C’est une vidéo toute simple, prise d’un seul plan, venant souligner en contraste toute la froide brutalité des images. Dans un décor luxuriant, s’avancent sur un terrain de terre quatre individus en habits civils. Un homme fin et élancé, vêtu d’un costume quelque peu étrange pour le climat, à ses côté un homme barbu et vêtu légèrement, bedonnant. Deux mètres devant eux, un Pharois, reconnaissable sinon à son uniforme – la marine du Syndikaali n’en porte pas – aux couleurs de l’écusson sur son épaule, orange, noir et blanc. Un zoom attentif sur celui-ci révèle son statut de capitaine et d’officier. A son bras va une élégante jeune femme, elle sourit, habillée d’une robe blanche qui s’agite dans la brise. Elle semble heureuse et salue ce qu’un léger travelling de la caméra révèle être une colonne de véhicules militaire, arborant pavillon pontarbellois. Le Pharois porte un microphone à sa bouche :
- « Chers amis, vous vous trouvez ci-présent en face d'un territoire Pharois souverain. Les diplomates à mes côtés sont madame Evangelista Isaias mandatée par le gouverneur O Prefeito du Shibh Jazirat Alriyh, monsieur Arthuro Leon diplomate de la République Hafenoise et monsieur Fabricio di Flor porte-parole de Porto Mundo, tous trois acteurs majeurs dans le processus d'indépendance des ex-colonies listoniennes. »
On le voit ensuite réaliser, de son bras libre, un salut militaire en direction de la colonne de véhicule.
- « Capitaine Jaska, officier de marine du Pharois Syndikaali, votre représentant est le bienvenue pour venir discuter en bonne compagnie. »
Le temps semble soudain suspendu et puis…
… l’horreur.
Plusieurs éclairs de lumières proviennent des pontarbellois et la robe blanche éclate de rouge et le chaos, la caméra peine à suivre, probablement que le soldat qui la manipule a ouvert le feu également. Les détonations saturent le son et les vibrations dans l’air, provoquées par les coups de feu, brouille l’image qui tremble. Le rouge, juste le rouge. Le rouge sur une robe blanche. L’horreur.
L’annonce de l’attaque de l’enclave pharoise du Pontarbello avait été suivi par une communication relativement discrète de la part des autorités du Syndikaali, comme si celles-ci avaient tenue à préparer leur communication, ou à laisser monter l’émoi et l’incompréhension de la population face à une situation difficilement compréhensible.
Puis, un matin, avait été annoncé à la presse une prise de parole conjointe de la part de l’Amirale Iines, cheffe de l’état-major du Syndikaali, accompagnée du ministre de la Défense territoriale, le Citoyen Sakari, ainsi que du maire de Porto Mundo, Edmudo Estrella, du délégué présidentiel de la République Hafenoise, monsieur André Marquez, et de monsieur Filipe Guimor, représentant du Gouverneur de Shati Alqahwa, son Excellence Paolo O Prefeito.
L'Amirale Iines, le ministre Sakari de la Défense territoriale, le maire de Porto Mundo, Edmudo Estrella
Le délégué présidentiel André Marquez, le représentant impérial monsieur Filipe Guimor
Les quatre entités politiques à avoir perdu un ambassadeur ce jour-là, lâchement assassinés par une force militaire manifestement hostile au dialogue, et prête à toutes les horreurs, y compris bafouer les règles de la diplomatie internationale pour leur soif de sang.
Alors que cessait le crépitement des flashs d’appareils photos, le ministre Sakari, qui était le plus jeune du groupe, approcha son micro.
