Posté le : 11 sep. 2025 à 20:54:39
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Illustre excellence, la droite fortunéenne au cœur, informations offertes par le Groupe Altarini a écrit : 22 juillet 2017
Tyrannie et monarchie, la grande hypocrisie velsnienne
Deux définitions du despotisme reviennent sans cesse dans la littérature classique velsnienne : le despotisme est un régime arbitraire qui ne connaît pas de loi, affirment certains textes, alors que pour d’autres, le despote gouverne égoïstement dans son seul intérêt. Mais qu’est-ce qui l’empêcherait de traduire l’oppression gratuite en corps de loi, de devenir un despote reconnu par la loi ? Car, de toute façon, il ne peut gouverner sans assurer l’ordre public, et son pouvoir serait celui d’un vulgaire bandit s’il ne faisait pas de la politique, s’il ne prenait pas les mesures favorables à certains intérêts matériels qui ne concerneraient pas seulement les siens, tout en se préoccupant constamment de son maintien au pouvoir.
La politique pratiquée par le despote est souvent contraire aux intérêts matériels et immatériels d’une petite ou grande partie de ses sujets et les défavorisés seront soit privés de leurs biens, soit surtout sevrés de libertés. Le despote aura alors recours à la violence pour imposer une politique arbitraire ou légalisée, mais toujours au service du pouvoir, et l’appareil d’Etat fera progressivement prisonnière la collectivité dont il émane, dont il est l’organe. Se délectant de plus en plus dans l’exercice de sa dictature, gouvernant selon une vision, une sorte d’apostolat et savourant les servitudes qu’il fait peser sur ses sujets, il voudra être obéi au doigt et à l’œil. Se souciant de sa popularité, il pourra être momentanément détesté par la plèbe qui, le plus souvent, ne tardera pas à le flatter et à l’adorer. Allégations mensongères d’une part et compliments de l’autre excluront tout avertissement, tout conseil.
Le despotisme, dit-on, vire immanquablement à la tyrannie, mais la notion de tyran reste ambiguë et confuse; pour l’époque antique, il suffit de penser à un personnage aussi déconcertant que Dino Scaela. Aux yeux du Sénat, c’était un tyran, alors qu’auprès de la plèbe de Velsna, il a joui d'une très grande popularité, et qu'une bonne part de la population apprové son coup d'état. Il cherchait d’ailleurs autant l’exercice du pouvoir que le besoin de plaire pour se faire adorer face aux contestataires. Pourtant, loin d’être seulement un tyran égoïste, comme ceux qui l'ont vaincu essaient de le faire croire en rasant son palais, et en saccageant toute iconographie de sa personne, Scaela fut longtemps encensé par la plèbe de la capitale, car il fut le premier sénateur velsnien à répondre à un vœu onéreux, mais depuis longtemps réclamé par le peuple velsnien: celui du lancement d'un vaste programme d'aménagements publics, qui participèrent à l'édification d'une légende dorée de Scaela. Du reste, le Sénat ne le détestait que pour le tort grave et inutilement ruineux des bienfaits complaisamment répandus sur la populace. Alors que la plèbe cherchait à se faire aimer par l’oppresseur, le Sénat, taraudé par sa susceptibilité chatouilleuse, voulait être avant tout respecté. La dignité qu’il revendiquait n’était donc nullement, comme il le prétendait, le rempart de la liberté commune, mais une revendication égocentrique et exclusive. Afin que le «peuple» soit docile et obéisse volontiers aux directives et à tous les agents du tyran, celui-ci lui fera sa cour et le comblera de réjouissances publiques, faisant progressivement aimer le régime en sa personne.
