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Une affiche de propagande communiste dans les rues de Kotios
« Camarades ouvrières ! Ces installations sont à nous ! »
La foule des blanchisseuses émit un brouhaha menaçant. L’usine de blanchisserie de Kotios était un lieu où transitaient l’essentiel des linges issus de l’administration publique et privée. Hôtels, lieux de pouvoirs, … tout le linge des puissants et des pourceaux capitalistes transitait par les grands halls de ce que les locaux avaient appelé la Lavandière.
La Lavandière, sous son nom évocateur et plutôt poétique, était une usine vieillie et dégoutante, quand bien même le linge qui y entrait ressortait avec une propreté impeccable. Conçue au milieu du siècle dernier, la Lavandière était une vieille institution, mais qui peinait à se moderniser dans ses installations. Depuis maintenant de longues années, la direction de la Lavandière prévoyait d’envoyer une partie de la production dans des installations lointaines, peuplées d’une main-d’œuvre étrangère à bas coût. Malgré les demandes des syndicats de maintenir l’emploi sur place, rien n’y faisait et le plan de relance du gouvernement tardait à poindre le bout de son nez.
Pire encore, la déstabilisation du pays et la création de l’assemblée indépendante avait permis aux pourceaux capitalistes de faire pression sur la direction publique de la Lavandière. L’enjeu était simple : de nouvelles entreprises, plus jeunes, plus chics et mieux équipées, dotées d’une main-d’œuvre à bas coût, proposaient de virer les ouvrières et d’occuper les anciennes installations, bien situées dans la ville. La direction centrale des blanchisseries de la ville avait tendu l’oreille à la proposition de White&Soft, une entreprise de blanchisserie qui n’attendait qu’une chose : prendre possession des lieux. L’administration centrale avait vu le chèque … l’avait longuement considéré … et s’apprêtait à l’encaisser. C’était sans compter Magdalena Dimitrova, représentante syndiquée de l’Union des Travailleurs !
« Camarades lavandières ! Ceci est l’ultime affront du patronat envers le prolétariat ! Hier soir, le Comité de Direction de l’Union des Travailleurs a appris que notre usine allait être démantelée ! Oui mesdames ! Comme les tâches du sperme de ces porcs dont on lave les draps, nous devons disparaître. L’administration centrale montre bien son visage : celui de suppôt du Grand Capital. Ils se fichent de nos vies, ils se foutent de nos enfants. Ce qui les intéresse ? LE PROFIT ! »
Les insultes fusèrent parmi les lavandières. Des pancartes avaient été dressées à l’intérieur de l’usine et les linges reçus de la veille avaient été trempés dans de la peinture rouge et affichés à l’extérieur sous forme de banderoles. Toute l’usine était occupée depuis ce matin. Aux yeux du corpo-syndicat communiste, il était hors de question que la Lavandière soit démantelée. Cela signifierait non seulement des ouvrières à la rue, dans une période humainement tendue, mais aussi un affaiblissement de son pouvoir local.
Dès l’annonce de la trahison de la direction centrale, les militants de l’Union n’avaient pas chômé et la blanchisserie centrale était devenue une véritable forteresse. On murmurait parmi les manifestantes que les flics allaient bientôt rappliquer, mais les demoiselles, armées de barres à mine et de massues, attendaient de pied ferme les suppôts du patronat et du capital !
Magdalena était entourée par une vingtaine de militants chevronnés, rompus à l’organisation de manifestations et de grèves. Déclarer la grève générale des blanchisseries ne fut pas très compliqué. A partir du moment où l’on annonce à l’ouvrière qu’elle va perdre son emploi, il est quasiment assuré qu’elle défendra bec et ongles son travail. La meneuse des lavandières n’en attendait pas moins. Le comité de direction de l’Union lui avait assuré de pouvoir lui fournir un soutien logistique et financier pendant plusieurs semaines pendant que les syndicats négociaient avec la direction centrale. Une motion allait être déposée à l’Assemblée pour que les droits des travailleuses soit assuré et que les emplois soient maintenus dans la Lavanderie. Il fallait absolument maintenir cette entreprise d’Etat coûte que coûte pour éviter de faire retomber ses camarades dans la misère.
« Mes sœurs ! Cette lutte ne se fera pas sans nous. L’Union des Travailleurs va porter notre combat à l’Assemblée, mais nous, les ouvrières, nous devons TENIR LA LIGNE DE FRONT ! D’ici une heure, l’administration centrale des blanchisseries va nous envoyer son médiateur … et probablement toutes les forces de police sur le dos ! Nous devons rester ferme. Cette blanchisserie, c’est toute notre vie et elle nous appartient, bien plus qu’à l’administration centrale. Nous devons exiger le maintien SANS CONDITION de nos emplois et une augmentation de nos salaires ! CAMARADES ! MES SŒURS ! ILS NE PASSERONT PAS ! »
Des vivas s’élevèrent parmi les lavandières. Les blanchisseuses scandèrent l’Internationale juste après tandis que dans les rangs, les paniers-repas préparés par les Camarades des Cuisines Centrales étaient distribués aux chefs de section. Les lavandières prirent position sur les barricades tandis que le Comité de Direction des Lavandières attendait patiemment la venue du médiateur de l’administration centrale !
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