiter comme on s’occupe des mauvaises herbes d’un jardin, ou comme les canaux de Velsna dont il convient de retirer la vase une fois l’année pour qu’ils ne s’ensablent pas. Mais comme pour beaucoup de choses, la différence entre raison et tort se situe dans le détail. Car les « lèches-bottes » n’existent pas à Velsna, il y a des serviteurs, nuance. Un serviteur possède une certaine noblesse d’âme, qui mérite une grande affection et de grandes récompenses, et le respect de ceux qui tiennent le diadème. Tout comme il n’y a pas de monarques, Dom Derrizio, ce dont je reconnais le fait, un titre que je ne revendique pas tant il susciterait la révolte.

Dom Lévérini. Votre remarque est sage. J’ai pensé que le titre de Podestat serait davantage approprié et accepté sur le très long terme. Vous avez tout à fait raison concernant le temps qu’une telle réforme nécessiterait. C’est pourquoi j’estime raisonnable de reprendre dans un premier temps la magistrature existante du Patrice, et de l’aliéner à notre avantage. Je m’explique. Mon mandat de triumvir s’achève dans deux mois, au cours duquel la voix de deux des trois triumvirs suffit à faire et défaire les lois en contournant le Sénat. Ma première tâche serait donc de réussir à contraindre l’un de mes confrères à signer mes réformes, qui auront dans les grandes lignes, le but d’élargir le champ de compétences du Patrice. La fenêtre de temps est limitée, mais ce plan a de véritables chances d’aboutir si on me fournit les moyens militaires et financiers nécessaires à son accomplissement. Une fois mon mandat de triumvir terminé, je « rendrai » la République au Sénat comme il convient et sera venue l’heure d’élire le Patrice. Et je me présenterai avec l’espoir que d’ici là, mes deux confrères aient été définitivement écartée, politiquement ou physiquement. Le mandat de Patrice étant en théorie à vie, j’aurais alors tout le temps qu’il faut à ma disposition pour remonter les rouages de la machine un par un.
Le service de renseignement de la Segreda constituerait l’ossature parfaite d’un gouvernement renversé auquel je compte transférer progressivement la réalité du pouvoir législatif du Sénat. Cela prendra des années, peut-être n’en verrais-je pas l’aboutissement à ma mort, mais ce sera un mouvement constant. L’avantage de l’institution de la Segreda, c’est qu’elle prend déjà ses rapports et ses ordres du Conseil Communal que le Patrice dirige en théorie. De même, elle possède un fonctionnement symbolique proche de votre illustre conseil, se réunissant systématiquement la nuit dans la plus pure de vos traditions par exemple. Mon plan, voyez-le, chers frères et sœurs, ne repose pas sur du vide comme vous l’entendez. Oui, peut-être deviendrais-je Podestat, mais je ne le ferai pas sur un claquement de doigt, soyez-en certains que je le réalise.

Vos cadeaux et vos indications, je vous en remercie. Le mécénat culturel constituera une parfaite démonstration d’autorité, et je suis certain que les rangs les plus conservateurs du Sénat se presseront de m’honorer pour avoir ramené au Musée des arts nobles de Velsna de telles raretés. De ce pas, je m’empresserai de contacter à votre suggestion les podestats de Manche Silice. De même, j’accepte une assistance militaire potentielle de votre part en cas d’emballement de la situation. Un contingent limité de mercenaires semble davantage approprié qu’une intervention directe. Pour ce qui est de la Maréchaussée fantôme, je ferai mon possible pour que la Segreda ne trouve aucune trace de son activité à Velsna.


La pression sur les épaules de Scaela repose lentement. Le plus important est prononcé, mais Velsna n'était pas le seul horizon de cet ogre boulimique de pouvoir. Scaela aspirait à une autre proposition, dont il ne savait pas si elle attierait reflexion ou dédain. Mais il se devait de tenter, et il n'était pas homme à laisser son assurance être étouffée par de si impérieuses présences.

Au sujet de la politique internationale, j’ai autre chose à rajouter à vos suggestions. Peut-être serait-il envisageable de faire contrepoids au pouvoir de l’OND en Eurysie de l’ouest en formant une confédération d’états partageant davantage nos valeurs et nos modes de vie. Vous parliez de la Manche Silice...peut-être pourrions nous consacrer notre énergie à rallier d'autres États tel que ceux-là, partageant une certaine unité politique et culturelle. J'y pense depuis un certain temps. Mais ce n'est qu'une idée dont j'aimerais avoir votre avis. Loin des oreilles de l'OND ou de la Loduarie.
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L'assemblée s'était muée dans le silence et si la quasi-totalité des patriciens s'étaient improvisés de par leur faciès comme des statues imperméables, qu'importe les réponses, justifications ou précisions apportés par l'Ogre en manque d'attention et de reconnaissance de toute évidence, il n'en était pas de même pour le Doge qui se faisait seul étendard dans cette mer de neutralité d'une forme de satisfaction, ou bien était-ce de la bienveillance polie ? Difficile à dire, toujours est-il que le gracieux sourire faisait partie intégrante du visage de sa Grâce, l'Arbitre du Concile.