Je vais d’abord laisser la parole à l’Amirale Iines pour un bref récapitulatif de la situation, puis ces messieurs de Porto Mundo, de la République Hafenoise et de l’Empire Listonien prendront la parole, ainsi que moi-même, pour exprimer nos positions respectives quant aux suites à donner à cette affaire. Amirale Iines, je vous en prie. »
Iines : « Merci monsieur le ministre. La situation, mesdames et messieurs, et relativement simple au point que cela en puisse être déroutant. Comme personne ne l’ignore, le Syndikaali a signé le 4 octobre 2006 le Traité de Fraternité avec l’Empire Listonien, lui accordant, contre divers engagements politiques et militaires, une présence locale sur chacune des provinces impériales d’outre-mer. Un traité bénéfique à la fois pour l’Empire, qui peut encore aujourd’hui compter sur le soutien de la marine pharoise et de son économie, mais également pour les populations locales qui ont obtenu l’aide du Syndikaali lors de la crise impériale ayant coupé les populations locales de leur métropole. Shati Alqahwa, la République Hafenoise et Porto Mundo pourront en attester.
Au regard du Traité de Fraternité, une cinquantaine de militaires se trouvaient en Aleucie du sud, sur le territoire pharois de ce qui est aujourd’hui le Pontarbello. Une collaboration parfaitement pacifique avec les populations locales ayant mené, malgré une faible présence humaine, à divers actes de collaboration entre civils et militaire tout au long des trois années où les Pharois ont été sur place. Nous avons assisté, de loin, à la lente chute de la région vers un régime de plus en plus dictatorial et autoritaire, des rapports réguliers que notre présence sur place, en tant qu’observateurs, ont permis d’établir.
Nous pensons que c’est notre présence, à même de pouvoir dénoncer les crimes commis par les nouvelles autorités du Pontarbello, qui a conduit à la nécessité pour le régime de s’en prendre aux Pharois. Le 20 novembre 2008, comme le montre la vidéo que nous venons de passer, plusieurs diplomates venus des colonies listoniennes idépendantes se sont présentés face aux forces militaire du Pontarbello, enjoignant à l’ouverture d’un dialogue.
Notre souhait été, a minima, de pouvoir négocier, aux côtés des différents territoires indépendantistes, une position commune à tenir pour l’avenir de ces régions, lors des discussions avec l’Empire. Une position que le Syndikaali a tenu au Shibh Jazirat Alriyh, aux côtés de son excellence le Gouverneur O Prefeito et de ses équipes, ayant mené pour l’heure à une désescalade des tensions dans la région.
Je ne commenterai pas le triste spectacle que documente la vidéo, comme vous avez pu le constater, l’armée du Pontarbello a ouvert sur des civils, se rendant coupable de crimes de guerre envers plusieurs nations souveraines. Nous déplorons la mort du Capitaine Jaska, le délégué Pharois, de monsieur Fabricio di Flor le porte-parole de Porto Mundo, monsieur Arthuro Leon, le diplomate de la République Hafenoise et de madame Evangelista Isaias mandatée par le gouverneur O Prefeito du Shibh Jazirat Alriyh, ainsi que de six soldats de la marine pharoise, lâchement abattus lors de ces négociations.
Pour l’état-major Pharois, c’est un crime et une acte de guerre caractérisé, appelant à une réponse ferme et ambitieuse, je laisserai le citoyen ministre Sakari développer plus longuement. Je salue le courage des hommes tombés dans ce simulacre de combat, ils étaient des fils et des filles de la mer, nous ne les oublions pas. »
Sakari : « La parole est à monsieur Edmundo Estrella, maire de Porto Mundo. »
Estrella : « Bien. Je ne chargerai pas la mulle, ce qui s’est passé au Pontarbello est une crime qui aurait pu être évité avec un peu plus de préparation et deux fois moins de naïveté. Nous pensions que ces gens étaient disposés à discuter, ils ne le sont pas. Soit. Fabricio di Flor était un ami loyal, je n’ai pas pour habitude de laisser ce genre de saloperie arriver sans réagir. Porto Mundo rendra coup pour coup, cela je peux vous le garantir, et ces pseudos compatriotes pèseront très vite les conséquences de leurs actes.
