I) Une sélection des cadres de plus en plus exigeante : l’influence de DGrassi dans la nomination du personnel
En premier lieu il convient de décrire ce qu’est l’armée républicaine avant de faire état de ses évolutions récentes. L’armée velsnienne est avant tout l’expression du besoin de défense corps civique de la République. 80% des effectifs réguliers de l’armée sont temporaires et levés qu’en cas de guerre, autrement dit, à l’heure actuelle il n’y a que sur 70 000 soldats théoriques, qu’environ 10 000 qui l’ont choisi pleinement pour carrière, formant un noyau dur professionnel. L’armée est indissociable de la classe censitaire à laquelle le citoyen appartient, car c’est en se fondant sur sa classe que l’on détermine la place du velsnien ayant effectué son service militaire, dans sa structure. Autrement, c’est traditionnellement les moyens que l’on est prêt à mettre dans la chose militaire qui détermine le rôle que l’on y aura, ce qui résulte d’une vénalité des charges et de la force du phénomène de cooptation et de clientélisme comme moyen de recrutement des officiers. Par exemple, il est en théorie obligatoire d’être sénateur, en plus d’être au-dessus d’un certain seuil de revenu pour obtenir un poste supérieur à celui de commandant de régiment. Telle est la première règle organisationnelle de l’armée de la cité.
Du moins c’était le cas, car depuis l’épreuve de la guerre civile et l’avènement du gouvernement Visconti, un certain nombre d’évolutions ont été observées. L’organisation de l’encadrement militaire telle que décrit, a été respecté à la lettre dans les armées du Triumvir Scaela et celle du Triumvir Vinola. Mais il se trouve que la victoire est revenue à Frederico DiGrassi. Pourquoi ? C’est la question que l’on s’est posé dans le milieu de la chose militaire au pays. Technologiquement, les troupes digrassiennes n’avaient pas un réel avantage, si ce n’est le concours d’alliés. En terme d’effectifs, l’armée digrassienne était relativement égale en effectifs à l’armée scaelienne. Il n’y avait pas non plus un écart abyssal dans la qualité de l’entraînement, qui était sensiblement la même dans les trois armées, avec un léger avantage pour DiGrassi dans ce domaine nonobstant. Fondamentalement, nous avons eu une guerre entre trois armées dont la plupart des effectifs était conscrite et temporaire. Ou mercenaire, ce qui est également courant dans l’usage que les velsniens font de la guerre.
Et si l’une des causes de la victoire n’était pas tant les effectifs des hommes du rang que composaient les armées que ceux de son encadrement ? Car dés le déclenchement du conflit, force est de constater une différence fondamentale dans la composition du commandement militaire de DiGrassi et de Scaela. Scaela a donné carte blanche à Andrea Tomassino pour l’organiser comme il l’entendait. Tomassino est un commandant d’armée respecté certes, mais qui s’appuie sur une ossature traditionnelle d’une armée velsnienne. Autrement dit, ce dernier a dû ménager les sénateurs nommés aux postes du commandement par le Sénat, alors sous la coupe des scaeliens, et leur confier des responsabilités qui parfois, étaient bien au-dessus des compétences de parlementaires qui pour beaucoup n’avaient jamais eu d’expérience de la guerre (le dernier conflit de la République remontant aux années 1990). Tomassino est conséquemment parti avec un désavantage qui allait de pair avec l’omniprésence des sénateurs : la lutte des égos et du placement des clientèles respectives de ces derniers dans le corps des officiers de l’armée paraît avoir lourdement handicapé son action.
Qu’en était-il en face de l’armée digrassienne ? Paradoxalement, il se pourrait bien que le fait qu’une petite minorité de sénateurs ait rejoint les rangs de son armée, ait été en réalité bénéfique. DiGrassi a été pour ainsi dire débarrassé, sans même le vouloir, du poids du Sénat dans les décisions militaires. Certes, il a respecté le rang de ceux qui l’ont rejoint, leur confiant souvent des postes à responsabilité (Les deux tiers des régiments étaient toujours commandés par des sénateurs dans l’armée digrassienne), mais la décision finale lui revenait toujours dans la nomination de son personnel encadrant et de ses officiers, qui étaient fidèles à lui, et non au Sénat, malgré la revendication d’en incarner l’autorité légitime. Ironiquement, pour se défendre de la revendication de Scaela d’accéder à une forme de plein-pouvoir sur la République, nous avons ainsi assisté à la montée en puissance de DiGrassi en matière de nomination des hauts cadres de l’armée velsnienne. Et cela a entraîné une grande mutation dans la hiérarchie militaire. Là où autrefois le Sénat se partageait les différents postes de l’armée au gré des différentes propositions du conseil communal, c’est maintenant le Maître de l’Arsenal qui a la main quasiment pleine et entière en raison de son influence au sein du gouvernement communal. DiGrassi a ainsi, nommé à des postes à responsabilité des citoyens qui dans le système républicain ordinaire, n’auraient pas eu l’occasion, en particulier au sein des officiers du rang, sans tenir compte de leur appartenance à une classe censitaire distincte. Cela a trois conséquences : une montée de gamme du commandement de terrain, la formation d’une « élite militaire » parallèle à l’aristocratie sénatoriale et la main mise désormais absolue de Matteo DiGrassi sur tout ce qui touche aux affaires militaires au sein de la Grande République. Paradoxalement à ce contrôle, DiGrassi s’est attaché à laisser à ces derniers une grande marge de manœuvre dans le cadre des opérations, privilégiant les prises d’initiative individuelle. N’hésitant parfois pas à couvrir certains d’entre eux en cas d’erreurs tactiques, sauf lorsque ces erreurs, répétées, laissent apparaître une forme d’incompétence.