Francesca Federica di Fortuna - << Bien. Voilà un plan bien rôdé et murement réfléchi de toute évidence. Nous ne pouvons que vous transmettre notre excitation d'être aux premières loges afin de contempler la réalisation d'un tel chef d'oeuvre Maestro, qu'importe si le final se dévoile après nos trépas, le script nous suffira amplement. Personne n'a d'objection à soulever je suppose. >>

Si la tournure du dernier commentaire pouvait laisser penser qu'il s'agissait d'une question à tous et chacun, il n'en était rien car d'avis l'on ne demandait, c'était là un jugement pure et simple dans toute sa solennité, les notes de la partition devaient après tout rester en bonne partie l'oeuvre de l'artiste et il serait désobligeant d'interférer plus que nécessaire dans celle ci, de surcroît cela serait un baptême du feu pour les ambitions de Scaela autant qu'une mise à l'épreuve grandeur nature, car même si le tout échouait, il n'y avait jamais de réelle finalité à une performance si ce n'était la mort bien évidemment. Les occasions et les opportunités allaient et venaient, et même dans le désarroi le plus total l'on pouvait toujours trouver moyen de se relever afin de tirer son épingle du jeu. Toujours est-il que personne n'osa émettre une objection, l'on se contenta d'acquiescer silencieusement afin de poursuivre le scénarii méticuleusement écrit.


Francesca Federica di Fortuna - <<
Des mercenaires dites vous ? Militaris est toujours au Gondo à l'heure actuelle il me semble n'est-ce-pas ? Meteor donc ce sera, nous ne leur avons point assignés de nouvelles directives il me semble. >>

Un des officiers flanquant le doge se retira quelques instants, se dirigeant vers une table abritant une mallette sécurisée à l'arrière de la salle dont il sorti un porte-documents qu'il transmis au Doge tout en murmurant à son oreille et en pointant du doigt les passages pertinents.

Francesca Federica di Fortuna - << C'est bien cela oui. Un millier d'hommes avec un équipement adéquats étant pour le coup d'authentiques et véritables mercenaires issus d'une des sociétés de sécurité privée de Dona Ludo et Dom Neverini. Un vrai faux mensonge contrairement à ceux que vous adversaires utiliseront certainement afin de s'arroger l'assistance de contingents étrangers certainement. Ils ne vous décevront point j'en suis certaines. Ces derniers se sont spécialisés dans la sécurisation de sites et la protections de personnalités, ayant oeuvré notamment il y a quelques années au service d'industriels de Damanie lorsque les affres de l'instabilité frappaient de plein fouet leur nation. Pour le reste, nous donnerons des instructions aux arsenaux afin de répondre à des appels d'offres si l'occasion se présente afin de fournir la glorieuse armée Velsienne. Avec quelques préférences toutefois sur les destinataires via quelques... Négligences administratives >>

Négligences administratives, une douce métaphore qui contrastait nettement avec la gravité de la chose et de la finalité que l'on entrevoyait. De toute façon tout le monde allait ou devait déjà procéder comme tel afin de rajouter encore plus de confusions à ce panier de crabe sans queue ni tête. Ce n'était en soit que de bonne guerre.

Francesca Federica di Fortuna - << Concernant la Maréchaussée, la Segreda est-elle seulement capable de flairer la moindre piste fut-elle évidente ou est-elle une partie du décorum comme feu votre Patrice ? Car aux dernières nouvelles, les investigations de cette dernière n'ont pas été très probantes. De surcroît, à l'heure actuelle ce serait une immense surprise si votre ville n'était nullement infestée par tout un vivarium international, Velsna nid d'espions, un titre qui permettrait de mettre sur pied un film remarquable assurément. A l'exception qu'il s'agit certainement de la réalité et pourtant... Personne n'a encore été mis à nue, Personne n'a encore été dévoilé en plein jour. Alors dites moi estimée Triumvir, la chose est-t-elle dû à votre contrôle ou celles de vos homologues et dans lequel cas il va falloir agir afin de couper quelques fils afin de préserver ceux que vous tirez ? Ou devons nous considérer l'institution comme obsolète et au mieux incompétence et auquel cas il conviendra de... Corriger cette tare en... colmatant les brèches... ? >>

Le Doge marqua une pause après avoir exposée sa métaphore, revenant finalement sur le point de l'internationale.