Les Listoniens ne laisseront pas passer un pareil affront et j’engage ma responsabilité et mon honneur dans le rétablissement de cette opération. Je n’ai pas, comme ces messieurs-dames du Pharois, perdu de soldats au Pontarbello, mais je considère qu’aucun de mes compatriotes n’a à subir la présence d’une dictature métèque sur un territoire impérial souverain. Nous avons tout donné au Pontarbello, et voilà que sous la houlette d’un régime fantoche ceux-là se pensent en mesure de nous attaquer ? Ils découvriront rapidement ce qu’implique la colère d’Edmundo Estrella, et que ma croix de chevalier de l’Ordre de Saint-Hugo n’a pas été gagnée en assassinant des civils venus parlementer. »
Sakari : « Je… vous remercie monsieur le maire, monsieur André Marquez vous portez la parole de la République Hafenoise. »
Marquez : « Oui, je voulais avec vous partager ma peine et ma consternation face à l’évidence des crimes de guerre commis par le Pontarbello et qui font, bien entendu, s’inquiéter sur l’état du pays où pareil exactions sont commises impunéments. La dictature pontarbelloise n’a pas présenté d’excuses et elle semble multiplier les provocations diplomatiques, protégée qu’elle se croit par sa voisine l’Alguarena. Il y a assurément association de malfaiteur et un axe du mal se dessine en direct sous nos yeux peinés. J’ai… excusez-moi… »
Sakari : « Prenez votre temps… »
Marquez : « Je connaissez personnellement monsieur Arthuro Leon dont revoir la mort a été… dur… je vous l’avoue. La République Hafenoise est un petit territoire, c’est certain, et le conseil municipal ne compte pas beaucoup de gens, nous sommes pour ainsi dire une famille. Je pense à la veuve de monsieur Leon, Isabella, et les enfants qu’il laisse derrière lui. C’est un crime odieux, assurément, et nous condamnons avec la plus grande fermeté ces agissements assassins. Nous pensions pouvoir travailler, malgré nos divergences, avec le Pontarbello en tant que territoires listoniens indépendants mais la cruauté et la vilenie du régime ont empêché toute action allant en ce sens, j’en suis navré, vraiment. Il nous est impossible de reconnaître le Pontarbello comme l’un de nos pairs à présent, et ce qui aurait put être une belle indépendance semble se dessiner comme un massacre sordide. Ceux qui collaborent et collaboreront aujourd’hui et demain avec ce régime ont du sang sur les mains, assurément, et je pense malheureusement aux mercenaires de la Brigade Jaguar, un groupuscule militaire alguarenos qui s’était déjà rendu coupable de crimes similaires.
Tout cela n’augure assurément rien de bon et en tant qu’Aleucien, je me sens particulièrement concerné par ces événements. Nous allons prendre des mesures appropriées sur le territoire Hafenois, afin de nous protéger de toute ingérence équivalente et monsieur le maire José Esteban a annoncé qu’il prendrait contact sous peu avec le Pharois Syndikaali et la République de Saint-Marquise pour renforcer la protection militaire de ces deux nations sur notre sol, afin d’empêcher tout événement comparable de se reproduire.
A Port-Hafen, nous pensons que la paix est un processus qui se construit dans le temps, comme l’indépendance. Port-Hafen est la première colonie listonienne a avoir acté son indépendance, dans un moment où les temps nous étaient particulièrement défavorables. Aujourd’hui, grâce à la collaboration de nos alliés régionaux et internationaux, notre territoire se porte bien, malgré sa taille. Cet exemple, nous l’avons voulu inspirant pour les autres territoires d’outre-mer et nous pensons pouvoir envoyer un message simple : la démocratie, le débat, sont des valeurs cardinales pour l’instauration d’une paix régionale durable, voilà le chemin que nous avons souhaité montrer et incarner, loin de la violence et des crimes. Je vous remercie. »
Sakari : « Monsieur Filipe Guimor ? »
Guimor : « Je me permets de rebondir sur l’intervention de mon compatriote Hafenois mais d’abord, bien évidemment, je dois parler de nos pertes et mes pensées vont à la famille d’Evangelista Isaias. Une personnalité délicieuse et appréciée de tous à la cour de Son Excellence O Prefeito, également une diplomate de talent qui aimait les voyages plus que tout. Elle est née à Listonia en 1970 et est morte assassinée à 38 ans, après plus de dix ans à parcourir l’Afarée pour les services du Gouverneur. C’était un continent qu’elle aimait par-dessus tout, et je suis certain qu’elle aurait aimé y revenir et y passer encore de longues et heureuses années en compagnie de son fiancé. Evangelista, ce fut un honneur de te connaître et nous ne laisserons pas ton crime impuni.
