22 juin 2011
Après quatre mois passés sur le terrain, entre Lyonnars et Dolinne, l'agent "Pissenlit", agissant jusqu'à lors seul, envoie son premier rapport à sa hiérarchie, dans l'attente de renfort. Un réseau consistant a été constitué à grande vitesse pendant ce temps. Il n'a cependant pas permis d'anticiper les dernières manœuvres du pouvoir loduarien.
Sous une pluie déprimante en cette saison de l'année, une route. Un embranchement, un panneau routier. À droite, "Beaumont-le-T. 15 km" et à gauche, "Libreville s/Cogne 9 km". Bref, le trou du cul de la région de Dolinne. Au bord de la chaussée, un homme vêtu d'un ciré gris se tiennait dos au panneau, arc-bouté pour protéger son téléphone de la pluie. Au dessus de lui, une mouette égaré cria. L'Homme sursauta. "Saloperie" pesta-t-il.
Cela faisait trois kilomètres qu'il marchait sous le crachin, suivant son chemin au GPS. Et trois kilomètres, c'est beaucoup trop quand on sait qu'on les fait pour rien. Il reprit sa route, et après quinze minutes, il arriva devant un calvert boisé dont la croix avait été abattue à la hache par les services de l'Etat. Les paysans l'avaient transportée deux mètres plus loin et replantée pour continuer de la vénérer. Ainsi le socle en granit rose de ce qui avait été autrefois du travail d'orfèvre celtique était recouvert de mousse et de lierre. Pissenlit glissa sa main le long du bloc de pierre, pour y trouver une fente de vingt centimètres de long. Il y déposa une enveloppe. Voilà, le colis était livré. L'agent de la DDSE avait bien essayé de convaincre sa hiérarchie : passer par l'ambassade, la valise diplomatique, gagner du temps... Mais le Colonel Picotous avait insisté pour qu'il y ait au moins un intermédiaire entre lui et les services diplomatiques gallèsants. Une absurdité, comme toujours avec les services secrets du Duché, qui continuaient de fonctionner comme au XXème siècle. Il rebroussa chemin et rejoignit sa voiture garée trois kilomètres plus loin. Une fois au sec il regarda ses messages. Un nouvel agent qui devait arriver aujourd'hui de Lyonnars lui avait envoyé "je suis à la gare de Beaumont-le-Tertre". Il mis le contact et démarra pour rejoindre la gare.
La semaine d'avant, celui qui était officiellement Thémond Graviot, conseiller auprès du Consul de Gallouèse à Dolinne, avait envoyé son premier rapport sur l'avancée de ses travaux. Vétéran des opérations au Magermelk, il n'avait eu aucun mal à s'éviter le regard de la police loduarienne, bien que celle ci soit particulièrement paranoïaque concernant les ressortissants étrangers et que son domicile faisait preuve d'une surveillance continue. Il avait déjà rencontré le préfet de la région, l'officier supérieur commandant le secteur, le maire de Lyonnars, ou encore plusieurs députés du Parti à l'ADLPC. Il avait également demandé à rencontré l'officier en charge du centre pénitencier, ce qui lui avait été refusé. C'est pour cette raison qu'il lui fallait de nouveaux agents. Deux étaient déjà arrivés et s'étaient postés à Lyonnars, comme employés au Parlement et à la Demeure et Bureau du Secrétaire Général. Le dernier qu'il venait de réclamer lui servirait à approcher le commandant de la prison, sur le plan personnel. La région de Dolinne était sa nouvelle priorité. C'est ce qu'il d'expliquait dans la lettre qu'il venait de "poster". Car il y avait du nouveau. L'État de Dictature militaire venait de prendre fin. Cela signifiait un relâchement de la pression constante qui pesait sur la population, et que Graviot avait constaté dans tous les milieux qu'il avait traversé. Dans son rapport Graviot émettait les conclusions suivantes : "La Nation Communiste de Loduarie reste une dictature oppressive au moment où j'écris ces lignes. Les opposants sont néanmoins invités à prendre part aux élections de 2013. Cela signifie que pendant deux ans, Geraert-Wotjkowiak a les mains libres pour opérer et donc qu'il faudrait maintenir nos opérations de surveillances. J'ai cependant l'honneur de recommander à ma hiérarchie de s'assurer au plus vite, par voie diplomatiques, des attentes du Secrétaire Général concernant la sécurité général et la transition démocratique dans son pays". De son côté, il promettait de "renforcer sa capacité d'anticipation", notamment en renforçant ses "oreilles" dans la capitale. Pour ce faire, l'arrivée de renforts devenait une nécessité.
À Melensis, le document parcouru le cabinet de la Défense. Le colonel Picotous l'étudia d'abord avec attention, puis le Directeur Tilleul se le fit compiler, et le Général Ventura le réclama à son tour ; avant qu'il ne soit envoyé à Ligert, d'abord Rue Créneau, au ministère des armées, puis au Quai de Ligor. Le Président Exécutif Farche pris connaissance de la partie le concernant, et conscient que rencontrer le Secrétaire Général Geraert-Wotjkowiak, qui n'avait pas le vent en poupe, serait une très mauvaise opération politique, il appela Michal Trëvenon. Ce dernier connaissait le sujet, il avait eu une note le matin même. Ainsi, pas plus fou que son rival, il refusa. Il accepta toutefois d'envisager un coup de fil à son homologue loduarien. Farche appela ensuite le ministre des affaires étrangères, qui refusa, mais qui pris sur lui d'organiser une rencontre entre l'ambassadeur et le Secrétaire.