Dans l'espace public , les tyrans se feront acclamer par le «peuple» et, forçant le trait, ils auront la prétention de se faire acclamer par le Sénat lui-même. Alors qu’ils n’hésiteront pas à opprimer nombre de sénateurs et à les acculer au suicide, en les accusant de lèse-majesté ou de haute trahison. A propos de ces tyrans et de leurs comportements, le sénateur Visconti, d temps de la tyrannie de Squillachi (1602-1604) raconte une scène dont il fut, en même temps, le spectateur et l’acteur. La scène se situe au champ de course de Munda, et celui-ci participe aux épreuves hippiques, chevauchant en personne, les bêtes dans l’arène. Comme on le leur avait ordonné, les sénateurs l’ont acclamé, avec les slogans obligatoires désormais officiels: " Tu es le maître, tu es le premier, tu es le vainqueur à jamais ". Squillaci, lors d'une cérémonie publique, vient de tuer une autruche : "Il lui coupe la tête et s’avance vers la partie de la tribune où nous autres sénateurs avons pris place et tend vers nous la tête de l’autruche de sa main gauche, sans un mot, avec un hochement de tête et un mauvais sourire". Dans l’hommage qu’il leur fait là des dépouilles, les sénateurs reconnaissent ou croient reconnaître une menace silencieuse sur leur propre tête. Mais sur le moment, la difficulté fut pour eux de ne pas rire : " Nous avions tous plus ou moins envie de rire que de pleurer, mais il nous aurait tous massacrés avec son épée si nous avions ri. Alors je pris le parti de mordiller des feuilles de lauriers de ma couronne, et je suggérai à mes voisins de faire comme moi, pour que le mouvement incessant de nos lèvres déguisât notre envie de rire.".
Jaloux de son autorité, le tyran veut que sous lui tout soit peuple, mais il préférera la plèbe. C’est elle le peuple où il se sentira à l’aise, dont il saura se faire aimer, alors que les sénateurs lui font ombrage. La conduite de ces tyrans décriés, de ces monarques tyranniques qui manquent de respect à la caste qui s’élève plus haut que les têtes de tous leurs sujets découle, d’une attitude impérieuse qui détermine leur comportement. Refusant de prêter attention et de se rendre accessibles aux plus aptes, ils finissent par négliger les affaires, par faire des coupes sombres dans leur propre faction, par s’adonner aussi parfois à la boisson et à des amours honteuses. Mais c’est le sénateur Déria (XIIIème siècle) qui dessine l’idéal type de ces potentats:
" Vinrent des patrices qui, par droit de naissance, avaient succédé à leur père et avaient, matériellement, tout le nécessaire et même plus. Voyant cette abondance, ils cédèrent à leurs appétits et estimèrent que les gouvernants devaient se distinguer de leurs sujets par le vêtement, que leurs festins devaient être dressés tout autrement… Lee Patriciat se changeait en tyrannie, cependant que le régime commençait à être ébranlé par des conspirations".
Ces complots, affirme Déria, sont dus à la fierté des couches dirigeantes : " Ce n’étaient pas les gens du plus bas peuple qui conspiraient ainsi, mais les hommes les mieux nés, les plus fiers et les plus hardis, car eux supportaient plus que mal que tout le monde les abus de leur maître ".
Mais à Velsna, à vrai dire, les sénateurs voulaient-ils vraiment gouverner ou, du moins, diriger ? Car un non vouloir latent nourrissait un déchirement intime, cause profonde du conflit entre le pouvoir executif et le Sénat. Les relations n’étaient qu’une succession d’hypocrisies et les sénateurs en voulaient paradoxalement au prince de leur propre incurie. De fait, ils étaient soulagés de laisser mes tyrans les décharger du fardeau gouvernemental.
Lorsque les patrices héréditaires étaient en présence d’une noblesse, d’une caste haute à respecter, les relations étaient habituellement sereines et se déroulaient sans arbitraire et sans morgue. Mais quand l’un des partenaires faisait défaut, l'ambition pointait à l’horizon. Dans un premier cas, le potentat traitait avec mépris l’assemblée et les grands commis de l’Etat, ravalés à la condition de simples fonctionnaires, et dans un deuxième cas, la crainte de perdre le trône fera voir en chaque compétence reconnue la menace d’un dangereux concurrent, d’un compétiteur à éliminer. Lorsque les relations entre l’executif et l’assemblée étaient confiantes, on avait donc un prince méritant, mais à l’opposé, on n’avait plus que des tyrans fous, massacreurs de sénateurs.