Francesca Federica di Fortuna - <<
Une confédération d'état est une idée ambitieuse et potentiellement sujette à attirer des attentions malvenues. Si toutefois elle se dévoile comme ayant des visées à travers le monde immédiatement. Une organisation ayant pour fondement une région ou une partie du continent toutefois... Voilà qui est plus aisé à justifier et permettrait d'instiller sur les nuisibles plus de pression. Les valeurs et les modes de vie, cela fait un peu trop UMT à mon goût, pour autant certains de leurs membres pourraient être des candidats idéaux. Peut être la Clovanie avec assez de délégations... Et en fonction de comment la chose est exposée. La piste est intéressante quoi qu'il en soit et convient que l'on s'y penche dessus. >>
2003


- Toutes vos suggestions sont des dons avisés dont je me souviendrai. Considérez moi comme votre éternel abonné, excellences de ce conseil. Je ferai en sorte que la Segreda ferme le plus possible les yeux sur les actions de la Maréchaussée à Velsna. Concernant la potentialité d'une intervention étrangère, je connais suffisamment DiGrassi qu'il préférera se trancher les veines dans une baignoire plutôt que d'ouvrir les portes du pays à une armée étrangère. S'il est ne serait-ce doté du dixième de ma lumière, il optera pour la même solution que je vous propose. Vinola, en revanche, pourrait être tenté dans son désespoir d'appeler à l'aide ses amis de l'OND. C'est un roquet aux mœurs extravagantes qui aboie fort, mais qui a la fâcheuse tendance à se faire dessus quand il croise des molosses. Aussi je recommande la prudence dans les actions de la maréchaussée à Velsna

La Segreda n'est pas une institution composée d'Hommes incapables, loin de la là, Dona Di Fortuna. Je dirais que ces Hommes sont mal dirigés et nécessitent une direction plus rigoureuse. Dans les conditions actuelles, les tractations qui se sont multipliées au sein du Triumvirat ont assurément affecter son efficacité je pense. Certaines informations, à cause de ce climat, ne parviennent pas du bas vers le haut de la chaîne. Qui sait ce que mes confrères me cachent, et de quelle manière ont-ils pu transformer cette institution d'hommes et de femmes dignes ? Dans tous les cas, je suis persuadé, excellences, que je serai capable de réformer ce service composé d'individus qui ne demandent qu'à être éclairés par autre chose que la pâle lanterne de DiGrassi ou par le feu mortel de Vinola.

Quant à une alliance à l'international, qu'on y mette ou pas en avant des valeurs, celles de l'OND sont en train de menacer notre cité. Leurs pays entourent le mien comme des loups qui n'attendent qu'une occasion de le déstabiliser, et Vinola est en train de leur ouvrir les portes. Et DiGrassi nous isole en nous coupant de toute perspective de bloc commun des pays désirant rester hors de leur sphère d'influence. C'est pourquoi je me tourne vers vous mes frères, car il n'est nulle flotte plus grande et belle que les sifflants vaisseaux de Fortuna. La perspective d'amener vos excellences, la Manche Silice, voire la Clovanie rebattrais beaucoup de cartes dont j'estime être davantage qu'un deux de cœur.
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Les réponses de Scaela firent froncer les sourcils au Doge et sa mine deviens soudainement plus sombre, ayant eut la confirmation d'un point clé quand à toute cette affaire, les choses n'en devenaient que plus complexes et la certitude d'une finalité potentiellement désastreuse s'annonçait tel une ombre au détour d'un couloir à grands renforts de doigts crochus et de voiles décharnés, digne du fantôme à peine dissimulé qu'elle était.

