
Dates : 1 semaine du 15 au 31 octobre, définie chaque année selon pleine lune
Genèse
La croyance faite autour "des âmes vides" est apparue dans les années 1650 à 1660 en Ujax, à l'initiative du gouverneur provincial. L'objectif était d'amoindrir la criminalité et de permettre le déroulé discret de manoeuvres, sur un territoire colonisé encore faiblement institutionnalisé, du fait de son éclatement sous une configuration archipélagique. En effet, là où la Felicize s'est vue colonisée en 1600 par les colons protestants du Royaume de Skibedon, l'aménagement et l'institutionnalisation notable du territoire ne se sont faites que bien après. Une période de transition, pour ne pas dire de flottements, qui amenait certains groupes bandits à sévir dans les terres, à la faveur de la nuit. Par ailleurs, il est également nécessaire de préciser que la guerre contre les catholiques de l'Empire d'Arobelas battait son plein et nécessitait de maintenir un brouillard de guerre sur son ennemi pour ne pas lui permettre des initiatives dommageables sur le territoire felicizien. La recrudescence des actes de brigandages envers les colons et possiblement des représentants de la monarchie de Skibedon, ajoutée au risque d'incursions hispaniques de l'Empire d'Arobelas par les côtes, pouvaient revêtir une menace critique sur le devenir de la guerre des colonies entre catholiques et protestants, s'il était avéré que les autorités royales de Skibedon ne pouvaient plus percevoir l'impôt et déplacer des fonds sur son territoire.
La légende des âmes vides, entre menace et opportunité.
Dans ce contexte, le gouverneur Rupert Murray pour le compte du Royaume de Skibedon en Heenylth (nom d'une ex-province coloniale de ce qui allait devenir l'actuelle Felicize), exprima le souhait d'organiser une légende autour des croyances et des superstitions, pour servir deux besoins stratégiques:
- motiver un climat de peur autour d'une période de l'année, où la présence de patrouilles sur les routes serait renforcée et justifiée, tandis que l'activité des riverains nettement moindre
- opérer toutes les transactions financières périodiques sensibles, comme le déplacement de fonds par voie terrestre puis maritime, à destination du Royaume protestant de Skibedon, en évitant les activités nocturnes et routinières de la population qui seraient susceptibles de rapporter certains évènements aux ennemis catholiques.
Mais la création d'une légende doit toutefois s'appuyer sur une part de vérités incontestables pour alimenter l'imaginaire collectif. Par chance pour lui, les terres colonisées de l'actuelle Felicize abritaient des cultures différentes, partagées entre des communautés de colons et natifs. Les spéculations faites autour des modes de vie des natifs allaient donc déjà bon train, bien avant cette entreprise, alimentant un lot de rumeurs persistant. Il est aujourd'hui acquis à l'Histoire, que le gouverneur Murray a directement orchestré des manifestations inexpliquées dans les provinces heenylthaines de la mi-octobre à début novembre. Silhouettes difformes aperçues de nuit sur les sentiers des principaux points de passage des actuelles provinces d'Ealedun et de Bentford, massacre par la lame d'un cheptel en plaine, sigles et autels fallacieux en forêt, disparition d'un voyageur de nuit, les supercheries organisées par le gouverneur furent suffisamment nombreuses pour marquer d'une pierre noire la deuxième quinzaine d'octobre, avant de tout stopper aussi brutalement que ça n'avait commencé en novembre.
Craignant cependant que les citoyens excédés ne mettent en porte-à-faux sa gestion de crise, le gouverneur et ses complices se sont arrangés pour que le dernier évènement de la quinzaine, à savoir la disparition d'un voyageur et marginal prénommé Douglas Hyde, puisse permettre la fomentation d'une hypothèse l'identifiant suspect. Des procès-verbaux, consignés par le bailli de l'époque, mettent en exergue une situation financière et familiale dégradée pour ce quinquagénaire dont des faits de violence sur la voie publique ont pu être relatés ainsi qu'attestés par des témoins. A leur avantage, il ne sera jamais fait mention d'une réapparition de Douglas Hyde en société après le signalement de sa disparition par le responsable d'exploitation qui l'employait et sa culpabilité autour des évènements intervenues dans la région de l'Ujax, resteront présumés.
La rumeur publique, fera quant à elle état de la présence d'une fosse commune dans la région de l'Ujax et renfermant les corps de 42 natifs massacrés pendant l'ère coloniale en 1600. On racontait alors que les travaux d'urbanisme portés par les autorités coloniales, s'étaient trop étendues à proximité des sépultures, enterrées sans les égards des us et coutumes natifs. Certains membres de la communauté native pacifiée, ont largement contribué à renforcer cette théorie, destinée à donner du crédit à leur culture et à leurs croyances, dans un monde en pleine mutation. Avec l'accord des autorités provinciales, les restes des 42 victimes furent exhumées et de nouveau inhumés selon les rites natifs le trimestre suivant cette sordide histoire, mais il fut convenu par la pensée collective, que chaque année à la même période, les ménages fassent preuve de discrétion et de sédentarité à la maison le soir venu, pour permettre aux restes des autres natifs tués sous la période de conquête coloniale, de rejoindre les terres consacrées où ont été inhumées ces 42 personnes retrouvées.
Dans le soucis de préserver l'intégrité des biens et des personnes et si l'on en croit les registres des décrets d'époque, les autorités eurent même à trancher une série de mesures instaurant un couvre-feu sur différentes régions, motivant l'arrestation de toutes personnes trouvées sur les routes à la nuit tombée durant cette quinzaine et celle de l'année qui suivit, tandis que les registres de trésorerie de l'établissement bancaire provincial ont fait état d'une série de mouvements financiers à destination du Royaume métropolitain sur la même période.
Il faudra indubitablement attendre de retrouver partie de la correspondance privée du gouverneur et d'un aristocrate local pour entériner la supercherie. Une missive dans laquelle le gouverneur se réjouissait du décompte permis des sommes envoyées à la couronne sans heurts sur les routes, qu'elles soient provoquées par des brigands ou des catholiques.
Les historiens viennent quant à eux regarder l'issue de ces évènements avec un certain pragmatisme, leur reconnaissant une utilité circonstancielle eu égard à la guerre de religion en cours à cette époque et le risque réelle que brigands et catholiques ne tentent de s'accaparer l'or colonial du Royaume de Skibedon, dans des provinces encore bien morcelées et insulaire pour se voir sous contrôle total des autorités coloniales.
La semaine des âmes vides, de l'épouvante aux festivités.

Bien heureusement, la croyance faite autour de la semaine des âmes vides, est depuis davantage tournée vers les festivités que l'effroi, impliquant petits et grands dans des moments de célébrations et de partages. Ainsi donc chaque année, sur une période que l'on identifie comme la 2e quinzaine d'octobre, les feliciziens défilent au travers de faux cortèges funèbres hauts en couleur, pour "remplir les âmes" des victimes de la conquête coloniale et les guider vers les principaux sites de terres consacrées dans le pays. Une façon de se "racheter" et d'offrir à la communauté native, une nouvelle opportunité d'entretenir la promotion de son patrimoine culturel, dans un pays où les identitarismes conservent une dynamique prospère.