Comme l’a esquissé monsieur Marquez, l’indépendance est un processus complexe et très circonstancié régionalement. Le Shibh Jazirat Alriyh en est un exemple frappant puisque, contrairement à nos compatriotes Mundistes et Hafenois, notre indépendance n’a pas été proclamé, bien que le Gouverneur O Prefeito ait plusieurs fois réaffirmé, soutenu par sa voisine Althaljir, la nécessité absolue de gagner en autonomie par rapport à l’Empire. L’indépendance, si l’on veut éviter les bains de sang, est loin d’être un long fleuve tranquille. En témoigne les événements du Kodeda et l’établissement de la dictature pontarbelloise. Pour autant, il est certains territoires où cela s’est passé sans heurts et je pense à la République Hafenoise, à Porto Mundo et dans une certaine mesure, à la Commune d’Albigärk bien que pour cette-dernière, le contexte historique en fasse un exemple peu généralisable.
Je ne me permettrai pas de conjectures abusives, néanmoins, je tiens à souligner tout de même qu’un facteur récurrent dans ces situations est toujours la présence du Syndikaali qui a su, par sa doctrine internationaliste, accompagner les régions vers plus d’autonomie, grâce à un processus démocratique et pacifique. Les Pharois ont toujours tenu parole quant à leur engagement vis-à-vis des populations locales et sans leur intervention, le Shibh Jazirat Alriyh aurait dépérit économiquement, plongeant mes cocitoyens dans la famine. »
Marquez : « Ce fut la même chose en République Hafenoise. »
Guimor : « En effet, nous sommes nombreux à pouvoir le confirmer. »
Sakari : « Je vous remercie. La fraternité n’est pas un vain mot au Syndikaali et nous avons toujours tenté d’apporter notre aide, sans la conditionner à une quelconque forme de domination ou de vassalisation. Ce sont les valeurs libertaires d’humanisme qui nous animent. »
Guimor : « Et sans aucun doute cela a contribué à vous voir accorder la confiance et le crédit de nos gouvernements respectifs, fussent-ils républicains comme à Port-Hafen, de gouverneur délégué comme au Shibh Jazirat Alriyh ou… »
Estrella : « ? »
Guimor : « Municipal.
Estrella : « Hmpf. »
Guimor : « Si nous avions des doutes encore hier, force est de reconnaître la pertinence des diagnostiques libertaires aujourd’hui : toute volonté indépendantiste doit s’ancrer dans un processus d’interconnexions régionales et menée par la volonté populaire. Ceux qui prennent leur indépendance sans pouvoir s’appuyer sur ces deux piliers ne peuvent que finir comme de sordides dictatures, massacrant ceux qui étaient hier encore leurs compatriotes. Pour tous les peuples du monde, deux chemins se dessinent désormais, le Pontarbello a cristallisé les limites d’un modèle, Port-Hafen, Porto Mundo ou le Shibh Jazirat Alriyh sont les expressions d’un autre et il appartient désormais aux populations qui se projettent dans l’indépendance de choisir leur destin en connaissance de cause. J’en ai terminé. »
Sakari : « Je vous remercie monsieur Guimor. En ce qui concerne le Syndikaali à présent, notre position et celle de l’état-major est claire : en pénétrant sur un territoire souverain Pharois, en assassinant des civils et des diplomates, et en ouvrant le feu sur des soldats Pharois, le Pontarbello s’est ouvertement rendu coupable de crimes de guerre à l’encontre des Pharois. La dernière fois qu’un tel scénario s’est produit, il s’agissait des exactions commises par l’Empire Latin Francisquien, ayant conduit à une entrée en guerre et la mise en place d’une Fatwarrr! sur décision du Doyen Pêcheur, en concertation avec le gouvernement du Syndikaali.