Francesca Federica di Fortuna - << Di Grassi préfèrerait la mort aux armées étrangères dites vous ? Admettons. Pour autant des situations désespérés ont vu des changements d'opinions de circonstance advenir par le passé. Nous verrons bien si le moment arrive un jour. Pour autant, le cas de Vinola est très problématique car en admettant qu'il n'ait aucun scrupule à appeler ses mécènes patientant tel des brigands à la poterne des remparts avec moults gourdins, cela vous mettrait comme qui dirais en très fâcheuse posture. Bien évidemment l'on peut espérer qu'ils joueront le jeu comme tous des mercenaires déguisés mais si... SI ils ne le font pas et décident de trancher dans le lard immédiatement ? Oh les choses vont tout de suite devenir beaucoup plus complexes, pour ne pas dire que la partie serait jouée. Encerclés par les loups qui n'hésiteront pas à fondre en meute. Si cela arrive ce serait là la pire situation imaginable car en tant que tel, il n'y aurait rien à faire puisque toute action entreprise arriverait... Trop tard. Que ferait vous donc à ce moment là si le script déviait dans cette direction ? >>

Une bonne planification prenait en compte même les possibilités les plus désastreuses fussent-elles infimes. Il y avait fort à parier que l'OND et ses laquais s'ils étaient des hypocrites en puissances, avaient tout de même le bon sens de jouer dans le grand jeu en arborant un masque, une action frontale de leur part était auquel cas peu probable mais... Il y avait toujours une infime possibilité, après tous les roquets qu'on privait de friandises à leur nez à leur barbes avaient tendance à mordre plus fort encore. Quoi qu'il en soit, il s'agissait aussi de sonder les "plans de secours" du Maestro afin d'estimer dans quel mesure celui ci était capable de ruser et rebondir.

Francesca Federica di Fortuna - << Pour le reste, nous vous laissons faire les choses comme vous l'entendrez vis à vis de la Segreda, votre partition, vos notes. Toutefois, il conviendra d'exécuter des inspections méthodiques de vos entourages. Dévoiler la main des autres tout en préservant la sienne, c'est là le fondement même du Grand Jeu. A ce titre, nous nous devons de poser la question car c'est tout de même un point notable mais... Vis à vis de la mort de votre Patrice, de quelles informations disposez vous à l'heure actuelle ? Et le cas échéant, qui selon vous pourrait-il faire un suspect idéal ? Mille et uns artifices permettent de faire des miracles pour faire chuter le prestige en chute libre en usant de semi-mensonges, de cadavres dans les placards et surtout d'un doute habilement amené. >>

La logique était claire, si l'on voulait cimenter la légitimité de Scaela ce qui pour l'heure était le plus important et serait utile par la suite peu importe l'évolution des choses, il convenait de de nettoyer l'arrière cour afin de se prémunir des yeux et oreilles malavisées tout en lançant une offensive afin d'instiller le doute dans l'esprit du public car le plus urgent en l'état n'était point de fournir des armes ou des fonds mais bien d'écraser purement et simplement toute potentielle "légitimité morale" adverse. Le diable ne saurait être acceptés par tous après tout, fussent-ils soutenus par des anges d'argiles. Quoi qu'il en soit, l'on avait fait le tour pour l'heure de toute évidences. Le Doge apposa quelques signatures sur des documents repartant dans les mains des officiers avant d'en revenir au Triumvir.

Francesca Federica di Fortuna - << Une alliance internationale est un appât, une carotte à tendre avec soin. Il va vous falloir agir vite et bien en allant susurrer à l'oreille des bonnes chancelleries. L'heure tourne et le temps est compté. Nous assurerons vos arrières discrètement dans la mesure du possible, la Torre Bianca se tiendra à votre disposition avant votre départ si vous le souhaitez afin de ratifier officiellement quelques menus traités commerciaux et entériner la délivrance des Corpus législatif Landrin. Cela vous donnera une excuse apparente à votre visite en ces lieux que vous pourrez présenter afin d'éloigner quelques soupçons. Pour le reste, à vous d'ouvrir la voie et de contacter qui de droit sera selon vous le plus à même d'être un atout précieux dans vos manches fut-il des plus improbables ou une possibilité contre nature, nous resterons à l'écoute, et si jamais les vents et marées du destin se font trop pressant, soyez assurés que vous trouverez toujours un foyer en nos terres. >>

La messe était ainsi dites et les derniers indices d'aide offerts.
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Les regards étaient lourds et insistants, comme l'étaient ceux des sénateurs en séance dans le Palais des Patrices de Velsna. L'art oratoire, le bon mot, la belle parole, étaient comme des armes qu'il fallait affuter pendant toute une carrière de sénateur si on comptait ne serait-ce que posséder un début de maîtrise. Scaela était lui devenu un maître, chose rare même parmi les siens. Aujourd'hui et pour la troisième fois, il fallait en faire usage, et dissiper de nouveaux doutes:
- L'OND. Un acronyme qui fait fait sourire certains, peur à d'autres. Mais ces deux catégories d'hommes qui pensent de ces façons sont dans les deux cas des idiots. L'OND n'est pas à moquer, mais on ne doit pas craindre une confrontation. Car ce sont des mous et que si la fin du Triumvirat se termine sans la moindre effusion de sang, ceux-ci n'interviendront pas. Du moins, s'ils ne veulent pas bénéficier d'un discrédit auprès de l'intégralité d'une population qui déjà éprouve une grande méfiance à leur égard, et qui est autant attachée à son indépendance qu'à ses racines fortunéennes. C'est là la première option, celle du règlement pacifique. Le scénario rêvé où je rends la République au Sénat et où celui-ci adopte à la majorité mes réformes plutôt que celles de mes confrères [b](HRP: si le seuil de tension n'atteint pas les 50 points à la fin du Triumvirat et où Scaela à le plus de puissance politique).