Curieusement, DiGrassi ne semble pas prendre avantage du contrôle accru que le Bureau de l’Arsenal exerce désormais sur l’armée au profit du Conseil Communal, harmonisant volontiers ses ambitions personnelles avec celles des autres membres du gouvernement, là où il aurait en théorie assez de pouvoir pour écraser toute opposition au sein de ce dernier. De même, DiGrassi paraît de plus en plus absent aux grands débats animant le Sénat, comme s’il opérait progressivement un retrait politique de toutes les questions qui ne concernent pas le domaine de compétence de sa fonction de Maître de l’Arsenal, ayant même accepté de céder une partie du portefeuille de la diplomatie au Bureau nouvellement formé du « Grand Commerce et des étrangers ». Si les multiples réformes dans ces autres domaines que connait le pays depuis l’élection du gouvernement actuel étaient comprises dans le « pack » de propositions de DiGrassi, ce n’est désormais plus lui qui les met en avant, se contentant d’une position de gardien des institutions républicaines. Il est loin le temps où des sénateurs isolés pouvaient déclarer des guerres à eux seuls.
II) Modernisation et massification de l’équipement : pour quelle raison ?
Nul n’ignore au gouvernement le poids considérable de la dépense militaire le budget de l’Etat velsnien. Cependant, cela n’a pas toujours coïncidé avec une montée en gamme de la qualité des effectifs, en particulier à cause de la corruption longtemps inhérente à cette institution. Les choses, là aussi, ont bien changé. Les effectifs de l’armée velsnienne n’ont pas simplement triplé en deux ans, mais la dotation en équipement à, elle aussi, suivi les demandes du Bureau de l’Arsenal. Commencé dés le gouvernement Dandolo, le Bureau de l’Arsenal n’a jamais cessé les commandes pour satisfaire l’armée terrestre, la Marineria s’appuyant toujours sur les productions nationales, conformément aux demandes du Sénat. Si vous croisez un soldat velsnien ou même un garde civique, il y a de fortes chances qu’au moins 70% des équipements qu’il porte sur lui soit issu d’une importation alguareno ou kah tanaise, ces deux pays ayant remplacé progressivement tous les autres fournisseurs dans un besoin de standardisation du matériel, qui a posé certains problèmes au cours de l’année 2012.
Nous sommes tous au fait de ce réarmement massif de la Grande République, mais quels buts remplit-il ? Et pour quelle armée ? Pendant des décennies, l’armée velsnienne a été confinée à un rôle de contre-terrorisme dans le cadre des actions de l’AIAN en Achosie du nord, et était parfaitement adaptée au combat asymétrique. Mais il faut être lucide : la nature du matériel, parfois de l’artillerie lourde et dédiées à de l’infanterie lourdement motorisée, n’est pas faite pour ce type de combat. De ce point de vie, il semblerait que l’armée velsnienne a profondément évolué, passant d’une armée de maintien de l’ordre et de défense statique à petite échelle, à ce qui ressemble à une armée motorisée, dont le matériel se raccorde davantage à des opérations fondées sur la vitesse d’exécution, et dont les effectifs permettent désormais l’occupation à long terme de territoires vastes. En d’autres termes, l’armée velsnienne paraît prête pour une guerre. Mais contre qui ? L’armée velsnienne et le Bureau de l’Arsenal, sont des institutions particulièrement opaques, mais nous sommes en droit d’émettre des suppositions. Nous pourrions par exemple penser que la conception de la guerre par DiGrassi a connu une évolution avec le conflit du Triumvirat. La défense par l’attaque préventive, tel que conçu par l’OND, paraît avoir eu une influence sur ce dernier.