Les crimes du Pontarbello sont d’une gravité extrême, appelant à une réponse proportionnée et internationale. J’ai autorité, accordé par la majorité des deux chambres, et ratifiée par le Doyen Pêcheur, pour déclarer la Fatwarrr! à l’encontre du Pontarbello, ce qui implique la légalisation de tous les actes de pirateries qui ne soient pas des crimes de sang sur ses possessions terrestres et maritimes. A cela s’ajoute, concernant le Syndikaali, le bannissement des navires pontarbellois des ZEE pharoises et assimilées, coupant de fait plusieurs routes commerciales. Nous annonçons enfin la mise en place de sanctions économiques ciblées dont la liste détaillée sera fournie à la presse à la fin de cette conférence.
Il est évident qu’en l’état, nous avons conscience que ces sanctions ne peuvent à elles seules déstabiliser le gouvernement pontarbellois, toutefois nous attendons, au vu de l’évidence des crimes de guerre commis par ce régime, le soutien des nations frontalières, à commencer par celui du Grand Kah et des Îles Fédérées de l’Alguarena, sans quoi leur complicité avec le régime de Santialche serait un déshonneur et la confirmation de leur soutien à des Etats voyous.
Je prends à présent la parole au nom de nos quatre entités politiques, et sous le contrôle de ces messieurs leurs délégués ici présent, pour affirmer la non-reconnaissance du Pontarbello en tant qu’entité indépendante de l’Empire Listonien, mais comme un groupe terroriste et criminel ayant pris possession illégalement d’un territoire souverain sur lequel ils exercent la terreur et la rétention des populations locales. En conséquence de quoi, nous adapterons notre comportement politique et militaire pour nous adapter à ce nouveau contexte international. Je vous remercie de votre attention. »
Comprenant que les discours viennent de se terminer, les flashs des appareils photos reprennent alors que plusieurs mains se lèvent à présent dans le parterre des journalistes pour pouvoir poser des questions. Un assistant, resté discret jusque-là, s’avance sur l’estrade pour organiser le tour de parole.
Sakari : « En ce qui concerne nos concitoyens, nous travaillons actuellement à négocier leur libération qui sera effective le plus rapidement possible. Le Pontarbello est criminel, mais il connaît les répercussions politiques qu’aurait la maltraitance de prisonniers de guerre Pharois. La priorité du gouvernement est donc de trouver une porte de sortie pour nos concitoyens et nous vous tiendrons informés de l’évolution des discussions. En ce qui concerne les coups de mentons nationalistes, vous savez qu’il ne faut pas accorder trop d’importance à ce genre de chose. En se rendant coupable de crimes de guerre, le Pontarbello s’est ostracisé de la communauté internationale, autant vous dire qu’un tribunal international serait très national, les concernant, en plus de tourner à la parodie judiciaire. Je demanderai aux citoyens du Syndikaali de ne pas se laisser gagner par l’agacement au vu de ces comportements de matamores. Les Etats voyous survivent avant toute chose par leurs outrances et nous savons que la montée des tensions les sers en leur permettant de fédérer leur population autour d’un récit victimaire. C’est à nous qu’il appartient de ne pas entrer dans ce jeu. Comme dit le proverbe « froid comme l’océan ».