Mais vous allez me dire, mes frères: et si l'inverse se produisait ? Et si les foudres de la guerre venaient à s'abattre sur nous ? Et si l'OND décidait d'agir ? Au delà des 7 000 soldats biens équipés et dotés dont je bénéficie, en comptant les mercenaires fortunéens, il se trouve que je dispose d'informations importantes sur ce sujet qui pourront nous être utile, et qui pourraient vous prouver à quel point la Segreda est précieuse.
Message secret
Information secrète réservée aux personnes autorisées
Avec un appui aérien et naval de votre part, combiné à ma propre force, à laquelle je pourrais tenter de rallier celles de DiGrassi. Car Imaginez le donc, ce fier et orgueilleux DiGrassi, refuser un combat face à une puissance qui envahit notre sol sacré ? Résistera t-il à la tentation d'une trêve avec moi si sa terre est menacée, de même que son propre plan ? Aussi, j'ai une solution. Laissons le venir à Velsna si cette éventualité se présente, et battons nous contre les étrangers. Il sera toujours temps de l'éliminer plus tard.

Et en second lieu. Imaginez Vinola se pavaner devant le Sénat sous des étendards étrangers. Croyez vous que qui que ce soit lui pardonnera cet affront ? Peut-être gagnera t-il, peut-être me tuera t-il, mais il ne gouvernera pas sur autre chose qu'un champ de ruines. Combien de temps tiendra t-il autrement que par le soutien d'étrangers détestés de tous ?


Une fois que ce point crucial de la conversation fut atteint, Scaela changea tout à coup d'humeur, tel un acteur de tragédie hellenoide. La mort du Patrice était un évènement fâcheux et toujours sensible pour cet homme qui mettait un point d'honneur à en paraître affecté.

- Pardonnez moi excellences, dom et dona de cette assemblée. Les émotions vont et viennent à l'évocation de ce malheur. Sur ce point, j'aurais hélas moins de précisions à apporter que sur le précédent. Cette affaire a été considérée comme classé et sans résultats probants. Si d'informations j'avais davantage, croyez bien que je vous les donnerais ce soir. J'ai davantage de suspicions et d'intuitions que de preuves malheureusement. En premier lieu, je m'élimine d'office des suspects, naturellement. Au début, j'aurais pensé que DiGrassi aurait pu le faire. Il a la froideur de la pierre, et son âme est sans doute constituée de granit tant je le maudis. Aussi, j'aurais pensé qu'il ferait un bon coupable. Mais c'est cette froideur, à mon avis qui le rendrait incapable de cela. C'est un commandant soumis, pas un dirigeant, un exécutant et non un conspirateur. Il n'a pas la ruse, il n'a pas la sophistication d'un tel acte aussi odieux soit-il. Bref, une brute sans cervelle, vous pouvez le dire. Cela nous laisse un homme, que je ne nommerai pas par courtoisie vis à vis de cette assemblée, le même qui serait bien tenté de vendre notre patrie contre un joli siège de maître fantoche d'un théâtre de marionnettes, dont il ne se rend pas compte lui-même qu'il est tendu par des fils, lui aussi. De là à vous fournir des preuves concrètes de ses agissements, je l'ignore. Peut-être la maréchaussée fantôme pourrait mener sa propre enquête.

Concernant une éventuelle alliance, soyez déjà sûrs mes confrères, que je vais contacter de ce pas nos cousins de Manche Silice. Si vous avez des informations je les prendrai, si vous avez des armes je les prendrai également, mais sachez avant que nous nous quittions, que je vous respecterai toujours et vous considérerais toujours comme des frères et des sœurs. Des accords vous seront bientôt proposés, en espérant qu’aucun blocage de la part de mes confrères ne soient à plaindre de cette entreprise, car il me faudrait l’assentiment d'au moins l'un d'eux pour conclure un tel accord. Je vous remercie de m'avoir reçu, mes frères, à moins que vous n'ayez un dernier mot sur ce que j'ai dit ?
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