Journaliste 2 : Aapeli Esa, pour la gazette universitaire d’Albigärk, doit-on considérer les Îles Fédérées de l’Alguarena comme complices de la situation ? Sommes nous en droit d’attendre une collaboration de leur part ? »
Sakari : « Le Capitaine Mainio attendait la tenue de cette conférence de presse pour interpeller la communauté internationale sur les événements du Pontarbello et il est évident que nous considérons – au moins par défaut – l’Alguarena comme un partenaire dans la baisse des tensions et la libération des prisonniers de guerre. Etant donné le poids économique et militaire qu’exerce les Îles Fédérées sur le Pontarbello, leur responsabilité est engagée dans les exactions du régime et il est naturel d’attendre que le gouvernement d’Aserjuco prenne position, sans quoi les faits démontreraient son soutien politique à une dictature criminelle. »
Journaliste 3 : « Felicio Lua, pour El Diaro Mundo et monsieur Edmundo Estrella, vos mots sont durs à l’égard du Pontarbello, assez éloigné de la retenue professionnelle de vos homologues, ne craignez vous pas d’agraver les tensions que le ministre Sakari souhaite apaiser ? »
Estrella : « Pardon mais c’est du journalisme à charge que vous me faites-là ? »
Journaliste 3 : « Une simple question que se posent nos compatriotes. »
Estrella : « Je ne pensais pas mes compatriotes si demeurés alors, je crois plutôt que vous essayez de faire votre petit buzz sur un événement tragique. »
Journaliste 3 : « Non pas du tout… »
Estrella : « Laissez moi vous répondre quand même. Nous sommes face à un acte de guerre, qui, si ce n’était la bonne volonté du Syndikaali, aurait pu conduire à une intervention armée sur le sol du Pontarbello. Dans un contexte pareil, non les mots ne sont pas trop dur, ce qui est dur c'est de perdre des proches sous un feu nourri, voilà ce qui est dur, tout journaliste politique avec un minimum de cervelle se rendrait compte que face à des barbares, l’apaisement des tensions est aussi une démonstration de force, il y a des régimes qu’on calme avec une paire de claques. »
Journaliste 4 : « Sandoval Rogério pour l’Hafenois Libéré, monsieur Marquez, comment la République qui ne dispose pas d’armée propre, entend-elle contribuer autrement que diplomatiquement pour réclamer justice pour nos morts ? »
Marquez : « Je vous remercie pour votre question. Assurément Port-Hafen a conscience de son poids modeste sur la scène internationale. Néanmoins, contrairement au Pontarbello, nous pouvons compter sur un grand nombre de soutiens internationaux qui ont reconnu notre gouvernement et, permettez moi de le dire, la diplomatie est une arme, sans conteste, car elle mobilise derrière elle bien plus que ne le ferait un fusil brandit. Otre contribution sera proportionnelle à nos moyens, mais nous prendrons part autant que possible à cette demande de justice. »
Journaliste 5 : « Antonio Banderas, pour Porto Mundo Soir, monsieur le maire, vous vous êtes exprimé au nom de l’Empire Listonien lors de votre intervention, n’est-ce pas paradoxal de vous placer aux côtés de régions indépendantistes tout en revendiquant votre héritage impérial. »
Estrella : « Je m’appelle Edmundo Estrella, je suis né en métropole, qu’est-ce que je suis censé faire ? Renoncer à mes origines ? J’ai déjà payé le prix de la liberté pour mes compatriotes, en devenant un criminel aux yeux de mon pays d’origine, pour le crime d’avoir abandonné en rase campagne un Empereur impuissant, est-ce que cela veut dire que je dois haïr tous les Listoniens ? Pour la faute d’un seul homme ? Non, certainement pas ! Je reste attaché aux miens et je n’oublie pas que le Pontarbello est un territoire peuplé de compatriotes, soumis à un régime criminel, et ma solidarité vis-à-vis d’eux n’a rien à voir avec mon positionnement politique par ailleurs. Êtes vous à ce point binaire pour n’envisager le monde qu’en termes de calculs géopolitiques ? Bordel c’est la foire aux cons ou quoi ce soir ? »
Journaliste 6 : « Monsieur Guimor, votre présence ici au nom de Son Excellence O Prefeito acte-t-elle l’ambition de ce-dernier de se positionner politiquement comme porteur d’une parole indépendante à l’international ? Ou votre position est-elle également celle de la Listonie ? »
Guimor : « Ma position n’engage que la voix de Son Excellence le Gouverneur Paolo O Prefeito, je ne sais pas si l’Empire Listonien souhaite réagir ni son positionnement vis-à-vis du Pontarbello. Cela n’empêche pas Son Excellence, qui a mandaté sa déléguée et qui fut assassinée, de prendre position en son nom propre. Nous aussi n’oublions pas que nous comptons des compatriotes au Pontarbello et que nos pensées vont d’abord à eux, qui doivent désormais vivre sous le joug du régime de Santialche. »
Journaliste 7 : « Citoyen Armas pour le Trois Mats, le Pharois Syndikaali s’est-il rendu coupable de négligences en laissant sa base militaire peu armée face à une dictature hostile ? »
Iines : « Les choix ayant conduit à la situation actuelle sont en effet malheureux, néanmoins il faut également prendre en compte qu’un renforcement militaire dans la région aurait pu être perçu comme une marque d’hostilité vis-à-vis des puissances politiques voisines. Une position que nous savions intenable, et c’est ce qui explique le faible développement de ce territoire et la présence très limitée de soldats sur place. Nous estimions possible d’engager des pourparlers rapidement avec le régime de Santialche qui alors n’avait pas encore révélé son caractère criminel. Ce fut une erreur d’appréciation et nous le regrettons car nos concitoyens en payent le prix aujourd’hui. Néanmoins, il a été convenu qu’il n’y avait pas vraiment de solution convenable pour la situation très précaire de ce territoire, n’étant pas stratégique militairement et souffrant d’un manque de compétitivité évident par rapport aux routes commerciales du Grand Kah, au sud. Peut-être que la meilleure solution aurait été de tout simplement l’abandonner, mais nous tenions à nous rendre disponible pour les populations locales, comme nous l’avons été à Port-Hafen, Porto Mundo, Jadida et dans la plupart des autres territoires ultra-marins de la Listonie quand ceux-ci furent coupés de la métropoles et livrés à eux-mêmes. »
Journaliste 7 : « Portez vous le même diagnostique sur les autres enclaves qui pourraient faire l’objet d’une conquête militaire rapide de leurs voisins ? »
Iines : « L’état-major a observé chaque situation au cas par cas et à ce jour, hormis l’enclave du Tahoku, il ne nous apparaît pas que celles-ci soient menacées par des pouvoirs autoritaires. Dans quasiment tous les cas nous avons pu établir des liens diplomatiques solides avec les puissances régionales ce qui nous rend confiants vis-à-vis du futur de ces régions. Par ailleurs, ces enclaves ne semblent pas avoir émis le souhait de se diriger vers l’indépendance, de fait elles sont toujours des territoires listoniens souverains et il n’est pas de la responsabilité politique ou militaire du Syndikaali de défendre l’empire de la Listonie, notre présence est avant tout une aide pour les locaux, et une force de dissuasion. »
Journaliste 7 : « Qui n’a pas très bien fonctionné au Pontarbello. »
Iines : « Pour le moment. »
Journaliste 8 : « L’écho des dunes pour monsieur Guimor, même question que mon confrère de l’Hafenois Libéré, quelle marge de manœuvre possède le Shibh Jazirat Alriyh en tant que territoire rattaché à l’Empire ? Les positions d’O Prefeito engagent-elles plus que sa parole ? »
Guimor : « A l’image de nos compatriotes de Port-Hafen, Son Excellence le Gouverneur jouit d’une popularité certaines dans les milieux aristocrates listoniens et appartient à la famille éloignée de l’Empereur. Nul doute que sa voix saura trouver son oreille. Par ailleurs, nous pouvons compter sur le soutien de l’Althlaj qui fut toujours à nos côtés dans les situations critiques, ainsi, non, la parole de Son Excellence porte assurément plus loin que sa seule province. »
Sakari : « Bien, je vous remercie pour vos questions, nous allons à présent laisser la parole à la presse internationale. »